Pute rancunière fait des manières | Sett, Amenas

Pute rancunière fait des manières
Sett | Amenas

L'arène n'était plus qu'un endroit où on venait assister à la lutte, parfois à mort, de combattants courageux et compétents, dépensant une semaine de salaire dans les places et les grignotages de sa petite famille. Depuis que Sett avait mis la main dessus, arcades, alcôves et caves autrefois inusitées étaient devenus autant de lieux d'efflorescence pour les commerces douteux de la cité-état. On pariait pour s'enrichir, puis pour se refaire, on achetait de quoi se sentir bien, puis de quoi ne plus se sentir mal, et, souvent, on payait une passe, voire une entrée dans un des petits bordels répartis sous l'édifice. Chacun avait sa petite spécialité, des filles du cru à celles de l'autre bout du monde, aux furries en passant par les unijambistes. Il y avait une salle qui se spécialisait dans des affaires plus collectives : glory hole, bukkake, tournante... On payait un tarif réduit si on était prêt à ne pas être trop regardant sur ce qui était passé avant soi.
On y envoyait souvent les filles un peu difficiles, pour qu'elles y soient bien entourées, parfois restreintes, et qu'elles épongent par la quantité les pertes que leur comportement avait causé. C'était clairement le genre d'endroit où devait finir Amenas. Et c'était clairement le genre d'endroit capable de lui faire péter un plomb pour de bon.

Sett recevait l'argent de ses lieutenants, qui prélevaient chaque semaine la part du lion dans les poches des trafiquants commerçant sous sa protection, quand l'un d'eux était revenu l'air angoissé. Sett avait écouté son histoire et, en apprenant qu'un des bordels était fermé parce que la fille avait cogné les clients et mis tout le monde dehors, il fut partagé entre hilarité et agacement. D'ailleurs, le gérant n'avait pas payé sa part, avec tout ce chambardement. Il ordonna donc qu'on envoie une bande de ses lutteurs pour disperser les agités, rouvrir la cave et lui amener le proxénète et la prostituée.
Il eut le temps de finir ses comptes le temps que tout se tasse, et quand il entendit la porte s'ouvrir sur le fracas des invectives et des menaces, il avait terminé de ranger et eut largement le temps de venir trôner sur le fauteuil d'or richement paré qu'il utilisait pour ses audiences. Oui, comme un roi, on assumait ses ambitions ou pas.
— Amenez-les devant moi !
On étala à quelques mètres de lui le patron du bouge et l'agitée du bocal qui avait ruiné sa meilleure journée d'affaires. Le type était commun, sans grand intérêt et clairement anxieux, mais la fille... Comment décrire la fille ? Même terrassée et maîtrisée, elle continuait d'afficher sa défiance, et s'il n'y avait eu la poigne de deux lutteurs sur elle elle aurait sans doute massacré son proxénète sur place avant de s'attaquer au reste de l'assistance. Sans cette main sur sa bouche, qui sait quelles horreurs elle aurait bien proféré ? C'était une bête acculée et prête à tout. Sett connaissait ce genre de gens. Il y avait trois manières de régler leur problème : les relâcher, les mater ou les exécuter. Evidemment, toutes ces perspectives n'étaient pas arrangeantes au niveau des affaires, mais celle qui restait exigeait un minimum d'efforts — efforts que ses maîtres n'avaient pas investi —.
— On me raconte que la cave a été saccagée, soupira Sett à l'adresse du proxénète. Tu paieras la remise en état de ta poche. Evidemment, tu perds aussi ton commerce. Je ne peux pas me permettre un tel amateurisme.
Le proxénète voulut protester, mais il se ravisa, tentant plutôt d'en appeler à la miséricorde du boss.
— Je vous en prie, je vais tout perdre ! Hey, je vous fais une offre : je paye la moitié cash, et le reste avec la fille.
Sett dévisagea l'humaine blonde qui continuait de se tortiller, cherchant à s'échapper. Il esquissa un sourire mauvais en revenant au proxénète.
— C'est toi qui devrais me payer pour la prendre. Mais je te fais une contre-offre : tu me la files pour rien et j'oublie que tu as essayé de m'escroquer. Ca marche ?
L'affaire n'avait pas vraiment de raison de capoter, et le proxénète accepta, tête basse. Mais peut-être la blonde avait-elle quelque chose à redire ?

