Ah, l'eurodance ! Techno, pop, disco, pourvu que ça bouge ! Pas de musique classique, romantique ou baroque, pas de chansons à texte, pas de rap, pas de rock'n'roll qui lui donnerait envie de danser, le Fitness Go Go Go a toujours eu le chic pour ne jamais se tromper de répertoire musical aux oreilles d'Anna, car il est possible de se tromper sur ce point. L'on pourrait croire la musique secondaire, mais pour quiconque n'ayant pas sur soi de quoi écouter de la musique et des écouteurs, le son qui sort des enceintes donne un rythme que certains ont fini par trouver essentiel pour les entrainer dans l'effort, leur donner un tempo auquel battent les oreilles, puis le coeur, puis la tête. Et c'est tout le corps qui suit !
Que du rouge ! "Black & Red", c'est comme ça que l'appelle Luv', un contact de la voleuse, mais elle aime se surnommer simplement "Red" lorsqu'elle l'appelle. Rouge est une couleur voyante, peu discrète, mais pour une séance à la salle, nul besoin d'être furtive, il vaut mieux être confortable et c'est exactement le choix fait par la brune, tout comme le choix de s'échauffer les articulations dès le vestiaire par des gestes simples que les Terriens apprennent bien jeunes, parfois à l'école, notamment dans les pays suffisamment aisés pour que s'y pratiquent les cours de gymnastique, des gestes simples qu'elle reproduit avant d'entrer dans l'arène et faire face aux monstres de plastique et de métal.
La voici qui arrive, faisant presque craquer son cou et secouant ses poignets, regardant à gauche et à droite avant de faire quelques foulées vers un engin noir aux quelques bandes jaunes. C'est lui qu'elle a choisi !
Salut toi ! On se connait, hein ? Je commence à te manquer, hein ? Je te comprends, j'ai été infidèle ces derniers temps. J'ai préféré le vélo, la tapis de course, de nouveau le vélo, le rameur, la tapis, le vélo, mais c'est comme si je t'avais laissé de côté. Alors que tu fais travailler mes jambes et mes bras à la fois en un exercice. Quel gâchis. Qu'est-ce que tu dirais de remédier à ça ?
Devant elle se tient une grande machine fine dotée de de deux plateformes pour poser les pieds et munie de deux longues barres auxquels s'accrochent les mains. On appelle cet engin le stepper. Ces plateformes et ses barres reliées à l'intérieur-même de la structure permettent de mouvoir ses jambes et ses bras simultanément, activant tout le corps d'une manière qui plait à la brune qui se remémore des randonnées sur des chemins en pente bien éprouvants. Les grands paysages, ces montagnes au loin, ces rochers et ces arbres si petits tandis que devant, la majesté de la nature impose ses dénivelés et ses sentiers. On s'aide de ses bras pour agripper la roche et se hisser plus haut alors qu'une brise souffle et rafraichit la nuque, puis le dos transpirant. On marche vers le sommet ! À ces pensées, Anna voyage déjà et bientôt, dans ses oreilles, la musique fait place au bruissement du vent dans l'herbe et les feuilles.
Après plusieurs minutes, la voleuse s'arrête doucement puis tend la main pour prendre son…
Merde, il est resté dans le vestiaire ! Je vais quand même pas commencer sans pouvoir m'essuyer.
D'un bond, elle quitte le stepper et file, passant à côté d'une femme intrigante.
Ouah. C'est quoi, ces yeux ? J'ai l'impression… Ouah ! Avec les cheveux vio… non mais ces yeux ! Ces yeux fascinants !
Jusqu'au vestiaire, Anna pense à ses yeux. En sortant à nouveau du vestiaire, Anna pense à ces yeux ! Les cheveux de cette femme n'ont fait que les mettre en valeur, mais il y a quelque chose de particulier dans ce regard particulièrement vif.
Non, ce regard était pas vif. Pas à ce point ! Mais cette couleur ! Ce vert, je suis sure que c'est 4a qui m'a marquée. J'ai jamais vu des pupilles d'un vert aussi vif. C'est ça, le vert ! Est-ce qu'elle porte des lentilles ? Es… Et j'ai oublié ce que j'étais allé chercher avec ça !
La voleuse s'en retourne chercher de quoi s'essuyer, non sans jeter un bref regard à cette intrigante femme aux cheveux violets et au corps vif. Aux yeux vifs aussi, autant que les cheveux. Anna devait être bien dans son monde pour ne pas avoir remarquer celle qui, au milieu de gens à l'ego si imposant dans leur détermination, imposait tout de même une présence et un style hors du commun par le simple fait de se trouver ici. Enfin, pas une présence imposante, plutôt… elle ne passe pas inaperçue.
Ouah ! Elle est forte. Ça se voit, ce n'est pas sa première séance, loin de là. Elle a l'air à l'aise aux tractions ! J'aurais quoi pour l'impressionner ? Ils ont toujours tendance à déplacer les machines pour pousser à la curiosité, à part les tapis, les vélos et les rameurs, mais il y a jamais rien à la même place. Donc… Ah ! La presse à jambes, peut-être.
Aussitôt a-t-elle remarqué la machine que, le sourire en coin, Anna quitte du regard la belle aux yeux verts pour pour s'assoir ou plutôt se coucher sur cette machine où l'on soulève des poids avec les jambes avant de se relever pour choisir la charge. Une charge lourde, pour impressionner. Mais pas excessive pour un début. Le corps est certes échauffé, mais il n'a pas encore été poussé à travailler à fond, donc il s''agira de montrer qu'il y en a dans ces cuisses, mais sans exagérer afin de pouvoir augmenter la charge plus tard. Pour l'heure, Anna démarre doucement. Puis après quelques allers-retours des jambes, elle accélère la cadence calmement, sans empressement, comptant ses mouvements pour faire des séries régulières. Après tout, il y aura encore moyen d'impressionner la fascinante athlète plus tard. La voleuse tourne la tête pour observer où en est la belle tout en ralentissant un peu le rythme. Ah, elle s'est arrêtée pour boire et les regards se croisent. Anna se fige un instant et perd totalement le compte. Ces yeux verts la font alors sourire, mais c'est là que la belle semble s'étouffer. Quelques regards se tournent, mais Anna cesse carrément son activité pour sauter vers la fille fascinante et s'enquérir de son état avec un souci démesuré.
« Hé ! Ça va ? Ça va ? Tu t'étouffes pas pour de vrai ? »
La question est des plus stupides ; bien sûr, elle ne s'étouffe pas pour de vrai, mais parfois, l'on exagère notre inquiétude, voyez-vous. Comme Anna, dans ce cas.