La soirée s'annonçait calme et rien n'augurait une quelconque perturbation du programme qu'Hazel avait planifié pour ce vendredi soir. Une salade de la mer fraiche patientait au réfrigérateur et elle anticipait, passablement excitée, toute sortes d'hypothèses concernant la fin d'une série Netflix qu'elle suivait depuis un moment, et dont l'épisode final, le grand dénouement, était programmé pour ce soir-là justement. Elle marchait pieds nus dans son bel appartement du centre ville, passant de sa chambre où elle triait ses robes au salon qu'elle préparait en fonction de ses idées. Canapé ou gros coussin confort? Champagne ou vin blanc perlé? Elle hésitait, ce qui la mettait de très bonne humeur. Ces derniers temps, elle avait été prise, très prise. Les entrées d'argent enchantaient son banquier mais au prix lourd de sacrifier une bonne partie de son temps libre. Etre une escort de luxe, enfin, de très grand luxe, demandait une organisation millimétrée et l'approximation n'était pas acceptable. Hazel était indépendante et quand elle n'était pas avec un client, elle devait s'occuper de tout un tas de tâches qui prenaient un temps monstre.
Aussi, de se poser une question aussi simple que quel alcool choisir?, la faisait revivre un peu et penser à elle-même.
Son smartphone protégé par une coque incrustée de diamants, un cadeau d'un client, vibra et avant de répondre, elle identifia l'appelant. Akira Tamashiro était le propriétaire et gérant du Blue Unicorn, LE club chaud de la ville d'où personne ne ressortait déçu. Akira avait d'autres activités beaucoup plus louches que diriger un club de strip et plus, et ses revenus étaient colossaux. La jolie blonde décrocha.
"Bonjour Akira, ça me fait plaisir que tu appelles, comment vas-tu?""Bonjour Hazel. Comme toujours, je me porte bien si mes affaires tournent."Il était toujours d'excellente humeur ...
Ces deux-là se tutoyaient poliment. Ils faisaient souvent affaire ensemble et leur relation était fructueuse depuis qu'ils se connaissaient. L'homme ne perdit pas de temps.
"Hazel, j'aurais besoin de toi ce soir. Les réservations du club sont surbookées et il y aura du beau monde, du très beau monde."Ca signifiait que l'argent coulerait à flot. Hazel était la seule escort à Seikusu qui choisissait son activité en fonction de ses envies. Si Akira la sollicitait, c'est comme s'il faisait appel à une spécialiste pour engendrer des revenus massifs sur une opération de circonstance. Il acceptait derechef de la rémunérer à hauteur de 15000 dollars US la nuit, de lui octroyer une loge individuelle et de lui garantir la gratuité de ses boissons quelles qu'elles soient. En contrepartie, Hazel reversait 50 pour cent de ses bénéfices supplémentaires au club. L'arrangement convenait toujours puisque dans tous les cas, les sommes engendrées dépassaient toujours les accords de base.
Hazel pinça ses lèvres. Sa petite soirée sympa disparaissait déjà à l'horizon. En bonne professionnelle, elle ne refusait pas une offre comme celle-ci, surtout à Akira.
"Je serais là vers 20H00. Nos arrangements restent les mêmes que d'habitude.""Merci. Passe me voir durant la nuit, je te ferais goûter un champagne rarissime que j'ai acheté une petite fortune aux enchères.""Avec plaisir Akira. A tout à l'heure."Il restait une heure. L'estonienne fila dans sa chambre et choisit rapidement
une robe rouge fuchsia satinée aussi courte sur les cuisses qu'au niveau du buste. Le décolleté invitait à la suggestion et elle ajouterait combler le vide de son cou un beau collier pendentif en or gris qui supporterait un rubis taillé aux dimensions impensables, cadeau d'un émir amoureux fou d'elle depuis des mois. Au pieds, elle porterait de jolis escarpins noirs aux talons interminables et rehaussés de chainettes en or pour affiner ses chevilles déjà parfaites. Une pochette Louis Vuitton viendrait clore cette élégance hors de prix.
