Aventures sous Novigrad [PV]

« Rassurez-vous, je ne fais pas tout ça pour un sortilège de magie rose, répliqua Triss en observant le tombeau de Cassiopée. Olzemmur était un excentrique, un paranoïaque, mais il était aussi très doué. Je cherche son grimoire, ses notes personnelles... Elles sont sans intérêt pour un non-initié, mais j’espère y trouver des sortilèges spécifiques. »

Triss n’allait pas rentrer davantage dans les détails, elle connaissait suffisamment les sorceleurs pour savoir qu’ils n’avaient pas forcément d’honneur, et suivaient avant tout l’appât du gain. Ils ne prêtaient pas serment comme les chevaliers ou les croisés, mais n’étaient rien de plus que des mercenaires. Gare à Kolgrim, toutefois, s’il lui en venait de vouloir s’emparer du grimoire ! Triss le laissa farfouiller la bibliothèque, émettant un léger grognement quand il commenta les positions qu’il vit dans un livre. Inutile de se formaliser pour si peu, certes, mais ce comportement enfantin n’était pas spécialement du goût de Triss, qui avait l’habitude de se plonger à fond dans ce qu’elle faisait, a fortiori dans une crypte magique.

Tout en continuant à examiner le tombeau de Cassiopée, elle écarta de la main des traces poussiéreuses, et aperçut une série de glyphes et de runes. Fronçant lentement les sourcils, elle leva alors les yeux, et observa une longue fresque murale, comprenant également une série d’arabesques et de runes.

« Hmmm... »

Les genoux pliés, Triss examina de nouveau les instructions figurant sur le tombeau. Kolgrim lui demanda alors si elle avait trouvé quelque chose d’utile. L’un de ses doigts se mit alors à briller, et elle le posa sur un point, puis dessina une figure en rejoignant plusieurs points, jusqu’à former une rune basique :

Le tombeau s’illumina alors, et se mit à trembler sur place, comme s’il était secoué. Des filaments de poussière tombèrent sur le sol, puis, dans un antique grincement, le tombeau se déplaça, pivotant sur place. Triss s’écarta prudemment, avant de voir que le tombeau était relié à une sphère qui pivota également, révélant un escalier s’enfonçant dans les profondeurs. Un sourire ravi éclaira alors les lèvres de Triss, qui posa ses mains sur ses hanches, en observant l’ouverture ainsi faite.

« Et voilà le travail ! » claironna-t-elle.

Un escalier en colimaçon filait, s’enfonçant dans les profondeurs du tombeau d’Olzemmur...

A la première question de Kolgrim, Triss répondit qu'elle ne cherchait nullement un sortilège de magie rose. Quand elle évoqua le fait qu'Olzemmur était excentrique et paranoïaque, Kolgrim haussa un sourcil : *cite-moi un seul magicien qui ne soit PAS timbré...* pensa-t-il. Toujours est-il que le magicien en question était très doué et que la rouquine cherchait son grimoire et ses notes personnelles. Il allait de soi qu'ils étaient sans intérêt pour toute personne ne pratiquant pas les arcanes magiques.

- Je vois... finit-il par dire. Par contre, vous savez à quoi il ressemble son grimoire ? Ou SES grimoires ?

Kolgrim ne connaissait pas trop l'univers des magiciens mais son mentor, Bazin, qui avait eu l'occasion d'en côtoyer quelques uns durant sa jeunesse, avait dit à Kolgrim que les pratiquants de la magie des arcanes trimbalaient avec eux un livre sur lequel ils consignaient les sortilèges qu'ils avaient appris durant leur apprentissage mais aussi ceux durant leur carrière. Certains mages chevronnés n'avaient pas un mais plusieurs livres de sorts, à un point tel qu'ils pouvaient remplir toute une bibliothèque... D'ailleurs, l'objet magique "L'Ouvrage de Sorts Infinis" (enfin un nom comme ça) était très prisé et très recherché puisque, comme son nom l'indiquait, il disposait d'un nombre de pages illimitées sur laquelle le magicien pouvait inscrire autant de sortilèges qu'il voulait.
Les livres de sorts pouvaient être de toutes tailles et de toutes formes mais l'apparence la plus répandue était un solide grimoire à la couverture en cuir, avec un symbole ésotérique ou kabbalistique au milieu (histoire de bien faire comprendre que ce n'était pas un banal livre de comptes...) ; le jeune sorceleur avait même entendu parler de grimoires volumineux dont la couverture était faite de métaux précieux, tels l'or, le platine ou l'argent, sertis de gemmes et qui pesaient au bas mot une bonne vingtaine de livres !
Enfin, la plupart de ces ouvrages étaient bardés de protections magiques aussi bien offensives que défensives : les uns vous explosaient à la figure si vous ne prononciez pas le mot magique adéquat, d'autres étaient maudits, mais le plus souvent ils étaient résistants au feu, à la foudre, à l'humidité ou encore aux rats (ces derniers et le papier faisant rarement bon ménage)...

