[(Ecrit avec cette musique:)
https://www.youtube.com/watch?v=h6T_jOpoXfM]
Au fond, qu’est-ce qu’elle est ?
Perdue. Qu’est-ce qui l’a rendue ainsi ?
La souffrance. Elle hait les hommes autant qu’elle-même. Elle s’en amuse, mais au final, elle a
peur. Peur de subir la même chose qu’il y a longtemps. Peur de voir à nouveau deux yeux la fixer de cet air profondément mauvais. Elle est tétanisée à l’idée de voir des griffes se poser sur elle, de voir un monde se détruire, son monde. Elle ne veut plus qu’il soit effleuré, jamais plus quelqu’un ne doit retirer une tour de son château en ruines. Fortifié par la haine, ses petites murailles tiennent. Nourrie d'aversion, elle la craint tout autant qu’elle lui est vitale… La liberté est son drapeau, sa bannière, son blason, son bouclier, pourtant elle refuse de l’aide ou de s’attacher. Elle refuse d’assouvir ses pulsions, et donc d’être libre en se laissant être aimée. Cette nuit, en passant entre les réverbère sous ce regard de haine, elle s’était sentie mal. Cette brute aurait été prête à tout, elle lui avait sauvé la vie !
Et voilà comment TU la remercies, Lyra ? La pluie commençait à tomber, laissant ses bras douloureux s’échouer sur ses flancs, puis une larme tomber à ses pieds, elle se maudit. De longs jours étaient passés, arpentant les toits, les immeubles, les tours de la ville, les clochers, les bars malfamés, les manoirs, après deux longues nuits blanches, des soirées alcoolisées, des rires et des pleurs… Elle s’était rendue à nouveau chez sa meilleure amie. En passant ses clés dans le verrou, elle avait espéré qu’il soit ouvert, mais il ne l’était pas… Alors, sans un mot, elle était entrée, passant à côté du canapé, sur le tapis, dans un couloir, puis s’échouant sur un lit ferme. Elle rêvait d’une bonne nuit, bercée par Morphée et les chants d’Orphée, surveillée par la Lune, embrassée par Andromède. Non. Pas Morphée.
Ainsley. Elle voulait que quelqu’un l’aide. Où est passée sa fierté ? La lionne se recroqueville lentement dans son lit alors que ses songes emportent d’horribles souvenirs qu’elle avait réussi à oublier.
Le froid. L’affliction. La morsure du gel prenait ses pieds, les engelures commençaient à la menacer, ses doigts étaient froids. En cas extrêmes, par des températures froides, le corps délaisse les extrémités corporelles. Elles sont bleutées, non.
Bleuâtres. Un violacé glacial présente déjà les séquelles potentielles si elle reste ainsi… Ses mains sont liées entre elles, assise dans la neige, nue, une enfant grelotte et supplie. Sa voix est suppliante, mais … Ce n’est pas son tortionnaire qui viendrait l’aider. Il lui a dit de venir s’excuser quand elle aurait comprit, elle lui dira qu’il avait raison, qu’elle n’aurait pas dû le mordre. Mais comment peut-elle, dans ce jardin, en été peuplé de rosiers, se lever alors que ses jambes sont paralysées? Comment donc s’excuser quand à cet âge, un orgueil lui gonfle la poitrine? Comment, enfin, lui faire mentir alors qu’elle sait qu’elle a raison? Ses beaux cheveux, autant que ses cils, étaient maculés de poudreuse, de tout jeunes flocons, ses doigts gourds tentaient en vain de bouger… Ses yeux se fermaient d’abord, puis son corps se coucha sur le côté, dans la neige. Le soleil, plus haut, ne semblait pas daigner l’aider… Non, ce fut une ombre qui lui vint en aide. Lyra tenta de rouvrir les yeux, après un moment léger, elle sentit ses membres être soulevés. Elle aperçut deux puissantes mains se refermer sur elle. Sa peau était étonnamment chaude. Pas de visage, Lyra se souvint simplement de son torse musclé, d’un corps immense… Puis, plus rien, un sourire seulement…
Après cette réminiscence,
deux yeux. Deux yeux noirs. Fixes. Stare, stare, stare at your soul. Son père. Pas encore une nuit blanche…
Pas encore une nuit blanche. Elle hoquetait, ce souvenir, il lui semblait l’avoir revécu. Elle n’avait pas senti sa colocataire la prendre dans ses bras… Sentant sa poitrine contre la sienne, ses belles mains glissant contre son dos auparavant meurtri. La blonde était sauvage d’ordinaire, mais face aux tremblements, aux suffocations, aux pleurs, elle n’était pas sans coeur. Ainsley n’aimait pas les contacts humains, mais grâce à elle au moins, Lyra avait pu s’endormir.
