Enothis était plus que mal à l’aise. Voler avait déjà été, dès le départ, quelque chose qui la questionnait moralement, et ce malgré la situation d’urgence qu’elles rencontraient, mais là, de le faire et en plus d’être prise sur le fait accompli, c’était passablement difficile. Il voulait qu’elle ne fuit pas ? Honnêtement, elle n’en aurait pas eut le coeur, elle se savait en son tort, et il était sincèrement compliqué pour elle de digérer le fait que son acte puisse rester impuni. Elle aurait aimé que ce soit plus tard, elle aurait aimé qu’elle ne soit pas prise la main dans le sac, mais visiblement le monde avait d’autres projets pour elle ce soir là, et désormais rien ne saurait lui éviter de connaître autre chose qu’une triste fortune. Peut-être, en tout cas cela commençait à lui apparaître au creux de son esprit fatigué, exténué même par les événements, qu’elle s’était mal comporté, qu’elle avait mal agit, et que quelques divinités dont elle avait offensé le nom avait choisis de la mettre à l’épreuve en retour, assurant ainsi à la jeune femme de ne plus faire cette erreur ? Pourtant, elle n’avait pas la connaissance de tel comportement de sa part, ce qui mettait la petite égyptienne dans le plus grand des mals. Alors non, effectivement, quand elle avait entendue la voix rauque du vieil homme, elle s’était pétrifiée, par devoir envers Lissandre, mais aussi par pur châtiment moral. Elle obéit donc avec la plus grande des prudences, tandis que son alliée d’infortune se permit de répondre au gardien des lieux avec un empressement qui laissait entendre que la jeune femme était tout aussi mal à l’aise que son amie du soir :
« On descend on descend. Calmez-vous s’il vous plaît. Vas-y, Enothis. Fais attention de ne pas tomber. »
Effectivement, la jeune femme à la peau de bronze vint à finir son retour à la terre ferme lentement, puis s’approche un peu en se voilant les yeux pour ne pas être éblouie par la lampe-torche. Difficile de toutes façons de remarquer les traits de la personne en face d’elle, mais la voix et l’attitude laissait entendre qu’elles avaient trouvés là le cas typique du petit vieux qui, n’ayant plus rien à faire de ses journées, s’occupait désormais dans ses journées et ses nuitées à faire attention à ce que le voisinage reste sain et protégé. Le pantalon militaire, seule chose à peu près pratique à distinguer dans l’obscurité globale, était en soi un élément qui corroborait cette supposition de sa part. En tout cas, tandis que la deuxième des voleuses en herbe avait elle-même rejoint les lieux, et qu’elle était désormais en train de regarder la même lumière aveuglante avec bien des problèmes, le vieux aux airs de guérillero du samedi soir reprit son speech, avec toujours autant d’agressivité. Il fit même la sortie relativement intimidante d’un taser, et l’outil crépitant d’énergie bleutée ne fut qu’une raison de plus pour les deux femmes de ne pas chercher à énerver plus conséquemment le riverain, de peur qu’il ne perde un peu la main et finisse par les électrocuter malencontreusement. Et même si le ressenti de l’électrocution n’était pas vraiment une chose que l’égyptienne avait déjà connue, ce n’était pas ce soir, tout juste habillée d’une tenue frivole et tape-à-l’oeil, qu’elle voulait en faire l’expérience. Tout au plus resta-t-elle aussi muette que sa camarade tandis que leur vigilant compagnon indésirable reprit son propos avec une certaine clarté, semblant apprécier qu’elle n’ai pas jouées les idiotes :
« Les voleuses ont perdu leur voix ? Parfait ! Ça me fera moins de conneries à écouter. Bon, écoutez. On peut peut-être trouver un arrangement entre grandes personnes, hein ? Après tout, j’ai « très bien » regardé la vidéo qui vous a filmé et j’ai « très bien » remarqué à quel point tu étais en « sous-vêtements ».