En définitive la question de Kolgrim n'avait donc rien d'anodin.

Le sorceleur avait à peine posé sa seconde question que Triss traça dans l'air, au moyen de sa magie, un symbole étrange, une sorte de rune. Le tombeau s'illumina puis se mit à trembler avant de pivoter sur lui-même, révélant un escalier qui s'enfonçait dans les ténèbres. L'air satisfait, les mains sur les hanches, Triss lança un joyeux "Et voilà le travail !".

- Alors là je suis épaté ! Bravo Triss ! s'exclama le sorceleur, qui était sincère dans son compliment. Triss était si contente d'elle-même qu'il partageait son allégresse.

Non seulement la sorcière rousse avait trouvé le passage mais en utilisant le bon glyphe de pouvoir elle avait évité que le système de défense du sarcophage ne se déclenchât : les deux couloirs du tombeau de Cassiopée menaient tous deux à un cul de sac et à leurs extrémités se trouvaient deux golems de fer particulièrement balèzes...

Inconscients du danger auquel ils avaient échappé, les deux aventuriers empruntèrent l'escalier, le sorceleur ouvrant la marche, l'épée au clair.

Triss laissa Kolgrim passer devant. Non seulement ses sens acérés de sorceleur lui permettraient de repérer plus facilement un piège, mais, s’il y avait effectivement un piège, elle préférait avoir un bouclier humain devant elle. Quantité de légendes et d’histoires folles circulaient sur les travaux d’Olzemmur. Beaucoup de ces histoires tenaient du folklore local, celui que les étudiants et les mages attribuaient à leurs confrères morts et dont on n’avait perdu la trace. Triss laissa donc le sorceleur devant. L’escalier en colimaçon les amena à un couloir en pierre assez espacé, sombre, avec des ouvertures à droite et à gauche bloquées par des grilles en fer. Le duo poursuivit sa marche, Triss entendant des grognements derrière les grilles. Il y avait des couloirs latéraux avec des monstres, manifestement des goules, ou des créatures nécrophages du même type. Rien de bien dangereux tant qu’ils n’étaient pas en nombre, et ne cherchaient pas à les encercler.

Une double porte se trouvait au fond du couloir, mais, alors que le duo s’approchait du milieu, Triss perçut une rune magique... Qui les engloba alors tous les deux.

« Haha ! »

La voix enregistrée par magie d’Olzemmur retentit dans le couloir, amenant Triss à froncer doucement les sourcils, vigilante, aux aguets.

« Je vois que vous avez réussi à résoudre l’énigme de ma douce Cassiopée. C’est impressionnant ! Mais je ne laisserai pas de vulgaires vauriens s’emparer de mon trésor le plus précieux ! »

Triss sentit alors des courants magiques se mettre en place. Une trappe s’enclencha, des treuils remuèrent, et, en même temps, les grilles des ouvertures se relevèrent, libérant les monstres dissimulés à l’intérieur.

« Merde ! Enfoiré d’Olzemmur ! » pesta la magicienne.

Des goules jaillirent, ainsi que des graveirs, sorte de goules un peu plus grosses. Il y en avait devant, mais aussi derrière. Se pinçant les lèvres, la magicienne fit flamboyer ses mains, des sphères électriques s’enroulant autour, et se prépara à l’affrontement, tandis que les goules et les monstres grognaient de fureur, leurs yeux exorbités par la rage...

Après avoir descendu l'escalier, Triss et Kolgrim se retrouvèrent dans un couloir sombre, suffisamment large pour que deux personnes puissent se tenir de front sans se gêner. Avant même qu'il les vit, il avait déjà senti et entendu les Goules. Son odorat développé avait déjà détecté l'odeur de cadavre en décomposition qu'ils dégageaient et son ouïe avait déjà perçu leur respiration sifflante et leurs grognements.

