C’était un spectacle violent et sanglant, mais d’une étrange beauté que celui qu’offrait la jeune vampire, chassant sa proie avec autant de fougue et de savoir faire qu’un des félins dont elle avait pris l’apparence quelques minutes plus tôt. Curieusement, lorsqu’elle revint auprès de la magnifique déesse, cette dernière ne semblait point dégoûtée, et un léger sourire ornait ses lèvres carmines, comme si cela ne lui avait pas déplu, ce qui surpris Kira, qui s’attendait à un rejet de sa part, même si la femme végétale avait déjà assisté à une mise à mort sans rien dire lorsqu’elle s’était retrouvé dans le corps d’une panthère. Le regard de la créature entra en contact avec celui de la vampiresse, qui brûlait d’un éclat ténébreux, a contrario du sien. Les doigts d’un vert exquis caressaient avec langueur l’écorce d’un arbre qui se trouvait à sa portée, et elle continua pendant quelques secondes encore, puis cessa pour reprendre la parole.Elle se nommait dont A’dana, nom peu courant, mais qui allait bien à la divinité, qui se prétendait protectrice de la nature « parmi tant d’autres ». Kira fronça les sourcils. Y avait-il tellement de dieux, ou semi-dieux, dans la nature ? Elle n’en avait pas vu tant que ça, et pourtant elle avait des siècles d’expérience derrière elle. Peut-être les créatures se cachaient-elles pour éviter la « technologie » humaine, qui allait en s’améliorant grandement ? Après tout, au vu de son expression lorsqu’elle contemplait le métal sur lequel elle marchait, la déesse n’avait pas l’air d’apprécier. La vampiresse n’aimait pas nom plus toutes ces armes, toutes ces créations qui enlaidissaient le paysage, qui était si beau quelques décennies auparavant.
Quelques secondes après avoir annoncé qu’elles étaient quittes, la déesse lui demanda des précisions sur ce qu’étaient les vampires, parlant de « parallèle au cycle de la nature et de la vie ». Faisant une légère moue, la vampiresse répondit :
- Nous évoluons, certes, mais pas de nous-même. Enfin pas vraiment. Si nos proies se défendent et deviennent plus fortes, nous feront de même, si la nature subit des dommages et que notre environnement change, notre apparence s’y conformera pour nous aider. En fait, nous ne faisons que nous adapter à la vie, car nous sommes morts, en quelque sorte. Le sang qui coule dans nos veines ne nécessite pas de cœur car il est un flux extrait de la vie elle-même, elle nous anime. Et on dit, pour cette raison, que nous sommes des erreurs de la nature. Ainsi donc, nous sommes totalement à part, différents de tout ce qui existe. Nous ne sommes pas des démons, car nous ne sommes pas morts, ni des humains, car nous ne vivons pas. Nous ne sommes ni des animaux ni des arbres, ni des terranides ou quoi que ce soit. Nous sommes, voilà tout. Je suis navrée de ne pouvoir vous fournir les informations que vous semblez chercher.
La déesse s’inclina vers elle, et le vent porta aux narines de la prédatrice une délicate odeur florale, qui l’attirait comme le nectar sucré d’une fleur attire une abeille. Adaptant sa position à la sienne, Kira remua de façon à se rapprocher aussi, quoique imperceptiblement, ne voulant pas que l’autre s’en offusque. L’odeur du sang, celle qu’elle préférait par-dessus tout, commençait à se désister sous l’assaut incessant de celle de la créature qui se disait protectrice de la nature, et le regard de la vampiresse descendit légèrement, détaillant le corps de son interlocutrice, qui était assez surprenant. Des seins d’une taille plus que généreuse, des lèvres pulpeuses à souhait, des hanches agréables, elle était d’une beauté rare, que seules quelques créatures parvenaient à avoir. Dont les vampires. Mais sa beauté à elle était vivante et accueillante, la sienne était froide et morte… Elle finit d’ailleurs par lui demander si elle combattait les « seigneurs de l’acier » ou si sa quête était plus personnelle. Souriante, Kira répondit, de sa voix chantante et cristalline :
- Je ne les combats pas vraiment, mais dans un sens, c’est le cas. Ils sont mes proies, ma nourriture, et je les tue quand j’en ressens le besoin. Sans leur sang, je vivrais une soif continuelle de nectar vital. Et si il y en a qui se mettent sur mon chemin, je les détruis. Ma voie n’est pas vraiment solitaire… Enfin, elle l’a été pendant quelques années, mais j’ai créé une autre vampire et nous formons une famille, donc elle ne l’est plus. En fait, je tente de vivre et de trouver une façon de m’amuser pour ne pas rendre mon éternelle existence trop morne… Et vous, que faites-vous ici ? Ce n’est pas un monde pour vous, la nature s’est inclinée devant la puissance de l’acier… À moins que vous n’alliez dans certains endroits où il n’y a que de la végétation…
La femme à la peau végétal s’inclina doucement, avec lenteur, et s’agenouilla au sol, attirant l’attention de Kira sur son seul vêtement, un pagne. Consciente que faire mine d’y porter trop d’intérêt serait impoli, elle releva les yeux et regarda le visage de la déesse, qui planta sa main dans l’acier et en retira un morceau afin de le humer, avant de le laisser retomber brusquement, n’appréciant visiblement pas l’odeur. Les lèvres de la vampiresse s’étirèrent en un délicat sourire amusé. Alors, dans un mouvement inconsidéré qui fit bondir sa poitrine, elle se tourna vers l’horizon, en direction de la ville, et souffla dans sa main pour faire partir l’odeur de métal. Elle semblait soucieuse. Prenant la parole, Kira l’informa d’une voix douce :
- Tekhos-Metropolis est une ville de taille imposante qui se fait connaître pour ses constructions futuristes et ses armes puissantes. Elle se base énormément sur l’acier et c’est elle qui a construit l’endroit où nous nous tenons. Néanmoins, elle est la seule comme cela. Vous n’avez pas eu beaucoup de chance, vous auriez pu tomber sur un endroit plus attirant pour vous, comme les terres sauvages, qui sont dépourvues de lieu d’habitation, à part dans le cas de quelques tribus peu dérangeantes.