Enothis était d’une inquiétude presque palpable pour sa compagne d’infortune. Finalement, cela avait ses bons et ses mauvais côtés : Cela l’aidait aussi à oublier ce qu’elle venait de subir, et à s’assurer de prendre le soin le plus absolu de Lissandre, mais elle y perdait sûrement en jugeote et en analyse de la situation. Ce qui comptait pour elle, ce n’était pas ces enfoirés qui leur avaient fait du mal, parce que ces salopards sans foi ni loi pouvait bien aller crever, elle ne se laisserait tout simplement pas humilier par leurs comportements. Ils n’auraient pas le fin mot de l’histoire, il ne la pousserait pas à se croire une chose faible et minable qui vivrait comme elle le pourrait dans le traumatisme qu’ils lui avaient fait subir. Non, elle serait plus forte que ça. Et son but final, aussi maladroit puisse-t-il être, c’était que Lissandre non plus ne le vive pas ainsi, qu’elle puisse se raccrocher à quelque chose qui lui permettrait de ne pas flancher, de ne pas voir en chaque homme, en chaque crétin, un risque potentiel, ou un danger qui n’aurait d’autres manières de la concevoir que comme un petit morceau de chair à portée masturbatoire. Cela n’était guère aisé, et surtout, cela n’allait pas dans le sens que le monde voyait les choses, mais… Mais elle ne pouvait se résoudre à abandonner sa camarade dans le doute et la détresse ! Alors même si elle n’avait pas encore la solution, elle comptait bien la chercher. Peut-être qu’une fois à l’abri, elle pourrait réellement y réfléchir, lui offrir un peu de baume pour calmer la chaleur ardente de ses plaies psychologiques. Pour l’instant, toutefois, l’objectif allait être de s’en sortir, avec toute la hargne du monde, et la première étape cruciale de cet objectif débutait maintenant : S’enfuir, dans les rues, le plus mal fardé possible, et ne pas se faire voir.
A cette occasion, elle avait demandé l’aide de la française. Elle semblait quand même bien plus capable qu’elle de se repérer dans la cité, y résidant depuis plus longtemps qu’elle, aussi il paraissait somme toute parfaitement logique qu’elle aille la chercher pour qu’elle prenne en main leur virée nocturne. Peut-être que l’égyptienne, en son for intérieur, espérait aussi que ce genre de prise en main de la situation lui permette de se ragaillardir, de trouver quelques forces et ressources inimaginables encore à ses yeux, et que celle-ci aurait le divin pouvoir de la placer dans les meilleurs dispositions possible pour qu’elle se sente à nouveau humaine, femme, et forte à la fois. Toutefois, la première réaction immédiate de Lissandre ne sembla guère être de cet ordre. La jeune femme qu’Enothis avait bien malheureusement emportée dans ses déboires habituels était encore bien perdue, et commença par regarder autour d’elle, comme si elle redécouvrait seulement maintenant les lieux où elles s’étaient retrouvées par malheur. C’était non seulement parfaitement compréhensible, mais surtout bien plus humain que la réaction de la demoiselle à la peau de bronze, qui drapée de son honneur et de son orgueil se rattachait bien plus à sa colère qu’à sa peine. Peine quasiment inexistante au vu du don d’Emaneth qui parcourait encore sa chair. Quant est-ce que ça allait se terminer d’ailleurs ? Rah cela l’énervait encore d’un cran supplémentaire. Elle chercha un temps à se refaire en tête la carte de Seïkusu, et de ses différents arrêts de métro pour pouvoir tenter de se repérer, mais tandis qu’elle appliquait cette gymnastique mentale, elle fut couper par son amie, qui semblait enfin avoir mis un peu d’ordre dans son esprit :
«
Bien, bien sur. Je vais nous trouver un abri… On-on y va, E-Enothis. Suis-moi. »