Il était étonné de ne pas voir les créatures sur leur chemin mais comprit aussitôt pourquoi : de part et d'autre du corridor, des grilles se trouvaient à intervalles régulières ; derrière chacune d'entre elles, se tenait un ou plusieurs nécrophages enfermés dans une cellule ou dans un couloir latéral.

Le duo pouvait entendre les cris de rage et de frustration des créatures résonner à travers la galerie : leur faim était grande et cette chair fraiche à portée de main mais inaccessible à la fois...

Soudain, le médaillon du Sorceleur se mit à s'agiter signe qu'une magie était à l'œuvre. Une rune de magie s'illumina et une voix caverneuse résonna dans le couloir, probablement celle du maître des lieux

- Haha ! Je vois que vous avez réussi à résoudre l’énigme de ma douce Cassiopée. C’est impressionnant ! Mais je ne laisserai pas de vulgaires vauriens s’emparer de mon trésor le plus précieux !
- Mince, c'est la voix d'Olzemmur ça ?! Je pensais qu'il avait clamsé... s'exclama Kolgrim, dégainant son épée d'acier, ayant compris au préalable ce qui allait se produire. Même s'il était un jeune sorceleur, il commençait à avoir l'habitude des donjons et de leurs pièges vicelards pour anticiper ce qui allait se passer : les grilles s'ouvrirent, libérant les nécrophages qui sortirent de leurs cellules...

Le jeune homme balança une Ruche vers un groupe de Goules qui commençait à se rassembler dans une portion du couloir. Comme le groupe en question était plus ou moins compact et que le lieu était clos, la bombe fit pas mal de dégâts. La détonation retentit dans le corridor, soulevant un concert de glapissements, projetant des gravats et des morceaux de corps arrachés par l'explosion.

Pour s'en protéger Kolgrim utilisa Quen, créant un globe de lumière dorée qui enveloppa le sorceleur et sa compagne, durant quelques secondes. Des membres sanguinolents et des gros morceaux de roche ricochèrent contre la paroi d'énergie magique. Quand elle se dissipa, Kolgrim vit avec une certaine satisfaction qu'une bonne dizaine de nécrophages avaient péri dans l'explosion.

Mais il en restait d'autres.

Avec un sourire carnassier, il s'avança vers les survivants, l'épée au clair : je vous laisse les autres ! fit-il d'une voix féroce à l'adresse de Triss. L'excitation du combat commençait à le gagner, répandant des décharges d'adrénaline dans son corps...

Pour ce qui était de tuer des monstres, les sorceleurs étaient très efficaces, ce dont Triss eut la confirmation en voyant Kolgrim les attaquer. Mais elle-même n’était pas en reste. La jeune magicienne n’avait jamais été une érudite. Si elle était versée dans les intrigues politiques, elle n’hésitait pas à battre la campagne, à explorer des caveaux, des tombeaux, des cryptes. Un graveir et plusieurs goules la chargèrent, et elle lança des arcs électriques. Les tirs foudroyèrent les goules, mais pas le graveir, qui était plus résistant, et hurla de rage, avant de s’élancer, chacun de ses lourds pas faisant trembler le sol. Triss se concentra encore, et jeta avec sa main droite de l’eau sur le corps du monstre, puis des éclairs supplémentaires. Cette fois, le corps du monstre se mit à scintiller comme une guirlande, puis il s’effondra mollement au sol. Kolgrim utilisait le signe de Quen sur eux deux, et ils s’avéraient polyvalents, défendant chacun un angle, devant toutefois parfois s’écarter pour éviter des griffes. Olzemmur avait pensé à bien protéger sa crypte, et Triss repoussa une goule à l’aide d’une onde d’Air, et, avant même que le monstre ne touche le sol, elle généra entre ses doigts un long cône de glace, un cristal argenté qui alla transpercer la poitrine de la goule.

Usant de ses bombes, Kolgrim lança une Ruche sur plusieurs goules, provoquant une violente explosion. Triss, elle, en profita pour gagner un peu de répit, et concentra entre ses mains une sphère de feu. Des flammes jaillissaient à droite et à gauche tandis qu’elle stabilisait la sphère, et que des goules supplémentaires s’élançaient.