La transaction fut immanquablement interrompue par la blonde, qui, non contente de blesser la main dominante d'un bon boxeur, se payait le droit de le menacer, lui, devant témoins. Le proxénète fit les yeux ronds en observant la petite flaque de sang que le crachat de l'esclave et les filets maculant ses lèvres avaient produit, s'attendant à se retrouver forcé de compenser également pour le manque à gagner assuré du lutteur blessé, mais Sett ne dit pas un mot pendant un instant, fixant la blonde. Finalement, il revint au proxénète.
— C'est quoi, son nom ?
— Amenas... J-j-je crois ?
Réaction attendue et inévitable de la part de l'esclave. Sett sourit et part d'un rire amusé, qui monte en un fou rire qu'il retient avec peine, le retenant en se concentrant sur l'affaire en cours. D'un geste de la main, il expédia le tenancier.
— Sortez-le de là ! Qu'il voie les détails financiers avec le trésorier.
— Et la pute, s'enquit un des lutteurs ?
— Elle reste là, avec moi. Sortez, vous aussi.
Les hommes se lancèrent des regards interrogateurs, mais ils s'exécutèrent. Amenas n'avait peut-être pas connaissance de la réputation du Terranide, mais tous ici ne la connaissaient que trop bien. Il n'y avait pas de raison de craindre pour lui face à elle, aussi obéirent-ils sans attendre.
Il est vrai que la captive n'était pas des plus dangereuses, malgré son tempérament fougueux. Les esclaves comme elle étaient généralement mal nourries, voire sous nourries pour éviter non seulement tout gain de poids, mais aussi pour éviter au maximum d'investir dans une fille qui ne rapportait pas grand chose. Elles étaient aussi couramment battues, brisées pour assurer leur obéissance. On avait clairement chié dans la colle dans son cas, cela dit, et si elle témoignait ça et là de violences, comme d'un régime alimentaire très chiche, elle n'en démordait pas quant à ses droits.
Sett avait d'autres méthodes. Il n'était pas esclavagiste et se foutait pas mal des conseils des ouvrages de soi-disant érudits. Il était plutôt bon avec les gens, tout simplement. Aussi, une fois seuls, continuant de la fixer, il lui proposa simplement :
— Tu as faim ?
Il avait, dans une pièce mitoyenne, du jambon sec, du pain aux olives et des fruits, des choses simples que la plupart des êtres serviles ne voyaient pourtant pratiquement jamais, hors des commis de cuisine. Et Sett considérait que le premier pas pour calmer Amenas et l'amener vers un état plus gérable était de la rassasier.
Il aurait pu lui proposer de lui enlever le collier auquel la chaîne continuait de cliqueter, mais ils verraient cela en temps voulu. Ce n'est pas le contact devenu familier d'une entrave qui l'empêcherait de s'installer à une table.

Il laissa à Amenas le soin de se dépoussiérer, de se refaire le plus insignifiant brin de beauté qui lui semblait nécessaire. C'était la marque d'une esclave soigneuse et il appréciait d'observer ces petits détails à la volée pendant qu'elle se focalisait sur sa rage, sa faim et sa méfiance. Clairement, la faim résoudrait une bonne partie des autres problèmes, mais elle posait une remarque tout à fait pertinente quant à ce que Sett attendait d'elle en retour. Ses oreilles frémirent en entendant ce qu'elle marmonnait entre ses lèvres boudeuses et il éclata de rire.
— Le gros con ne veut rien en échange, s'esclaffa-t-il. Tu es une esclave, enfin ! Ce n'est pas comme ça que ça marche, Amenas !
Et c'était vrai. Il pouvait légalement réclamer ce qu'il voulait d'elle et elle n'avait pas le droit de dire non, qu'elle ait le ventre vide ou plein. Et il lui revenait de déterminer ce qu'elle mangeait. Lui offrir un petit festin n'était pas une récompense ou une monnaie d'échange, c'était un geste gratuit d'un maître envers son esclave.
Evidemment, ce n'était pas désintéressé : Sett croyait dans le pouvoir du bon traitement et il était évident que les traitements durs n'avaient rien donné avec elle. S'il pouvait ne faire d'elle qu'une guichetière potable au pied de l'arène, il considérerait ça comme une réussite, mais il espérait pouvoir aller bien plus loin.
Et puis, elle était jolie. Il n'excluait pas de s'en servir lorsqu'elle aurait matière à l'apprécier et à accepter qu'il la dompte autrement.
Voyant qu'elle hésitait, il descendit de son fauteuil pour l'attraper par le bras et l'entraîner à sa suite vers la salle adjacente, et, une fois la porte ouverte, elle tomba sur une grande table où reposaient fruits frais de toutes sortes et charcuteries, pains et viennoiseries : ce qui restait du repas d'affaires de la journée, et malgré tout bien plus de nourriture en plus grande variété qu'elle n'en avait sûrement vu depuis qu'elle était arrivée sur Terra. Et, comme elle était affamée, le fumet devait lui être irrésistible.
— Va, sers-toi ! Prends une chaise ! Quand tu n'auras plus faim, tu pourras te laver.