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Par le Puit du Soleil … c'est … un fragment d'âme … Zorro ! Non ! Attend !L'avertissement résonna trop tard. Les yeux rivés sur la magnifique forestière, interrogateur, le mercenaire ne s'était pas aperçu que sa main était descendue si près de l'étrange cristal miroitant. Bien trop près.
Alors que l'éclat, le fragment d'âme, explosait avec un tintement harmonieux, Zorro tourna vivement la tête et retira sa main. En vain. L'hybride avait beau être doté d'une vitesse surhumaine, l'étrange fumée surgie du fragment fut bien plus rapide que lui. Déjà, elle était sur sa main imprudente, traversant l'épais gant de cuir comme s'il n'existait pas, entrait en contact avec sa peau...
L'homme écarquilla les yeux. Ses pupilles se dilatèrent, emplissant tout l'espace de ses yeux émeraudes. Sa vision se troubla, se dédoubla, traversée d'éclairs rouges et noirs. Il se sentit partir en arrière ; tenta de se rattraper, mais déjà son corps ne lui répondait plus. La dernière chose dont il eut conscience fut la douceur de la poitrine de Sylvanas, qui s'était précipitée pour le retenir contre son buste. Puis son esprit sombra, de plus en plus loin, de plus en plus vite, droit vers cet immense éclat miroitant qui remplissait tout l'espace. Instinctivement, le combattant essaya de croiser les bras pour amortir le choc.
Puis ce fut le noir. Le Vide. Le Néant. Total. Profond. Silencieux. Non, pas silencieux. Pas complètement. Comme venue de très loin, d'un autre monde presque, il entendait, ou plutôt il percevait comme une voix, ou un chant qui semblait l'appeler ou cherchait à le tirer des ténèbres. Comme un double de son esprit, de son âme qui refusait de le laisser être possédé par cette étrange magie. Ou comme la berceuse d'une mère.
Dans les tréfonds de son esprit, Zorro se débâtit avec rage, cherchant à reprendre le contrôle. Et brusquement, il vit de nouveau. Il vit, mais il n'avait plus de corps. Devenu pur esprit, ses sens étaient comme décuplés, bien au-delà de tout ce qu'il avait connu. Il voyait tout, entendait tout, sentait tout. Ressentait tout. Avec une intensité presque douloureuse. Non, pas presque douloureuse. Réellement douloureuse. Mais une douleur qui n'était pas la sienne, il le sentait. Mut par un instinct étrange, il donna une impulsion avec son esprit, se redressa et regarda autour de lui.
Il était toujours dans la même pièce, mais celle-ci lui semblait différente. Plus nette et plus floue tout à la fois. Et surtout, là où aurait dû se trouver Sylvanas et son corps, il y avait maintenant deux elfes.
L'une, aux cheveux violets, vêtue d'une robe pourpre des plus suggestives, se tenait debout à côté de l'appareil de torture. L'autre, blonde, nue, y était attachée, sa poitrine anormalement gonflée à la merci de la première, qui prenait un plaisir manifeste à la torturer.
C'était de la blonde que provenait la douleur qui taraudait le semi-lycan. La douleur, mais aussi le plaisir. La terreur et l'excitation la plus extrême.
A nouveau, il tenta, en vain, de reprendre le contrôle de son corps, de sortir de ce … de ce souvenir ?
De ce souvenir … Si vraiment il s'agissait de cela, alors peut-être que … Comme de toute manière il ne parvenait pas à revenir à la réalité … Pas encore … Alors autant essayer d'en savoir plus. Avec résignation et un puissant soupir mental, Zorro se retourna et assista, impuissant, à la scène, essayant de tenir à distance les émotions de l'elfe blonde qui tentaient de pénétrer son âme. Des émotions qui gagnèrent soudain en intensité quand, après un bref dialogue entre la tortionnaire et sa victime, six orcs puissamment pénétrèrent dans la pièce, emplissant les lieux d'une odeur prégnante de sueur, de bestialité, de corruption … et de désir.
Impuissant, Zorro assista à la scène, grimaçant avec dégoût mais ne pouvant y échapper, prisonnier qu'il était du souvenir.
Plus les évènements avançaient, plus il lui était difficile d'y échapper. Lorsque le premier orc pénétra l'elfe blonde, lui arrachant un orgasme, le mercenaire eu la sensation d'être traversé par une flèche de feu, venue tout droit des sensations de la malheureuse victime. Une sensation qui devint vite permanente, alors que les orcs la violaient avec brutalité, deux par deux.
