Aventures sous Novigrad [PV]

Vêtu d'un simple serviette nouée autour des reins, Kolgrim s'avança d'un pas tranquille dans l'établissement de bains de Novigrad.

L'endroit était plongé dans une douce pénombre, éclairé par des bougies, posées à même le sol ou encore fichées dans des chandeliers, ainsi que par des petites lampes qui pendaient du plafond, leur lumière étant reflétée par l'eau des bassins. Hormis le léger clapotis de l'eau et le bruit des conversations des personnes fréquentant l'établissement, le calme régnait en ces lieux ; il faut dire aussi qu'il y avait peu de monde à cette heure-ci : les bains ouvraient à l'aube mais les premiers clients se pointaient souvent une ou deux heures après l'ouverture.

Kolgrim avait donc choisi cette heure-ci pour profiter des bienfaits offerts par l'établissement : comme ça il avait l'impression d'avoir les bains pour lui tout seul. Après avoir déposé ses vêtements au vestiaire, il était entré dans la salle sous l'œil curieux et intéressé de deux femmes d'âge mûr qui bavardaient tranquillement, le corps à moitié plongé dans l'un des bassins.
Le sorceleur leur adressa un petit signe de tête en guise de bonjour et plongea à son tour dans un bassin voisin, inoccupé.

- Ah, ça fait du bien ! murmura-t-il d'une voix satisfaite.

Kolgrim ne pouvait pas profiter souvent de tels moments mais quand l'occasion se présentait, il n'hésitait pas, quitte à débourser plus que de raison. Suite à un contrat qui lui avait rapporté un bon petit paquet de couronnes, il avait fait quelques folies : il avait loué une chambre au Passiflore, l'établissement le plus luxueux de la grande ville de Novigrad, acheté une magnifique armure nilfgaardienne, pas celle en métal, mais en cuir, et s'était payé la veille les services d'une accorte demoiselle experte dans les arts amoureux. Bref, il avait pris quelques vacances bien méritées.

Normalement il n'aurait pas pu gouter aux délices offerts par les bains de Novigrad, ces derniers étant privés, réservé à une clientèle triée sur le volet, mais son dernier commanditaire l'avait chaudement recommandé auprès du patron de l'établissement et le sorceleur avait donc pu entrer sans problème dans l'établissement, après avoir décliné au gardien, bâti comme un taureau, son identité.

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Maintenant il était couché à plat ventre sur une longue dalle de pierre, en train de se faire masser le dos par une solide matrone qui, si elle n'avait pas un physique à provoquer des torticolis sur son passage - et ce devait être l'une des raisons pour laquelle on l'avait engagé - avait un toucher divin : ses mains puissantes relaxaient les muscles tendus, raffermissaient les chairs molles ou endolories, apaisaient la tension et remettaient correctement en place les vertèbres.

Les yeux clos, Kolgrim savourait le massage, se demandant combien de temps il allait pouvoir profiter de son congé. Sa bourse s'était aplatie plus vite que prévue et il lui faudrait bientôt se mettre à la recherche d'un nouveau contrat...

Novigrad était une grande cité-libre, une cité marchande influente qui fonctionnait de manière autonome, mais toujours sous la perpétuelle menace de ses voisins, notamment les Ashnardiens. Plus proche de Nexus que de l’Empire, Novigrad entretenait avec la cité-État d’étroites relations. Sa richesse lui permettait de conserver son autonomie, mais elle était maintenant la cible des Impériaux. Une armée était en déplacement, et s’était installée dans la région environnante, des terres sauvages, Velen. Velen était d’ailleurs une région limitrophe entre Nexus et Novigrad, assez sauvage, et de plus en plus envahie par les monstres. Toutefois, ce soir, ce n’était pas ça qui intéressait Triss Merigold.

Elle s’était rendue le long de l’une des plages de Novigrad, et avait trouvé l’entrée qu’elle recherchait, sur les indications des sages de Novigrad. Elle était ainsi rentrée dans la grotte, s’éclairant à l’aide d’une boule lumineuse générée par magie, et s’avançait. Portant son habituelle tenue de voyage, elle ne tarda pas à se heurter à quelques goules, qu’elle dispersa à l’aide de boules de feu, puis reprit ensuite sa marche, explorant la profonde grotte.

*Normalement, le temple ne doit plus être éloigné...*

Les recherches de Triss auprès des archives royales de Nexus lui avaient permis d’apprendre qu’il existait, à Novigrad, un ancien temple... Ou, plutôt, une crypte souterraine, où un mage s’était jadis rendu. Il y avait mené des travaux, et Triss espérait pouvoir retrouver l’artefact que ce mage-alchimiste avait fabriqué, un puissant catalyseur magique. La tâche n’était toutefois pas si aidée que ça, car l’endroit était dangereux, et, vers la fin de sa vie, ce vieux mage, Olzemmur, avait, d’après ce qu’elle en savait, sombré dans la paranoïa. Il y avait donc fort à parier que Triss allait se heurter à des monstres et à d’autres défenses magiques. Fort heureusement, la magicienne était une femme endurcie, très expérimentée, et qui avait déjà visité des cryptes et des tours magiques.

Pour l’heure, la magicienne se contentait d’avancer, repoussant et massacrant les monstres qui l’attaquaient, tout en sentant, grâce à son aura magique, que la crypte était de plus en plus proche...

- Normalement, je dois y être.

La nuit était tombée sur Novigrad et Kolgrim, sorceleur de l'École de la Vipère se tenait sous un porche, face à une maison délabrée. Il attendit que le couvre-feu ait passé le coin de la rue pour se diriger vers la demeure.

Quelques heures plus tôt, il avait trouvé une annonce portant sur une maison hantée et dont le propriétaire souhaitait que l'on se débarrasse du ou des occupants indésirables et immatériels pour qu'il puisse y loger. La récompense était assez généreuse - 400 couronnes - et le sorceleur avait proposé ses services au propriétaire, enchanté d'avoir affaire à un professionnel. Il lui donna l'adresse de la maison en question, lui précisant que le ou les fantômes n'apparaissaient que la nuit.