- Je… C’tait pas volontaire... »
La remarque fut des plus désagréable pour elle. Si effectivement Lissandre avait encore eut suffisamment de quoi se couvrir juste ici pour ne pas faire remarquer son manque de pudeur vestimentaire, cela n’avait pas du tout été le cas de la jeune étrangère, qui avait alors à l’idée le fait qu’une caméra avait captée l’ensemble de son désarroi nocturne. Encore un truc qui allait finir sur le net, comme la vidéo des salopards qui s’en étaient prise à elle plus tôt. Connard de nippons et leur manie de tout filmer, dans le seul but de soi-disant les protéger de tout problèmes, cela avait clairement déteint sur leurs habitudes et avait laissé comme trace cette horreur d’instinct voyeuriste et salace. En tout cas il fut rapidement très clair pour les deux jeunes femmes qu’elles n’allaient pas s’en sortir aussi rapidement qu’elle le pensait, à devoir fuir de manière expéditive une fois l’appel à la police fait, parce que ce petit vieux ne fit guère l’effort d’assouplir ses propos et les somma, au vu du ton, de se diriger avec lui dans un petit garage qui se trouvait à peine plus loin, quelques mètres à leur gauche. C’était lui obéir, ou risquer le taser, et visiblement son alliée de la soirée, à peine plus vêtue que plus tôt, ne se fit guère attendre quant à son choix. Elle prit la main d’Enothis dans un geste qui laissait entendre qu’elle cherchait à la rassurer, chose qui effectivement fit du bien à la lycéenne sans pour autant diminuer son état d’alerte, et elles se retrouvèrent à rapidement faire les quelques pas qui les menèrent à cette pièce à peine éclairée maintenant que le vigilant vieillard en avait ouvert le seuil grâce à une télécommande. De certains jureraient au traquenard, Enothis et Lissandre en faisaient partie sans pour autant pouvoir refuser « l’invitation ».
Elle durent prendre les devants, entendant derrière elles les pas lourds de l’homme toujours fièrement équipé de son taser. Enothis n’en menait pas large, ni son amie, mais visiblement, le fait que les deux vivent une nuit infernale les rapprochait, et surtout les motivaient à se protéger l’une et l’autre de toutes les manières possibles. Très honnêtement, si elles venaient à rencontrer un éventuel problème, Enothis était prête à faire tout ce qu’elle pourrait pour assurer à sa camarade de soirée de s’éviter d’autres tourments. Surtout que chez les deux jeunes femmes, elle avait bien compris que le don d’Emaneth n’avait pas eut le même résultat, la même fonction. Certes elles avaient toutes les deux gagnée en calme, en apaisement, mais dans son propre cas le tout s’était accompagné d’une insensibilité à la douleur, le genre de chose qui, foncièrement, lui créait encore de gros problèmes alors que son corps était toujours saturé du plaisir qu’elle avait connue auparavant. Mais elle cherchait à l’oublier, à l’ignorer. Tout ce qui comptait actuellement, c’est qu’elle se trouvait désormais dans le petit garage de ce vieux aux airs de john rambo du balcon, et que tandis qu’il blablatait sur ses aspects de mignon grand-père pour la populace des immeubles, ni l’une ni l’autre des deux jeunes femmes présente ne se sentait à l’abri des événements tragiques à venir. Pourtant, Enothis fit mine de s’enfoncer un peu plus, comme si cette preuve de zèle allait lui permettre de montrer qu’elle était de bonne foi malgré ses actes, tandis que Lissandre, plus prêt de la porte rétractable du garage, manqua sursauter alors que l’homme s’était glissé dans son dos, l’obligeant par la même à avancer :
« Voilà. Ici nous serons tranquilles. La lumière n’attirera pas les voisins trop curieux. Vous pouvez respirer, mesdemoiselles. Ici, c’est un endroit où l’on se sent bien. Où on peut parler de tout. Et surtout des ennuis. Car vous en avez eu, des ennuis je veux dire, n’est-ce pas ?
- Eh bien … oui… de gros ennuis... »
Au moins la sénilité ne lui avait pas ôté son brin de jugeote, et avait-il au moins conclu du fait que deux femmes en petites tenues qui se retrouvaient à voler sur un balcon n’étaient pas foncièrement d’horribles délinquantes, mais peut-être et avant tout les victimes d’une histoire sordide. Cela avait le don de montrer qu’elles n’allaient pas juste avoir à faire à un vieux fou, mais plutôt à un type qui avait encore toute sa tête. Cela avait ses avantages, comme le fait qu’elle pourrait sûrement lui faire entendre raison sur leur état de la soirée, et donc de lui prouver qu’elle n’agissait pas par une malheureuse forme de vilenie quelconque. En revanche, cela laissait aussi entendre que son comportement était parfaitement rationnel, pas mû par quelques stupides afflictions de la mémoire ou de la logique, et que si il avait sortit un taser pour les foudroyer en cas de fuite, il l’aurait effectivement fait. Autant de choses auxquelles réfléchissaient l’égyptienne tandis qu’elle fut conviée à s’asseoir avec Lissandre. Autant dire qu’elle commença d’abord par glisser un regard un peu dubitatif à son alliée du soir, comme pour lui signifier un peu mieux ses craintes maintenant qu’elles se trouvaient en pleine lumière. Elle eut un retour de la part de son amie assez équivoque, celle-ci n’étant pas plus rassurée qu’elle, mais de manière à ne pas froisser cette hôte qui mêlait autant les vociférations agressives que les belles intentions, elle s’assirent toutes les deux à l’unisson, tout en observant les alentours. L’égyptienne remarqua d’ailleurs que Lissandre portait par moment un regard intrigué et craintif envers le mur du fond, mais pour l’instant elle n’avait guère sut dire pourquoi, se contentant de réagir aux propos de l’hôte :
« Asseyez-vous asseyez-vous. Et buvez ça, vous avez l’air d’en avoir bien besoin.
