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Une bourrasque d’air chaud frappa le visage de l’être émergeant d’une imposante masse ronde dont l’enveloppe se craquelait telle une écorce mise à mal par un violent incendie. Deux longs bras déliés repoussèrent cette carapace cuite, laissant le passage à un buste à la troublante féminité et deux ailes qui se déployèrent soudain en un doux, bref chuintement. Les iris carmin papillonnèrent, contemplant la vision déformée d’un astre solaire orange déclinant dans un horizon qu’aucun nuage ne déchirait. D’une poussée de ses jambes puissantes, la créature nimbée d’une aura émeraude s’extirpa définitivement d’un battement d’ailes hors de la coque protectrice. Puis, saisie d’une étonnante sensation de fatigue, elle se reposa aussitôt et entreprit d’inspecter les abords, délaissant à regret l’observation du magnifique coucher de soleil dont elle absorbait avec délice l’énergie.
Elle se trouvait en haut d’une tour métallique, faisant elle-même part d’une immense construction en forme d’anneau crénelé de nombreuses autres tours et structures de tailles diverses. *Les serviteurs de l’Acier sont puissants en ce monde* songea la Pourvoyeuse devant tel spectacle. Au-delà, la nature reprenait ses droits en un paysage de collines escarpées, terrains accidentés recouverts d’une forêt pleine de vie. Une profonde inspiration bomba le torse de la divinité extérieure. L’air avait une saveur métallique et de révulsants relents de pollution qu’elle n’avait sentis depuis des siècles. L’endroit précis était une cicatrice en ce monde mais plus loin, beaucoup plus loin, une source nuisible dégageait un mal encore plus grand. Etrangement, à quelques centaines de lieues de là, elle ressentit une énergie vitale énorme qui la rassura sur les chances de survie de cette planète à long terme.
Des voix détournèrent son attention. Au pied de la tour, quelques deux cents mètres plus bas, un groupe d’humains discutait ferme, avançant parmi les arbustes qui s’élevaient dans les allées métalliques couvertes de rouille. *Des humains ici. Bien.* Il lui fallut quelques secondes pour assimiler leur langage fruste aux accents rugueux. Les humains – une douzaine de mâles – étaient en pleine confusion et s’interpellaient, nerveux et agressifs en raison d’un évènement inexplicable qui venait de se produire, dérangeant leurs activités. Une minute auparavant, toute la zone était vierge de végétation à l’exception de quelques lichens maladifs et mousses ternes. S’ils ne comprenaient pas, l’Imprégnatrice savait que c’était son arrivée, poussée par son cosmique géniteur qui avait provoqué cette floraison subite et envahissante. Insouciante, la déesse s’avança jusqu’au rebord de la tour, surplombant directement les mortels. *Ils sont armés. Niveau technologique considérable.* Sans ciller elle décida de se rendre invisible. Se dévoiler ne présentait aucun intérêt ni aucun avantage et si ces humains n’avaient pas été les premiers êtres vivants à croiser son chemin, elle serait déjà partie loin de la puanteur métallique. Puis se produisit un fait curieux : un des mâles leva la tête et la vit, la désignant immédiatement d’un doigt à ses compagnons, les alertant d’une onomatopée vulgaire. Inclinant son menton, elle nota que le tatouage ornant ses abdominaux n’avait pas évolué : se rendre invisible ne fonctionnait pas sur ce Plan. Gênant. Elle opta alors pour une métamorphose et une apparence plus humanoïde. Cela ne fonctionna pas non plus. Plusieurs rafales de projectiles issus des armes des hommes crépitèrent autour d’elle et sur elle. Une caresse tout au plus. Deux rayons concentrés de lumière orange la heurtèrent de plein fouet. Un picotement désagréable qui la fit reculer dans le sommet de la tour, hors de vue et hors d’atteinte. Si le disfonctionnement de ces deux pouvoirs étaient permanents en ce monde, sa mission d’exploration s’annonçait nettement plus compliquée. Léchant distraitement d’une épaisse langue vert-pomme l’impact du laser sur son bras, la déesse s’illumina d’un sourire ravi tandis que son pagne étincelait de mille feux dans le soleil couchant.
N’étant pas omnisciente, la Pourvoyeuse ignorait qu’elle se trouvait à la frontière de Tekhos et des Terres Sauvages dans les ruines d’un avant-poste militaire abandonné une vingtaine d’années auparavant en raison d’une activité sismique incompatible avec le stockage d’armes. Le groupe d’humains s’y trouvant en même temps qu’elle est une bande de renégats Tekhans – des pillards - venue faire une incursion dans la zone depuis son repaire dans les Terres Sauvages, à la recherche de biens de valeurs, objets technologiques ou potentiels esclaves.