Le sorceleur engagea la clef - donnée par le commanditaire - dans la serrure de la porte d'entrée et la tourna. Sans effet. La porte ne s'ouvrit pas.

- Eh ben, ça commence bien ! pesta Kolgrim. Le propriétaire avait certainement dû se tromper de clef et il se promit de lui faire une remarque bien sentie à son employeur une fois la mission accomplie et, c'était le plus important, après le paiement effectué. Les fenêtres du rez-de-chaussée et du premier étage était munies de solides barreaux de fer mais il repéra une lucarne au deuxième étage qui ne bénéficiait pas de la même protection.
Sortant une corde munie d'un grappin de son sac, il la lança et, après s'être assurée qu'elle tenait bon, grimpa au deuxième étage. La fenêtre s'ouvrit sans trop de mal et il put pénétrer à l'intérieur de la demeure. Elle était plongée dans l'obscurité mais cela ne représentait pas un obstacle majeur pour le sorceleur qui voyait comme les chats.
Hormis la poussière, des toiles d'araignée, des rongeurs et quelques meubles anciens mais vermoulus, le logis était vide. Le plus étrange était que le médaillon de Kolgrim ne réagissait pas : si une créature de l'au-delà hantait ce lieu, il aurait dû le sentir.

Il descendit au premier étage. Rien, nulle présence surnaturelle. Le rez-de-chaussée fut tout aussi décevant.

- C'est quoi ce contrat à la con ?! maugréa le sorceleur. Il s'est foutu de ma gueule l'autre crétin ou quoi ?!

Les sorceleurs ont des sens aiguisés mais ils ne sont pas à l'abri d'une erreur d'orientation. La maison que visitait Kolgrim n'était pas la bonne, cette dernière se trouvait, dans la même rue, une bonne cinquantaine de mètres plus loin. A la décharge de Kolgrim le propriétaire avait sniffé pas mal de fisstech avant de s'entretenir avec lui, raison pour laquelle les explications de ce dernier avaient été peu claires, et les deux demeures avaient plus ou moins la même allure...

Il allait rebrousser chemin quand il vit au sol une trappe. Se disant que la créature devait se terrer dans le sous-sol, il l'ouvrit et emprunta une échelle qui donnait directement dans une cave sombre et humide. Là encore nulle présence d'une créature surnaturelle.

- Il va m'entendre ce con ! rugit Kolgrim avant de détecter quelque chose d'inhabituel : l'une des briques du mur avait un aspect quelque peu différent des autres. Il la poussa et ne fut pas surpris quand il vit une portion du mur s'enfoncer avant de se déplacer latéralement, laissant une ouverture béante.

Au-delà se trouvait un couloir taillé dans la roche. Curieux, Kolgrim l'emprunta. Au bout d'une centaine de mètres, il arriva à un escalier qui s'enfonçait dans les entrailles de la terre. Avant de descendre les marches, il arma son arbalète de poing d'un carreau explosif, dégaina son épée d'argent puis reprit sa progression, veillant à ne pas faire de bruit. Il ne savait pas trop ce qui l'attendait en bas mais mieux valait se tenir prêt au cas où.

Au bout de cinq bonnes minutes il finit par atteindre un couloir qui l'amena à une vaste caverne. Au centre se trouvait une sorte construction faite d'obsidienne et de basalte noir. Cela devait être une sorte de temple ou de mausolée car il pouvait distinguer des bas-reliefs sur les colonnettes, les murs et le fronton ; des gargouilles se tenaient sur le toit.
Kolgrim s'avança prudemment et ne s'arrêta qu'à quelques mètres de la construction. Son médaillon se mit à vibrer, signe qu'une puissante magie devait être à l'œuvre en ces lieux.

- Faut vraiment être zinzin pour construire un truc pareil sous terre... marmonna-t-il. C'est alors qu'il entendit au loin comme des bruits de lutte : très faibles, ils venaient d'une ouverture sur la droite de la caverne. La curiosité l'emportant sur la prudence, il emprunta un couloir, grossièrement taillé dans la roche, et finit par aboutir à une autre caverne.
Il vit une femme à la chevelure rousse en train d'en découdre avec des Nekkers. De belles petites saloperies. Isolées elles ne valaient pas tripette mais en bande elles pouvaient venir à bout de guerriers endurcis. La donzelle se défendait bien : elle en avait occis une dizaine et elle affrontait les autres en leur balançant des projectiles enflammés. Mais les Nekkers étaient encore nombreux et l'un d'entre eux s'apprêtait à la prendre à revers.

Kolgrim se jeta dans la mêlée, décapitant d'un coup d'épée le Nekker le plus proche. Avant même que son corps et sa tête n'atteignirent le sol, il fit une pirouette et trancha deux autres de ces bestioles. Les autres, dépitées par l'arrivée inopportune de ce nouvel adversaire prirent la fuite. Leur chef, un Nekker plus grand que les autres, montant une sorte de rat géant et coiffé d'une casserole sur la tête, invectivait sa tribu qui ne l'écoutait pas. Finalement, il pointa vers le sorceleur un index menaçant tout en l'invectivant de paroles dont il ne comprenait pas le sens avant de prendre la fuite à son tour.

- Ouais c'est ça, dagobaï toi-même espèce de raclure ! railla Kolgrim en lui montrant son majeur. Puis il se tourna vers la donzelle :

- Tout va bien, z'êtes pas blessée ?

