The son of the devil (pv Alex)

Comme tous les matins, Miho avait préparé le petit déjeuner de son mari. La jeune femme de 26 ans  n'y voyait aucun problème. Elle estimait que cela faisait partie de ses devoirs d'épouse. Cela pouvait faire sourire mais cela illustrait assez bien le dévouement qu'elle portait à son époux. Elle l'aimait et considérait que puisqu'il travaillait dur pour leur avenir commun, il était logique de lui témoigner cette forme de respect particulière. Sa mère n'avait pas agi autrement d'ailleurs. Et aujourd'hui encore, elle et son père étaient un exemple à suivre.

Alors certes, parfois, on se moquait d'elle. Comme par exemple sa meilleure amie  ou sa soeur Kenja. Mais elle ne s'en formalisait pas. C'était ainsi qu'elle voulait vivre . Elle ne travaillait pas, il était donc normal de faire en sortir d'être une épouse parfaite. Et quand le bonheur d'être mère viendrait, elle était certaine qu'elle serait prête à assumer son rôle. Mais de toute façon, ce n'était pas pour tout de suite elle le savait.

Oguro, son mari, voulait d'abord assurer une certaine stabilité professionnelle. Il travaillait très dur dans une entreprise qui gérait des portefeuilles d'actions  pour des entreprises et des personnes fortunées. C'était un milieu où il y avait peu de marge de manoeuvre et où il fallait pouvoir anticiper. Elle n'y connaissait pas grand chose mais elle savait qu'il se donnait au maximum et qu'il ambitionnait de prendre du galon  au sein de la société . Et qu'une fois cela fait, alors ils pourraient tous les deux fonder la famille qu'ils désiraient tant.

« Je vais aller faire quelques courses puis je passerai voir à l'association si on a besoin de moi. Tu veux quelque chose de précis pour souper ? »

Miho travaillait dans une association qui aidait les jeunes défavorisés des bas quartiers. Elle  était payée par la ville mais ce n'était pas sa motivation première. Pour elle, c'était avant tout un moyen de venir en aide aux jeunes dans le besoin. D'ailleurs elle ne considérait pas cela comme un travail. C'était plus une oeuvre de charité publique .Et cela montrait encore bien le genre de personne qu'elle était. Ayant terminé de vider le lave vaisselle, elle était venue s'asseoir à table en face de son mari. Qui sans nul doute allait lui donner sa réponse sous peu .

Oguro était un homme de 26 ans qu'on pouvait qualifier de droit et honnête. C'était une personne qui avait un certain sens de la morale et de l'éthique. Peut être trop car cela avait tendance à faire de lui une espèce de victime consentante. Autrement dit, il avait du mal à se faire respecter et à faire entendre sa voix. Ou tout simplement dire à non.

Ainsi au boulot, il avait toujours la sensation de devoir en faire plus qu'il ne fallait. Cela partait d'une bonne intention mais alors, cela lui imposait d'être dans un état d'esprit dans lequel il avait le sentiment de devoir  démontrer qu'il était à niveau de manière permanente . Et forcément son employeur en tirait avantage. Jamais avare d'heures supplémentaires, il était un bon placement d'autant qu'on savait qu'il allait faire les choses correctement. C'est aussi pour cela que par exemple ; Mr Grashi, son patron, lui avait confié la prise en formation de son fils Shenjo. Il l'avait depuis plusieurs semaines sous sa responsabilité pour lui faire découvrir les ficelles du métier. Ce qui n'était pas une mince affaire car le jeune adulte était tout sauf appliqué comme le prouvait d'ailleurs son parcours. Mais cela , c'était un autre débat. Quoiqu'il en soit, il voyait cela comme un honneur qu'on lui faisait et il entendait bien s 'en montrer digne. D'ailleurs il s'y employait assez bien non ? Il était convaincu que d'une manière ou l'autre, cela ne pourrait lui être que bénéfique de toute façon.

« Ce soir ? Justement tu fais bien d 'en parler parce que Shenjo m'a proposé d'aller boire un verre après notre journée.Il a insisté, il dit qu'on l'a mérité après cette semaine où il est vrai on a bien bossé.je pense donc que je risque de rentrer un peu plus tard que la normale. »

Une façon de lui dire de ne pas l'attendre ? Sans doute. Sortant la tête du journal qu'il lisait comme chaque matin, Oguro souriait à la femme qu'il aimait. Il se savait chanceux et pour lui , qui en était fou depuis qu'il l'avait vu il y a des années maintenant, il était presque impensable de se dire qu'un jour cela pouvait s'arrêter. D'ailleurs, dans sa tête, elle était sa femme, pour maintenant, pour demain , et pour toujours. D'ailleurs, il voulait tout comme elle avoir un enfant , même plus, et fonder une famille. Mais pour y arriver, il fallait assurer une situation professionnelle plus sereine et plus avantageuse. Les deux le savaient d'autant qu'il ne voulait pas qu'elle travaille. C'était un choix des deux et il estimait que c'était à lui de faire bouillir la marmite. Et tout comme elle, il ne considérait pas le travail à l'association comme quelque chose qui s'assimilait à un travail.

« J'espère que tu ne m'en veux pas ? »

Lui souriant tendrement, il lui prit la main alors qu'elle était venue s'asseoir près de lui. Sous peu, il allait devoir quitter son foyer pour aller travailler. Mais il aimait partager ce moment matinal avec elle. Cela leur permettait de passer un moment ensemble. Et puis il était important de se donner ce genre de moments dans un couple non ?