« Fais attention ! »

Triss lança ensuite la boule, et généra ensuite, à l’aide de la magie blanche, un bouclier, qui forma une couche supplémentaire pour les protéger. La sphère atteignit le sol, et déclencha une énorme explosion de feu, qui recouvrit tout le couloir, et les engloba, les noyant dans un océan de flammes. Le feu aspira tout, avant de se calmer progressivement, laissant de nombreux corps calcinés. Triss avait fait parler les flammes, et observa brièvement Kolgrim.

La porte du couloir s’ouvrit ensuite dans un antique grincement, et elle la regarda, plongeant vers l’inconnu.

« Continuons. Ce foutu mage a rempli son tombeau de pièges, et... »

Alors qu’elle commençait à marcher, Triss se retourna brusquement vers le sorceleur, et un léger sourire éclaira ses lèvres.

« Bien joué, tu te débrouilles plutôt bien dans ton genre. »

Les Goules étaient encore nombreuses mais le Sorceleur et la Magicienne étaient loins d'être démunis face à un tel nombre. Tandis que la seconde déchainait sa magie sur les nécrophages, le second faisait parler l'acier ; comme une extension de lui-même, son épée virevoltait dans les airs, comme animée d'une vie propre, tailladant dans les chairs des goules, tranchant leurs membres, séparant leurs têtes de leurs corps.

- Fais attention ! lui cria la voix de Triss, le sortant de l'espèce de transe guerrière dans laquelle l'avait plongé le combat. Comme dans un rêve, il vit la jeune femme lancer une boule de feu à travers le couloir avant des les envelopper tous deux dans une sphère protectrice ; une vague de flammes envahit tout le corridor, carbonisant tout sur son passage, en l'occurrence les Goules.

Pendant une fraction de seconde, l'homme et la femme étaient comme inondés de lumière, plongés dans un océan de feu doré. L'intensité lumineuse était telle que les pupilles du sorceleur se rétrécirent considérablement au point de devenir deux fentes tellement minces qu'elles en étaient presque invisibles.

Une fois fini, une fois que la lumière eut disparu, une fois que le globe se fut dissipé, le silence retomba et bientôt une atroce odeur de chair grillée emplit l'air, forçant Kolgrim à se pincer les narines : l'inconvénient quand vous aviez un odorat extrêmement développé est que vous êtes plus sensible aux bonnes comme aux mauvaises odeurs...

A l'autre bout du corridor une porte s'ouvrit et le duo s'y dirigea. A un moment donné, Triss se retourna et sourit légèrement à Kolgrim :

- Bien joué, tu te débrouilles plutôt bien dans ton genre.
- Hum, merci... fit-il simplement, plus attentif à ce qui se trouvait au-delà de l'huis qu'au compliment (si c'en était vraiment un) de la magicienne.

C'est alors que son médaillon se mit à vibrer, signe qu'un danger ou qu'une magie était à l'œuvre. Faisant signe de la main à sa coéquipière de ne pas bouger, il jeta un œil prudent : le couloir faisait place à une salle rectangulaire, de dimensions moyennes, dépouillée de tout ornement et éclairée par des lampes fixées au plafond ; en son centre se trouvait une sorte de bassin rempli d'un liquide argenté et de l'autre côté on pouvait une grande double-porte en bois précieux.

Kolgrim, l'épée au clair, s'avança prudemment dans la pièce et scruta les alentours. Au bout d'une bonne minute, ne voyant qu'il n'y avait rien il jeta un regard perplexe à Triss :

- Je ne comprends pas, fit-il les bras écartés, mon médaillon continue à trembler mais...

Il fut interrompu par la voix d'Olzemmur qui tonna dans la salle :

- Ah ah, vous avez réussi à triompher de mes nécrophages ! Mais sachez que c'est du menu fretin comparé à l'Ultime Gardien !

C'est alors que l'ouïe surnaturelle du sorceleur entendit un chuintement venant de derrière lui. Se retournant, il vit le liquide argenté du bassin se soulever de lui-même prenant petit à petit une forme humanoïde. On eût dit que l'être était entièrement fait de vif-argent. Finalement ses contours et ses traits gagnèrent en précision tandis qu'il commençait se colorer. A la fin, Kolgrim avait devant lui une exacte réplique de lui-même !

