June n’ayant pas de cheval, Ciri’ l’invita à grimper sur le sien. Un peu nerveux, le nécromancien avait finalement décidé de faire équipe avec elle. Maladroit et patois comme il est, Cirillia n’était pas sûre d’avoir fait le meilleur choix, mais, si cela pouvait éviter d’aiguiser les tensions... La présence d’un nécromancien avec ses golems, dans un lieu infesté par la magie noire, risquait fort de mal passer auprès des autochtones. Le risque, toutefois, c’était aussi que Ciri’ passe pour une alliée du nécromancien le jour o ùles villageois l’attaqueront avec leurs fourches.
*
Mais je ne peux pas non plus négliger le fait que ce jeune homme ne me dise pas tout ce qu’il sait. Quelqu’un capable d’invoquer de tels golems est forcément capable de générer des barghests...*
Comme elle l’avait dit, Cirillia ne négligeait aucune piste. L’homme se cramponna dans son dos, et serra ses bras sur son ventre. Ciri’ secoua lentement la tête, étouffant une grimace.
«
Posez plutôt vos mains sur mes côtes. N’allez pas vous faire de méprise, j’aime bien que de mignons garçons comme vous m’enlacent, mais, à cheval, vous risquez surtout de me couper la respiration. »
Et, avec son tact naturel, elle poursuivit, en souriant légèrement :
«
Et évitez d’avoir une érection. »
Cirillia éperonna ensuite son cheval, et le destrier commença à marcher, filant le long du sentier. La hutte de la sorcière n’était pas très éloignée d’ici. Rapidement, Ciri’ arriva à un carrefour. Un poteau indicateur en bois indiquait que le village se trouvait à droite. Au fond, Cirillia pouvait effectivement apercevoir des chaumières, des traces de feu de cheminée. Mais elle préféra aller sur la gauche, afin de se rapprocher de la tente de la sorcière. Ce jeune nécromancien continuait à l’intriguer. Qui était-il ? Pourquoi était-il là ? Une simple prime comme elle ? C’est ce qu’il affirmait, mais elle ne pouvait pas non plus s’en assurer. Si les barghests étaient invoqués par quelqu’un, l’invocateur devait sûrement avoir des talents en matière de nécromancie. Dès lors, il n’était pas impossible qu’il y ait des liens entre lui et June.
Gardant ses réflexions pour elle-même, Cirillia avançait prudemment. Le marais était relativement puant, avec une forte humidité ambiante. On entendait le souffle du vent sur les arbres, le bruissement des feuilles, ainsi que des bruits sourds éloignés, comme des animaux marchant rapidement. Fort heureusement, les monstres avaient tendance à rester à distance. En chemin, Cirillia croisa quand même une goule qui errait sur le chemin. Elle avança rapidement, et demanda à June de se reculer un peu. Soirtant sa lame en argent, elle chargea la goule, et abattit la lame d’un coup sec, tranchant la tête de la goule en deux, et laissa le cadavre sur le bord de la route.
«
Soyons un ange, donnez-moi l’un des chiffons dans ma sacoche. »
Cirillia transportait avec elle plusieurs sacoches accrochées à son cheval, et l’une d’elle abritait plusieurs chiffons. Elle en utilisa un pour essuyer la lame, puis rangea cette dernière dans son fourreau, dans son dos. Ceci fait, Cirillia continua ensuite à avancer.
«
Des monstres ne devraient pas se balader si près des routes, expliqua-t-elle.
Les patrouilles de gardes doivent être moins nombreuses ici... »
Elle bifurqua finalement sur la droite, s’engageant sur un sentier plus escarpé, fait de terre, avec des racines, et approcha d’un petit lagon, avec des nénuphars, le coassement des grenouilles, et une solitaire maison en bois montée sur pilotis, avec une terrasse.
«
La maison de la sorcière... »
Cirillia descendit du cheval, qui semblait légèrement nerveux, et mit pied à terre. Pas âme qui vive, visiblement. Un vieux fauteuil à bascule se trouvait sur le perron, ainsi que plusieurs grigris, y compris un
dreamcatcher, dont le rôle était de chasser les mauvais esprits. Cirillia s’approcha, et sentit son médaillon de sorceleuse se mettre à vibrer, signe d’une activité magique proche. Sa main fila derrière son dos, se saisissant de la pointe de son épée, tandis qu’elle se rapprochait de la porte d’entrée. Sous ses pieds, le plancher craquait, et elle nota que la porte était légèrement entrouverte, la serrure semblant abîmée.
À l’intérieur, il régnait une forte odeur de moisissure, et l’endroit avait visiblement été cambriolé, ou mis à sac. Les meubles étaient renversés, une table basse brisée, des livres déchirées. Mais aucune trace de la sorcière. Cirillia comprit rapidement qu’il n’y avait personne, et retira sa main du pommeau de son épée, tout en se mettant à marcher. Un escalier branlant menait à une chambre à l’étage. On avait retourné le lit, éventré le matelas et l’oreiller à plumes, faisant valser des plumes partout.
«
J’ignore ce qui s’est passé ici... Mais la sorcière n’est plus là. Visiblement, des gens sont venus fouiller dans ses affaires. »
Mais qui ? Et pour quelles raisons ? Était-ce lié aux barghests ? Cirillia n’en avait aucune idée...