Idolâtrie [Aliona]

Dans le monde spirituel de la magie, on s’absorbait dans un autre univers, dans un autre plan de conscience. Dans ce monde, on ne voyait plus la réalité à travers la lentille rétrécissante des cinq sens classiques, mais à travers d’autres sens, ce que certains spirituels appelaient d’autres consciences, comme pour dire que, dans ce monde, Sha s’élevait à une autre conscience, voyant la réalité sous une autre lentille. Depuis son temple sur Terra, elle voyait les grandes lignes qui unissaient ce monde aux autres, cette réalité aux autres, formant une toile immense, gargantuesque, qui servait de matrice à la vie.

Sha aimait s’y plonger. Elle s’enfermait pour cela dans une petite pièce en forme de sphère, totalement fermée du monde, où elle laissait, peu à peu, ses sens s’éteindre, afin de s’éveiller pleinement à la magie, la sphère de résonance facilitant ce travail. Yeux clos, Sha était sous sa forme divine, et c’est ainsi que, en explorant la magie, elle se rapprocha d’un pic de magie, sur Terre, à Seikusu. Elle s’y absorba, filant dans les rues, sentant les individus dotés de magie, qu’ils en aient conscience ou non. La tâche était loin d’être facile, et très épuisante, mentalement parlant. L’Ombre s’y plongeait, encore et encore, et finit alors par sentir quelque chose...

*Qu’est-ce que c’est que ça ?*

L’Ombre se concentra un peu plus, et sentit... Une présence magique particulièrement forte, ce qui ne manqua pas de l’émouvoir. De plus, elle sentit aussi... Une présence familière, et l’identifia rapidement à une démone qu’elle connaissait... Agrat. Une démone que Sha avait déjà croisé au cours de sa longue existence, de temps en temps. Pas de quoi en faire une amante régulière, ou autre chose qu’une simple connaissance, mais Sha reconnut néanmoins sa signature. La Déesse des Sorcières, des Malédictions et de la Magie, s’intéressa à cette aura, cet impact qu’elle percevait dans cet endroit, et finit par rouvrir les yeux.

Elle avait une nouvelle destination.


Il faisait nuit à Seikusu, et c’était un beau manoir. Situé dans les beaux-quartiers de la ville, dans les hauteurs, avec un jardin qui l’entourait, des fontaines, des couloirs, une belle bâtisse avec plusieurs étages. Une silhouette s’y aventura, dissimulée derrière un long manteau noir en soie avec une capuche. Aucune serrure ni talisman magique ne pouvait décemment espérer la retenir, et elle longea la piscine extérieure, appréciant le luxe se dégageant de cet endroit.

Cette femme était-elle une sorcière ? Sha savait qu’elle avait perdu bien de ses sorcières pendant les siècles où elle avait été bannie, et elle les recherchait, maintenant. Or, elle sentait clairement, entre ces murs, une force magique. L’Ombre ouvrit donc les portes d’entrée, et s’aventura dans les couloirs, se dirigeant vers la source qu’elle ressentait.

Sans trop savoir ce sur quoi elle tomberait...

Seule, dans son manoir, Aliona méditait. Assise par terre, les yeux fermés, elle inspirait et expirait doucement. Cette activité avait pour but de la relaxer, autant elle que tous ses fidèles auxquels elle était liée par la magie émanant de ses yeux. Au même moment, tous les cultistes méditaient aussi. Et, au bout d'un moment, la femme, au centre de tout ce mouvement laissa libre cours à sa magie. Alors, tout les fidèles se mirent à voir la même chose: une toile d'araignée donc chaque fil représentait un des cultistes, tandis que le centre était Agrat ainsi qu'Aliona. La puissance magique les reliant tous était telle qu'autour de l'immortelle, des fils immatériels de couleur mauve partaient, traversaient les murs et le sol pour toucher chacun des fidèles. En voyant cela, les passants seraient peut-être inquiets, Aliona n'en avait cure, elle semblait déconnectée du monde et s'occupait de nourrir spirituellement les pratiquants de sa religion. Peut-être était-ce cela qui poussa Sha à s'aventurer dans le manoir de l'Allemande et d'ouvrir la porte d'une grande salle noire, seulement éclairée par des bougies produisant une lumière mauve. Au centre siégeait la femme et les fils magiques convergeaient en elle. Elle ne disait rien et ne réagissait pas à l'intrusion. En revanche, Agrat, elle, avait senti la présence d'une intruse et apparu derrière son hôtesse.