Triss s’avançait d’un pas décidé dans les grottes, laissant la magie la guider. Récolter des artefacts magiques, c’était l’une des grandes passions des mages comme elle. Elle les étudiait ensuite, et s’en servait pour augmenter ses propres pouvoirs. Triss n’avait aucune honte à admettre qu’elle faisait des recherches à titre très personnel, même si elle comptait partager sa découverte au reste de la communauté magique, notamment en consignant ses recherches dans des notes. Après tout, la crypte d’Olzemmur, sans être non plus une crypte légendaire, était quand même suffisamment recherchée pour qu’elle puisse publier quelques articles. Pour le reste, les biens éventuels qu’elle trouverait lui appartenait. Sur ce point, Triss était suffisamment maligne pour ne pas avoir signé de conventions inverses. Les biens de ce type étant res nullius, ils appartenaient de plein droit à quiconque s’en appropriait, et, comme Triss agissait en son nom propre, sans être financée par une académie ou par une institution quelconque, elle récupérerait tout.

*Il faut au moins ça, pour que je m’aventure dans ces grottes puantes et humides...*

Était-elle sous le niveau de la mer ? Ou sous les égouts de Novigrad ? Dans tous les cas, Triss sentait ses instincts magiques s’enflammer, et, en grimpant un sentier, arriva à l’entrée d’une grande structure oblongue. Une sorte d’antichambre, avec des statues antiques près des murs, à gauche et à droite d’une lourde porte. Triss tendit sa main, et des glyphes jaillirent tout autour de son corps, permettant de mettre en relief les sceaux magiques situés sur l’antichambre, et protégeant la porte. Après tant d’années, les antiques sortilèges continuaient à prouver leur efficacité, témoignant des talents du sage Olzemmur.

La magicienne refoula un sentiment de fierté et de plaisir personnel. Elle n’était pas encore sûre qu’il s’agisse bien de la crypte d’Olzmemur. À Novigrad et dans la région environnante, il était assez fréquent que de riches bourgeois ne fassent des mausolées souterrains, y enterrant toute leur famille dans des cimetières privées et sécurisées, pour empêcher les goules d’y rentrer. Elle se rapprocha lentement, lorsque Triss entendit brusquement des bruissements. Tournant la tête, elle vit alors une portion de mur s’ouvrir, révélant une galerie assez petite, par laquelle une flopée de monstres ne tarda pas à débarquer en grognant et en piaillant.

*Des nekkers ! C’est bien ma veine !*

Ces petits monstres, ressemblant à des gremlins, aimaient se terrer dans la terre, et attaquaient en bande. Triss généra rapidement des sortilèges magiques, et envoya des boules de feu, enflammant plusieurs nekkers, puis se téléporta, s’éloignant ainsi des nekkers. Des cônes de glace se formèrent au-dessus de sa tête, et elle les lança, tels des javelots, transperçant d’autres monstres. Las, d’autres cavernes s’ouvrirent, libérant des nekkers supplémentaires.

*C’est peut-être la magie protectrice de la crypte qui les attire... Ou ils tombent juste au mauvais moment...*

Elle généra d’autres boules de feu, et continua à se téléporter. Triss n’était pas une guerrière, mais elle avait participé à plusieurs conflits militaires contre Ashnard, et avait ainsi appris à utiliser sa magie au combat. Les magiciens pouvaient être de redoutables adversaires, et, en ce moment, les nekkers en avaient la preuve. Tandis que Triss les affrontait, elle entendit soudain des bruits, et vit un mystérieux inconnu arriver, se joignant dans la bataille. Surprise, Triss le regarda, et reconnut rapidement, à son épée, à ses mouvements, un sorceleur... Ce qui n’était pas sans lui rappeler un sorceleur de sa connaissance.

Face à une magicienne et à un sorceleur, les nekkers optèrent pour l’option la plus prudente, et fuirent rapidement. Restés seuls, les deux individus se regardèrent, et Triss sourit lentement, avant de fanfaronner, jouant à la magicienne orgueilleuse, rôle qui leur collait à ravir :

« Blessée ? Contre des nekkers ? Ne vous moquez pas de Triss Merigold, sorceleur ! Que venez-vous faire ici ? La crypte d’Olzemmur, je suis la première à l’avoir vue ! »

Et même un sorceleur ne viendrait pas la lui enlever !

Devant la réponse quelque peu virulente de la belle magicienne, Kolgrim écarquilla les yeux mais ne s'en départit pas moins de son sourire, qui donnait souvent à ses interlocuteurs l'impression qu'il se moquait d'eux. *C'est de la vraie rouquine ça ! Quelle tempérament de feu !* pensa-t-il.

- Enchanté Triss Merigold, je me nomme Kolgrim, sorceleur de l'École de la Vipère ! dit-il d'une voix calme, une fois qu'elle eut fini de parler, ne relevant même pas son éclat. Quant à la raison de ma présence en ces lieux, elle n'a rien à voir avec la crypte d'Oltruc qui doit être l'étrange bâtiment que je viens de voir avant de vous rencontrer.

Et il lui raconta brièvement comment il était arrivé ici : son contrat, la maison hantée, ses recherches infructueuses et pour finir, sa découverte du passage secret dans la cave qui l'avait amené au niveau de la crypte.

- J'ai l'impression que mon employeur s'est foutu de ma gueule et qu'en plus je me suis retrouvé embarqué dans une histoire abracadabrante avec de la magie et des mystères à foison...

Les bras croisés, il la considéra un court instant, admirant l'éclat de ses beaux yeux, sa belle chevelure rousse, qui était un peu en bataille, sa silhouette fine... *Dans un palais, avec une tenue adéquate, elle éclipserait toutes les dames de la noblesse !* pensa-t-il avec un petit sourire.

- Si vous avez besoin d'un petit coup de main, sachez que je suis à votre service... fit-il d'une voix faussement timide. Et s'il y a un petit bonus du style or et armes enchantées, je suis votre homme !