- Merde mais t'es qui toi ?! lâcha le jeune homme avant de bondir vers son "double", lui assénant un terrible coup d'épée circulaire. Il y eut comme le bruit d'une feuille que l'on déchire : la lame avait transpercé de part en part l'être, découpant un gros morceau de son corps, qui pendait de guingois, mais sans qu'il en souffrit le moins du monde. Il n'y avait pas de sang, pas d'os, pas d'organes à l'intérieur, rien qu'une sorte de métal argenté.
Sous les yeux ébahis du sorceleur le gros morceau se recolla de lui-même dans un bruit de succion, emprisonnant du même coup l'épée. Un coup de pied envoya Kolgrim valdinguer un bon mètre en arrière, le faisant chuter au sol. Son "double" extirpa l'arme de son corps, produisant cet étrange bruit de succion, la regarda un moment avant de la jeter négligemment au sol.
Il s'avança vers Kolgrim qui s'était relevé, ayant dégainé son autre épée, celle en argent, et balança son bras qui se métamorphosa en lame de sabre. Ébahi par ce prodige, le sorceleur parvint toutefois à parer le coup.

De toutes les Constructions, les Golems de Mercure étaient les plus puissantes. Fort heureusement ils étaient extrêmement rares car très difficiles à créer. Seuls les mages les plus talentueux étaient capables d'en fabriquer un.

Triss s’avança gaillardement, rejoignant une nouvelle pièce, quand le médaillon de Kolgrim se mit à vibrer. Ce médaillon très précieux était une bonne garantie contre les menaces potentielles, permettant de détecter les monstres et les créatures approchantes. Triss, qui connaissait bien les sorceleurs pour s’être souvent rendue à Kaer Morhen, et pour avoir côtoyé fréquemment Geralt de Riv, connaissait la valeur de ces précieux médaillons. Ils ne vibraient jamais sans raison, et Triss s’arrêta sur place, surprise… Car ses propres cercles de perception n’avaient révélé aucune présence.
 
« Si ton médaillon vibre, c’est qu’il y a une raison et je… »
 
La voix d’Olzemmur jaillit à nouveau, annonçant sur eux un nouveau monstre. Triss comprit alors pourquoi ses cercles de perception n’avaient rien décelé, et se pinçant les lèvres en voyant une créature inanimée se redresser : un Golem ! La spécialité des nains et des alchimistes, une créature désincarnée, un automate animé par la magie et par un antique savoir-faire alchimiste. Les mains de Triss s’illuminèrent, et le sorceleur chargea le golem… Pour constater que son épée s’enfonça dans le corps du monstre, tranchant son corps comme un couteau s’enfonce dans le beurre, mais sans lui infliger le moindre dommage. Au lieu de ça, le golem repoussa violemment Kolgrim, tout en extirpant sans difficulté l’épée, sa peau métallique, brillant sur place, se reconstruisant sur place.
 
Triss fronça doucement les sourcils devant ce « golem liquide », comprenant avoir affaire à un Golem de Mercure. Surpris, le sorceleur restait prudemment en retrait, tandis que le Golem s’avançait lentement, changeant d’apparence, pour prendre celle de Triss.
 
« Fichu Olzemmur, pesta Triss entre ses dents. Que nous réserve-t-il ensuite ? Un koshchey ? Je n’ai jamais affronté de golems comme ça… »
 
Des arcs électriques fusèrent de ses mains, et frappèrent le Golem, rebondissant contre sa peau, frappant dans tous les sens, étincelant sur place.
 
« Sa constitution dévie mes sorts de magie élémentaire… »
 
Triss opta pour des langues de feu. Elle posa ses doigts sur ses lèvres, et souffla un baiser qui se transforma, par un claquement de doigts, en une langue étincelante, qui frappa de plein fouet le Golem. Celui-ci repoussa les flammes, et tendit sa main vers Triss, qui se déploya alors, s’agrandissant sur plusieurs mètres, prenant la forme effilée et acérée d’une lame. Écarquillant les yeux de stupeur, Triss évita de peu l’attaque en bondissant sur le côté. Le Golem s’élança alors vers elle, et sauta dans les airs, genou en avant, droit vers Triss, qui transplana de quelques mètres, évitant la charge du Golem, qui défonça le sol, provoquant une crevasse.
 
