On pouvait interpréter différemment ce qu’une personne disait, a fortiori quand cette personne aimait faire dans le lyrisme. Ce fut visiblement ce qui s’était passé pour Shani, et, quand Fönn lui expliqua avoir compris de travers ce qu’elle lui avait expliqué, Shani en rougit légèrement, se sentant... Un peu bête. Fönn s’efforça ensuite de lui préciser ce qu’elle voulait dire, à savoir qu’elle aimait bien la passion, mais que, du fait de sa mémoire eidétique, elle se refusait à l’exercer dans un groupe, mais avec seulement une autre personne.
*En réalité, je ne m’attendais pas à ce qu’elle parle déjà de... De sexe !*
Non pas qu’elle en soit dérangée ou choquée, mais, venant d’une étrangère, elle ne pensait pas qu’elle s’acclimaterait si vite à l’atmosphère de Seikusu, et au fait que, ici, dans cette ville, les relations sexuelles étaient particulièrement faciles à développer, comme si quelque chose, une force supérieure, avait béni cette ville par le sexe. Et ce dont Fönn parlait, cette « passion », n’était rien d’autre, pour elle, qu’une allusion sexuelle, jusqu’à parler de soumission. Ce faisant, Shani comprenait mieux ce qu’elle lui avait dit auparavant, elle n’avait juste pas été sur les mêmes références. Fönn... Fönn était en train de lui dire qu’elle ne pouvait, sexuellement ou sentimentalement parlant, s’attacher qu’à une seule personne, en raison de sa mémoire eidétique. C’était une raison valable en tant que telle, mais Shani soupçonnait aussi autre chose, une raison plus personnelle.
Un léger silence s’instaura donc suite aux révélations de Fönn, qui termina en lui disant de ne pas s’attacher au sens premier des mots, mais à leur signification. Elle hocha alors la tête, et répondit rapidement, en exprimant une banalité, comme pour tenter de calmer les choses, et pour lui montrer qu’elle allait lui répondre, après les multiples explications de la belle archiviste :
« Eh bien... Je pense avoir compris ce que vous vouliez me dire, je ne pensais juste pas que la conversation prendrait si rapidement un tournant si.... Intime, pour le dire ainsi. »
Elle sourit à nouveau, avant de se pincer les lèvres, observant davantage Fönn. Il est vrai que cette femme était vraiment très belle, et elle avait des yeux bleus absolument magnifiques. En réalité, Shani aurait pu se perdre dans de tels yeux pendant des heures sans le réaliser, et, tout à coup, elle se mit à imaginer des scènes, visualisant des images dans sa tête... Comme celle où Fönn embrasserait son pied, recouvert d’une botte en cuir, afin de lui signaler sa soumission, ou une autre où, après avoir fait l’amour, elles étaient toutes les deux nues dans le lit de Shani, Fönn ne portant plus que ses longs gants noirs, et Shani observant doucement son regard, en l’embrassant régulièrement...
La secrétaire reprit ensuite ses esprits, et se racla nerveusement la gorge, avant de réaliser que, pendant sa vision, elle avait avancé sa main, et agrippait maintenant celle de Fönn, tenant entre ses doigts ceux de Fönn, gantés et agréables à souhait. Elle envisagea brièvement de les retirer... Puis y renonça. Se pinçant les lèvres, elle esquissa ensuite un léger sourire.
« Je pense qu’on peut se tutoyer, si on en est à parler de passion, Fönn. Et, pour être tout à fait honnête avec toi, je dois admettre que... J’adore tes gants. »
Elle ne faisait que tourner autour du pot, car Shani n’avait pas encore vraiment répondu à ce que l’archiviste avait expliqué, mais elle comptait bien le faire. Souriant donc, elle entra dans le vif du sujet :
« Je dois te prévenir, Fönn, que je suis... Une femme qui aime énormément la passion. À dire vrai, j’ai une telle soif, en la matière, que je n’ai jamais trouvé une personne qui soit capable de l’épancher, ce qui explique pourquoi je côtoie bon nombre d’individus. Pour te le dire franchement, et pour que tout soit clair pour toi, le désir que je ressens est... Beaucoup plus fort que chez la plupart des individus. J’ignore pourquoi je suis comme ça, mais c’est ainsi. Chaque fois que quelqu’un me fait l’amour, et finit épuisé, moi, je suis satisfaite... Et en même temps assoiffée, car mon corps en souhaite encore plus. J’aime le sexe, Fönn, car le sexe est le plaisir suprême, c’est l’incarnation de la vie, de la nécessité d’une harmonie entre les gens. C’est un plaisir qui ne peut s’accomplir qu’en étant au moins deux. »
Sa prose était beaucoup moins lyrique, mais Shani avait toujours eu un certain franc-parler. Elle avait fait de nombreux tests pour essayer de comprendre d’où lui venait cette soif de sexe, et pourquoi les gens qu’elle côtoyait aimaient tant lui faire l’amour. Elle avait réalisé des tests sanguins, sans savoir que, à chaque fois, son père, son véritable père, Eros, avait dissimulé ses origines réelles. Shani l’ignorait, mais elle était une demie-Déesse, et, quand on avait comme père le Dieu de l’Érotisme, alors il fallait bien s’attendre à être... Insatiable.