Le calvaire dura longtemps, toujours plus intense, au point que l'hybride cru devenir fou lui-même. Bien qu'incorporel, il avait la sensation qu'une sueur grasse lui coulait dans le dos et, bien malgré lui, il sentait le plaisir brutal de l'elfe le pénétrer, sans discontinuer, à mesure que les membres torturés des orcs la ravageaient jusqu'à ce qu'enfin, Taelia s'approche de la bijoutière.
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Voilà … C'est bien … c'est bien … Ton âme est prête ma chérie, tu vas faire ton premier pas vers le bonheur infini …Les doigts de la sorcière s'enfoncèrent dans le crâne de l'elfe blonde. Zorro hurla, ayant la sensation qu'ils se glissaient dans son propre crâne. Mais à travers son propre cri silencieux, il entendit à nouveau une voix lointaine.
Dans un sursaut de volonté, il s'y raccrocha, de toute son âme. Lentement, le monde qui l'entourait perdait en netteté. La vision se brouilla, se déchira comme un drap de soie, de plus en plus alors, que dans l'esprit du mercenaire, la voix se faisait plus nette soutenue par une force animale.
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Zorro ! Réveillez-vous mon ami … réveillez-vous ! Zorro !Le souvenir se déchira complètement alors que Taelia sortait le fragment d'âme du crâne de Julia, avant de s'évaporer dans un tourbillon de couleurs flous.
Brutalement, Zorro réintégra son corps, ressentant comme un choc violent. Haletant, il cligna des yeux, sa vision encore brouillée.
Peu à peu, il reprit le contrôle de ses sens, sentant le sol dur sous ses jambes, puis les doigts dans ses cheveux, et l'odeur de Sylvanas, douce, fraîche, apaisante, qui l'enveloppait.
Un grognement sourd, et il ouvrit ses yeux d'émeraude, contemplant le beau visage à l'air triste qui le regardait. Avec difficulté il leva un bras pour lui caresser la joue et grimaça un sourire douloureux alors que la main de la Forestière rejoignait la sienne.
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Ca y est, je suis mort et tu es un ange qui vient me chercher ?-
Je suis désolée beau gardien … mais vous êtes encore en vie, et ce n'est que moi…Une violente quinte de toux secoua le mercenaire et il laissa retomber son bras sur son torse qui se soulevait avec force, à un rythme qui, lentement, s'apaisait.
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Être toujours en vie et avec toi, c'est encore mieux …Il tenta de se redresser mais retomba aussitôt, lourdement, avec un léger râle.
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Si tu veux bien, j'aimerais rester encore un peu comme ça. Tes genoux sont vraiment confortables.Il adressa un vague clin d'œil à la Générale, encore trop secoué pour faire mieux et remua faiblement pour s'installer un peu mieux, la nuque raide, et la regarda avec intensité alors qu'un magnifique sourire apparaissait sur le beau visage. Le premier véritable sourire que Zorro lui voyait.
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En principe, c'est la Générale qui dicte ses préférences … mais pour vous … je vais faire une exception …Ce qui suivit prit l'aventurier complètement au dépourvu. Avec la légèreté d'un oiseau, il sentit les lèvres de Sylvanas se poser sur les siennes, douces, parfumées.
Une onde parcourue son corps, encore marqué par les réminiscences du souvenir, réveillant le désir qu'il avait planté en lui, et avant qu'il ne puisse se contenir, il se retrouva à répondre au baiser de l'elfe. Du reste, aurait-il eu la parfaite maîtrise de son corps qu'il aurait probablement agit de même.
Ce baiser au goût de paradis, d'éternité, se prolongea avant de cesser doucement, aux regrets inavoués de l'homme.
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J'aime tes exceptions Sylvanas …Il lui offrit un nouveau sourire, doux et sincère, qui se transforma en grimace alors qu'il se résignait à briser l'enchantement.
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J'ai … J'ai été absent longtemps ? J'ai eu l'impression que cela durait des heures. -
Au moins vingt bonnes minutes…Le demi-elfe écarquilla les yeux, le reflet des lampes illuminant ses yeux verts. Vingt minutes ! Aussi longtemps ? Bon sang !
Avec un effort visible, il parvint cette fois à se redresser mais fut aussitôt prit d'un vertige, et sans la présence de Sylvanas, il serait sans doute retombé.