Que veux-tu ? Disait-elle avec un ton menaçant.

La démone ne connaissait pas vraiment Sha, elle l'avait juste rencontrée quelquefois, pas assez pour vraiment faire connaissance. La rousse s'approcha, elle était habillée très légèrement, puisque pour toute tenue, Agrat faisait flotter autour de son corps une brume mauve laissant parfois entrevoir sa plantureuse poitrine.

Soudainement, les fils disparurent et une nouvelle lumière s'alluma: celle des yeux d'Aliona, qui, déconcentrée par les présence dans la pièce, rompit le lien spirituel, laissant une part de frustration dans le coeur des fidèles. Elle eut un petit tremblement à cette idée.

Qui nous dérange ? Disait-elle, calmement.

Un culte… Un bien étrange culte, qui consistait en un rituel magique. Sha fronça lentement les sourcils, en sentant rapidement de quoi il s’agissait. Autour d’une femme, des cultistes méditaient, et étaient dans une sorte de transe magique, transférant leur mana vers la femme installée au centre, une femme à l’aura bien étrange. Restant en-dehors du cercle, Sha observait ce spectacle. Elle ressentait clairement la présence d’Agrat, et Agrat l’aperçut également. Elle dut probablement sentir que la personne venant d’entrer n’était pas qu’une simple humaine, car elle demanda ce que la femme souhaitait, sans directement la chasser. Grand mal lui en aurait pris, en effet, Sha étant, après tout, une Déesse. C’était une démone avec une chevelure de feu, et une grosse poitrine.

Cependant, et avant même que Sha ne puisse répondre, Aliona se réveilla aussi, mettant fin à sa petite séance de succion magique, faisant soupirer les idolâtres de frustration. De fait, sous leurs robes et leurs bures, beaucoup avaient de belles érections. Pour eux, c’était un moment de communion, une osmose sacrée, nettement préférable à n’importe quelle partie de sexe. La même question émana des lèvres de la propriétaire du manoir.

Sha s’avança alors, les reflets chatoyants des bougies venant éclairer son corps. Sous sa bure noire, elle était nue, et l’ouverture au milieu permettait de voir la présence de ses longues jambes fuselées.

« Tu draines leur énergie spirituelle pour améliorer la tienne… C’est très impressionnant, pour une humaine. »

Un léger vent fila le long de la pièce, et Sha abaissa son capuchon, révélant son visage, avec ses yeux jaunes, fixant silencieusement l’humaine, à quelques mètres d’elle.

« Je m’appelle Sha, petite humaine, Déesse des Sorcières, de la Malédiction, de la Corruption, et de la Souffrance, entre autres choses. »

Les Dieux aimaient avoir des titres à rallonge et pompeux, et Sha n’y faisait guère exception. Elle s’avança plus encore, ne semblant guère impressionnée par la présence d’Agrat.

« Tu t’es attirée les faveurs d’une démone… Je me demande bien quelle promesse Agrat a bien pu te souffler dans le creux de l’oreille pour que tu scelles ton âme à la sienne. »

Il n’y avait vraiment que les humains pour faire ça, pour jouer aussi facilement avec leur âme, la partie la plus intime d’eux-mêmes, la plus intéressante pour les démons. La confiance de Sha envers les démons était très limitée, car elle les savait très manipulateurs… A fortiori les démons de la trempe d’Agrat.

Sans vouloir vous manquer de respect, vous venez de déranger une séance de méditation. Messieurs, mesdames, je suis désolée, retournez à vos occupations.