Il ne venait pas pour la crypte ? Triss avait du mal à y croire... Mais, à bien y réfléchir, les sorceleurs n’étaient pas employés pour récupérer des trésors, mais pour tuer des monstres. Triss en savait quelque chose, vu qu’elle était proche des sorceleurs de l’école du Loup, plus particulièrement d’un aux cheveux blancs... Elle n’avait jamais croisé ceux de la Vipère, et était même surprise d’apprendre qu’il en existait encore. Les sorceleurs appartenaient au passé. Avec l’essor de l’Ordre Immaculé, des paladins, des chevaleries, les mercenaires chasseurs de monstres avaient tendance à se raréfier, sans compter que les sorceleurs étaient plutôt mal vus par les villageois. Il était venu ici suite à un contrat portant sur une maison hantée, et proposa volontiers son aide à Triss, qui le considéra silencieusement.

*Les sorceleurs ne prennent jamais rien gratuitement...*

Ceci dit, les épées enchantées, les armures magiques, ou même les coffres d’or, n’intéressaient pas Triss. Elle était déjà extrêmement riche, et savait que la crypte d’Olzemmur serait redoutable. Outre les pièges magiques, il y aurait sûrement des monstres. Certes, Triss pouvait le gérer toute seule, mais elle savait aussi que les sorceleurs pouvaient se montrer des alliés très efficaces. Après quelques instants de réflexion, elle hocha la tête.

« C’est entendu. Je vous laisserai les armes magiques et les pièces d’or, je n’en ai cure. Pour le reste, je vous encourage à vous montrer prudent, Olzemmur était un puissant mage. Sa crypte doit être bien protégée. »

Autant dire que les nekkers n’étaient rien par rapport au reste. Triss se retourna alors, et rejoignit l’entrée de la crypte. Il y avait deux grandes statues à droite et à gauche d’une porte close. Triss constata rapidement que les runes magiques entourant la crypte étaient toujours en place, et se posa sur une sphère à l’entrée. Les statues s’illuminèrent alors, tout comme les runes, et des mots se mirent à flotter en l’air :

« Visiteur,
Ma crypte est scellée depuis mon trépas,
Sans héritier pour me succéder.
Seuls les plus méritants pourront accéder à mes secrets. »

Triss lut ces quelques mots, et fronça les sourcils, avant d’entendre un grondement, et de sentir une forte magie. Le médaillon de Kolgrim, s’il pouvait ressentir la magie, devrait alors se mettre à vibrer énergiquement. Les premiers gardiens de la crypte apparurent alors, à droite et à gauche : une demi-douzaine de créatures éthérées portant des épées. Triss puisa dans sa magie, prête au combat...

Des spectres venaient d’arriver !

Triss accepta donc sa proposition. Comme il s'y était un peu attendu, l'or et les armes magiques ne l'intéressaient pas spécialement, laissant tout cela au sorceleur. Il en conclut donc que la crypte recelait une sorte de savoir interdit, des connaissances ésotériques, bref des choses plus aptes à intéresser une magicienne.
Elle le mit en garde contre le fait que le magicien enterré là-dedans était puissant et que par conséquent sa dernière demeure était bardée de protections magiques.

- Ouais, la routine habituelle quoi... dit-il d'une voix désabusée.

Ils retournèrent donc vers la crypte et s'arrêtèrent à quelques mètres de l'entrée. Kolgrim s'intéressa aux sculptures qui s'y trouvaient de part et d'autre : je parie que ce sont des gargouilles... dit-il en les pointant du doigt. Lorsqu'elles s'illuminèrent, ainsi que les runes, il fit un pas en arrière tout en dégainant son épée. Là, je l'avais bien dit ! s'exclama-t-il. Mais les statues ne s'animèrent aucunement : à la place un texte apparut dans les airs qu'il put déchiffrer aisément.

- Hum, il faut donc faire ses preuves pour satisfaire cet Olmachin pour pouvoir accéder à son tombeau et aux secrets qu'il renferme... C'est alors qu'il sentit un long frisson lui parcourir la nuque pour descendre tout le long de sa colonne vertébrale. Son médaillon se mit à vibrer et il sut, avant même qu'ils fissent leur apparition, que des fantômes hantaient les lieux.
Il sortit prestement d'une pochette un objet sphérique fait d'argile, rengaina son épée d'acier pour sortir l'autre, celle en argent.

- On a de la visite ! dit-il d'une voix calme, tandis qu'une bonne demi-douzaine de spectres surgirent du néant. Il balança l'objet sphérique qui explosa au sol, relâchant dans les airs de fines particules argentées qui touchèrent les spectres : ces derniers étaient recouverts d'une fine pellicule d'argent qui non seulement les rendait plus faciles à repérer mais annihilait leur capacité de téléportation dont ils usaient et abusaient pour surprendre leurs adversaires.

Ne perdant pas de temps, il se baissa, plaquant brutalement la paume de sa main sur le sol. Aussitôt apparut un large cercle formé d'une dizaine de symboles d'Yrden, brillants d'une douce lumière violette. Non content de ralentir les adversaires, voire de les immobiliser, Yrden rendait en quelque sorte matériel les ennemis immatériels. En l'occurrence, les Spectres.

L'un d'eux s'aventura dans le cercle et aussitôt le sorceleur, tout en évitant un moulinet de l'épée de la créature, faucha l'air de sa lame d'argent, détruisant le fantôme qui hurla de terreur, ne laissant qu'un petit tas de cendres.

La bataille ne faisait que commencer mais les chances étaient largement du côté du duo...

