A la faible lueur pourpre du soleil à peine levé la ville est encore endormie et tout semble calme et paisible. On entend un coq chanter quelque part, un autre lui répond ? Bientôt, la jolie ville de Sunmill allait s'éveiller, accompagnée par le doux parfum du pain chaud. Rien en viendrait troubler la paix agréable et douce qui pesait encore dans les rues. Sauf peut-être...
- Voleurs! Brigands ! Que quelqu'un arrête ces sales petits vauriens !! Hurla la voix d'un citadin.
Un éclat de rire lui répondit tandis qu'un petit groupe de cinq silhouettes minces et agiles s'enfuyait par les toits, bondissant par-dessus les cheminée et le vide. Ils semblaient aussi souples et adroits que des chats de gouttière. Loin d'essayer de se faire discrets, ils poussaient des cris de victoire et de joie et riaient joyeusement de leur farce en faisant claquer leurs talons sur les tuiles. S’élançant dans le vide à coup de hurlement d'excitation, ils se servirent tour à tour d'une corde à linge comme d'une tyrolienne pour atteindre le toit d'un vieux bâtiment abandonné. Là, il ouvrirent une trappe menant au grenier et disparurent tour à tour à l'intérieur. La trappe se referma et on entendit plus que les quelques éclats de voix de certains habitants tirés de leur sommeil à cause de tout ce chahut. Pourtant, c'était là un matin bien tristement routinier...
Depuis quelques temps à Sunmill sévissait un groupe de gamins insupportables qui passaient leur temps à piquer des trucs, à faire des farces et à ennuyer les honnêtes gens. Au nombre de cinq, ils se faisaient appeler les Aigrefins et étaient dirigés par leur chef, une petite teigne insupportable qu'on appelait Pesta ou La Peste. Cette fille là n'avait eu aucun mal à se faire entendre dans cette bande de garçons. Elle possédait un sacré caractère et ne se laissait jamais marcher sur les pieds. Douée d'une autorité naturelle, elle n'avait pas mit longtemps à les entraîner avec elle lors de ses rapts nocturnes. Certains prenaient la chose à la légère en disant que ce n'étaient que des gosses mal élevés, quand d'autres hurlaient qu'il fallait y mettre un terme et enfermer ces gamins chez eux dans une cave à grand coup de cravache et de taloches.
Parmi les Aigrefins, outre cette Pesta, il y avait son bras droit et meilleur ami, Fitz. Plus grand et fort que la plupart des garçons de son âge, il avait des cheveux noirs en bataille et de grands yeux verts. Il était notamment célèbre pour le foulard rouge qu'il portait en permanence autour de son cou et son don incroyable pour la fronde. Il pouvait toucher une cible en plein dans le mille à des dizaines de mètres ! La plupart du temps, il s'amusait à envoyer les petits projectiles dans le casque des gardes ou dans la croupe d'un cheval qui ne manquait pas de ruer et d'envoyer son cavalier dans les airs. Ensuite, il y avait Goyle. Plutôt petit et rapide, c'était le plus futé de la bande et c'est à lui qu'on confiait les stratégies et les plans de bataille. Il avait des cheveux très courts et bruns, des yeux noisettes et il était connu pour
les étranges lunettes posées sur son front, de celles qu'utilisent parfois les cavaliers des montures volantes pour protéger leurs yeux du vent. Il y avait aussi Arthy, un peu plus maigrichon que les autres, mais tout de même athlétique, qui n'avait pas son pareil lorsqu'il s'agissait d'espionner et de se faire discret. On le reconnaissait grâce à sa cape au capuchon noir qu'il avait toujours sur le dos et sur son visage aux cheveux châtains et aux grands yeux bleus. Enfin, il y avait Darren, presque aussi grand que Fitz, les cheveux blonds et les yeux bleus/gris. Il savait se battre comme personne et lorsqu'une bande de petits teigneux venaient leur chercher des noises, c'est lui qui les mettait à terre à coups de poings. Il était connu pour la grande cicatrice qui partait de son front jusqu'à sa mâchoire en passant par son œil gauche. Il l'avait reçu d'un lâche adversaire qui avait sortit un petit canif durant un combat.
Pesta, La Peste, ou de son vrai nom Keren Rosebaie, était une jeune femme de 17 ans d'environ 1m72, assez grande pour son âge, à la taille fine et au corps gracieusement musclé. Elle avait une chevelure interminable de cheveux lisses et d'une couleur blanche immaculée, tirant parfois sur l'argent. Sa tenue était bien souvent la même, un short court et une brassière en cuir fermée par quelques lanières fines. Elle enroulait parfois des bandes de tissus autour de ses poignet et de ses chevilles pour les renforcer et enfilait de longues bottes de cuir noir grimpant jusqu'à ses genoux. Elle avait beaucoup de style et de grâce, on ne pouvait le nier et elle était de loin la plus agile et la plus adroite de tous les membres des Aigrefins. Elle avait aussi la réputation d'être la plus jolie fille de la ville..., mais aussi la plus insupportable. On ne l'appelait pas La Pesta pour rien ! Elle n’obéissait à personne et n'en faisait qu'à sa tête ! Comme elle vivait chez sa grand-mère, bien trop vieille et fatiguée pour veiller sur sa petite fille, elle était libre de faire ce qu'elle voulait et à sa guise. Presque tout le monde avait déjà entendu parler d'elle en ville.