Aliona esquissa une petite moue et se leva. Les cultistes, firent de même et s'en allèrent machinalement, ayant malgré tout l'air déçus. Agrat se mit à caresser les épaules de son hôtesse. Les trois femmes se regardèrent dans les yeux pendant quelques instants, puis Sha prit la parole afin de se présenter. Narquoise, Agrat ne put s'empêcher de lancer une pique sur le nom trop rallongé de la déesse.

Tu vois, Aliona ? La plupart des Dieux et Déesses sont comme ça. Par pitié, ne prends pas un nom si barbant quand tu les auras rejoints.

L'humaine et la démone laissèrent la Déesse s'approcher. Aliona ne s'agenouilla point devant elle, mais restait debout, l'air de se considérer comme son égal. Elle avait une expression sereine lorsque Sha lui demanda ce qu'avait pu proposer Agrat pour qu'elle lui confie son âme.

C'est moi qui suis venue la trouver il y a de ça plusieurs siècles. J'avais besoin d'être immortelle et c'est ce qu'elle m'a donné. En échange, elle a le droit de se servir de moi pour tout ce qui lui plait, et je dois avoir une relation sexuelle avec tous mes cultistes au moins une fois. Rien de grave en somme.

Agrat prit la parole à son tour.

Alors, Sha, que nous veux-tu ?

Une séance de méditation… Vraiment ? Silencieuse, Sha vit les cultistes se retirer, les laissant finalement seules. De là à dire qu’elle se sentait désolée, il y avait un pas qu’il ne fallait pas franchir. L’arrogance de cette humaine, du reste, était impressionnante. Elle traitait Sha comme si elle était un simple palefrenier venant la perturber… Ce qui, en réalité, agaçait un peu l’Ombre. Vu les propos d’Agrat, elle comprit rapidement ce que la femme avait en tête, et resta donc silencieuse. Elle sourit quand Aliona lui expliqua avoir librement consenti à ce pacte avec Agrat.

« Oh… Les humains, décidemment… Avec tous ces mythes et toutes ces histoires… Icare qui se brûle les ailes en voulant approcher le soleil, la Tour de Babel, le pacte de Faust… Et pourtant, on a beau vous dire de ne pas mettre les doigts dans la prise, vous continuez à le faire. Jusqu’à quel point l’entêtement devient-il de la stupidité ? »

Sha secoua lentement la tête.

« Tu veux devenir une Déesse… Quoi ? Tu penses que réunir quinze pauvres clochards fait de toi une Déesse ? Ha ! Laisse-moi te montrer ce qu’est une Déesse ! »

La magie se mit à vibrer autour du corps de Sha, et, brusquement, les bougies se mirent à s’enflammer furieusement. Les petites flammes devinrent de terribles langues de feu, brûlant sur plusieurs mètres de hauteur, et un terrible vent souffla dans tout le manoir, faisant claquer les vitres et les portes.

« J’ai perçu ton rituel, petite femme ! C’est toi qui m’as attiré ici ! Je pensais tomber sur l’une de mes sorcières, pas sur une petite sotte qui prétend pouvoir m’adresser comme si j’étais son laquais ! »

L’ombre recouvrit le corps de Sha, et le vent devint encore plus fort, tandis que les yeux de Sha devinrent blancs, lumineux. Elle était la Déesse des Sorcières, et la magie était en elle comme le sang dans les veines d’un être humain.

« Les humains ont besoin de comprendre que le Divin leur est inaccessible… Je crois que tu as besoin qu’on t’apprenne à rester à ta place, ma chérie. »

Tout autour d’Aliona, la magie vibrait, forte et puissante, comme un témoignage de la puissance divine de Sha.

Une puissance qui allait déferler sur la belle petite humaine aussi arrogante qu'insolente...

La déesse commençait à s'énerver, Aliona le voyait bien. Elle commença à lui énoncer des exemples d'homme ayant essayé d'accéder au divin. Evidemment, la brune connaissait toutes ces histoires, elle était au courant qu'il lui était impossible de devenir une déesse, et c'était bien une chose que les dieux ne comprenaient pas; ils se prenaient toujours pour le centre du monde, pourtant... Sans fidèles, ils n'étaient rien, mais combien de divinités connaissaient le nom de tous leurs cultistes ? Avaient-ils ne serait-ce que la moindre considération pour eux ? Aliona en tout cas pensait que non.