Le lendemain, un papier sur la table prévint Lyra qu’elle ne serait pas là avant un moment, Ainsley était très occupée, beaucoup d’affaires à régler. Elle avait dit à Lyra qu’elle s’occupait de patients, et de quelques trafics. Elle n’avait pas vraiment cherché à savoir si c’était vrai ou faux…
Depuis ce souvenir des plus affligeants, les jours furent des plus bienheureux. En effet, la demoiselle avait décidé de se changer les idées. Casinos, bars, spas, la tigresse avait bel et bien l’intention d’arrêter les vices pour un petit moment. En rentrant dans son quartier natal un soir, elle vit une enseigne. Ce petit café était le seul souvenir qu’elle avait de sa mère. Les jolis néons et couleurs, les lumières, l’ambiance et l’odeur. Cette odeur de sucre, et cette barbe à papa ! En entrant, le gérant lui sembla ne pas avoir changé, c’était toujours un vieillard gentillet. Un latte caramel commandé accompagné d’un cupcake à la framboise, elle s’installa à genoux sur un coussin, devant une table basse. Sa mère voulait toujours lui enseigner les traditions, le respect qu’ont les japonais… Essayer de canaliser cette enfant turbulente. Et elle y était parvenue dans les premières années de sa vie, elle était un ange avec cette maman qui lui manque tant. En s’inclinant face aux denrées, elle saisit le bol de lait chaud et en but l’entièreté du contenu… Ayant déjà payé ses consommations, elle mordit dans le cupcake, un coulis de framboise inattendu lui arracha un sourire enfantin, heureux.
Une fois la dernière bouchée avalée, elle s’apprêtait à se relever.
Une voix. Paralysie. Pourquoi ne te relèves-tu pas ? Qu’est-ce qui te fait peur ?
Cette main ? Elle frôle tes hanches, elle t’arrache un frisson de
dégoût. Cette voix, tu l’as trop entendue, n’est-ce pas ?
Lyra. Elle dévale tes cuisses, griffe en remontant tes gambettes.
Tétanie. Il rit en t’insultant et tu n’agis pas, pourquoi ? Il saisit ta gorge. Il serre. Serre
trop. En fermant les yeux tu revois ses yeux.
Stare. Stare at your innocence. Pourquoi ne bouges-tu plus ? Es-tu morte ? Non, heureusement non. Il a murmuré…
Tu es toujours mienne. Avant de te laisser. Lyra, pourquoi ne bouges-tu plus ? Pourquoi fixes-tu cette table ? pourquoi donc observes-tu tes mains qui, tant elles étaient crispées, sont meurtries ? Tes ongles se sont enfoncés, tu saignes un peu… Lyra reprit ses esprits après dix longues minutes. Puis, plus rien.
Arrivée chez elle, elle s’assit dans le lit double entouré de deux armoires en colonnes, les draps étaient blancs, en s’asseyant dessus, elle eut l’impression que cette main était à nouveau là… Qu’elle la souillait de sa sueur.
Deux yeux. Plus rien. Elle s’est enveloppée d’un simple tee shirt masculin sans y faire attention, très ample pour elle. Pas de sous-vêtements, elle s’installe sur les draps… Hors de question d’aller en dessous.