Le bras du Golem se transforma alors en un fouet, et fusa vers Triss, qui eut tout juste le temps de se protéger à l’aide d’un Bouclier. Le fouet la frappa sur les côtes, et elle hurla de douleur tandis que son bouclier explosa, laissant des marques rouges sur son épaule. La jeune femme en fléchit le genou, se tenant son épaule luxée d’une main.
 
« M-Merde… ! »
 
Sans cette protection, elle aurait sûrement eu l’épaule brisée.
 
*Quel monstre !*
 
La partie contre lui n’allait clairement pas être facile…

Triss pesta : elle n'avait jamais affronté de golem de ce genre. Pour sa part, Kolgrim n'avait jamais affronté de golem tout court : ces créatures étaient sacrément coriaces, tapaient fort et ne connaissaient pas la peur. Les golems classiques représentaient un défi des plus ardus, mais pas forcément insurmontable, pour le guerrier le plus endurci mais ce spécimen était d'un autre calibre.

Les rayons électriques frappèrent le golem, qui cette fois avait pris les traits de la magicienne rousse, sans lui occasionner de dommages : les arcs de foudre rebondissaient contre son épiderme. Les flammes n'eurent pas plus de succès : elles firent ondoyer l'étrange métal liquide dont le golem était constitué mais cela n'alla pas plus loin ; peut être fallait-il une température très élevée pour que cela lui fasse quelque effet mais rien n'était sûr...

Durant tout ce temps que la belle sorcière avait lancé ses sorts, Kolgrim, qui avait récupéré sa lame d'acier, avait profité du fait que la créature soit occupée avec sa partenaire pour lui asséner dans le dos quelques coups d'épée qui auraient terrassé trois fois un homme ordinaire, mais en vain : l'arme creusa de grosses brèches dans le corps du golem qui se refermèrent aussitôt.

Voulant se débarrasser de ce gêneur, le golem se retourna et transforma son poing en marteau, frappant le sorceleur d'estoc : ce dernier eut juste le temps de parer le coup mais il fut violemment projeté en arrière sous la puissance de l'impact, percutant le mur.

Se relevant tant bien que mal, ses yeux voyant des étoiles, il vit que la Construction était en train de s'occuper de Triss et ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle passe de vie à trépas. C'est alors que le sorceleur eut ce qu'on pourrait appeler un éclair de génie :

*Le feu et l'électricité ne lui font rien, il reste donc...*

Il rengaina son arme et sortit d'un de ses étuis en cuir un cylindre de métal et de verre contenant un liquide bleu clair qui brillait légèrement, en fit coulisser la partie basse *autant le régler au maximum !* avant de se diriger vers la magicienne en contournant le golem. Une fois arrivé à sa hauteur, il balança le cylindre sur la créature puis créa un globe de Quen qui les enveloppa tous les deux.

Le golem frappa le projectile en plein vol, provoquant une explosion de lumière blanche, aveuglante : la température de la salle chuta brutalement de plusieurs dizaines de degrés. Lorsque la clarté se dissipa, Kolgrim désactiva son bouclier et ils purent voir que la salle était recouverte d'une épaisse couche de givre d'environ un pouce ; quand au Golem de Vif-Argent, il était complètement figé dans la posture qu'il avait adopté quand il avait frappé la bombe du sorceleur, son visage, toujours sous les traits de Triss, trahissant une intense surprise.

- Eh ben, ces bombes Vent du Nord sont pas évidentes à fabriquer mais elles sont sacrément utiles ! s'exclama-t-il d'une voix satisfaite, souriant à Triss. Rien de cassé ? demanda-t-il avant de se diriger vers les vantaux massifs, prenant garde à ne pas glisser sur la glace. Hum, si j'en crois Olzemmur, c'était le dernier gardien. Reste à savoir si la porte est protégée magiquement. Normalement non vu que mon médaillon ne vibre plus mais mieux vaut rester prudents...