Bien sûr que non. Je ne veux pas devenir une déesse. Agrat m'appelle comme ça, simplement parce que c'était l'objectif que j'avais quand j'ai fait ce pacte avec elle.

Sha fulminait. Les flammes étaient devenues bien plus intenses qu'elles n'étaient supposées l'être, un vent violent s'engouffra dans la pièce et le voile d'Agrat manqua de s'envoler. Malgré tout, l'humaine et la démone ne bronchèrent pas, elles s'efforçaient de faire face à la déesse.

Je n'ai jamais cherché à vous contacter, et ce n'est pas la première fois que j'effectue ce genre de séance. Excusez moi donc pour le dérangement.

Sha était enragée. C'était aussi le genre de chose qu'Aliona détestait chez les dieux: leur intolérance. Le nombrilisme de la femme en face d'elle ne l'énervait en rien. En réalité, l'Allemande n'arrivait pas à s'énerver, elle était bien trop patiente. La puissance de Sha était impressionnante et s'apprêtait  à déferler sur la "jeune" femme, pourtant, tout ce qu'elle dit fut:

S'il-vous-plait, arrêtez vous. Si vous cherchez à me punir, faisons ça ailleurs. Je ne suis pas seule ici, et je ne veux pas que vous leur faisiez de mal, par mégarde ou non.

Ses yeux brillaient intensément, Aliona n'avait pas peur. Agrat, elle, s'approcha de Sha, les mains dans le dos et lui dit:

Sha, tu veux un massage pour te calmer ? Une discussion tranquille ne ferait de mal à personne ici. Elle lui chuchota Tu pourrais avoir une nouvelle fidèle, aussi têtue puisse-t-elle être.~

Si Sha avait vraiment été en colère, la pauvre humaine serait déjà encerclée par des tentacules. Non, malgré les apparences, ce n’était qu’une démonstration de pouvoir. Sha voulait infliger à cette femme une leçon d’humilité, mais aussi voir comment elle allait réagir. Quand Agrat se glissa dans son dos pour lui parler, et tenter de l’amadouer, un léger sourire perla sur les lèvres de Sha... Puis la tempête magique sembla brusquement se calmer.

« Je ne suis pas énervée, Agrat. Je voulais juste vérifier si ton amie était capable de faire face à la puissance d’une Déesse. »

Sha s’avança alors un peu, sous sa forme humaine. Sous l’effet de la tempête magique, son manteau s’était légèrement ouvert, ce qui faisait qu’on pouvait voir, sans aucun problème, son sexe, ainsi que l’ourlet de ses seins.

« Je ne suis pas une Déesse olympienne, Aliona. Je suis nettement plus tolérante qu’eux quant aux humains voulant se faire passer pour des Dieux. »

Pour les sceptiques, il suffisait de se rappeler du mythe d’Arachné, cette tisseuse dont la réputation avait fini par égaler celle d’Athéna. Courroucée, et furieuse à l’idée qu’une mortelle puisse concurrencer les Dieux, Athéna avait puni Arachné en conséquence. Faisant comme si elle était chez elle, Sha se déplaça vers Aliona, et caressa ses joues, sans aucune gêne. Un sourire amusé éclairait ses lèvres.

« Je ne compte pas te faire de mal, ma chérie... »

Et, comme pour le lui prouver, elle se pencha vers elle, et l’embrassa doucement sur les lèvres. Ce changement de comportement était trop rapide pour être honnête, et signifiait que, jusqu’à présent, Sha n’avait fait que jouer avec la femme. En réalité, et comme Agrat le lui avait indiqué, Sha sentait quelque chose chez cette femme. Une onde magique, comme une pulsation. Cette femme était une sorcière. Ou alors, elle était la réincarnation d’une ancienne sorcière. Dans tous les cas, elle était une femme que Sha était censée protéger et aider.

Sha lui sourit donc, mettant fin à ce baiser.

