Le Mensonge.
Il y aurait tant à dire sur ce concept. Si connu mais si désavoué. Et comme toujours, c'est ce qui l'attirait quand Hasgard rôdait parmi les êtres vivants, usant de bien des formes pour disséminer la fourberie, la tromperie et la traitrise. Certains diraient que tout cela n'est que mensonge, mais pour le Dieu toutes ces notions avaient des saveurs bien différentes.
C'est donc dans cette taverne qu'il découvrit quelque chose d'étrange. Oh non, il n'était pas là pour sauver la veuve et l'orphelin. Cette petite avec son collier autour du cou pouvait bien faire ce qui l'enchantait, ou pas. Mais justement... Il ne percevait rien en elle. A peine plus qu'un flou vaseux.
Aurait-elle dû au moins mentir pour sembler satisfaite ? Elle ne le fit pas.
Aurait-elle dû au moins mentir pour refuser ? Elle ne le fit pas.
Aurait-elle dû se mentir à elle même pour puiser le courage nécessaire ? Elle ne le fit pas.
Cela, il ne pouvait pas l'accepter. Trop de neutralité, c'était une fidèle en moins. Il se sentait le besoin d'agir. Mais pas tout de suite... Car ce que l'homme semblait vouloir faire d'elle était bien un pur mensonge envers autrui. Il allait donc se rassasier avant d'intervenir...
Fait d'éther, il suivit le groupe, tout en se satisfaisant de ne pas s'être trompé. Voilà qui était intéressant. Qu'avaient-ils donc tous en tête ? Qu'importe. Et peu importait leur manège ; après tout, Hasgard était ici non pas pour les surveiller. Il voulait s'occuper de la jeune femme, et eux le gênaient. Or ce qu'il souhaitait, il finissait par l'avoir. Souvent... plutôt que toujours. Aujourd'hui, il était d'humeur joueuse. Alors son apparence devant ces délinquants serait celle qu'il arborait en tant que Dieu tangible, à défaut de n'être que d'éther et invisible. Au diable les races existantes d'ici et d'ailleurs, il se préférait dans ce corps parfait qu'il s'était lui-même conçu.
Il sortit donc de derrière un arbre, comme si de rien n'était.
- Mesdemoiselles. Messieurs. Je pense que vous perdez votre temps.Il ne leur laissa pas le temps de répondre. Mais son irruption les surprit… ou pas. Ils n'étaient pas du genre à se poser trop de questions et devaient en avoir vu d'autres.
- Mon cher Arlan. Arlan Solis, c'est bien ça ? La vérité est altérable, mais pas l'identité. Et ô combien j'ai aimé vous suivre dans vos manigances. Mais aujourd'hui, il vous faut me donner la moitié du trésor que nous avons trouvé ensemble... Le coffre était assez gros pour deux. Souvenez-vous.Dans l'esprit des personnes présentes, cela semblait être comme une fable qui trouvait son fond de vérité. Pour Hasgard, il y avait un double sens insidieux car il s'était nourrit de ses faiblesses. Et les mercenaires ne mirent pas longtemps à s'entretuer pour le butin. Amplifié par le don du Dieu du Mensonge, il s'investit de lui-même dans une décapitation en bonne et due forme de la magicienne pour laisser s'enfuir Arlan. Quel gâchis pour le corps… mais pas pour les rapaces qui commençaient à tourner au-dessus d'eux. Ainsi parlerait-il de lui et de ce qu'il venait de vivre. La peur était un de ces terreau prolifique dont se nourrissait plus encore le Mensonge. Oui décidément, Hasgard était de bonne humeur aujourd'hui.
Le silence revenu, il observa la jeune prostituée tout en zigzaguant entre les cadavres et les petits ruisseaux de fluide pourpre. La tache de sang qui était venu maculée sa tunique s'évapora.
- Bonjour, demoiselle. Puis-je avoir l'honneur de connaître votre nom ?Son regard se porta sur les cadavres tandis que devant elle se tenait un homme pourtant plus gentilhomme qu'assassin.
- Et pendant que vous vous présentez, n'hésitez pas à ramasser ce qui pourrait vous sembler utile. Je ne voudrais pas vous faire perdre de l'argent avec la façon dont j'ai traité vos clients. Tout est à vous.Même si la situation ne s'y prêtait pas, son sourire était jovial et avenant. Ses cheveux blancs flottaient allègrement dans la petite brise qui venait de se lever, malgré un âge apparant plutôt jeune.