Triss savait, pour être proche d’un certain sorceleur aux cheveux blancs, qu’ils maîtrisaient la magie. Ils contrôlaient leurs fameux Signes, des sortilèges propres aux sorceleurs. Triss pouvait, elle aussi, en générer, mais elle devait admettre que la manière dont les sorceleurs mélangeaient attaques physiques et magiques restait assez exceptionnelle. Au milieu des spectres, Kolgrim généra ainsi Yrden, et un sceau se forma sur le sol. Quand les spectres passèrent à travers, ils devinrent tangibles. Le sorceleur s’attaqua ensuite à un fantôme, et le coupa en deux, le faisant disparaître. Triss, de son côté, généra une sphère électrique entre ses mains. Elle rapprocha ses doigts les uns des autres, des arcs électriques crépitant intensivement, jusqu’à former une sphère, qu’elle maintint ensuite. La sphère ondula sur place, crachant de puissants éclairs qui frappaient les spectres, les calcinant sur place. Encore une fois, Triss confirmait qu’elle était bien l’une des Treize, le surnom donné à ces treize magiciens qui, au péril de leur vie, avaient réussi à détruire une armée ashnardienne en générant une pluie de météorites. L’explosion avait été telle que les magiciens avaient été réduits en charpie. Triss avait survécu en se téléportant de justesse, mais, dans la confusion et l’éclatement des corps, elle avait été déclarée morte. La téléportation s’étant mal passée, elle avait mis plusieurs semaines à revenir à Nexus pour montrer à la Cour qu’elle était toujours en vie. Autant dire que Triss Merigold n’était pas une magicienne à négliger.

C’est ainsi qu’elle nota vite le redoutable mécanisme du hall, car les fantômes ne cessaient de revenir. Elle étudia leurs mouvements, tandis que le Signe d’Yrden disparut. Triss généra un bouclier autour d’elle, et constata alors que les statues autour de la porte d’entrée vibraient magiquement.

« J’en étais sûre... »

Elle se concentra, et envoya un puissant cône de glace sur une statue... Mais elle explosa contre cette dernière.

« Merde ! Ils disposent de boucliers magiques... Ce sont ces statues, Kolgrim ! Elles doivent avoir un dispositif magique qui régénère les spectres. Utilise ton épée pour les détruire, je vais les retenir ! »

Usant de ses mains, Triss envoya des ondes d’Air, dispersant les fantômes, les éloignant de Kolgrim, sécurisant ainsi l’accès de ce dernier versles statues, même si des fantômes pouvaient encore lui tomber dessus...

Dans un premier temps tout se passa bien : les Spectres tombaient comme des mouches, hurlant de terreur au moment où la lame du sorceleur ou l'un des sortilèges de la magicienne les frappaient de plein fouet. Cependant, leur nombre ne diminuait pas : à chaque fois qu'un Spectre tombait un autre réapparaissait comme par enchantement à l'autre bout de la caverne et revenait au combat.

A ce stade là, le duo allait fatalement succomber sous les coups des créatures, ces dernières ne connaissant ni la fatigue ni la peur.

Triss envoya une déflagration de froid sur l'une des gargouilles et aussitôt cette dernière fut enveloppée d'une sorte de champ de protection quand la décharge magique la frappa, la laissant intacte.

- Merde ! Ils disposent de boucliers magiques... Ce sont ces statues, Kolgrim ! Elles doivent avoir un dispositif magique qui régénère les spectres. Utilise ton épée pour les détruire, je vais les retenir !
- D'accord ! cria-t-il, tout en esquivant un coup d'épée de l'un des fantômes, avant de se diriger vers les statues.

Elles semblaient solides et il n'était pas sûr que sa lame suffise à les ébrécher. D'autant plus que les épées d'argent de sorceleur s'abîmaient rapidement : l'argent seul n'était pas le métal idéal pour en faire des armes, raison pour laquelle on l'associait avec de l'acier pour les rendre plus solides. Et d'une manière générale, les armes tranchantes ne sont pas ce qu'il y a de mieux pour briser une statue ; s'il avait à sa disposition une bonne masse de terrassier...

C'est alors qu'il eut une idée : les gargouilles étaient solides et protégées des attaques de magie mais qu'en était-il de leur socle ? Repérant une petite cavité à la base de chaque socle, il sortit rapidement deux Ruches de son sac, les alluma et en plaça chacune dans l'espace en question.
Il courut à toute allure vers Triss qu'il prit dans la position familière du barbare sauvant une donzelle en détresse, c'est à dire sur son épaule. L'adrénaline couplée avec sa force surnaturelle, fruit des mutations qu'il avait subies durant son apprentissage à Vol'Koch, fit qu'il sentit à peine le poids de Triss. Du reste cette dernière était mince et svelte comme une Elfe.

- Un... Deux... Trois... compta-t-il tout en courant vers un gros rocher qu'il avait repéré. Ils se cachèrent derrière et Kolgrim posa sa compagne à terre tout en continuant à égrener les secondes : Quatre... Cinq...

A ce moment là, deux déflagrations retentirent dans la caverne et l'instant d'après des morceaux de pierre furent propulsés dans les airs, retombant au sol, ricochant contre la roche derrière laquelle se tenait le duo. Jetant un coup d'œil, Kolgrim vit que les statues gisaient à terre, plus ou moins intactes mais comme déchargées de toute magie.
Il restait quelques Spectres, quatre pour exact, mais ils semblaient complètement désorientés moins par le souffle de l'explosion que par le fait que la source de leur puissance était annihilée.

- On va se les faire comme des petits beurres ! fit-il avec un sourire carnassier, empoignant son épée d'argent.

En moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire, Triss et Kolgrim en finirent avec les créatures de l'au-delà. Ils se tournèrent vers le mausolée : les bas-reliefs et la maçonnerie de l'entrée avaient souffert de la déflagration et la porte était défoncée, comme si le poing d'un géant l'avait percutée de plein fouet, l'arrachant de ses gonds.

- Hum, j'ai dû forcer un peu sur la poudre noire. Mon mentor m'avait toujours dit que j'avais la main lourde à ce niveau là...

Toujours est-il que l'accès au mausolée était libre maintenant.