« Je vais mettre fin à un suspens haletant, Aliona. Ce genre der rituel peut te permettre d’accroître tes propres pouvoirs, voire donner l’impression aux gens que tu es une Déesse... Mais, pour devenir une divinité, il n’y a qu’un seul moyen de procéder quand on est un mortel. Il te faut tuer un Dieu qui existe déjà, et profiter du fait que son énergie divine doit retourner au Cosmos pour te l’accaparer. »

Pour autant que l’Ombre le sache, il n’existait aucun autre moyen de procéder.

« Mais je ne vois pas pourquoi je te dis ça, jeune femme, vu que tu n’aspires nullement à la divinité... Alors, pourquoi organiser ce genre de rituels ? »

La tempête se calma, et Sha sembla faire de même. Elle s'approcha d'Aliona, qui ne se dérangeait pas pour regarder de temps à autre la poitrine de la Déesse, il n'y a pas à dire, elle était bien formée, en tant qu'humaine du moins. Sereine, la "sorcière" ne bougeait pas, et écoutait, Sha disait être tolérante quant aux humains voulant être égaux aux dieux. Ensuite, la Déesse se mit à caresser les joues de l'humaine, lui disant qu'elle ne comptait aucunement lui faire de mal. Le changement de comportement était trop brusque pour être honnête et Aliona songeait aux combines que Sha devait déjà imaginer dans sa tête, quand soudainement, l'intruse embrassa la brune. Cette dernière se laissa faire, alors qu'Agrat derrière gloussait de rire.

Oh, Sha, lâche ma Aliona. Tu vas me rendre jalouse, huhu~.

La Déesse rompit le baiser, et expliqua la manière dont Aliona pourrait éventuellement devenir une divinité à son tour. Cela ressemblait fort à un test de la part de la femme en face d'elle.

Vous avez bien compris que je ne cherche pas à devenir une Déesse, mais juste à y ressembler, pour ces personnes qui me suivent, ce ne sont pas que quinze clochards, vous savez. Ils sont bien plus nombreux.

Sha demanda à Aliona pourquoi elle effectuait ce genre de rituel. Agrat prit la parole.

Ce n'est que pour récupérer le mana de ces personnes. Pour augmenter le pouvoir qu'elle exerce sur eux, et sur les prochains. C'est drôle que tu ne réagisses que maintenant, d'ailleurs. Ca fait quelques siècles que nous le faisons. Ou alors, peut-être est-ce parce qu'Aliona a essayé d'augmenter la portée du rituel, pour toucher la plupart des personnes qu'elle a converti présentes dans la ville.

Agrat adorait utiliser le champ lexical de la religion, pour taquiner Aliona, qui lui jetait des regards inquisiteurs pour lui demander de parler autrement, mais rien n'y faisait, la démone n'était pas une femme docile.

Comme toute chose en cette vie, les Dieux tiraient leur source du Big Bang. Quand le Big Bang avait été formé, toutes les énergies fondamentales de l’univers s’étaient répandues, les quatre grandes forces fondamentales, et la magie s’était tissée dans l’univers. Les Dieux, eux, appartenaient à une sorte de matrice universelle, et leur création était très particulière. En effet, une divinité n’était qu’une incarnation de différents aspects, et la divinité existait grâce à la foi qu’on lui vouait. Sans partisans, sans fidèles, sans cultistes, un Dieu mourait. La nature divine était donc complexe et paradoxale, car la « mort » d’un Dieu, concrètement, signifiait que son énergie retournait dans la matrice originelle, et que seul disparaissait la représentation de cette matrice. Sha, par exemple, était l’incarnation de ses divers Talents divins, comme la Sorcellerie, ou la Magie. Le jour où on cesserait définitivement de croire en elle, elle disparaîtrait, devenant une simple mortelle, tandis que son énergie divine retournerait à la matrice. Si, un beau jour, le culte revenait, Sha reviendrait… Ou une autre divinité. De cette manière, plusieurs divinités pouvaient se partager les mêmes Talents. Il y avait donc, pour le dire autrement, des liens complexes et confus entre les humains et les Dieux, les rendant tous interdépendants les uns des autres… Chose que les Olympiens, avec leurs chamailleries incessantes, avaient un peu oublié.

