Les yeux verts légèrement flous, Cormag sondait les abysses impénétrables de la bière qu'il tenait fermement entre sa main tremblante. Aussi maussade que son caractère, l'alcool fade étanchait à peine sa soif, mais lui permettait de se calmer.
Le mercenaire était, inexplicablement, énervé. S'il n'en perdait jamais le fil de ses pensées, il crevait d'envie de se défouler sur quelqu'un, ou quelque chose. Malheureusement, dans cette petite auberge, il devait faire profil bas. Tout ca pour quoi ? Il retourna lentement son visage vers son compagnon de route, un noble d'une ville paumée dont il se fichait éperdument. Apparemment, cette petite merde grassouillette avait détournée de l'argent et des ressources pour les Druides, et ces derniers souhaitaient l'évacuer. Qu'ils n'aient pas demandé à Cormag de le tuer lui passait au dessus de la tête. C'était beaucoup d'effort pour un moins-que-rien, et les Druides n'étaient pas du genre à verser dans le sentimental. Mais leurs véritables intentions n'étaient ni son affaire, ni de son ressort. Il aboya presque sur son compagnon.
- ARRETE de trembler bordel. On va se faire repérer. Je savoure un peu et on repart, d'accord ?!
Il hocha la tête, craintif. Il n'avait même pas fini sa première pinte. Cormag en était à la troisième. L'alcool avait émoussée ses papilles gustatives, mais pas ses sens. Cette auberge était autant un lieu de repos que d'embuscade. Rester ici était le meilleur moyen d'attirer quelques poursuivants bien réveillés... et les tuer.
Toujours faire croire à l'ennemi qu'il est le maître du jeu. La victoire n'en est que plus belle. Et justement, quelques petits insectes qui s'imaginaient iguanes étaient venus s'empêtrer dans sa toile...
Il ne les avaient même pas regardés. Arrivée en groupe. Pas lourds, décidés. Atmosphère plus tendue. Respirations attentives. Son ouïe surhumaine avait captée le son de leurs lames. Il ferma les yeux, donnant l'impression de dormir, écoutant alors qu'ils posaient leurs petits culs de puceaux sur leurs sièges. Un... deux... trois.... oh, une fille. Hum. Cinq ? Cinq. Jeunes, pleins de vie... pendant encore quelques instants. Il se retourna lentement vers le noble.
- Planque toi. Ca va péter.
Il lui fit signe de dégager. Ce que le noble fit, quittant précipitamment son tabouret.
- Je vous ai baisé ! lâcha un des cons, suivi d'un rire triomphal, et du bruit de la chaise qui recule alors que son propriétaire se lève. Cormag se retourna. Son regard croisa celui de la fille du groupe, une jeune rousse au regard pétillant, pétillant de la même lueur qui résidait dans les yeux de Cormag. Une jeune louve, avec les crocs à peine taillés. Il la sentait. Elle sentait comme lui. Cette odeur d'ozone, subtile, que personne d'autre ne pouvait remarquer. Une jolie pierre précieuse recouverte de boue.
Cormag et Eltaron se jaugèrent, un instant. C'était lui, et ses amis qui recouvraient cette fille de boue. Eux qui venaient se jeter dans la toile de l'araignée. Ils puaient l'envie de tuer.
Mais pas celle de mourrir. Stupidité. L'un ne va pas sans l'autre. Ils n'étaient pas prêts, ne l'avaient jamais été, et ne le seraient plus jamais. Ils avaient beau avoir l'air compétents, ils n'étaient pas dans le même monde que lui. Du plancton contre une baleine du jurassique. Eltaron le remarqua sûrement lorsqu'une dague se retrouva fichée en plein centre de sa gorge, sectionnant sa trâchée, avant de tourner à l'intérieur de son corps, le déchirant encore plus. Un bruit de chaîne, et elle revint vers Cormag, se faufilant tel un serpent dans la manche de son grand manteau.
Instantanément tué, l'amant de la renarde mourut sans même comprendre ce qui s'était passé. Les cris de frayeur des civils explosèrent d'un seul coup, et ils se dispersèrent tel un nuage d'oiseaux de mauvaise augure, transformant en un instant le bordel organisé en chaos.
Un poignard fusa, celui de la rousse, plus rapide, plus vive que les autres. Cormag, plus rapide encore, se propulsa vers le côté, et se saisit de la lame en plein vol, la faisant tourner entre ses mains, et la propulsa à toute vitesse vers le grand gaillard de la bande. Il se baissa juste au bon moment. Il devait sans doute se sentir malin.
Le plus vieux de la bande, un moustachu, fut le seul qui n'eut pas le temps de voir sa mort. Dos au mercenaire, il n'avait même pas pu se retourner. Tout fut trop rapide. Tel une ombre, ne laissant qu'un vague flou noir alors qu'il se déplacait, Cormag se saisit de son visage entre ses mains robustes et, dans un craquement sonore, fit pivoter le visage à 180 degrés, brisant la colonne vertébrale et tuant instantanément le vétéran.