Le bienheureux

Miho avait eu du mal à réprimer son air contrarié. Elle avait eu beau essayer, l'entendre lui dire qu'il allait rentrer tard à cause de Shenjo, c'était quelque chose qui  ne lui plaisait pas. Et pas parce qu'il allait passer un moment avec un collègue. A vrai dire, cela ne dérangeait pas Miho . Elle trouvait même que c'était une bonne chose pour Oguro qui finalement avait très peu d'amis. Certes, il avait des connaissances, mais il n'était pas vraiment la personne la plus populaire ou celle qui se faisait des amis facilement. Elle le savait et elle le regrettait. D'ailleurs à leur mariage, il avait été flagrant de constater que finalement c'est seuls vrais amis étaient des amis en commun du couple plus qu'autre chose. Et des quelques collègues.

Mais en l'occurrence, , ce qui ne lui plaisait pas, c'était que justement cela soit avec le fils de son patron. Buvant une gorgée de son jus d'orange, elle essaya de trouver les mots pour lui expliquer pourquoi elle trouvait qu'il devait se méfier de lui. Cela faisait un moment maintenant que cette idée la travaillait. Et elle avait enfin l'occasion de pouvoir lui exprimer ses craintes. Mais de quoi était-il question au juste ?

Et bien d'abord, elle avait le sentiment que son époux en faisait trop avec lui. Il s'investissait de trop comme toujours. Le problème c'est qu'elle avait la double impression que son patron en jouait pour  en quelque sorte embellir les capacités de son fils. Et ce dernier de son côté, profitait d'Oguro pour donner le change et paraître plus compétent qu'il ne l'était aux yeux de tous. Bref tout le monde était gagnant sauf son mari et elle avait le sentiment  qu'elle devait lui dire. Mais il y avait aussi autre chose. Elle avait déjà eu l'occasion de le rencontrer, plusieurs fois. Il était déjà venu manger ici, et il était même venu au mariage car Oguro avait tenu à inviter son employeur et sa famille. Chaque fois, il y avait eu quelque chose qui avait mis mal à l'aise Miho. Ses regards, sa façon de la regarder, ses allusions même. Rien de flagrant, elle s'était même mise à se dire qu'elle se faisait un film mais en définitive non. Il y avait bien quelque chose. Et puis , il avait même voulu l'ajouter sur les réseaux sociaux. Un peu déconcertée, elle l'avait accepté et elle s'était rendue compte qu'il ne likait que les photos d'elle sans Oguro. Signe encore plus évident, Kenja, sa soeur, l'avait même taquiné à ce sujet en disant qu'elle avait fait une touche. Non , pas de doutes possibles, il y avait quelque chose. Et elle devait profiter de ce moment pour vider son sac d'une certaine façon.

« Tu sais je trouve que tu t'investis beaucoup avec lui. Je sais que tu prends ton rôle à coeur mais je veux dire est-ce que lui et même ton patron mérite tout ce que tu fais ? Fais attention quand même parce que je le sens pas ce Shenjo. J'ai l'impression qu'il profite de ta bonté et son père aussi . Mais je sais que je peux te faire confiance et que tu as un bon jugement. Alors, si finalement, pour toi, tout est normal alors je te suis. Mais je t'aime, je te connais, et je sais que ton bon coeur peut parfois te jouer des tours. Alors juste fais attention »

Elle lui sourit et lui avait pris la main pour la serrer. Finalement, ce qu'elle avait dit lui ressemblait assez. Ce qui importait, c'était qu'Oguro sache ce qu'il faisait non ? Et pour lui montrer que cela ne remettait en rien ce qu'il avait pu dire, elle a jouta

« Donc si je comprends bien je t'attends pas pour manger ? »

Oguro ne comprenait pas forcément ce que cachait la réaction de sa femme. Sans doute parce qu'elle ne disait pas les choses clairement. Si elle lui avait vraiment dit que Shenjo la mettait mal à l'aise, il ne l'aurait peut-être pas cru mais au moins, il était au courant. Et il aurait pu peut être se poser la question du pourquoi elle lui disait cela. Mais là, ce qu'il voyait, c'était la femme qu'il aimait se faire du tracas pour lui sans y voir quelque chose de dangereux ou d 'inquiétant. Juste qu'elle voulait s'assurer qu'il savait ce qu'il faisait ce qui en soi était une preuve d'amour en plus. Et puis, il pouvait comprendre qu'elle vivait un peu mal le fait de le voir moins disponible. Leur mariage était assez récent, et ce n'était pas forcément comme cela qu'on imaginait la vie de jeunes mariés. Certes, le couple n'avait jamais brillé par ses excès et ses coups de folies, peu importe le niveau d 'ailleurs, mais malgré tout, il se rendait bien compte qu'il n'était pas le mari le plus présent dernièrement. Serrant la main lui aussi, il la fixa et essaya donc de la rassurer.

« J'ai conscience que tu es un peu sacrifiée par le temps que je consacre à Shenjo. Mais si on m'a demandé de le former, de l'initier, c'est pas pour rien. Je suis certain que cela veut dire qu'on m'apprécie et qu'ensuite, je peux espérer prendre un peu plus d'importance dans l'entreprise. Tu sais, je me rends bien compte que si j'échoue ce sera très mauvais pour moi et par extension pour nous. Par contre, si je fais ce que je dois faire, crois moi, on me fera confiance et j'aurais fait mes preuves. Je deviendrais plus important au travail j'en suis convaincu. Shenjo est le fils du patron, c'est lui qui reprendra la place , et il ne pourra pas oublier ce que j'ai fait pour lui. C'est aussi un placement pour le futur. »

L'enthousiasme d'Oguro était beau à voir. A l'écouter, cela ne pouvait que marcher pour lui. On pouvait voir dans ses yeux tout son enthousiasme et tous ses espoirs. C'était presque touchant et on ne pouvait qu'avoir envie de partager ses attentes.