La belle Aliona confirma rapidement ne pas vouloir devenir une Déesse, mais vouloir plutôt se nourrir de l’énergie de ceux qui croyaient en elle. Moins qu’une Déesse, elle se voyait donc en idolâtre, ce qui, pour le dire franchement, était très sorcier dans l’esprit.

Agrat avait répondu à la place d’Aliona, et Sha s’écarta d’elle, non sans une nouvelle caresse sur la joue de la femme, puis se rapprocha d’Agrat. Son manteau continuait à s’ouvrir à chacun de ses mouvements.

« Mes pouvoirs ont diminué… J’ai été scellée pendant de nombreux siècles, Agrat, et ne suis libre que depuis quelques années. Peu à peu, je retrouve mes pouvoirs et mes souvenirs. Mais oui, j’ai perçu dans ce rituel quelque chose qui… »

Sha dut se taire pendant quelques secondes, car elle réfléchissait. Elle se pinça même les lèvres pendant quelques secondes, avant de poursuivre.

« Quelque chose qui m’est familier… »

Elle n’ajouta rien pendant un temps, manifestement troublée, avant de reprendre :

« Combien as-tu amassé de fidèles, dis-moi ? »

Aliona regardait Sha, légèrement intriguée par la manière dont elle s'était interrompue avant de finir sa phrase. Les yeux de la "jeune" femme se mirent à luire plus intensément. Elle croisa les bras sous sa poitrine et répondit:

Quelque chose de familier, vous dites ?

Mais Sha gardait le silence. Aliona n'attendait pas de réponse car elle savait que la Déesse n'en apporterait pas immédiatement. Pour autant, elle restait curieuse. La femme demanda à Aliona combien elle avait amassé de fidèles.

Hmm...

Aliona réfléchissait. Elle n'avait jamais vraiment cherché à savoir combien de personnes elle avait converti à son culte. Ils étaient nombreux, c'était sûr. En traversant les époques, certains fidèles avaient sûrement dû initier leurs enfants au culte aussi, et tout cela rendait la question difficile. Finalement, Agrat prit la parole, avec un grand sourire.

Quelques milliers, je dirais.

Ce n'était pas une blague, bien sûr. La démone avait le nombre exact, mais ne le donnait pas, elle indiquait un nombre inférieur, au cas où Sha, dans un quelconque excès de colère à l'égard d'Aliona, ne décide d'en tuer.

Aliona reprit finalement la parole, sa curiosité la harcelait.

Donc, qu'est-ce qui vous est familier ?

Le trouble de Sha n’avait nullement échappé aux deux femmes, et, alors qu’Aliona ne lui répondait pas, ce fut la démone qui s’en chargea. Agrat lui annonça ainsi, non sans une certaine fierté, avoir un culte qui, en tout, comprenait quelques milliers de personnes. Sha haussa légèrement les sourcils, en se demandant néanmoins si, dans son calcul, elle incluait le culte depuis sa formation, soit il y a quelques siècles, ou juste maintenant. Ceci étant dit, il n’était pas forcément difficile de subjuguer des foules, quand on disposait de pouvoirs magiques. Soit le peuple vous idolâtrait, soit il vous haïssait. Mais, dans un cas ou dans l’autre, Sha savait que ces milliers de cultistes n’étaient pas tous réunis à Seikusu. Autrement dit, la femme avait voyagé dans le monde.

Aliona demanda alors à Sha ce qui lui était familier, et la Déesse la regarda. Elle aurait pu s’offusquer de l’impertinence de la femme, mais, au lieu de ça, sa main se leva, et alla caresser la joue de la femme, glissant lentement sur sa peau.

« Toi... »

Sha retira sa main de sa peau, et regarda autour d’elle.

« Et ce rituel... »

Elle tourna ensuite sa tête vers Agrat. Elle aussi, elle lui était familière, mais... Pas de cette façon. Sha marcha alors un peu, continuant à réfléchir, les hypothèses se bousculant dans son esprit.