Quand la française prit sa main dans la sienne, il ne fut pas difficile pour la lycéenne de voir que sa compagne de la soirée était encore extrêmement inquiète et nerveuse. L’inverse aurait été étonnant, mais du coup elle pouvait prendre la mesure de l’ensemble du courage que Lissandre devait accumuler pour se sortir de la torpeur induite par les événements qu’elles avaient vécues. Enothis ne voulant pas le moins du monde être un fardeau, ou se reposer sur la jeune femme qui était dans un plus triste état que le sien, elle se mit à marcher à ses côtés, voulant lui signifier par ce choix un peu maladroit qu’elle était présente, vive, et capable de la soutenir dans cette nuitée dramatique. Elles traversèrent le couloir à petits pas, l’une étant encore passablement en état d’alerte, l’autre en pleine crainte que le moindre lieu ne soit l’occasion d’un nouveau guet-apens de la part d’un abruti sans vergogne, ou du groupe de l’autre saloperie à tête de pelouse fraîchement tondue. Mais rien ne vint à leur rencontre. Ni les flics véreux, ni les voyous sans vergogne. Tout ce qu’elles eurent à faire, c’est de finir leur pénible périple dans la fraîcheur du bâtiment abandonné à une telle heure de la soirée, et de rejoindre la sortie, toute aussi sombre, qui menait vers les longues et inquiétantes rues de la ville endormie. Quelques cauchemars sous formes humaines s’y seraient faufiler qu’Enothis ne serait guère surprise, mais la jeune femme ôtait de son esprit la moindre forme de réflexion, et c’est à peine si elle surveillait les environs, ne se concentrant finalement que sur deux choses : Sa compagne, et son corps prêt à tout pour frapper le premier truc qui s’approcherait d’elles !
Sous l’impulsion de Lissandre, elles quittèrent les halls froids du métro pour s’élancer dans les ténèbres nocturnes et leurs lampadaires presque plus effroyables encore. Dans la situation qu’elles vivaient, ni l’une ni l’autre ne souhaitaient être remarquées, et même si la lumière pouvait donner une impression de zone chaleureuse, ce n’était guère au goût de l’égyptienne en cet instant, malgré le froid mordant qui s’attaquait à sa chair. En sous-vêtements, elle avait au moins le bonheur de ne pas s’être retrouvée pieds-nus, auquel cas elle se serait sûrement déjà figée sur place, la plante des pieds glacées par le bitume semblable à quelques glaciers. Et concentrée pour la première fois sur ses propres ressentis, l’étrangère n’eut même pas l’occasion de remarquer les phares de cette voiture qui se rapprochait à grande vitesse. Heureusement qu’elle n’était pas seule. La française douée d’une nouvelle mission avait été bien plus attentive, et même si elle prit Enothis de court avec sa soudaine pointe de vitesse, cette dernière emboîta le pas de la femme à la tenue déchirée le plus rapidement possible, se laissant emporter le plus vivement du monde entre quelques poubelles épaisses afin de conserver leur vertu à l’abri d’un énième regard inquisiteur. Pour la première fois, les ténèbres eurent un aspect amical. Dissimulées l’une contre l’autre, c’est presque si l’égyptienne n’y trouva pas une nouvelle fois un brin de réconfort. Auprès de Lissandre, dont le comportement était devenu des plus protecteurs, la demoiselle aux yeux d’ors se sentait revigorée. Elle pouvait le faire, la protéger elle aussi, la tenir éloigner du danger, et cette émotion gouverna rapidement l’entièreté de son esprit. Elle observa la mine décidée de son amie, à peine éclairée quand les phares de la voiture l’éclairèrent au ralenti : Oui, elle ferait ce qu’il faut pour la tirer du moindre mauvais pas. Elle pouvait l’assumer. Elle pourrait tenir le coup.