Le combat contre ce golem devenait de plus en plus délicat. Ce monstre était redoutable, puissant et réactif, semblant s’adapter à toutes les attaques de la magicienne. Triss le sentit se concentrer sur elle après avoir éloigné le sorceleur. Elle puisait dans ses sorts, affrontant ce golem protéiforme qui continua à attaquer, déployant de longs fouets acérés. Triss les esquiva prudemment, mise en difficulté, et souffla une nouvelle langue de feu, l’accompagnant de nouveaux éclairs scintillants. Rien de bien significatif sur le golem, qui continua à l’attaquer... Jusqu’à ce que Kolgrim ne s’interpose. Il lança alors sur le monstre une bombe givrante, un Vent du Nord, qui déclencha une puissante explosion glaciaire. Triss eut le réflexe de se protéger à l’aide d’un sort de défense, un Bouclier qui alla se juguler avec le Signe de Quen.

*Bordel !*

Une puissante déflagration emplit l’espace, faisant trembler Triss. Elle ferma les yeux pour éviter d’être aveuglée par cette terrible décharge, et, quand elle les rouvrit, la femme constata... Que le golem était complètement gelé. La température ambiante de la salle avait bien baissé, à tel point que de la buée s’échappait de ses lèvres. Triss hocha ensuite doucement la tête devant la remarque du sorceleur.

« Je n’ai jamais douté de l’efficacité des bombes des sorceleurs. »

Créer une telle bombe n’était pas à la portée du premier venu, mais le Vent du Nord avait su prouver son efficacité. Triss ne prit toutefois aucun risque, et posa sa main sur le golem gelé, puis se concentra un peu. Un golem était une créature magique, après tout, un corps animé par d’antiques sortilèges s’articulant autour de glyphes situés sur son corps, et, bénéficiant de ce temps libre, elle plongea dans ce dernier, le scannant à l’aide de sa magie, jusqu’à repérer le sceau permettant au golem de se maintenir. Elle trouva donc le glyphe, puis entreprit de le séparer du reste de son corps, le gardant toutefois avec elle pour le futur.

Ainsi débarrassée du golem, Triss commença à souffler, puis s’approcha de la porte menant au trésor d’Olzemmur.

« Je ne détecte aucun piège magique », fit-elle après une brève analyse magique de la porte et de ses environs.

Elle s’en approcha, et avança sa main en avant, utilisant un sort d’Air pour l’ouvrir à distance, juste au cas où...

...Et, dans un antique grincement, la porte s’ouvrit doucement en coulissant sur place.

- Je n’ai jamais douté de l’efficacité des bombes des sorceleurs, fit Triss, suite à la remarque de Kolgrim qui hocha la tête avec un petit sourire : sacrément coriace cette... chose ! J'espère qu'il n'y en a pas d'autres parce que je n'ai plus de Vent du Nord.

Le Golem de Vif-Argent était hors de combat mais la magicienne ne voulait prendre aucun risque : plongeant la main dans le corps de la créature, elle en extirpa une sorte de pierre sur laquelle était gravé d'étranges glyphes. Kolgrim se souvint alors que les golems étaient des créatures artificielles, animées par magie, et qu'elles avaient une sorte de "cœur". S'il était enlevé, le golem ne devenait plus qu'un tas de matière inerte.

- Hum, j'ai entendu dire que les cœurs de golem étaient puissants et étaient utiles à des magiciens expérimentés. Avec celui-ci, vous avez tiré le gros lot.

La jolie rousse s'approcha des vantaux et dit qu'elle ne détectait aucune magie. Elle lança ensuite un sortilège d'Air - comparable au Signe d'Aard que les sorceleurs utilisaient - afin de l'ouvrir à distance. Il n'y avait certes aucun piège magique mais il était possible qu'Olzemmur ait laissé un piège ordinaire. Les magiciens pouvaient parfois être tordus...

Les portes s'ouvrirent en grinçant légèrement et bientôt le duo put voir ce qui s'y trouvait au-delà : une grande pièce remplie de rayonnages, de divers instruments, d'illustrations, de planches anatomiques, de bas-reliefs. L'ensemble était éclairé par des lampes similaires à celle de la salle du Golem de Vif-Argent et qui diffusaient une douce lumière dorée.

Kolgrim entra en premier, faisant signe à Triss de l'attendre, l'épée au clair, les sens aux aguets. Son médaillon de sorceleur ne vibrait pas, ce qui était bon signe mais il n'en demeura pas moins prudent. Au bout de quelques secondes d'attente, il se tourna vers la magicienne et leva le bras, le pouce tourné vers le haut, signe que tout était calme et l'invita à entrer d'un geste.