« C’est un rituel de sorcellerie, et je me demande si... Tu sais, la vie est comme un fleuve dont chaque mort serait une incursion. L’âme, éternelle, se réincarne toujours, sauf cas particuliers. Je ne sais pas... Je ne sais pas, car ma mémoire me fait défaut, mais... Il est peut-être possible que, dans une précédente vie, tu étais une sorcière. »

Le plus troublant, c’est qu’elle pensait que ce rituel, la manière dont les corps étaient agenouillés dans des endroits précis, était peut-être l’un de ses rituels, à une époque où Sha n’était pas l’Ombre, où elle était la puissante Déesse des sorcières, cette époque lointaine où les divinités étaient des femmes, bien avant l’essor du christianisme, ou même des vieilles religions polythéistes grecques et romaines.

Sha finit par clarifier certains points.

« J’ignore si tu as été l’une de mes sorcières jadis, mais je ne m’opposerai nullement à tes petits rituels. Tout ce que je peux faire, c’est te conseiller d’être vigilante... Et, par ailleurs, je te présente mes excuses pour avoir perturbé ta séance. Il va de soi que, si tu veux une compensation, je peux te l’autoriser. »

Le fait de penser qu’Aliona pouvait avoir, jadis, dans une autre vie, l’une de ses sorcières, la rendait instinctivement nettement plus sympathique aux yeux de Sha... D’où le fait que l’Ombre s’était sensiblement adoucie. Elle avait beau parfois se montrer cruelle et sanglante, quand il s’agissait de ses propres enfants (ce que chaque sorcière était), elle pouvait faire preuve de compréhension et de sympathie... Comme en ce moment.

Sha révéla à Aliona qu'elle pourrait être la réincarnation de l'une de ses sorcières, et donc l'une de ses nombreuses enfants. Les yeux de la femme se mirent à briller d'avantage, elle se disait que ce n'était pas impossible. Après tout, elle n'avait jamais appris comment disposer ses fidèles pour son rituel, plus tôt, non, elle le savait sans le tenir de nulle part. Parfois, elle faisait aussi des rêves semblant être des souvenirs qui ne lui appartenaient pas. L'idée d'avoir été une sorcière ne déplaisait pas à Aliona et pourrait expliquer pourquoi elle fut chassée de sa seigneurie dans sa jeunesse, ce qui était la raison l'ayant motivée à faire ce qu'elle fait maintenant, plusieurs siècles plus tard. Indirectement, Sha était alors en un sens responsable des activités d'Aliona. Cette dernière prit la parole.

J'aimerais dire que ce serait un honneur, pour moi, d'être l'une de vos sorcières. Du moins, si cela ne m'empêche pas de continuer mes rituels et de garder mes fidèles. Je les aime trop pour les perdre.

Puis Agrat rebondit sur la fin de la réplique de Sha, avec un petit air moqueur à l'égard de sa protégée.

Si tu veux vraiment lui faire plaisir, tu n'as qu'à t'amuser avec elle. Enfin, tu sais, la baiser. En la dominant, elle adore ça la pauvre.

Aliona lança un regard noir, ou plutôt violet brillant, à Agrat, cette dernière ria. Après tout, même si sa manière de le dire était assez crue, elle disait la vérité, et Sha le comprenait sûrement. Aliona regardait la Déesse en rosissant légèrement.

Le mieux c'est qu'elle a l'air de vraiment avoir envie dis donc.

L’idée d’avoir jadis été une sorcière ne dérangea pas spécialement Aliona, au contraire. Sha ignorait si c’était vrai, car sa mémoire lui faisait défaut... Mais elle le pensait. Ce rituel utilisait des techniques magiques qui évoquaient son culte. Alors, Aliona confirma l’idée de vouloir être sa sorcière, et Agrat indiqua alors qu’il était temps de la « baiser ». Sha regarda brièvement la démone, puis à nouveau Aliona, et esquissa un léger sourire en la voyant rougir un peu.

