En quelques semaines, j'ai vite appris la topographie du couvent. C'est d'une simplicité effarante. D'ailleurs, je soupçonne même les concepteurs d'avoir prévu des passages pas si secrets, pour celles qui voudraient s'échapper un instant.
J'ai ainsi repéré plusieurs passages, dont un près du dortoir et de ses cellules, très pratique pour aller s'amuser la nuit. Il y en a un derrière la chapelle, aussi, sans que j'en comprenne la notifications. Et deux ou trois endroits où le mur d'enceinte est à moitié effondré. J'ai du mal à croire que moi seule les connais, mais je n'en dis rien, chacun ses secrets.
Idem pour les bâtiments. La chapelle a une porte dérobée, via la sacristie. Le dortoir a un passage discret dans un placard après les douches. Même la salle de prière peut me voir disparaître avec discrétion. C'était un farceur ou un galopin l'architecte ; peut-être même qu'il a fait ça pour venir voir des nonnes en cachette.
Ce soir, c'est grand soir ; Seikusu fête je ne sais quoi, et il y a du monde annoncé. Ce sera mieux que de dormir les mains jointes, d'utiliser ses mains pour tout autre chose, et je rentrerai sagement au petit matin. Mur d'enceinte, derrière la chapelle, du classique. Personne à l'horizon, c'est tout bon, je me redresse.
Merde ! Une silhouette en face, je ne l'avais pas vue. Avec une vieille robe de bure comme moi. Enfin, je dois préciser que je ne garde ma robe de bure que pour la forme. En général, sitôt dehors, je la planque pour une tenue de nonne beaucoup plus sexy ; c'est ce que m'a conseillé un garçon qui fait du cosplay, il me dit que je porte un déguisement au naturel.
Bref, cette forme, c'est quoi, et surtout c'est qui. Car elle m'a vue ! Une indic de la Mère sup ? Ah ouais, on va voir. Je fonce droit dessus, mais la silhouette m'a vue venir, et détale. Pas question de me laisser avoir comme une bleue, je la suis, elle se met à courir, moi aussi.
Je connais les lieux, et, quand je vois la silhouette s'engager dans une impasse, je saus que j'ai gagné. Prise au piège ! Elle tente une esquive, mais je lui saute dessus, souvenir des cours de self défense de Léa, et je la plaque au sol, arrachant sa capuche pour voir qui voulait me trahir.
Oh, une jeune femme ! Son visage est terrorisé, elle se débat, mais je ne lâche pas prise.
« Eh, du calme, que faisais-tu là ?"
Pas de réponse, je m'en doutais.
« Qui t'a envoyé m'espionner ? »
Pas davantage de réponse, mais un regard complètement étonné. Elle n'a pas l'air de comprendre ce que je lui dis.
La bloquant d'une main, comme m'a appris Léa, j'essaie de fouiller dans une de ses poches, en extirpant un bout de papier. Du cyrillique ! Je connais, parce que les alphabets font partie de nos études de théologie. Une réfugiée ! Ca me rassure.
« Aie confiance », peut-être ne comprend-elle pas, mais ma voix apaisée doit la rassurer."
Mettant le doigt sur sa bouche pour lui intimer le silence, je lui prends la main. Elle doit savoir ce qu'est une nonne dans son pays. Peut-être même qu'elle tournait autour du couvent pour chercher comment y entrer et s'y mettre à l'abri.
En tout cas, elle ne refuse pas ma main, et me suit même sans hésiter. Nous repassons par mon chemin de sortie, tandis que l'orage gronde, mauvais. Je n'aime pas ce temps, il m'angoisse, et nous parvenons tout juste à nous réfugier dans la chapelle, avant que ne tombe la pluie.