L'antre d'Olzemmur était propre et bien rangé. Kolgrim contempla quelques gravures, s'attardant notamment sur les bas reliefs, certains représentant des scènes assez étranges : un homme enchainé au flanc d'une montagne et qui se faisait dévorer le foie par un aigle, un jeune homme pourvu d'ailes chutant vers la mer, une jeune fille chevauchant un taureau, un guerrier tenant une tête de femme dont la chevelure était constituée de serpents, un colosse terrassant un lion à mains nues...

- Jamais vu ça auparavant. Cela vous dit quelque chose, vous ? demanda-t-il à Triss.

C'est alors qu'il vit dans un coin du laboratoire trois tiges en acier formant une sorte de cercle. Au sommet de chaque tige se trouvait une grosse lentille ainsi qu'une sorte de réceptacle. A côté, sur une estrade, étaient posés des cristaux ayant la même taille.

- Hé, mais je connais ça ! C'est un gyroscope ou un microscope, enfin un nom comme ça. Je sais que les magiciens les utilisent pour communiquer avec des gens sur de longues distances.

Le repaire d’Olzemmur était plus grand que ce que Triss pensait. Mais, après tout, Novigrad abritait des grottes très profondes. La cité libre était connue pour les vastes dédales labyrinthiques et caverneux se situant sous les falaises la composant, qui permettaient à beaucoup de contrebandiers de s’infiltrer dans la ville, et que la municipalité régente organisait même lorsqu’elle faisait des affaires avec des partenaires peu enviables. Olzemmur avait visiblement pris son temps pour construire son repaire, sans doute par l’intermédiaire de syndicats ou d’associations d’ouvriers. Le résultat final était assez impressionnant, et il y avait visiblement en lui des talents d’alchimiste, puisqu’il avait réussi à assembler un golem.

*Moi qui m’attendais à une crypte banale...*

En réalité, Olzemmur était polyvalent, maîtrisant aussi bien la magie classique que des disciplines connexes. Elle avait vu l’alchimie, et elle craignait déjà de voir d’autres talents. En tout cas, ils avaient rejoint ce qui ressemblait à un laboratoire. Il y avait plusieurs tables, des bibliothèques... Et Kolgrim s’attarda sur une série de gravures représentant des scènes dont il n’avait jamais entendu parler, contrairement à Triss.

« Ce sont des scènes de la mythologie olympienne. Prométhée, Icare... Je ne savais pas qu’Olzemmur était féru des récits olympiens. »

Les Olympiens formaient une puissante mythologie divine à Terra, une famille historique... Mais, comme tous les panthéons, l’avènement de l’Ordre Immaculé avait fait perdre aux Olympiens de leur superbe. Même à Nexus, certains ignoraient désormais leur existence, car les écoles n’enseignaient plus leur mythologie, préférant celle de l’Ordre Immaculé. Triss observa les livres en question, tout en se demandant ce qu’Olzemmur voulait faire avec les Olympiens. Kolgrim attira ensuite son attention sur un étrange objet, et Triss précisa rapidement de quoi il s’agissait :

« C’est un mégascope, rectifia-t-elle. Une sorte d’amélioration de nos miroirs magiques, sauf que le mégascope permet de se téléporter n’importe où sans les restrictions d’un miroir magique. Enfin, le mégascope a bien des fonctions selon les cristaux qu’on utilise. »

C’était aussi un outil très dangereux, qui n’était pas à la portée du premier venu, car il suffisait d’un cristal imparfait dans l’appareil pour déclencher des réactions magiques imprévisibles... Notamment la dislocation ou la désintégration des atomes situés dans le mégascope, entraînant la mort brutale et particulièrement douloureuse de son utilisateur. Triss inspectait donc les cristaux, constatant qu’ils étaient plutôt puissants.

« Je me demande s’il ne cherchait pas à rejoindre l’Olympe, vu les images que nous venons de voir... Mais j’ignore pourquoi. Enfin, il faudrait que j’étudie le mégascope pour être sûre qu’il n’ait pas de problème. Après, vous pouvez servir de cobaye, mais le risque étant que tous vos atomes se disloquent entre eux, je vous recommande d’éviter de servir de cobaye. »

La perspective était en effet peu alléchante...