- Je- Merci beaucoup. Mais, c’est-à-dire qu’on ne voudrait pas vous embêter plus longtemps. Alors-
- Mais non, mais non. Ça me fait plaisir, à un vieil comme moi d’avoir un peu de compagnie. Faites-ça pour moi, s’il vous plaît ?
- C’est que … Enfin … nous savons que … »
Elle ne put pas vraiment le repousser tandis que le vieillard lui colla entre les mains cette cannette de soda pleine et froide. Honnêtement, elle aurait voulut lui dire que tout ce qu’elle voulait, c’était de pouvoir rentrer le plus rapidement chez son amie afin qu’elles soient toutes les deux en sécurité, qu’elle n’avait pas envie de boire quoi que ce soit même si elle avait la gorge sèche d’avoir tant gémit plus tôt. Comment aurait-elle put le dire quand l’homme en face d’elle semblait encore prêt à sortir son taser comme le cow-boy tire son flingue dès qu’il en a la possibilité ? Bon peut-être qu’elle fabulait en cet instant, car désormais l’homme semblait autrement plus agréable. Peut-être avait-il été aussi véhément et grossier plus tôt pour faire bonne figure devant les caméras de la zone résidentielle ? Un moyen de montrer qu’il faisait bien son travail aux riverains, avant de pouvoir s’assurer que les deux jeunes filles et leurs tristes mines n’étaient pas foncièrement mauvaises, mais simplement des victimes qui avaient déjà tant le dos au mur qu’elles avaient préférées grimper au lieu d’atteindre de se faire faucher à nouveau par quelques salopards en plein délire. Oui, ça lui tiquait à l’esprit, elle ne voulait pas donner aussi vite sa confiance à quelqu’un, mais elle avait aussi besoin, comme pour son alliée de la soirée, de se dire qu’il existait en ce monde des personnes capables de bonnes actions, de bons comportements, sans que des situations sordides n’y soient rattachées ! Enfin, alors qu’elle se prenait la tête en silence, elle vit la réaction de son ami, plus ou moins réconfortante, et finit par se laisser aller à une gorgée. Ça lui fit tant de bien qu’elle manqua siffler la canette d’un trait, reprenant par petite lapée un peu plus du soda pour ensuite le boire tout doucement, ce qui lui assouplissait le coup. Au moins elle pourrait le remercier pour cela.
« Je vous rembourserais. Pour les vêtements. Et même plus, si vous voulez ! Mais par pitié, s’il vous plaît, n’appelez pas les policiers. S’il vous plaît, monsieur !
- Oh vous en faites pas, ces vêtements ne sont pas à moi, je suis pas celui à qui vous devrez les rendre. Et pour la police, entre nous, ils mettraient tant de temps à venir que j’aurais pût appeler il y a une heure qu’ils ne seraient pas parties du commissariat. »
Il se mit à blablater devant les deux jeunes femmes. Enothis, dans sa tenue, remarqua même que le haut de sa jupe se soulevait vers l’avant tandis que le vieil homme tourna les yeux vers elle, tant et si bien qu’elle se précipita pour appuyer dessus et se couvrir de nouveau. Dieu que c’était gênant, elle espérait que ce vieillard ne l’avait pas remarquée. Elle avait assez longtemps bouffée du « les étrangères sont des putes qui veulent chauffer les mecs » avec tête de gazon pour ne pas finalement montrer l’origine du monde à un vieux japonais à la retraite. Et le fait que son entre-jambe était couverte de son dessous ne changeait en rien la honte de ne pas avoir été assez vigilante, étant donnée qu’elle savait très bien que les mœurs de cette société étaient autrement plus prudes et rigoureuses que dans bon nombre de pays. Manquerait plus qu’elle soit la provocatrice les mettant dans de beaux draps avec de biens maladroites actions ! En tout cas elle termina sa canette sans le moindre souci, et continua à garder une oreille attentive aux propos de l’ancien :
« En revanche mesdemoiselles, je ne veux pas dire mais vous êtes certaines de ce que vous faites. Votre dégaine j’veux dire. Et à deux pas du quartier de la Toussaint, rendez-vous compte. Si vous avez déjà eut des soucis c’est clairement pas la direction à prendre, vous allez finir dans les pires recoins de la ville. Mon fiston a eut un souci un soir, dans ce foutu quartier, et je vais être parfaitement honnête avec vous ... »