« Et puis tu sais je le trouve plutôt sympa Shenjo.Il pourrait se la raconter mais même pas et je pense qu'il sait ce que je peux lui apporter. Et puis tu l'as déjà vu non ? Il est même venu manger avec sa fiancée. Je sais qu'il a parfois des airs un peu arrogants, mais je te garantis que c'est juste une facade. Quant à son père, le fait qu'il me demande de le prendre sous mon aile c'est la preuve qu'il me respecte non ? »

Oguro cherchait pas vraiment une réponse, juste la confirmation auprès de sa femme. Se levant avec sa tasse de café, il vint embrasser tendrement sa femme sur sa bouche dans un élan de spontanéité assez inattendu et  dit

« Tu vas voir tout cette histoire me , nous, sera bénéfique."

Il alla ensuite la mettre dans le lave vaisselle .L'occasion de lui dire encore

« Disons que même si je compte pas trop trainer , mieux vaut ne pas m'attendre oui. Peut-être que tu pourrais aller manger quelque chose avec Kenja ou Misa. Ce serait l'occasion . »

Et puis au moins il culpabiliserait un peu moins de laisser sa femme seule.

Miho était perplexe. Elle se rendait compte qu'elle aurait peut-être du se montrer plus claire. Encore que finalement qu'est-ce qu'elle aurait pu dire ? Elle n'avait qu'un ressenti, rien d'autres. Et c'était cela le souci d'ailleurs. Shenjo ne lui faisait pas une grande impression mais est-ce que pour autant elle devait le dire à son mari et prendre le risque de le priver de ses projets ? En l'écoutant parler, elle se rendait compte que tout ceci était important pour lui et que sans doute, elle ne se rendait pas compte des implications que cela pouvait avoir pour lui. Bien sûr, elle pourrait lui dire qu'elle le trouvait insistant, étrange, qu'elle n'aimait pas sa façon de la regarder ou de se comporter sur les réseaux sociaux, mais encore une fois, ce n'était là qu'un ressenti.

« Tu as sans doute raison. »

Dit-elle, pas forcément plus convaincue que cela mais que pouvait-elle dire ou faire ? Elle n'était pas forcément certaine de pouvoir affirmer telles ou telles choses sur Shenjo. Et en écoutant Oguro, elle avait doublement pris conscience de l'importance que la situation prenait pour lui. Se disant que cela ne valait pas la peine de tout remettre en cause, elle culpabilisait même un peu finalement. Peut-être était elle trop dans le drama ? Peut-être tout cela était pas si grave et comme lui aurait dit Kenja, au fond, elle était trop coincée. Néanmoins, elle restait sur la réserve.

« Je vais voir avec elles. Pour le moment Kenja dort , je présume qu'elle est encore rentrée tard .Et Misa je verrai bien. Mais de toute façon cela ne me pose pas de soucis de rester seule ici . Je sais que tu fais cela pour le travail. Et puis tu sais que je ne suis pas une grande sorteuse. »

Elle s'était levée et était venue se placer derrière lui, le prenant par la taille pour venir poser sa tête contre son dos. Une façon de lui montrer son amour, mais aussi pour elle de conjurer le sort. Elle espérait que tout se passerait comme il l'avait dit. C'était vrai, le couple ne vivait pas forcément l'euphorie des premiers mois de mariage comme on aurait pu s'y attendre. Mais Miho connaissait les raisons de cela. Et elle les comprenait car c'était aussi pour cela qu'elle était tombée amoureuse d'Oguro.

« Je t'aime Oguro et j'ai hâte qu'on fonde notre famille. »

Souffla-t-elle. Au fond, vu comme cela, il n'y avait aucune raison de stresser ou de s'en faire. Peut-être se montrait elle trop soucieuse ou trop stressée. Elle voulait en tout cas croire que son époux avait raison dans ce qu'il disait.  Il le méritait et elle aussi. Pour autant, un drôle de sentiment l'envahissait. Comme si à ce moment précis, elle ressentait que plus rien ne serait comme avant. Sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi. Du moins pour le moment.

Oguro apprécia le contact avec son épouse. Il ne s'y attendait pas et pour être franc, cela lui procura des frissons , signe qu'effectivement, entre eux, il y avait vraiment quelque chose de fort. Cela pouvait paraitre surprenant mais le couple n'était pas le plus démonstratif et il y avait toujours e une forme de pudeur entre eux. Cela avait quelque chose de mignon mais aussi d'un peu naif. Mais cela faisait partie de leur couple, de ce qu'ils étaient.Bien entendu cela ne les empêchait pas d'avoir une vie sexuelle par exemple, mais il était clair que ce n'était pas forcément le couple le plus productif qui soit à ce niveau là et chasser quelques frustrations. Mais cela était un autre débat bien entendu.

« Moi aussi je t'aime Miho. »

Il s'était retourné face à elle pour venir lui prendre le visage entre les mains tout en souriant.Venant l'embrasser , ou plutôt déposer un baiser sur ses lèvres, il lui sourit . Il était chanceux il le savait. C'était rare de pouvoir directement trouver la bonne personne. Et puis, il trouvait Miho tout simplement parfaite. Et à tous les niveaux.

« Je vais y aller sinon je vais être en retard. »

Oui il devait aller travailler, comme un retour à la réalité qui n'avait finalement rien de bien excitant. Mais c'était aussi cela la vie, il fallait bien aller bosser pour gagner sa vie. Et puis , Oguro avait la chance de pouvoir faire quelque chose qu'il aimait . C'était déjà une bonne chose non ? Convaincu qu'il pouvait être heureux aussi bien dans le privé que dans le travail, il enfila sa veste de costume et prit sa serviette de travail, afin de partir pour le bureau. Il n'aimait pas arrivé en retard ou trop juste . Dès lors, il ne fallait pas tarder à démarrer de chez lui.

« Je te tiens au courant de toute façon. »

Lançant un dernier regard à sa femme, il était lui aussi animé d'un drôle de sentiment. Qu'il ne pouvait pas s'expliquer.Mais qui était bel et bien palpable . Mais très vite, il se dit que tout ceci n'était pas bien grave et qu'au fond, tout ceci ne pesait pas bien lourd dans leur océan de bonheur et de complicité. Qui sous peu, si tout allait bien, verrait un petit être compléter le tableau qui était déjà plus que parfait.