Le combat contre la rousse, le colosse et le jeunot fut plus long. Quelques secondes ? Ils frappèrent en même temps, dans un modèle de coordination. Un vrai 20/20.
Mais en retard. Il avait déjà attaqué.
La rousse fut propulsée plusieurs mètres en arrière par un formidable coup de pied dans le plexus solaire, manquant de lui briser la cage thoracique, son corps et sa petite tête sûrement bien pleine cognant contre le mur. Se saisissant d'une bouteille d'alcool d'une main, l'autre se retrouvant équipée d'une dague sortant de nulle part, Cormag évita le puissant coup de Tai, dont la lame s'enfonca dans le sol. Profitant de son momentum, il écrasa la bouteille d'alcool sur le visage d'Aekir, le défigurant et le recouvrant d'alcool, faisant arracher un cri de surprise et de douleur au petit. Tai, arrachant son arme du sol, regarda son adversaire, et la dague.
- Oh m...
La dague se ficha sous son menton, traversant son crâne comme du papier, la lame percant son front dans une explosion de sang et de cervelle. D'un mouvement de poignet, Cormag lui brisa la nuque, la dague se retrouvant en position horizontale. Tombant sur ses genoux, Tai mourut ainsi, regardant le plafond d'un oeil vide, la dague toujours fichée dans sa gorge.
Aekir geignait, clignant des yeux, le visage percé ici et là de morceaux de verres. Il tenait son arme aussi fort que possible, et fixa le mercenaire. Il s'était pissé dessus, et l'odeur se mélangeait à celle du sang. Le mercenaire, massif, était plus petit que Tai, mais large et fort, au gabarit trop épais pour avoir le droit d'être aussi vif. La rousse, elle, s'était relevée, et les deux fixèrent l'homme comme des moutons fixaient un loup.
Avec un sourire carnassier, il plongea son regard dans celui de la rousse, et claqua des doigts.
Aekir s'enflamma instantanément, ses cris d'agonie et de souffrance plus forts que ceux de terreur des civils. La rousse restait plantée là. Sa bouche s'ouvrit en grand, et elle laissa tomber son autre dague, ne faisant même plus attention au mâle s'avancant vers elle. Sa main épaisse la prit par la gorge, l'étouffant à la limite de la mort instantanée. Il la souleva, sans aucune difficultée, et la plaqua contre une table voisine, écrasant des verres sous elle. Il ignorait Aekir qui se débattait en pleurant derrière, enflammant une partie de l'auberge, avant de s'écrouler, mort, le regard vide, fixé dans ses derniers instants vers son ancienne chef.
Cette dernière se débattait, naturellement, même si le manque urgent d'air forcait son instinct à se concentrer sur la main sur son coup, qu'elle essayait désespérément d'enlever. Elle poussa un hurlement muet en voyant la dague de l'homme s'approcher de son poitrail, puis un autre lorsqu'il trancha à travers le cuir de son armure, découvrant sa peau, les bandelettes couvrant une poitrine trop opulente pour une combattante. Alors, tandis qu'il frottait son bassin contre celui de la rousse, étalée sur la table, jambes pendantes sur le sol, elle compris qu'il allait la violer ici, purement et simplement, devant le cadavre de ses hommes, Aekir et Eltaron la fixant sans bouger d'un cil.
Elle se débattait avec toute la force restante dans son petit corps, fatiguée par le manque d'air et par la douleur de sa cage thoracique, sa peau encore rouge après ce coup de pied qui avait été plus puissant que la ruade d'un cheval. Ses mains, ses doigts, griffaient le puissant bras du guerrier sans pour autant l'émouvoir. Ses coups de pieds semblaient frapper un rocher. Alors que les flammes léchaient doucement la bâtisse et que le noble, terrifié et perversement curieux, fixait la scène, le mercenaire fit tomber son pantalon, et révéla, sans gêne, une verge rouge, aux veines visibles, énormes et épaisse comme un gourdin, inhumaine elle aussi. Sa main libre, l'autre plaquant la fille avec force sur la table, il défit sa ceinture et baissa ses chausses, malgré les mouvements de bassin désespérés de la rousse. Elle se débattait de plus belle, ses petits poings tapants le bras, en manque d'air.
Dans l'oeil du guerrier, elle pouvait voir cette petite lueur, celle qu'elle voyait dans ses yeux chaque jour dans les miroirs ou le reflet de l'eau. Autour de lui, pétillait des dizaines, centaines de particules lumineuses. La magie flottait autour de lui, visible d'une seule personne : la rousse.
Il se mit à parler.
- Arrête de te débattre ptain... j'vais te dresser... t'comme moi... dit-il d'une voix légèrement avinée. Les jambes coincées par le bassin musclé de l'homme, elle était coincée, le bas du corps écarté comme celui d'une putain n'attendant que de se faire culbuter.
Sans douceur, il s'enfonca en elle.