Lorenzo observait, ne parlant pas vraiment. La beauté du spectacle se passait de mots. Un coucher de soleil qui s’offrait progressivement à leurs yeux, alors que l’astre embrassait les vagues, dans le lointain. Il arrêta de cuisiner un instant, bien que les ustensiles continuent, habités par une volonté propre. Simplement, le souffle un peu plus lourd qu’à la normale, il contempla.
Hana, le soleil qui mourrait contre l’océan, l’appartement. C’était beau. Il aimait voyager, découvrir des choses, et cela en faisait partie. Mais il aurait pu apprécier cette routine. Le jeune homme adressa un léger sourire à sa généreuse hôtesse. S’il comprenait ? Bien évidemment.
« Rico a une volonté propre, une personnalité comme aucun autre Spotanacci que j’aie créé. » Expliqua-t-il calmement, reprenant alors la découpe de son oignon rouge. « Mais il a l’intelligence d’un enfant en bas-âge, et encore. » Aurait-il osé expliquer que ce golem était le dernier cadeau de son vieux maître, décédé depuis des années déjà ? Il ne voulait pas ruiner le moment, et se contenta d’en rester là.
Du riz cuit dans un bouillon et constamment mélangé, agrémenté de champignons et d’un peu de poisson blanc, au citron. C’était peut-être trop simple pour les nobles pompeux de Castelquisianni, mais c’était un grand classique des auberges et tavernes du coin. Combien de fois Lorenzo avait-il goûté ce plat ? Il lança un regard amusé à Hana, sourire au coin des lèvres.
« Du riz, des champignons, du poisson, et beaucoup de patience. » Il lui fallait presque une demi-heure à tourner et tourner, jusqu’à ce que l’arborio devienne fondant, jusqu’à ce que le bouillon imprègne complètement le tout. A côté, ses instruments de maestro s’occupaient de couper et assaisonner un poisson blanc, qui accompagnerait à merveille les autres saveurs. « C’est bien le minimum que je puisse faire pour ma ravissante hôtesse. » Il lui lança un sourire, attrapant une cuillère en bois pour la partie la plus fatigante : remuer.
Pour passer le temps, il parlait. De tout et de rien. Il posait des questions à Hana sur la société dans laquelle elle vivait, et comparait son mode de vie au mode de vie du citoyen moyen, dans les autres territoires. Tekhos avait visiblement une longueur d’avance. Enfin, pour ce qui était du point de vue technologique. Lorenzo en vint alors à poser une autre question, plus personnelle cette fois.
« D’ailleurs, je suis surpris que tu m’aies aidé. Je pensais que les Tekhanes détestaient les hommes ? » Cela ne lui sautait aux yeux que maintenant. Il avait connu quelques femmes de Tekhos, qui avaient toutes brillé par leur mépris pour les hommes, et leur attirance uniquement réservée aux autres femmes. Hana était un étrange cas, dans l’océan d’exemples que connaissait Lorenzo. « Toutes celles que j’ai connu n’aimaient que les femmes. En amitié comme en amour, d’ailleurs. » Il lui raconta une fois où il avait failli se faire tirer dessus par une garde-frontière, et ne s’en était sorti que d’un cheveu. Mais ces souvenirs n’avaient rien de traumatiques. Au contraire, il en riait.
Puis, le temps passa, et il eut fini. Le tout sentait bon, très bon. Pas de quoi mettre au chômage un grand chef culinaire, mais de quoi contenter deux jeunes adultes, qui avaient sacrément faim. Lorenzo arrangea joliment le tout sur des assiettes, tant qu’à faire, et présenta le met fumant à Hana. Ce n’était pas trop chaud. Ce genre de plat ne se mangeait pas sans un accompagnement tout particulier, cependant.
« Excuse-moi une seconde ! » Dit Lorenzo, allant chercher une fiole en métal, remplie d’un vin blanc venu droit de chez lui, dans son sac resté au garage. Il la posa sur la table, proposant à Hana de se servir, tout en ignorant parfaitement si elle buvait ou pas. « C’est une tradition, d’accompagner ce plat d’un vin blanc. Mais je ne te regarderai pas de travers si tu n’en prends pas. Enfin, il faudrait que j’arrête de te regarder, déjà… » Perdu dans ses pensées, il se perdit ensuite dans la contemplation de son hôtesse. Qu’elle était mignonne. « Ahem. Buon appetito ! » Dit-il, commençant son repas comme si de rien était.