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Par la Sainte Culotte de la Déesse ! J'ai l'impression d'avoir une gueule de bois monstrueuse, sans avoir bu une goutte ! C'est normal ça ?-
Vous avez consommé un fragment d'âme... c'est une sorte de morceau de l'esprit de quelqu'un, qui lui a été arraché et qui contient les souvenirs, les sentiments et les sensations de cette personne à ce moment-là. Pendant quelques instants, votre propre psyché a fusionné avec la sienne. En fonction de ce que vous avez vécu ou vu, c'est normal que vous vous sentiez mal. Ca peut même être mortel...-
Mortel hein … En fait, ce n'est pas si mal de n'avoir que la gueule de bois. Et des vertiges. En plus, par chance, une superbe femme m'accompagne pour me soutenir !Nouveau rictus, presque souriant. Il avait beau se sentir terriblement faible, il ne voulait pas que sa compagne s'inquiète trop. Elle avait déjà l'air si … torturée. Au-delà même de son travail qui consistait à la protéger, il ne voulait surtout pas ajouter à son angoisse.
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Pas de bravade mon ami, j'ai étudié la nécromancie et la démonologie, je sais à quel point ajouter à son âme un morceau d'une autre peut être traumatisant. Restez calme, ne craignez rien, je suis là, vous allez vous sentir mieux très vite.L'hybride pouffa de rire avant de se tenir le front d'une main, le crâne traversé par une vive douleur.
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Ne rien craindre ? N'est-ce pas moi qui suis censé te protéger ô envoûtante Générale des Forestiers ? Mais tu as raison, je vais vite m'en remettre. L'avantage d'être un lycan, même à moitié. On récupère vite.Souriant à nouveau, il regarda la jeune elfe avec une espèce de tendresse dans le regard et, soudain, mû par une impulsion impérieuse, il la prit dans ses bras et la serra contre lui. Etroitement.
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Et arrête de prendre cet air inquiet. Bravade ou non, il en faut malgré tout plus que ça pour m'arrêter. Aucun risque que je t'abandonne. D'accord ?Avec douceur, il se dégagea et lui adressa un sourire, un beau sourire, tout en lui caressant la joue, avant de se pencher pour y poser un baiser.
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Et puis, tu es encore plus belle quand tu souris !Un doux instant de complicité passa, avant que Sylvanas ne revienne au sujet qui les préoccupait, demandant au mercenaire s'il avait quelque chose qui pouvait les aider.
Le regard lointain, il la garda contre lui, la berçant légèrement sans s'en rendre compte, la main perdue dans la soie de ses cheveux blonds.
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Hmmm … J'ai vu … beaucoup de choses. Trop, si tu veux mon avis. Quant à savoir si cela peut nous aider … Taelia, ce nom t'évoque quelque chose ? Ou bien la Loge Ro…La main de Sylvanas se posa sur ses lèvres, lui coupant la parole. Il lui jeta un regard surprit, se retenant d'embrasser les doigts de la femme.
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Pas ici, pas maintenant... Ne dit plus rien sur ce nom et cette loge, allons ailleurs. Où tu veux mais pas dans Lune d'Argent...~~~~~~¤ Plus tard, dans une auberge éloignée de la ville. ¤~~~~~~
La nuit était tombé comme un linceul sur le monde, le drapant d'un voile obscur et nuageux où seul perçait la lumière de la lune.
Une fois Zorro en meilleure forme, les deux enquêteurs avaient fouillé plus avant la boutique abandonnée de la bijoutière, par acquis de conscience, sans rien trouver de probant, avant de quitter la ville.
En cours de route, le mercenaire avait fait le récit de sa vision à la Générale des Forestiers, lui épargnant tout de fois les détails scabreux.
Maintenant, ils étaient attablés dans un coin discret. Zorro avait rejeté sa capuche en arrière, révélant sa crinière de cheveux sombres qui dissimulait ses oreilles rondes, appliquant le principe selon lequel pour être discret, il ne fallait pas chercher à l'être à tout prix.
Néanmoins, malgré la faiblesse qui lui taraudait encore les membres, il avait pris soin de s'installer de manière à ce que sa silhouette dissimule Sylvanas, depuis l'entrée de la taverne, et qu'un miroir sur un mur proche lui permette de surveiller les lieux.
Quelques instants après, un homme, ou plutôt un elfe aux cheveux blancs et au sourire aimable, vint prendre leur commande, le semi-elfe prenant un verre d'hydromel et une tasse de thé fort.
Il dodelinait encore un peu de la tête, ce qui ne l'empêcha pas, après que leur serveur ai apporté leur commande, de lever son verre en l'honneur de Sylvanas et de la regarder avec un sourire.
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Du coup, quelle est la suite du programme ?-
Tu es bien certain que c'était Taelia ? Tu es certain d'avoir bien entendu ? C'est très important …Zorro prit le temps de réfléchir, avalant une gorgée de l'alcool de miel, avant d'opiner du chef.
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Affirmatif. Taélia, c'était ce nom. Une elfe, cheveux violets, fort maquillage rouge, comme sa robe. J'en déduit que c'est quelqu'un de connu ?