Pour Miho, la journée s'était déroulée de la manière la plus classique possible. Après un ménage quotidien assez vite fait, elle avait pris la route de l'association comme prévu. Là, elle avait passé un moment à aider deux jeunes qu'elle suivait depuis un moment. Elle leur apprenait à écrire, à lire. Tout n'avait pas été simple car ils culpabilisaient pas mal, mais une fois la glace brisée, elle avait pu  les aider à reprendre confiance en eux et à leur faire prendre conscience qu'ils avaient le pouvoir de faire changer les choses .Depuis, quand elle pouvait, et en fonction de leurs horaires, elle essayait de leur apporter un complément que l'institution scolaire ne pouvait pas forcément fournir. C'était très gratifiant et très positif.

Ensuite, une fois rentré, elle avait eu l'occasion d'échanger un peu avec sa soeur qui visiblement avait des choses prévues ce soir. Pas vraiment surprise, elle ne lui en tint pas forcément rigueur et elle passa son après-midi à lire, se détendre, et à échanger avec son amie Misa qui elle aussi avait quelque chose de prévu. Pas plus vexée pour autant, elle se dit que finalement, passer une bonne petite soirée comme cela n'était pas plus mal. Comme elle l'avait dit, elle n'était pas sorteuse. Elle n'était donc pas du genre à déprimée face à la situation.

Bien entendu, elle avait aussi échanger quelques messages avec Oguro, mais cela c'était assez normal. Il avait l'air de passer une journée assez classique bien que  bien fournie. Mais au moins, elle avait la confirmation que tout se passait bien et c'était important pour lui comme pour elle. Elle lui aurait bien rappelé de faire attention lors de ce fameux verre, mais elle ne voulait pas  paraître trop stressée ou inquiète. Ce n'était pas le but et puis tout allait bien non ?

Voilà donc comment la journée s'était déroulée pour elle. Rien de surprenant, rien d'inquiétant. Sauf qu'il était désormais 22h et qu'elle n'avait plus de nouvelles d'Oguro depuis un moment. Il lui avait envoyé un  message pour lui dire qu'il était arrivé au bar et c'était vers 18h30. Mais depuis plus rien. Ce qui en soi avait quand même le don de l'agacer. Pas question pour elle d'être parano, mais tout de même, cela faisait un bail non ? Et pourquoi le nier, le savoir avec Shenjo ne la réjouissait pas trop. Oguro n'avait pas répondu aux derniers messages ni même à ses appels.

Que devait-elle faire ? Appeler la police était un peu excessif mais elle espérait que tout se passe bien. Peut-être n'avait il plus de batteries ? Non il lui aurait dit. De plus cela sonnait bien donc il était allumé. Et elle ne voyait pas vraiment pour quelle autre raison il ne pouvait plus lui répondre. Hormis un tracas.

Faisant les cent pas dans la maison, elle venait encore de l'appeler  mais de nouveau c'était le silence. Puis soudain, enfin son portable avait sonné. Et c'était Oguro qui l'appelait, comme le signalait la photo  qui s 'affichait sur son fond d'écran .Enfin, ce n'était pas trop tôt. Sauf que ce n'était pas sa voix à l'autre bout du téléphone.

« Miho ? C'est Shenjo. Oguro a un peu trop forcé sur le saké. On va prendre un taxi et je le ramène. A tout de suite. »

Elle n'avait même pas eu le temps de répondre ou de dire quoique ce soit. Partagée entre le soulagement de savoir enfin de quoi il en retournait mais également inquiète, elle ne pouvait pas s'empêcher de penser que comme elle le redoutait  cette histoire de verre avait dérapé. Et Shenjo devait y être pour quelque chose.

La journée avait été assez classique pour Oguro. Il avait travaillé comme toujours avec sérieux et avec le désir de bien faire les choses. C'était d'ailleurs quelque chose qu'on ne pouvait pas lui reprocher. Appliqué, il l'était et peu importe ce qui pouvait se passer, il prestait toujours de la meilleure des façons.Il avait passé la majeure partie de son temps avec Shenjo. Ce dernier devait préparer un dossier de présentation pour son père concernant un client potentiel et Oguro devait bien admettre qu'il l'avait finalement plus aidé qu'il ne l'aurait voulu. Mais il avait tellement peur que cela se passe mal qu'au fond, il préférait s'assurer que tout se passe au mieux en le faisant lui-même. Certes, Shenjo en abusait et en jouait mais Oguro ne s'en rendait pas forcément compte, trop soucieux de bien faire les choses.

Mais soit,  il se disait que le principal était que son employeur soit satisfait. Et si Shenjo avait eu droit aux félicitations, au fond, c'est lui qui aurait du les recevoir.Pour le reste, il avait aussi avancé sur certains dossiers qu'il gérait.Ce n'était pas toujours simple car s'occuper de son « élève » lui pompait du temps , mais il s'efforçait de garder un rendement assez haut. Bien entendu, il avait aussi échangé quelques messages avec sa femme et quand la fin de la journée était arrivée, c'était avec un certain sentiment du devoir fait qu'il pouvait cloturer cette journée. Qui d 'ailleurs ne l'était pas.