Libérée de la présence inquiétante de la lumière, elles reprirent toute deux leur cheminement, commençant à s’enfoncer au milieu des petits chemins qui parcouraient la zone résidentielle pour passer de couples d’immeubles aux pitoyables squares décoratifs. En toute honnêteté, les lieux étaient suffisamment fournis en obstacles divers pour qu’elles puissent se dissimuler à mesure qu’elles progressaient, ce qui était rassurant comme tout. En revanche, Enothis manqua sursauter quand elle entendit sa compagne d’infortune s’exclamer, même si tout bas, en pointant du doigt l’amas de linge suspendu à un balcon quelques mètres plus loin. Visiblement, la demoiselle européenne y voyait là une forme de bénédiction, tandis qu’Enothis n’en était pas aussi certaine : Elle craignait que leurs actions n’ait des conséquences, et même si elle avait extrêmement froid, elle se voyait mal se couvrir de quelques affaires sans formes pour courir ensuite se trouver un abri. Malheureusement son amie en avait déjà décidée autrement, et qui pouvait lui en vouloir, elle se sentait déjà suffisamment entachée dans son amour-propre pour que la simple idée de pouvoir dissimuler son corps lui offre une impression de paix morale. Aussi, l’égyptienne ne se sentit pas un instant la capacité de se dresser contre son choix. Elle l’accompagna, en regardant autour d’elle, de peur que qui que ce soit n’apparaisse et ne dénonce leur acte criminel. Mais à peine avait-elle fait cette menue vérification que Lissandre avait déjà atteint les hauteurs du balcon, et lui tendait une main salutaire pour l’inviter à la rejoindre. Enothis manqua encore une fois objecter qu’elle serait plus efficace à veiller que nul n’approcherait… Mais elle ne s’en sentit pas la force, face à cette Lissandre qui reprenait enfin un peu de forces.
«
Ne reste pas en bas. Rejoins-moi.-
Je… Oui bien sûr, pardon j’ai la … la tête ailleurs. »
Elle prit la main de son amie et s’en aida pour grimper. Ce ne fut effectivement pas une situation complexe, mais une fois arrivée en haut, difficile de dire qu’Enothis se sentait bien à l’aise. Elle voyait bien les lieux pourtant, elle saurait remarquer si la moindre personne s’approchant, et plus encore, le linge étendu aurait tout le don de les dissimuler si elles s’accroupissaient, ce qui rendait leur présence sur le balcon parfaitement sûre. Pour autant, rien ne savait la calmer, elle avait l’impression de louper un détail. Pourtant elle n’eut guère plus de temps pour y réfléchir : Lissandre commençant à fouiller dans les affaires qui se trouvaient devant elle, l’égyptienne n’eut d’autre choix que de lui emboîter dignement le pas, commençant à fait l’inventaire de ce qui leur était « proposé ». Difficile de dire que tout cela était à son goût. Parmi les tenues qui étaient accessible, ce qui semblait le plus évident était la teneur « affriolante » de celles-ci. Une robe bustier courte par exemple, le genre qu’une dame vendant sa vertu sur les trottoirs pourrait parfaitement porter par une telle nuit pour aguicher la clientèle. Une autre encore des plus louches, dont le dos était ouvert par une large forme ovale, livrant pleine vision sur le haut du fessier. Des chaussettes et des bas plus ou moins haut, ou encore un petit chemisier occupant une place qu’il partageait avec une jupe dont la longueur était tout simplement… tendancieuse. C’était à peine si la demoiselle à la peau de bronze ne se demandait pas si il s’agissait de l’appartement d’un vieux pervers, ou d’une cosplayeuse professionnelle. Dans un cas comme dans l’autre, l’audace de présenter de telles tenues à la vue de tous était terriblement audacieux !
En tout cas, elles fouillèrent autant que possible, sans se douter les événements qui se déroulaient derrière la porte vitrée. Monsieur Oga n’était pas un saint homme, et même si il n’était plus capable d’accomplir ce qu’il avait fait lors de ses vertes années, il avait sut compenser son changement physique par un machiavélisme qui n’avait aucune mesure. En cet instant, les lunettes nocturnes sur le nez, il se délectait non seulement du spectacle, mais surtout, il pensait à son prochain mouvement. Ces deux jeunes filles qui se trouvaient actuellement sur son balcon étaient très clairement en train de vivre une situation bien compliquée, personne ne se baladant dans de telles tenues en pleine nuit, aussi il voyait bien deux possibilités se profiler. Celle du « gentil monsieur Oga » et du « juste monsieur Oga ». En sommes, soit s’affairer à les secourir pour mieux les piéger, soit profiter de leurs exactions pour jouer de leur culpabilité. Les deux se valaient, mais tandis que les deux jeunes femmes fouillaient son appât, il eut lentement le plaisir de sourire sous sa moustache blanche en imaginant combien il pourrait se délecter de les voir s’en sortir face à l’évidence même de leur méfait. Alors … il tendit lentement la main en direction de la belle télécommande qui se trouvait sur la table et activa la caméra de surveillance qu’il avait installé sous le balcon de l’étage supérieur. Il n’eut pas besoin de vérifier si elle filmait bien ce qu’il désirait. L’ayant installée et vérifiée il y a de cela plus de deux semaines, il avait même put en confirmer l’efficacité quand il avait prit un adolescent du voisinage grimper sur les balcons pour rentrer chez lui discrètement après une escapade nocturne.