Deux yeux. Deux yeux. A chaque clignement de paupières, elle le revoit. En parvenant à s’endormir, elle espère ne plus cauchemarder… Avoir un sommeil paisible… Mais le croque-mitaine rit dans les ombres…
Dans une jolie clairière se trouve une jeune enfant. Lyra, dix ans, elle course des papillons en sautant dans des fleurs tout juste écloses par l’arrivée du printemps. L’ombre la surveille plus loin, les bras croisés, tel un ange gardien, elle s’en approche alors rapidement, tombant à ses pieds après avoir pourchassé un grillon. Elle ne pleure pas, elle rit. En relevant la tête, ses bras suivent le même chemin, elle le regarde, réclamant un câlin. Il tend ses bras, mais ils se referment sur du vide. Son sourire s’est effacé. Elle observe le corps tomber sur le côté et bientôt s’embraser… L’odeur de brûler... Une lame froide apparaît, suintant de sang… La jolie enfant recule… “
Non…” Elle tremble et se recroqueville… “
Pourquoi…” Pas encore… Pas encore tout cela… Pas encore lui… Pas encore ses yeux…
Deux yeux. DEUX YEUX. Ils fixent son âme, serrent sa gorge, la souillent en la pénétrant jusque dans les recoins de ses pensées… L’enfant serre les poings… La lame s’avance vite. Trop vite. Elle prit une inspiration en se réveillant en sursaut. Durant cet épisode, elle s’était roulée en boule et, soudain avait ouvert les yeux, haletante. Placée sur le côté, elle avait observé l’armoire qui lui faisait face…
D’abord, ses jambes s'étendent, l’une après l’autre, puis ses bras… Un court instant, elle saisit le drap pour se réconforter, comme s’il faisait office de peluche… Tiens… Quelque chose n’a pas changé, l’odeur. Elle se frotte les yeux et observe l’heure… Ouch… “
... Ainsley, tu m’avais dit que tu… ne reviendrais pas avant une semaine…” Lyra se redresse lentement, les yeux clos, ses beaux cheveux tombent sur sa poitrine en nage, encore soulevée par cette respiration irrégulière. Enfin, elle se décide à ouvrir les yeux, quand elle voit une forme masculine, elle ne tilte pas tout à fait. Un corps masculin aussi beau, elle sait qui ça peut être et pourtant, la capuche, le cigare.
Le cigare. Deux yeux. Lyra recule brusquement jusqu’à ce que son dos heurte le mur, levant ses belles mains, elle saisit, dans un des tiroirs de la table de chevet le flingue de Ainsley.
Elle le braque, tremblante, les jambes repliées, serrées. “
Qu’est-ce que… Comment es… Comm-ment as-tu fait pour entrer sale barge ? DÉGAGE. CA T’A PAS SUFFIT TOUT A L’HEURE ? VA… De… DISPARAIS OU JE T’ÉTRIPE.” Elle a peur, elle tremble. Puis sa raison s’éveille, ce n’est pas son père, elle abaisse très légèrement l’arme en le détaillant un peu plus à la lumière de cette raison… Non, il est bien plus… autre que son père. Elle garde tout de même l’arme… “
... H… Howlett…” Ses bras se baissent légèrement, elle déglutit, elle étend les jambes, toujours serrées, dans la pénombre il n'a pas pu voir son intimité. L’heure de sa revanche a sonné. A nouveau, la peur la tenaille. “
... … C’est ton fantasme secret de suivre les gens …? …” Elle est tremblante, ses mains se crispent sur la gâchette, elle retire la sécurité et le braque à nouveau, la tête. Vise la putain de tête. “
... Les excuses, c’est trop tard j’imagine…” Lyra sait qu’elle a été une garce de faire ça… Surtout à l’homme qui lui a sauvé la vie. Elle peste et se réprimande. “
... … …” Ses mains sont de plus en plus tremblantes, elle retient des larmes de peur, c’est sûr et certain, elle ne tirera pas à moins qu’il ne s’approche trop vite, trop près et trop brusquement. “
... H-H-Howlett… On peut… Peut-être s’arranger…? S-S-Sans violence …?” Sa voix ? Pourquoi trembles-tu Lyra ? Face à un homme… La nuit est d’habitude son repère, son accalmie, sa petite cabane… Mais là, est la véritable Lyra, une créature perdue, apeurée, qui ne veut que survivre dans ce monde. Elle a beau aimer la haine, son coeur en est dépourvu à cet instant, elle a beau tenter de se consoler, elle n’y parvient pas, des larmes refusent de passer le seuil de ses yeux, elle gonfle la poitrine et se ressaisit, heureusement. “
... B-bon… Je te laisse le choix. Soit tu t’en vas gentiment… Soit je te plombe le crâne. Et je vise bien.” Vérité ou mensonge ?
Lyra, tu l’as méritée.