Comme annoncé, Shenjo l'avait entrainé dans un bar. D'autant plus qu'il voulait le remercier pour le coup du main sur la présentation du dossier. Nous étions vendredi soir et pourquoi le cacher, très vite, il s'était laissé un peu griser par l'ambiance. Ayant la réelle sensation d 'obtenir enfin une forme de reconnaissance, cela lui faisait bien au fond de faire comme tout le monde, d'aller au bar en fin de semaine avec un collègue boire quelques coups. Et ironie du sort, c'est finalement assez facilement qu'il s'était laissé embarquer dans une situation qu'il en maitrisait pas. Quelques verres , ou beaucoup c'est selon puisque Shenjo en avait moins bu, il n'était plus vraiment le Oguro qu'on pouvait connaitre. Moins réservé, plus volubile, il s'était laissé à la confidence avec le jeune homme qui l'accompagnait , et sans se méfier, avait commencé à se confier sur lui, sa vie, sa femme, son mariage, ses aspirations. Croyant parler à un ami, il ne s'était pas vraiment méfié et lorsque la fin de soirée arriva, Oguro était complètement ivre tout en ayant la sensation de gérer et de ne rien faire de mal. Après tout, Shenjo avait raison, ce n'était pas pour une fois où il se lâchait un peu, et puis il l'avait bien mérité. Miho comprendrait non ?

« Préviens ma femme »

Dans un sursaut d'orgueil, et alors que son collègue le soutenait, Oguro entrait tant bien que mal dans le taxi suivi du jeune homme. Sous le regard quelque peu lassé du chauffeur, il n'avait pas remarqué que son portable était désormais dans les mains de Shenjo ni qu'il y avait bon nombre de messages de Miho. S'appuyant contre la vitre et se laissant glisser contre la porte, Oguro commençait à sombrer dans les limbes de l'alcool avec un sourire presque béat. Ironie du sort, il avait finalement passé une assez bonne soirée en dépit du mal de tête qu'il aurait sans doute demain matin. A côté de lui,dans le véhicule, une personne semblait particulièrement amusé par la situation. Venant de terminer son appel, il commença à fouiller dans le téléphone et regarda quelques photos du couple qui le fit sourire.Visiblement encore assez frais mentalement, il avait l'air assez satisfait en voyant son mentor dans les vappes.

« T'en fais pas mon cher Oguro je vais m'occuper de ta femme ce soir. Elle et moi on a des choses à se dire »

Miho faisait les cent pas dans sa maison en attendant l'arrivée de son époux. Il fallait dire que la situation était assez habituelle. Oguro buvait rarement et dès lors, l'imaginer ivre paraissait assez incroyable. Et pourtant c'était bel et bien le cas. Sur le principe, elle était pas forcément vexée ou inquiète. En temps normal, cela aurait même pu l'amuser de savoir que son époux pouvait se lâcher aussi. Le problème restait le même : c'était lié à la présence de Shenjo. Passablement méfiante vis à vis de lui, elle l'était encore plus en se disant clairement qu'il n'était pas étranger à l'alcoolémie élevée de son époux. Il devait y avoir encouragé sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi d 'ailleurs.

Passant une main dans ses cheveux, elle portait aux pieds des sandales fermées qui faisaient office de pantoufles. Ayant des bas  collants couleurs chair aux jambes, elle portait une jupe grise qui arrivait à ses genoux. Portant un pull jaune foncé en guise de haut, elle avait ses cheveux défaits et portait comme bijoux son alliance. Rien d'autres, hormis un pendentif en forme de coeur offert par Oguro. Comme souvent, Miho se distinguait par un style assez épuré.Mais cela lui donnait aussi ce charme si particulier.D'ailleurs, elle n'était pas sans atouts même dans sa tenue. Mais ce n'était pas ce qu'elle cherchait. Après tout, elle était mariée, chez elle et en plus, elle n'avait pas été dans cette optique là même quand elle était plus jeune.

Ceci dit, elle était assez rassurée aussi. Au moins, elle savait que tout allait assez bien pour lui. Si on exceptait le paramètre Shenjo, elle devait bien avouer que cela aurait pu être pire. Le stress était donc toujours là mais il était différent.Et comme mentionné ci-dessus, il était attaché à la personne qui accompagnait son époux et rien d'autre. Mais avec un peu de chance , tout serait sous peu terminé. En tout les cas, jamais le temps ne lui avait paru si long. Et quand elle entendit la porte résonner de trois coups, elle se rua vers celle-ci.

« Oguro mon coeur. »

Shenjo elle ne s'en souciait pas. Prenant Oguro comme elle le pouvait pour le soutenir, elle l'amena tant bien que mal vers le salon pour le faire asseoir dans le divan. Allant vite chercher un verre d'eau, elle se rendit vite compte qu'il n'était pas vraiment capable de boire et qu'il était embarqué dans un sommeil qui n'avait rien de naturel mais qui était bien de plomb. Lui enlevant sa veste , ses chaussures et le faisant s'allonger, elle n'eut pas vraiment de difficultés à le faire tant il paraissait être un pantin désarticulé. Lui mettant une petite couverture sur lui, elle resta un moment à l'observer pour s'assurer que tout allait bien. Comment avait-il pu se mettre dans un état pareil ?

« Qu'est ce qu'il s'est passé bon sang ? »

Pour la première fois , elle s'adressait à Shenjo. Pas vraiment agressive mais malgré tout énervée, elle voulait comprendre ce qu'il s'était passé.Et puis d'ailleurs il comptait rester chez eux ?

Oguro n'était pas en mesure de répondre. Le voyage en voiture n'avait pas vraiment aidé à arranger son cas. Il était parti dans un lourd sommeil et sans doute ne pourrait il en sortir que le lendemain matin avec un énorme mal de crâne.D'ailleurs, il n'avait même pas percuté qu'il était désormais chez lui et autant dire que Miho pouvait lui parler, il n'allait certainement pas réagir.