Hazel rangea ses effets dans un sac Nike, enfila un jean et un t-shirt, sauta dans ses baskets et appela un taxi. 20 minutes après, elle entrait au Blue Unicorn par l'entrée de service, aussi bien gardée que l'accès principal, et fila à la loge que l'intendant du club lui désigna. Les coulisses de l'établissement fourmillaient de personnes qui se hâtaient. Entre le personnel de salle, les filles, danseuses ou plus, les mangers et les techniciens, il ne fallait pas trainasser dans les couloirs. Les services proposés par le club et recherchés par les clients allaient du strip raffiné à des prestations plus individuelles, quoique collectives aussi parfois. L'établissement n'acceptait que ceux qui étaient capables de dépenser sans compter. Maintenant, bien évidemment, il était possible de simplement venir consommer en charmante compagnie sans pour autant finir dans une alcôve privée ou dans une suite de luxe.
A 20H15, Hazel était prête, impeccablement maquillée, parée de ce qu'elle avait choisit et donc, superbement désirable. L'escort de luxe prenait le contrôle de la personne. Elle s'observa dans le grand miroir au dessus du boudoir puis quitta les lieux pour rejoindre la salle commune. Comme toujours, des bouches s'asséchèrent à son passage, des regards se firent envieux et certains vérifièrent combien leur portefeuille contenait en cash. Hazel était connue. Connue pour sa beauté, réputée pour ses performances mais aussi et surtout pour être sélective. Avec elle, l'oligarque milliardaire bourré n'avait aucune chance. Elle était classe et recherchait le même profil. Quand au physique, elle ne jugeait personne, seul l'esprit comptait.
La jolie blonde alla embrasser le DJ qu'elle connaissait bien. C'était un libanais, homosexuel, et adorable. Il lui dédiait toujours un morceau sympa quand elle était là. L'homme n'était pas un technoman exubérant. Il choisissait des musiques aussi bien chill qu'animées mais toujours dans un esprit d'élégance et au bon moment. Pour l'heure, c'était ambiance lounge et les conversations allaient bon train dans la salle commune où certaines filles occupaient déjà les cuisses d'une population masculine dominante. Une petite heure passa et elle tint compagnie à un député de Tokyo puis à un chef d'entreprise connu dans le milieu de l'automobile. Bien que fortunés, ils n'osèrent pas demander ce qui les taraudaient ... tant pis, peut être après. Hazel était intimidante pour beaucoup d'hommes. Elle était sûre d'elle, confiante et son regard, quand elle vous fixait, vous faisait souvent baisser les yeux. La domination par le charme ... d'autant plus qu'elle était plus grande que la plupart des japonais ...
Elle allait voir Akira, empruntant l'allée des box privatifs. Elle se déplaçait élégamment, jetant un coup d'œil discret dans chaque loge. Toutes étaient occupées sauf ... celle-ci. Sans s'arrêter, elle décocha un sourire mortel à l'unique occupant, un homme, occidental, beau, et définitivement classé comme peu habitué à ce genre d'endroit. Ce n'était pas son sens aigu de l'observation qui le confirmait mais juste l'expérience du métier. Hazel avait ses habitués mais appréciait aussi les nouvelles rencontres. Elle alla au bar et demanda une bouteille de champagne d'une cuvée millésimée qui n'apparaissait pas sur la carte. Elle la mit dans un sceau à glace en argent, récupéra deux flutes gravées Lalique et revint sur ses pas pour s'appuyer contre l'encadrement sombre de l'accès au box. L'homme était européen et elle attaqua dans un anglais impeccable, très quartier chic de Londres.
"Bonjour, je m'appelle Hazel, accepteriez vous que je vous offre un verre? Je recherche un connaisseur en champagnes fins et je suis sûre que vous apprécierez ce que j'apporte." Elle brandit son seau à glace avec une mimique craquante et s'installa sur la banquette à côté de l'inconnu. Ni trop près pour ne pas l'envahir, ni trop loin pour ne marquer aucune distance. Elle repoussa la consommation déjà présente sur la table d'un geste négligé.
"Ne me dites pas que vous avez apprécié cette horreur. Je me bats avec la direction pour qu'il la supprime de la carte..."Tout en elle suggérait et incitait plutôt que dévoiler ses atouts féminins. Son jeu d'actrice était au point mais elle était sincère dans ses propos et son attitude, à la différence de bien des filles.
"Pourriez-vous déboucher cette bouteille? J'invite mais la tradition veut que ce soit l'homme galant qui fasse le service non?"Quand les flutes furent remplies de liquide doré et pétillant, elle tendit son verre pour trinquer délicatement et porta le cristal à ses lèvres rouges. Elle avait assez parler, fait le premier pas et mit l'homme en confiance. C'était l'instant ou elle lui offrait la possibilité de l'émerveiller par une présentation d'importance ou d'ouvrir la conversation sur un sujet qu'il maitrisait.