Il avait senti la main se poser sur son épaule avant d’enregistrer la question –elle avait flotté aux frontières de ses perceptions sans être vraiment entendue ni être enregistrée–. Il s’était raidi, surpris, pensant avoir été appréhendé par quelqu’un le prenant pour un drôle d’énergumène potentiellement dangereux. Et puis, il avait senti la poitrine pressée dans son dos, si volumineuse qu’il avait un instant douté de ce qui le touchait –heureusement que la mère d’Eihjo pouvait lui servir de référence–. En prenant conscience de ce que c’était, il fut partagé entre soulagement, excitation et angoisse croissante.
L’inconnue à la voix douce et chaleureuse lui proposait d’entrer pour s’installer au bar, mais que répondre à ça ? Qu’il avait entendu que les lieux étaient peuplés de créatures aux capacités surnaturelles, et que ça lui faisait une peur bleue ? C’était complètement débile, et puis, il devait bien entrer pour voir ce qu’il en était –et, avec de la chance, l’immortaliser–.
Enfermé dans son hésitation, il avait tenté de se tourner légèrement pour voir qui l’avait accosté ainsi. Une rabatteuse ? Elle était plus âgée que son esprit de profane absolu l’aurait pensé pour quelqu’un travaillant là –non pas qu’elle fasse vieille !–, mais, sans trop savoir pourquoi, son instinct lui cria que cette femme travaillait là, et son pressentiment fut confirmé une seconde plus tard. Mince ! Plus question d’hésiter maintenant qu’on l’avait abordé en premier, n’est-ce pas ?
« Ah ! Ah j-j-jeee… Ou-oui ? Oui. Oui, d’accord ! »
Il avait bafouillé avant de trouver la ressource et la capacité de s’exprimer correctement et affirmativement. Il commençait assez mal s’il voulait être pris au sérieux. Heureusement, sans le savoir, il était tombé sur la Nyora parfaite pour son cas ! Quelque chose chez elle le mettait en confiance et le convainquait de l’accompagner dans sa tanière. En tout cas, elle ne lui inspirait qu’une confiance chaleureuse jusqu’à ce que, s’écartant d’elle pour se retourner et lui faire face, il découvre la tenue qu’elle portait. Il sentit sa température grimper de quelques degrés malgré lui et une autre motivation le gagner.
Non ! Je dois rester concentré !
Un peu de plaisir au travail n’a jamais fait de mal, enfin…
Ne commence pas !
Voilà qu’il repartait avec ses monologues intérieurs –de véritables dialogues entre sa timidité maladive et sa virilité castrée, en vérité– ! Il ne devait pas laisser la dame le deviner ou il allait passer pour un fou pour de bon et il ne pourrait jamais entrer !
Ah, tiens ! Il voulait vraiment entrer, alors…
« Je… Je dois quand même vous poser une question, d’abord, » lutta-t-il pour formuler avec dignité. « Je ne suis pas sûr de pouvoir entrer, en fait. Je… J’ai une caméra sur moi… En fait, je… Je… »
Il essayait de fixer le regard de la belle sans y parvenir, ne parvenant à le saisir tandis que ses yeux filaient d’un côté puis de l’autre en essayant de l’y forcer. Il ne savait pas s’il avait peur, ou honte, ou les deux.
« On m’a dit que cet endroit était… spécial. Vraiment très très, très spécial. Et en fait, je fais des vidéos sur les endroits comme ça et je me disais… Enfin… »
Il toussota, ne sachant s’il réussirait à continuer comme ça ou non, et se décidant à se jeter simplement à l’eau pour ne pas s’enliser et se noyer tout de suite.
« Entrons, si je peux entrer avec ! Vous devez avoir un peu froid. On pourra toujours… euh… en parler dedans ? »
Il s’essaya à un sourire. Il apparaissait clairement intimidé et embarrassé, et il frottait ses mains moites à son pantalon en essayant de garder un minimum de contenance –ce qui était loin d’être gagné puisque, après tout, entre le club et l’histoire avancée, on était face à plus d’une première pour lui–.