D'ailleurs Shenjo était satisfait d'en être quitte avec ce boulet. L'objectif était atteint, il l'avait ramené chez lui comme il le voulait. Et pour être franc, dans un premier temps , le fait que Miho ne le calculait pas n'était pas pour lui déplaire. Prenant le temps de redécouvrir les lieux, il avait réglé le taxi avant de monter et pouvait désormais penser à la suite de son plan. Car oui, il y avait un plan derrière tout cela. L'idée était de se retrouver chez Oguro tout en le mettant hors de nuire. Et c'est ce à quoi il s 'était employé. Pourquoi le cacher, cela avait été plus facile que prévu. Oguro lui faisait tellement confiance qu'il n'avait même pas vraiment remarqué qu'il le poussait à boire.La seule difficulté , cela avait été de faire en sorte que son verre se remplisse régulièrement tout en donnant l'illusion de faire de même de son côté. Il avait certes du l'écouter et faire la conversation, mais le jeu en valait la chandelle pour le jeune homme de 20 ans. D'ailleurs, qu'est-ce qu'il cherchait au juste ?

Tout simplement la femme de son mentor : Miho. Cela faisait un moment maintenant qu'il s'était mis en tête de la faire sienne et donc, il fallait voir ce qu'il s'était passé ce soir comme une sorte d'accomplissement.Depuis des semaines et même des mois, il avait commencé une forme d'entreprise qui avait un seul but : amener Miho à le satisfaire. D'ailleurs c'est lui qui avait demandé à son père de bosser en duo avec le mari de celle-ci. C'était un choix stratégique. Premièrement parce que Shenjo savait qu'il allait lui faciliter la vie au boulot et qu'il allait lui permettre de calmer son père qui avait du mal à digérer le foirage de ses études.Car le jeune homme n'était plus à l'université. Pas assez sérieux, et une affaire de cannabis avait fini par réduire à néant l'influence de son père qui n'avait pas pu le sauver de cela. Bien entendu, l'affaire avait été tournée autrement mais Shenjo , appelé à reprendre l'entreprise de son père, devait maintenant se former autrement et si son père le soutenait publiquement, il n'allait pas le rater en privé. Bref, il était sensé partir du bas comme n'importe quel employé et montrait ce qu'il valait. Et en soi, Oguro était le pigeon idéal.

Et donc,deuxièmement, cela lui avait permis d'entrer dans la vie de ce dernier aussi. A diverses reprises, il avait pu rencontrer sa femme et en apprendre sur celle-ci. Qu'avait-elle de particulier à ses yeux ? Plein de choses.Elle lui plaisait physiquement déjà ce qui était le principal. Mais pas seulement. Il aimait son style, sa façon d'être et son côté finalement sainte nitouche. Il était certain qu'elle cachait bien son jeu et puis, il se disait qu'elle devait justement valoir le coup. Et puis il y avait le fait qu'elle était plus âgée, mariée et qu'elle n'avait pas l'air d'être le genre à tromper son mari.Bref , tout cela l'excitait plus que cela ne le décourageait et il entendait bien jouer ses cartes jusqu'au bout.

« Disons qu'Oguro avait besoin de décompresser un peu »

La regardant il était débout et ne se privait pas de lui faire sentir son intérêt. De toute façon depuis le temps, elle avait du le comprendre non ?

Décompresser un peu ? Il se foutait d'elle non ? Ne disant rien, elle laissa un moment de silence entre eux. Remarquant assez vite son regard sur elle, Miho fit mine de ne pas se laisser troubler mais elle avait du mal à soutenir son regard.Mal à l'aise, elle avait envie de lui faire remarquer que ce qu'il disait n'avait pas de sens. On pouvait décompresser sans se rendre malade. Or, là, c'était comme si Oguro avait été amené à boire plus que de raison et sans se soucier des conséquences. C'était vraiment pas son style et elle le soupçonnait fortement de l'avoir fati exprès. Mais encore une fois ce n'était que son ressenti. Et puis,elle avait face à elle le fils du patron de son mari. Elle ne devait pas le perdre de vue. Il fallait mettre des formes et ne pas dire tout et n'importe quoi non plus, c'était important pour son mari.

« Cela ne lui ressemble pas trop mais merci de l'avoir ramené. »

Cela lui coutait de devoir le remercier alors qu'elle continuait de penser qu'il était responsable de cela. Mais encore une fois, elle le faisait pour Oguro, pour lui éviter de devoir se justifier ensuite ou d'affronter une situation compliquée au niveau professionnel. Néanmoins, il y avait déjà un certain malaise entre eux.Miho n'était définitivement pas  son aise et elle sentait de plus en plus ses yeux sur elle. Mais pouvait-elle lui demander de partir comme cela ? Quelqu'un  d'autre aurait pu le faire. Mais la jeune femme avait certains principes d'éducation et un caractère qui faisait qu'elle se sentait obligée de lui proposer quelque chose même si elle en avait pas envie .

« Vous voulez quelque chose à boire ? »

Elle espérait qu'il dise non. Elle n'allait pas le nier.Il était assez tard dans la soriée et elle avait envie de passer un moment avec Oguro, s'assurer que tout allait bien pour lui. Malgré tout inquiète, sa proposition ne se basait donc que sur les règles élementaires de politesse.Pour qu'on ne puisse pas lui reprocher d'avoir fait en sorte que celui qui avait ramené son époux alcoolisé ne se sente pas dévalorisé. Miho en était là et elle désirait donc qu'on puisse ne pas lui reprocher d'être une mauvaise maitresse de maison.

« Mais il est déjà tard sans doute que vous souhaitez rentrer après cette soirée mouvementée et qu'on vous attend. »

Une façon polie de lui envoyer un message ? Sans doute. Elle désirait le voir partir. C'était mieux et puis encore une fois elle voulait s'occuper de son mari.Le reste, elle ne s'en souciait pas. Tout au plus, elle avait mis les formes pour un homme qui avait aidé son époux. Encore que le mot « aider » était sans dpute faux.

Shenjo n'était pas pressé à vrai dire. Et si Miho semblait vouloir l'envoyer vite fait chez lui, de son point de vue, le désir était tout autre. Ainsi, bien décidé à rester, il ne tarda pas à lui dire.