Si la seule entrée du mausolée était aussi bien défendue, Triss imaginait mal ce qui se passerait derrière. Ses sortilèges tombaient sur les spectres, dispersant ces derniers. La mage s’avérait particulièrement redoutable, une véritable furie magique qui déclenchait d’impressionnantes tempêtes, dispersant les fantômes. À chaque fois, les statues, agissant comme des obélisques infernales, s’assuraient cependant d’en ramener d’autres. Elle aurait pu les détruire par elle-même, mais, puisqu’elle avait un sorceleur sous la main... Elle leur reconnaissait volontiers qu’ils étaient rapides, agiles, et plutôt débrouillards. Pour autant, Triss ne s’attendait clairement pas à ce que Kolgrim ne se rue vers elle. Elle venait alors de générer des arcs électriques, s’en servant pour repousser un spectre, quand l’homme l’attrapa sans lui demander son avis.

« Hey ! » protesta vainement Triss.

Furieuse, la magicienne se retrouva derrière une statue, et jeta à Kolgrim un regard qui aurait sans doute amené n’importe qui à prendre ses jambes à son cou. Il l’avait bringuebalé comme un vulgaire sac de patates ! Enervée, Triss en oublia même provisoirement les fantômes. Les bombes de Kolgrim, quant à elles, firent merveille sur les obélisques, les détruisant. Il fut ensuite facile de disperser les spectres restants.

Les bombes de Kolgrim avaient fragilisé l’entrée du mausolée, provoquant également des fissures, témoignant de la fragilité des lieux. Pourtant, ce n’était pas à ça que Triss pensait. Elle tendit sa main, et une onde d’Air jaillit de ses doigts, renversant Kolgrim au sol. Les yeux de Triss semblaient lancer des éclairs, comme pour témoigner de sa colère. Des éclairs crachèrent de ses doigts.

« La prochaine fois que tu me transportes comme un sac de patates, sorceleur, je te fais frire » énonça-t-elle tout simplement, d’une voix calme et détachée, froide et glaciale.

Les éclairs émanant de ses doigts disparurent ensuite, puis Triss s’approcha de l’entrée du mausolée. Elle fila ensuite à l’intérieur, et alluma au-dessus d’elle une boule lumineuse, afin de s’éclairer. Une odeur de mort s’échappait des lieux. Le hall d’entrée était désert, mais Triss ne se faisait aucune illusion... Elle n’était pas au bout de ses peines ici, a fortiori avec un sorceleur indiscipliné qui se permettait de lui manquer de respect en la traitant comme une vulgaire paysanne.

Le moins que l'on pouvait dire était que Triss n'était pas contente ! Après que le sorceleur et la magicienne se soit débarrassé des fantômes et alors qu'ils se dirigeaient vers l'entrée du mausolée, la jolie rousse lança un sortilège et Kolgrim fut projeté au sol.

- La prochaine fois que tu me transportes comme un sac de patates, sorceleur, je te fais frire ! s'exclama Triss, d'une voix chargée de colère glaciale, le toisant de toute sa taille (qui était moyenne), des éclairs jaillissant au bout de ses doigts.
- Désolé ! fit-il platement, comme s'il n'en avait rien à foutre, se relevant en souplesse. J'ai improvisé...

Il se retint de dire que la prochaine fois il la laisserait sur place, comme ça elle se prendrait l'explosion et les gravats sur le coin de la gueule, histoire qu'elle ait le portrait refait façon Picasso dans sa période cubiste (même si Kolgrim n'avait jamais entendu parler de ce peintre).

Ils s'approchèrent donc de l'entrée du tombeau. Au-delà se trouvait une sorte de vestibule désert. Dans l'air flottait une odeur de cadavre en décomposition. En même temps, dans ce genre d'endroit, il ne fallait pas s'attendre à ce que cela sente la rose...

Hormis quelques bas-reliefs obscènes et blasphématoires représentant des hommes à visage d'animaux en train de s'accoupler avec des femmes nues, amenant un commentaire amusé de la part de Kolgrim ("eh ben, ça devait être un drôle de pervers cet Oltruc ! C'était quoi sa spécialité ? La magie zoophile ?"), la pièce ne comportait rien d'intéressant. Au fond se trouvait une volée de marches menant à une porte en métal noir. Le sorceleur s'y dirigea et une fois arrivé devant il remarqua que son médaillon s'agitait, signe que la porte devait être protégée par un enchantement.

Alors qu'il l'examinait, une bouche se matérialisa sur le panneau et prononça d'une voix forte et intelligible les paroles suivantes :

Toi qui veut passer ce seuil, réponds à cette énigme :
Dans une forteresse sans porte ni fenêtre,
Aux murs de marbre blanc comme neige,
Tapissés d'une peau douce comme la soie,
Au milieu d'une eau pure comme le cristal,
Une pomme d'or, soudain apparait.
Qui suis-je ?

Kolgrim se tourna vers Triss :

- Bon, il est évident que la réponse n'est pas "merde !" ou "chaussette"...

Et il commença à se triturer les méninges pour trouver la solution de l'énigme. Encore heureux que ce fut pas un problème mathématique du style avec des chèvres ayant chacune un panier remplis de choux sauf la dernière qui avait des pommes et où il fallait trouver le nombre exact de légumes...

- En plus, ça me dit quelque chose : j'ai dû lire un truc de ce genre dans un vieux bouquin à Vol'Koch... fit-il à voix haute.

Olzemmur était un mage prudent, à la limite de la paranoïa de son vivant. Il avait dû se réfugier dans cette crypte peu de temps avant sa mort. Les statues à l’entrée n’étaient qu’une simple mise en bouche, Triss le savait. Le pire était encore à venir. Le fait que le hall soit vide était d’ailleurs d’assez mauvaise augure, comme si une menace silencieuse, insidieuse, régnait sur les deux aventuriers. Triss menait la marche, et le duo approcha d’une porte fermée. Un verrou magique s’illumina, et une bouche se forma, énonçant alors une énigme. Triss fronça doucement les sourcils en s’humectant les lèvres.