« Je vois... Mais... Dans mon culte, je considère que le sexe est une bonne manière de me prouver la fidélité. N’aie crainte pour ta petite secte, Aliona, j’ai toujours été bienveillante envers mes sorcières, et soucieuse de leur liberté. Fais-toi passer pour une Déesse si cela te sied, et sers-moi en révélant tes pouvoirs magiques. »

Sha portait un long manteau noir ouvert au milieu, dévoilant son pubis, un sexe sans poil, ainsi que le rebord de ses seins. Elle ferma alors les yeux en se concentrant... Et son bassin se déforma légèrement, puis un beau phallus apparut. Un service trois-pièces, avec une grosse verge, et des testicules, et, tout en souriant, sa main alla caresser la joue d’Agrat.

« Cependant, Agrat, je ne t’oublie pas aussi... »

Usant de son autre main libre, Sha créa une bourrasque d’air dans le dos d’Aliona, la rapprochant ainsi.

« Mets-toi à genoux, Aliona, montre-moi ta dévotion en t’occupant de mon sexe... »

Sha, elle, se retourna ensuite vers Agrat, et alla doucement l’embrasser, posant sa main sur sa nuque, fourrant sa langue dans sa bouche, serrant son corps contre le sien. Entre ses deux femmes, Sha sentait le désir croître rapidement, durcissant sa verge, qui se redressait, pointant vers le ciel, n’attendant plus qu’une bouche pour venir la soulager.

Merci beaucoup.

Sha caressa la joue d'Agrat, cette dernière esquissa un léger sourire en laissant faire la Déesse. La bourrasque fit, quant à elle tomber Aliona à genoux devant l'opulent organe. Sha ordonna à la "jeune" femme de s'occuper de son sexe. Ca, elle savait faire, depuis plusieurs siècles elle s'occupait de ses fidèles de cette manière. Aliona commença à lécher doucement le bout de l'engin, l'attrapant doucement d'une main. La Déesse embrassa Agrat, collant les deux corps l'un à l'autre. La démone retira le long manteau de Sha, puis son voile, déployant ainsi ses ailes. Elle rompit le baiser.

J'attendais ça depuis ton arrivée.

Agrat embrassa Sha une seconde fois, attrapant sa poitrine et la serrant délicatement entre ses doigts, puis en commençant à la malaxer, doucement. La démone serrait sa poitrine contre le dos de la Déesse. Au bout d'un moment, elle finit par lui saisir les tétons, et les pincer, avec moins de douceur que celle dont elle faisait preuve en lui massant la poitrine. Et la partie commença.

Sous le manteau, Sha était nue, totalement nue. Ainsi, quand Agrat le lui ôta, elle exhiba le corps de l’Ombre sans aucune protection. Délicieusement nue, Sha s’offrait aux deux femmes. Elle n’avait pas un corps fin comme une brindille, mais plutôt ample, avec de magnifiques formes. L’Ombre se considérait comme une femme plutôt belle, avec une chevelure noire qui descendait jusqu’aux épaules, et elle sentit rapidement Aliona poser une main sur son sexe. Un frémissement traversa le corps de la femme, qui posa une main sur la tête de l’humaine quand elle commença à la sucer.

« Hmmm... »

Le baiser d’Agrat était très intense, et la femme, lovée contre elle, contre son flanc, alla palper ses seins, qui se mirent rapidement à pointer. Ses lèvres libres, Sha soupira de manière plus audible, et s’empressa de poser sa seconde main sur les fesses d’Agrat. La démone avait un beau cul, bien charpenté, musclé, le cul d’une guerrière, des hanches solides, et l’Ombre frémissait, sa queue enflant dans la bouche de la femme.

Quand Agrat pinça l’un de ses seins, Sha couina, et donna une petite gifle sur les fesses d’Agrat.

« Han oui, mes chéries, haaa... Suce bien, Aliona, hummm... Moi et Agrat, nous allons bien nous occuper de toi... Hmmm... »

Sha embrassa à nouveau Agrat, mordillant ses lèvres, et l’invita à prolonger l’expérience :

« Sors donc ta queue, ma chérie... Qu’Aliona nous prépare bien toutes les deux avant qu’on ne passe, ensemble, au plat de résistance...[/color] »

Et Sha ponctua cette phrase d’une nouvelle tape sur les fesses de la femme.