« Je veux bien un soda. »

Il ne demandait même pas si elle en avait . Ne tardant pas à s'asseoir à la table de la salle à manger qui était la première vraie pièce de la maison, il était assez relax et tranquille comme si tout ceci était somme toute normale.  Ne se privant pas de la lâcher, il réagit sans trop tarder à ce qu'elle avait dit comme remarque .

« Disons que ces derniers temps Oguro a été sous pression et que je pense qu'il avait besoin de souffler. Ce qui peut se comprendre. Il y a eu le mariage, le désir d'assurer d'être un bon mari, le désir de vouloir performer au boulot et répondre aux attentes de mon père. Tu sais Miho, ton mari sait très bien que le fait de devoir me former est à double tranchant pour lui. »

Il n'avait pas besoin d 'en dire plus pour déjà planter l'angle d'attaque. La tutoyant sans vraiment se soucier de savoir si elle était d'accord, il venait déjà d'insister comme il le fallait sur le fait qu'il devait satisfaire les attentes au travail. Et ce n'était pas innocent bien entendu. Il savait ce qu'il faisait. Il voulait déjà installer un climat de tension et de stress autour d'Oguro et de son avenir professionnel. La regardant lui amener , il lui lança un sourire assez carnassier, avant d'ouvrir sa canette et de boire une gorgée.

« Mon père me demande régulièrement comment cela se passe avec lui. Pour l'instant je n'ai pas vraiment grand chose à lui reprocher. Il fait de son mieux. Mais bon cela peut toujours changer. »

La phrase pouvait paraitre un peu brutale mais c'était le but. Pas vraiment du genre à mettre des gants, il savait très bien qu'il allait piquer la curiosité de sa vis à vis. C'était le but. En laissant planer une forme d'incertitude et de menace.

« En tout cas  Oguro a été très bavard sur sa vie et ses projets avec toi. C'est vraiment mignon.  Avoir un enfant, offrir une vie agréable aux gens qu'il aime, prendre du galon dans la société. Et puis il est si heureux de t'avoir épousé. On sent qu'il t'aime vraiment. »

Le ton avait changé dans la voix. Il se faisait plus sec comme d'ailleurs son regard qui se faisait plus inquisiteur. Shenjo n'était plus le même et avait clairement changé d'approche et d'attitude. Il était désormais un chasseur face à une proie.

Miho n'aimait pas ses airs. D'ailleurs, elle peinait à le masquer. Cela se voyait dans la manière qu'elle avait eu de lui donner sa canette de soda. Pas de verre, pas de svp, de toute façon il s'était permis de s'asseoir et s'incruster alors qu'elle ne le voulait pas. Cela avait le don de l'agacer et elle ne comprenait pas comment  il pouvait avoir l'audace d'agir de la sorte. Cela défiait tout bon sens . Mais finalement cela correspondait à l'image qu'elle se faisait de lui. Et quand elle avait commencé à l'entendre le tutoyer, elle comprit qu'il avait décidé de ne même plus faire semblant de mettre les formes.

L'écoutant, elle l'avait entendu en quelque sorte dresser un tableau de son époux qui était faussement positif. Parce que il ne cherchait pas à en dire de bien. Non, le ton était moqueur, insolent, et elle percevait bien qu'il laissait sous entendre des choses qui n'étaient pas correctes. Cela ne lui plaisait pas et elle n'allait pas le laisser faire. Elle était prête à sortir les griffes.

« Oguro est un homme bien et un mari merveilleux. Nous sommes heureux ensemble et oui nous voulons fonder une famille. Il se dévoue totalement à son travail et vous savez comme moi qu'il ne compte pas ses heures pour vous former. Il est animé de bonnes intentions en plus. Et cela votre père le sait aussi. Et j'espère qu'il recevra la reconnaissance qu'il mérite. »

Tout en restant courtoise, elle se voulait assez  ferme. Elle ne voulait pas qu'on puisse la taxer d'un manque de respect. Mais elle tenait aussi à pouvoir faire comprendre à Shenjo qu'elle n'était pas dupe et comprenait son manège. D'ailleurs elle se demandait quelle était sa motivation mais elle sentait bien qu'il y avait quelque chose de malaisant chez lui. Mais elle tenait aussi à ne pa smettre Oguro en mauvaise position par rapport à quelqu'un qui pouvait lui nuire au travail.

« Je ne sais pas vraiment ce que vous pensez de mon mari. Mais j'espère que vous saurez admettre qu'il a fait beaucoup pour vous. »

Elle tenait à le dire encore une fois de manière plus claire. Pas non plus désireuse de s'attarder sur sa vie privée qui ne le regardait pas, elle attendait maintenant qu'il termine et parte. Ensuite, elle pourrait aller se coucher et veiller à ce que son époux se remette de cette mauvaise soirée. Et si elle ne l'avait pas fait, elle pensait fortement que c'était lui le premier responsable de cela ; Même si elle ne savait toujours pas vraiment quelles raisons avaient pu le conduire à se comporter comme cela .

Shenjo sentait bien que même si elle y mettait les formes, Miho commençait lentement mais surement à s'échauffer.  C'était palpable qu'elle ne voulait pas le voir rester et qu'elle désirait défendre avec vigueur la cause de son mari. Malheureusement pour elle, le jeune homme de 20 ans n'avait pas en tête de lâcher l'affaire. C'était même tout le contraire puisqu'il avait désormais tout le loisir de déballer l'ensemble de son jeu de cartes. Oguro dormait , et il était seul avec elle. Et puis elle venait de lui demander ce qu'il pensait de son cher et tendre non ? Buvant une gorgée, il se mit à sourire et déballa ses intentions.