Ne lui restait plus qu’à se préparer. Quittant son siège et son magnifique spectacle alors que les deux demoiselles s’habillaient, il se glissa dans sa chambre, à l’autre bout de l’appartement, et se vêtit rapidement. Juste après, il alla discrètement poser son attirail d’espionnage, puis s’approcha de sa commode, pour prendre deux petites gélules, ainsi qu’une autre d’un type différent qu’il goba immédiatement, afin de s’assurer que son cher compagnon de lubricité soit parfaitement fonctionnel d’ici peu ! Une lampe torche vint s’ajouter à son attirail, puis son vieux taser, outil de dissuasion dont il faisait l’usage uniquement quand la situation dégénérait. Alors, il quitta ses pénates, descendit lentement les escaliers en sachant très bien qu’elles étaient encore présentes, ayant dans sa main son téléphone avec cette magnifique application qui lui permettait de regarder sa caméra de surveillance, et alla… prendre la première sortie qui se présenta à lui. C’était maintenant que son jeu d’acteur commençait.
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* *
N’ayant pas trop le choix, Enothis se passa ce qu’elle trouvait encore le moins gênant, laissant à Lissandre la tenue plus logique de femme de bureau si elle le souhaitait pour se couvrir de cette robe bustier qui lui donnait désormais l’air d’une gothic lolita avec bien trop de poitrine. C’était à peine si ses fesses n’étaient pas à l’air, et ses seins comprimés manquaient se libérer au moindre mouvement soudain, mais au moins elle avait un peu plus chaud. Elle eut le malheur d’ajouter à cette horreur les bas les plus haut dont elle pouvait se doter, ayant donc dut se déchausser par la même occasion afin de s’en couvrir, et elle avait désormais la véritable crainte de ressembler à ces lycéennes de vidéo pornos qui demandent à leur professeur de gonfler un peu leur note contre une baise rapide au sein même de la salle de classe. Elle était rouge de honte, mais au moins, elle était couverte ! C’est quand elle entama la descente avec Lissandre que son coeur bondit : Soudainement, une lampe torche vint l’éblouir, et sa camarade avec, alors qu’elle entendit quelques ronchonnements être proférés d’une voix rauque.
«
Bande de petites délinquantes ! Ne bougez plus ! J’vous ai vu avec les caméras, si vous osez vous barrez j’appelle les flics ! »
Stupeur, panique même, l’égyptienne resta entre les deux étages tandis que Lissandre était encore à l’étage. Non, elle ne pouvait pas fuir, tout retomberait sur Lissandre encore une fois, et au vu de la situation, ça n’allait pas être joli. Surtout que … les flics ? Jamais ! Non seulement ils n’écouteraient pas ce qu’elles avaient à dire, mais si en plus elles osaient dénoncées un de leur collègue, ça promettait la pire des emmerdes ! Alors, en partie sur le muret qui leur avait servit de trépieds, elle se figea, montrant ses mains pour signifier qu’elle obéissait, espérant offrir une voie de sortie pour sa camarade en accaparant l’attention du vieil homme qui s’était approché sans qu’elles ne le remarquent.
«
Attendez, pitié… Nous ne… Enfin… S’il vous plaît n’appelez pas les flics, je vous en prie.-
Rien à foutre les voleuses ! Ça fait quinze ans que je surveille le quartier pour les résidents, z’allez pas me dire que deux petites putes de voleuses méritent de se barrer ! Toi, là sur le muret. Tu descends en première, puis ta copine. Et pas de gestes brusques ou j’hésiterai pas à filer la vidéo-surveillance aux poulets ! »