« J’ignorais qu’Olzemmur était un amateur de calembours... »

Kolgrim n’avait visiblement pas d’idées non plus sur l’énigme, même s’il croyait l’avoir déjà. Triss se mit donc à réfléchir. L’énigme apparut devant les deux individus, en lettres fluorescentes devant la porte. La magicienne regarda doucement autour d’elle. Il n’y avait aucune autre porte. Autrement dit, cette épreuve était indispensable, et Triss préférait ne pas la défoncer. Toute la crypte était instable, et elle ignorait ce qui se pourrait déclencher s’ils trichaient. Alors, elle fit parler sa matière grise.

Une forteresse sans porte ni fenêtres... Qui était blanche d’extérieur, sans prospérité, sans ouverture. Triss médita ensuite sur les autres vers de l’énigme, évoquant « une peau douce comme de la soie », qui lui fit penser à quelque chose en lien avec la neige. Elle rejeta toutefois l’idée, car elle ne voyait pas comment concilier la neige et l’idée de « forteresse ». Et le dernier ver évoquant une « pomme d’or ».

*Mais l’eau pure, voilà qui évoque la neige aussi...*

Qu’est-ce qui, au milieu de « l’eau pure », pouvait faire apparaître une « pomme d’or » au milieu d’une « forteresse blanche » ? Triss songea à de l’eau en train de bouiller.

« Je n’ai jamais aimé les calembours et les devinettes... » maugréa-t-elle.

Les minutes passèrent encore, tandis qu’elle assemblait les indices en elle. Elle eut soudain une idée, visualisant dans son esprit un objet qui pourrait bien convenir à ce qu’ils cherchaient. Triss réfléchit encore, longuement, puis finit par faire sa proposition, en se rapprochant de la porte :

« Un... Un oeuf ? » proposa-t-elle, hasardeuse.

Bien sûr, elle pouvait se tromper, mais... Quelque chose lui disait que c’était bien ça.

- J’ignorais qu’Olzemmur était un amateur de calembours... fit Triss.
- Ce n'est pas un calembour mais une énigme... rectifia Kolgrim d'un ton narquois.

Il s'éloigna néanmoins, laissant la magicienne réfléchir à la solution et faisant de même de son côté. Mais il fallait reconnaître que les devinettes ce n'étaient pas trop sa tasse de thé. En d'autres circonstances, il aurait apprécié jouer à ce petit jeu, mais dans un donjon, en compagnie d'une sorcière un peu soupe-au-lait et ingrate, le cœur n'y était pas vraiment.

*Et puis bon, c'est elle le cerveau. Moi je ne suis que les muscles...*

Il en profita donc pour examiner davantage les bas-reliefs. La plupart d'entre-eux montraient des scènes d'accouplements entre des femmes et des hommes à tête animale mais d'autres étaient quelque peu étranges : on y voyait, par exemple, des hommes et des femmes agenouillés, en train de vénérer une sorte d'idole barbare ou encore un guerrier lâcher une sorte de cri vers un dragon qui avait l'air de chuter au sol...

*Vraiment bizarre ces scènes...* pensa-t-il, se tournant de temps à autre vers sa compagne qui n'avait pas l'air d'avoir trouvé la solution, faisant même part de son aversion pour les énigmes. *Ce n'est pas moi qui la contredirait...*

Les minutes passèrent et Kolgrim abandonna son examen des bas-reliefs pour vérifier son équipement : il lui restait encore trois bombes (deux Ruches et un Vent du Nord qu'il n'utiliserait qu'au cas où ils se retrouveraient face à un adversaire des plus coriaces), deux flacons d'huiles (une contre les Créatures Élémentaires et une autre contre les Ogroïdes), trois Hirondelles, un Chat et un Miel Blanc.

Il entendit le mot "œuf" prononcé par Triss et aussitôt il y eut un déclic et la porte s'entrebâilla légèrement.

- Fantastique ! s'exclama le sorceleur. Vous avez donné la bonne réponse !

Bon d'accord, ce n'était pas grâce à lui qu'elle avait trouvé la clé de l'énigme mais un compliment ne faisait jamais de mal.

Il passa devant et ouvrit largement le vantail : au-delà il y avait un couloir plongé dans les ténèbres et suffisamment large pour que deux personnes puissent s'y tenir de front, à condition qu'elles ne gesticulent pas trop.

- Je pars en reconnaissance, dit-il à Triss tout en s'avançant dans le corridor. Grâce à ses "yeux de chat" il pouvait plus ou moins progresser sans se cogner aux murs et arrivait à distinguer un éventuel obstacle. Le couloir décrivait une courbe et au bout de deux ou trois minutes il vit une ouverture qui donnait sur une corniche surplombant une salle de belle taille, éclairée par des veilleuses qui dispensaient une douce lumière blanche ; au centre se tenait un sarcophage dont le couvercle était un gisant de pierre noire. Un escalier taillé à même la roche permettait d'accéder au mausolée et deux autres couloirs se trouvaient de part et d'autre de la salle.

Il revint sur ses pas et fit part de sa découverte à la magicienne.

Triss avait toujours détesté les énigmes. Très étrangement, les tombeaux, les temples et les autres sanctuaires étaient très souvent verrouillés par des énigmes, des mots de passe à remplir, ou des épreuves cérébrales à réaliser. La magicienne n’était pas une bourrine, une barbare qui fonçait dans le combat sans réfléchir, mais Triss Merigold n’était pas réputée pour sa grande patience. La porte du tombeau d’Olzemmur s’ouvrit donc enfin, et Triss commença à marcher. Après une première antichambre, un long couloir leur fit face. Le sorceleur partit alors devant, et Triss fronça les sourcils.

« Comme vous voulez. »

De son côté, elle généra avec sa main une sphère lumineuse, et utilisa ensuite un sort de son cru, consistant à tracer une carte magique. Un instrument indispensable pour se repérer dans un tombeau de ce type. Devant elle, une carte virtuelle apparut donc, montrant l’entrée du tombeau, et deux lignes formant le couloir. Au fur et à mesure que Triss avancerait, la carte se complèterait d’elle-même. Une fois ces sortilèges mis en place, Triss commença à s’avancer, jusqu’à revoir le sorceleur.