« Pour être franc j'ai pas choisi par hasard Oguro comme mentor. Je savais qu'il serait parfait pour me sauver le coup avec mon père. Je suppose qu'il t'a expliqué que j'avais du stopper mon cursus universitaire. Mon père a eu bon faire comme si c'était prévu, il a eu du mal à le digérer et j'avais besoin de quelqu'un comme ton, mari pour redorer mon blason. Il est tellement soucieux de bien faire qu'il fait bien plus que de me former. En quelque sorte, c'est lui qui fournit le plus gros travail. Et tous les deux on fait semblant que ce n'est pas le cas pour diverses raisons. Personne d'autres dans la boite n'aurait fait cela pour moi. Et lui est tellement heureux de se sentir utile et de s'imaginer que je lui suis reconnaissant. »

Voilà , les masques tombaient. Shenjo n'essayait même pas de faire semblant à vrai dire, il disait les choses de la manière la plus limpide et la plus claire au monde. Il se servait d'Oguro. Et il n'avait pas l'air d'avoir une once de regrets en plus. Mais pourquoi lui dire cela à elle ? Se levant, il fit le tour de la table pour venir se poster dans son dos sans tarder. Approchant son visage de l'oreille gauche de Miho, il semblait se délecter de ce moment. La humant, il finit par lui glisser dans le creux de l'oreille.

« L'autre raison c'est qu'il a quelque chose qui m'intéresse fortement. Je dois bien avouer que sur ce point je lui suis envieux. D'autant plus que je ne sais pas comment il a fait pour mériter cela. Mais ce n'est pas grave , puisque de toute façon j'ai les moyens de l'obtenir aussi. »

Il s'arrêta , alors qu'il restait derrière elle, une main venant se poser sur l'épaule droite de Miho, tandis que l'autre se mit à lui caresser la joue gauche. Passant à la vitesse supérieure, il agissait avec une désinvolture presque irréelle.

« Ce quelque chose c'est toi tu l'as compris. Dès que je t'ai vu et sans que je sache pourquoi j'ai eu envie de te posséder. Cela fait un moment maintenant que je t'observe et que j'entends ce brave Oguro vantait tes mérites et je ne doute pas qu'il y en a d'autres que lui même ignore. »

Sans même l'ombre d'un doute, il passa alors un léger coup de langue sur le lobe d'oreille gauche de sa cible avant de conclure avec une forme de cynisme déconcertante

« Vu comme c'est parti Oguro est parti jusque demain matin. On a largement l'occasion de voir jusqu'à quel point je peux être reconnaissant envers Oguro. »

Et de nouveau il lui relècha l'oreille alors que la main sur l'épaule descendit au niveau de la cuisse droite de Miho, par dessus la jupe..

Miho  n'aimait pas la façon qu'il avait d'agir et de se comporter. Il était bien trop familier, bien trop arrogant et n'avait visiblement même pas la gêne de se comporter ainsi chez des gens dont il était l'invité forcé. Elle qui n'était pas grande fan du personnage, cette fois, avait la confirmation qu'il avait bien caché son jeu . D'ailleurs, quand il commença à parler, elle comprit qu'il n'avait jamais vraiment respecté son époux depuis le début. Il s'était servi de lui et elle ressentit un fort sentiment d'injustice . Ce n'était pas juste, encore plus quand on pensait à tout ce que Oguro avait pu faire pour  aider le jeune homme et l'entreprise. Il ne fallait avoir aucune morale pour agir ainsi. Son mari l'avait invité chez eux, lui avait ouvert la porte de sa maison et en remerciement, il n'avait aucune gêne à dire qu'il se servait de lui. C'était vraiment une honte.

« C'est vraiment triste de se servir des gens comme cela et de les manipuler. Et je ne comprends pas pourquoi vous faites cela. »

Elle continuait de lui dire vous. Et elle avait même haussé la voix, même si elle aurait pu se montrer plus agressive encore. Mais voilà, même en colère, et elle l'était, Miho restait la personne qu'elle était. Mais cela n'était pas tout puisqu'il disait qu'il y avait autre chose encore. Quelque chose qu'Oguro avait et qu'il convoitait. Intriguée, elle l'avait vu se lever et sur l'entrefait, lui dit .

« Vous feriez mieux de partir vraiment.Je ferai comme si je n'avais rien entendu même si je suis triste de voir le peu de respect que vous avez pour mon mari en sachant qu'il vous sauve la mise. Mais je sais aussi qu'apprendre la vérité le blesserait. »

Oui , lui qui croyait avoir trouvé quelqu'un avec qui s'entendre, cela pouvait le toucher bien plus qu'elle ne l'aurait aimé. Et elle voulait lui épargner autant que possible ce qui serait une claque. A se demander si Shenjo ne le savait pas aussi d'ailleurs et en jouait. Mais elle l'avait vu se déplacer, et quand elle le sentit derrière elle, elle se crispa, sentant son souffle chaud dans son cou et dans le creux de son oreille.

« Qu'est ce que vous faites ? Partez je vous prie. »

Voilà qu'il la touchait en prime. Une main sur l'épaule, une main sur le visage, alors qu'elle tourna légèrement sa tête vers lui, le fusillant du regard.


« J'ai demandé d'arrêter. Si c'est une blague elle est de très mauvais goût. »

Mais aussi vite, elle se raidit de nouveau. Non seulement , il lui avait léché le lobe de l'oreille, mais en plus, une main était posée sur sa cuisse. Ressentant comme une décharge dans tout son corps, elle mit un certain temps à comprendre ce qu'il se passait.

« C'est du chantage ? »

Oui ca l'était , alors qu'elle avait posé la question et qu'elle  se sentait comme figée sur place. Sentant la langue sur son oreille, elle était submergée par toutes sortes d'émotions, à commencer par le dégoût mais aussi la peur.

« Arrêtez cela tout de suite ou je crie. »

Et d'un coup, elle s'était redressée , sa main s'était presque automatiquement portée sur la joue du jeune homme d'un geste brusque et elle avait pris quelques pas d'éloignement , tentant de reprendre son souffle et ses esprits.

« Je vous demande de partir ou j'appelle la police c'est clair ? »

Cette fois, elle voulait dire stop et cessez ce petit jeu malsain et honteux.