L’homme ne cessait de déblatérer ses histoires. Enothis ou Lissandre, plus ou moins prise en otage par leur propre moral d’abord, et le fait que leur interlocuteur restait dangereux ensuite, ne cherchèrent visiblement pas à l’interrompre pour le moment, même si l’une et l’autre avait sûrement bien d’autres sujets à aborder. L’égyptienne, par exemple, aurait bien aimée apprendre du vieil homme si il comptait faire disparaître l’enregistrement la montrant en lingerie au milieu de la nuit, ou si il savait comment ils pouvaient rejoindre le plus rapidement possible l’adresse de Lissandre maintenant qu’elles étaient plus ou moins vêtues. Le problème d’ailleurs étant qu’elle n’avait tout simplement pas la moindre idée de l’endroit où se trouvait l’appartement de sa camarade, si bien qu’elle manquerait de précisions si elle amenait le sujet sur le tapis. Quant à Oga, il profitait de leur confusion pour les assommer d’informations, pour gagner du temps, et laisser tranquillement la drogue dans leur canettes faire effet une fois qu’elles les auraient entièrement consommés. Et si la petite demoiselle à la peau de bronze semblait avoir but tellement vite qu’il s’était un temps demandé combien elle pouvait être assoiffée, ce fut plutôt la miss en tenue latex déchirée qui sembla mettre bien trop de temps à son goût. Si la petite égyptienne commençait à montrer des effets avant que l’autre n’ait tout bu, son plan allait rapidement devenir plus compliqué, et malgré son entraînement militaire, son vieil âge pouvait devenir très gênant si elles n’étaient pas bien sages et obéissantes.
Alors il prit lui même une canette, et vint l’ouvrir pour faire mine de trinquer avec celle qui prenait son temps.
« Kanpaï jeune fille. Allez buvez, vous allez voir, c’est p’t’être froid mais le sucre va vous aider à réchauffer vos muscles. Vous savez, si vous avez vraiment besoin de quelqu’un pour vous déplacer jusqu’à chez vous, je peux toujours tenter d’appeler mon fils. Pas vu qu’il soit réveillé à cette heure, mais qui ne tente rien n’a rien. Et puis il a toujours eut le meilleur des comportements, après tout je l’ai bien élevé. C’est un charmant jeune homme mais il est toujours si sérieux, il n’a même pas encore trouvé de fiancée. Me voilà pauvre vieux avec quasiment deux pieds dans la tombe, et je ne suis même pas encore grand-père, quelle tristesse. Enfin, être grand-père à Seïkusu n’est pas une sinécure vous me direz, dans le fond je... »
Et il continuait sans qu’elle n’ait le temps d’en placer une. Quelques fois elles parvenaient à associé une question ou un petit mouvement d’approbation à l’une des réflexions du grand-père, puis l enchaînait tout de go sans même qu’il n’ai semblé faire attention à ce qu’elles venaient de dire. A croire qu’effectivement ce pauvre bonhomme insomniaque et solitaire avait grand besoin d’échanger, mais cela devenait plus que gênant, compte tenu de la situation et des tenues qu’elles portaient… Mais ce ne fut pas tout. Au bout d’une vingtaine de minutes après la consommation de la canette, Enothis commença à se sentir extrêmement réchauffée. Bon dieu qu’elle avait chaud, elle en était presque à haleter pour trouver un peu d’air frais, mais elle se retint comme elle put, ne voulant guère sembler étrange. Le pire ? Les mots de l’homme lui semblait désormais désordonnés et confus, comme si il parlait de très loin, ou trop vite pour elle. La fatigue ? C’était étrange, elle se sentait pourtant énergique, mais tandis que son corps frissonnait, que son esprit s’embrumait, elle ne put que s’empêcher de remarquer qu’elle n’était pas dans son état normal. Et ce qui l’aida à s’en rendre compte, ce fut quand elle tenta de se rasseoir comme elle le pouvait pour ne pas avoir l’air trop étrange, et que son entre-jambe frotta contre la surface plane de la chaise. C’était si peu, mais elle le ressentit, le plaisir, et le fait qu’indubitablement… elle s’était mise à mouillée, même à être passablement trempée.
Était-ce la faute d’Emaneth ? Cela semblait peu probable, mais elle voulu lui demander… sans trouver le courage de chuchoter, taisant simplement son état second et le dissimulant à sa belle et délicieuse amie, si charmante et attirante. Bon dieu qu’est-ce… qu’est-ce qui lui arrivait… À quoi pensait-elle ?