Cette nuit là, les Aigrefins avaient fait un gros coup ! Ils étaient parvenus à dérober une bourse bien remplie et une petite figurine en argent véritable représentant un étalon en train de cabrer. Ils avaient réussit à fuir par une fenêtre juste avant que le marchand chez qui ils s'étaient faufilés ne leur mette la main dessus et ne se mette à hurler. Leur butin en poche, les Aigrefins étaient de retour dans leur quartier générale et riaient de bon cœur, se félicitant les uns et les autres de leur coup d'éclat. Le grenier dans lequel ils se trouvaient était incroyable ! Il était remplit de babioles et de trophées en tous genres, amassés ici petit à petit, vol et après vol. C'était parfois des objets sans grand intérêt, mais il y avait aussi quelques œuvres d'arts, des bijoux, des tissus fins et précieux ou des petits coffrets sculptés remplis de quelques piécettes. Assis en cercle sur de petits coussins moelleux, ils se partageaient équitablement le butin.
- Ah, ah ! Vous avez vu sa trogne quand je lui ai tiré la langue à ce vieux débris ? S'exclama Fitz.
- Si tu n'avais pas fait tomber ce vase, il ne nous aurait jamais surpris... vous entendiez à quel point il ronflait fort ? Ajouta Arthy en jouant avec l'une de ses pièces.
- On aurait dit un dragon en colère ! S’esclaffa Goyle en imitant grossièrement la chose avec son nez.
Tous éclatèrent de rire, puis continuèrent de plaisanter ensemble jusqu'à ce que Darren s'étire longuement en soupirant.
- Bon, faut que je rentre avant que mon paternel me flanque une raclée.- Je t'accompagne, fit Keren en se levant.
Tous étaient des orphelins qui vivaient au cœur de leur quartier générale modestement aménagé, à l'exception de la jeune femme qui veillait sur sa grand-mère et de Darren qui vivait chez son père, un alcoolique qui avait l'habitude de le battre régulièrement. C'est sans doute pour cette raison qu'il savait frapper si bien et si fort.
Ils se séparèrent non loin de la maison du jeune homme et Keren s'éloigna d'un pas nonchalant quelques rues plus loin pour retrouver celle qu'elle aimait appeler « l'Ancètre ». Même si elle se moquait un peu, la demoiselle était très proche de la vieille femme qui passait le plus clair du temps dans son lit. Elle leur prépara un petit déjeuner qu'elle dégustèrent dans la chambre de la vieille dame, en papotant de tout et de rien, puis Keren partit s'allonger afin de récupérer le sommeil perdu cette nuit.
Elle fut réveillée par des coups répétés à la porte d'entrée. Lorsqu'elle descendit pour ouvrir, elle tomba nez à nez avec Fitz, le regard pétillant qui s'écria :
- Keren, faut que tu viennes voir ça ! Y a un type qui vient de débarquer à dos de dragon dans la cours du fermier ! La bestiole a même boulotté un mouton !- Qu'est-ce que tu racontes ? - Viens je te dit !Ayant du mal à croire à cette histoire abracadabrante, la jeune femme finit tout de même par refermer la porte derrière elle et suivit son ami au pas de course. Beaucoup de gens faisaient de même, curieux d'assister au spectacle. Les deux jeunes gens grimpèrent sur les toits pour s'approcher de la cours et avoir une bien meilleure vue. Arthy, Goyle et Darren les attendaient déjà et attirèrent leur attention avec de grands signes. Une fois qu'ils les eurent rejoints, ils jetèrent un œil en contrebas. Fitz n'avait pas mentit. Il y avait bien un étranger, près d'un espèce de dragon et qui s'adressait à un garde devant le regard médusé du fermier et d'une bonne dizaine de villageois interloqués qui se bousculaient pour mieux voir.
- C'est qui celui-là ? Se demanda Keren, les sourcils froncés.
- Lui ? C'est le lieutenant Geoffrey des escadrons de la Guilde ! Vous lisez jamais de livres ? Fit Goyle, les poings sur les hanches.
- Je sais même pas lire, bougonnât Fitz avec un haussement d'épaules.
- Il paraît que tout son escadron a été massacré par des chauves-souris géantes ! Ou peut-être que c'était des homme-lézards volants, je sais plus bien, ajouta le petit futé en se grattant la tête.
Keren avait du mal à croire à cette histoire à dormir debout. Soudain, alors que le fameux étranger semblait poser une question au garde, un homme à forte stature, le boucher du coin, s'avança dans sa direction, les bras croisés et lâcha de sa grande voix qui parvint sans mal jusqu'aux oreilles des jeunes gens, toujours perchés sur le toit :
- Une peste ? Ah, ça oui on a en a une ! Une sacrée chipie si vous voulez mon avis. Elle passe son temps avec une bande de petits cons qui s'amusent à chaparder un peu partout en ville. On a bien prévenu la garde pour qu'ils mettent un terme à tous ça, mais faut croire qu'on a affaire à une bande d'incompétents sans cervelle...Le garde présent à ses côtés prit un air choqué et devint rouge de colère avant de répliquer :
- Je m'insurge ! Comment osez-vous nous insulter de la sorte ?! Si c'est le cachot que vous voulez, vous allez l'avoir !- J'aimerais bien voir ça, lâcha le boucher en défiant le garde du regard qui faisait bien une tête de moins que lui.
Soudain, un villageois s'exclama, pointant son doigt en direction des toits.
- Elle est là ! Les Aigrefins sont là !!Tout le monde tourna son regard dans leur direction, comme un seul homme. Keren poussa un juron.
- Oh, oh, ça va chauffer pour nos oreilles les gars... on se tire ! Lâcha Arthy en détalant, bien vite, suivit par le reste du groupe.
Filant comme le vent, Keren ne se fit pas prier, bondissant avec une incroyable dextérité sans même ralentir. Mieux valait s'éloigner et se faire oublier pendant un petit moment s'ils ne voulaient pas s'attirer des ennuis !