Kolgrim lui expliqua que le couloir menait à une mezzanine surplombant une grande pièce avec un tombeau. Depuis la mezzanine, un escalier en colimaçon permettait de rejoindre le mausolée, et des couloirs supplémentaires partaient depuis cette pièce. Triss acquiesça lentement.

« Vous faites un très bon éclaireur, Kolgrim » le nargua-t-elle.

Triss avait toujours eu la langue acerbe et bien pendue. C’était dans sa personnalité, tout simplement. Reprenant sa marche, la magicienne retourna à la mezzanine, et inspecta les lieux. Sa sphère lumineuse s’envola alors, et se retrouva au sommet de la salle, où elle se mit à briller plus intensivement, éclairant ainsi toute la pièce. Triss put ainsi voir les décors sur les murs, avec une série de bibliothèques abritant des livres poussiéreux, des fresques, des tableaux, des toiles d’araignées… Elle sourit alors brièvement à Kolgrim, un sourire légèrement moqueur, puis claqua des doigts.

« Je pars en reconnaissance. »

Un portail la téléporta en bas, et elle inspecta le tombeau. Elle constata ainsi que ce tombeau n’était pas celui d’Olzemmur, mais d’une certaine Cassiopée. Les informations sur Olzemmur étaient éparpillées, mais, de ce que Triss avait vu, à l’approche de sa mort, Olzemmur n’avait plus partagé grand-chose avec qui que ce soit. Toutefois, elle découvrit rapidement, en inspectant les gravures du tombeau, qui était Cassiopée : l’une des anciennes amantes du mage.

En regardant davantage les tableaux et les fresques, la magicienne vit bon nombre de peintures érotiques et zoophiles, traduisant sans doute certains penchants du mage, et expliquant son attirance pour les Terranides. Observant tout cela, Triss en arriva rapidement à la seule conclusion utile.

*Il va falloir explorer plus en profondeur ce tombeau…*

Vous faites un très bon éclaireur, Kolgrim, répondit Triss d'un ton moqueur, qui n'avait pas échappé au sorceleur qui ne releva pas. Pendant un bref moment, ce dernier fut tenté de rebrousser chemin et de la laisser se démerder toute seule : après tout, elle avait ses pouvoirs magiques et était plutôt capable de gérer toutes sortes de situations sans l'aide de personne d'autre. Mais il se ravisa, la curiosité étant la plus forte.

*N'empêche, j'avais oublié à quel point les magiciennes peuvent être casse-couilles !* pensa-t-il, suivant Triss à travers le couloir. *Pas étonnant que la plupart des gens se méfient d'elles et de la magie en général et que des chasses aux sorcières aient été organisées.*

Il pensait à ce souverain, Radevid, ou quelque chose comme ça, qui avait fait brûler des sorcières par dizaines dans son royaume. Pour sa part, Kolgrim n'avait jamais vraiment approuvé ces exactions mais ce ne serait pas lui qui jetterait la première pierre au roi. Le problème était que l'on commence par les magiciennes, puis on passe aux personnes qui ne pensent pas comme vous, ou encore qui ont des oreilles pointues...

Ils arrivèrent tous deux à la corniche et Triss matérialisa une sphère de lumière qui s'envola pour se retrouver au centre de la salle, à quelques mètres du sol, l'éclairant convenablement. Tandis que les pupilles du sorceleur se rétrécirent, s'adaptant ainsi à la luminosité, Triss se tourna vers lui, lui décochant un sourire moqueur tout en lui annonçant un qu'elle partait en reconnaissance.

- Hum, d'accord... fit-il d'un air absent, plus occupé à détailler certains recoins encore obscurs du tombeau qu'à faire attention aux remarques de la rouquine. Elle se téléporta dans la salle et commença à inspecter les lieux. Au bout de cinq minutes, Kolgrim, se disant qu'il n'y avait pas de danger, descendit à son tour et examina les lieux.

Les gravures, les tableaux et les fresques représentaient les mêmes scènes que celles qu'ils avaient vu dans le vestibule.

- Dites moi, demanda-t-il avec un air mi-amusé mi-interloqué, tout en parcourant les rayonnages, à la recherche d'un titre de livre accrocheur, vous cherchez quoi exactement là-dedans ? Vu la décoration, j'ai l'impression que ce mage devait être un peu siphonné et que les connaissances qu'il a dû accumuler devaient être du même acabit, du genre un moyen de se faire défoncer le cul par un minotaure ou encore se faire greffer une bite de cheval...

L'un des ouvrages, "Le livre de 72 positions", attira son attention et il le prit. Malgré le passage du temps, le livre était en bon état et les pages encore neuves. Même si le langage lui était inconnu, les illustrations, fort nombreuses, étaient des plus explicites, soulevant quelques commentaires amusés du sorceleur :

- Mince alors, je ne savais pas qu'on pouvait le faire ainsi ! Et celle-ci, on ne sait pas où est la jambe de qui !

Continuant à tourner les pages, il finit par trouver, coincée au milieu du livre, une feuille de papier sur laquelle avait été tracé un plan de la région avoisinante de Novigrad, avec des indications, des repères, un itinéraire et une grosse croix rouge au bout. Il referma le livre d'un coup sec et le fourra dans sa besace.

- Il me plait bien ce bouquin, je le prends ! fit-il d'une voix joyeuse, espérant que Triss n'avait pas remarqué sa trouvaille. Car il était sûr que le plan en question montrait l'emplacement d'un trésor et il n'était pas très chaud pour partager sa découverte avec la magicienne. Si elle avait été plus aimable, plus reconnaissante, il aurait sûrement été plus coopératif... Et vous, vous avez trouvé quelque chose d'intéressant ?