La situation était tout simplement irréaliste. Nümba se croyait en plein cauchemar. Les évènements se repassèrent un à un dans son esprit, revoyant sa venue à Dagla, ses compagnons, la cérémonie … Comment avait-elle atterrie ici ? On l’avait drogué. Ces deux hommes, et cette femme. C’étaient eux ! Pourquoi, qu’avait-elle fait ? Elle s’était rendue compte finalement, après les révélations du meneur du rituel, que tout ceci n’était qu’un coup monté par les Originels. Ces maudits rejets de la Nature, qui osaient parasiter son habitat le plus pur et sacré qu’était cette forêt ! La druidesse, fortement endoloris par la peur et les résidus de la drogue, commençait à vouloir se libérer en gesticulant des bras et des jambes. Mais elle constata bien rapidement que les chaines étaient incroyablement épaisses, et démesurées par rapport à elle. Elle ne voulait pas mourir, elle ne voulait pas souffrir … Et surtout ne pas servir de cobaye pour ces impies. Son cœur battait très fort, la peur et le stress la gagnant en un rien de temps.
Pourtant, malgré tous ses efforts pour gesticuler, elle ne parvint guère à grand-chose. Reprenant lourdement son souffle, la jeune femme bascula sa tête du côté du meneur, du mystérieux homme dont le visage, à cause de la flamme bleue qui la séparait de lui, ne pouvait être clairement vu. Et en revoyant cette flamme, sa peur prit encore une autre mesure. Les Originels ont toujours cru dur comme fer au mythe des Idoles. C’était d’ailleurs l’un de leur but, et de nombreuses tragédies avaient eu lieu à cause de cet entêtement irrationnel. Même si le clan d’où venait Nümba croyait en l’existence de ces Idoles, autrefois, ils savaient que la légende était terrible. Dans la théorie, pour qu’une Idole revienne à la vie, il fallait qu’elle trouve un/une hôte, grâce à un rituel se faisant appeler «
Aiu ». Le but était de projeter les restes de l’Idole, à savoir son essence primaire, ayant survécu au travers les âges, dans l’hôte. Ceci aurait pour réaction de faire fusionner, totalement et irrémédiablement, l’hôte et l’Idole, et provoquant ainsi le retour à la vie de cette dernière. Sauf que, cela ne marchait jamais … Car il fallait une âme pure et si puissante, qu’elle pourrait encaisser le coup, en quelques sortes.
Or Nümba n’était pas de cette acabit. Du moins le pensait-elle. Complètement affolée, elle se mit à pleurer contre sa volonté, ses nerfs lâchant complètement.
« V-Vous êtes des monstres … Je vais mourir, et vous le savez ! Aucune âme n’est digne des Idoles, vous êtes des criminels en puissance ! » S’exclama-t-elle en tentant à nouveau de se défaire de ses chaines, sans succès. Toutefois, le meneur du rituel laissa planer un silence, avant de reprendre la parole d’un calme étrange, s’engageant alors dans une courte, mais clair explication. L’homme révéla alors pourquoi les Originels l’avait choisi, et pourquoi pensaient-ils que cela allait marcher. Selon ses dires, Nümba n’était pas comme les autres, elle possédait un ingrédient essentiel. Son âme. Son discours fut tout autant surréaliste, pourtant il n’était pas inconnu aux oreilles de la druidesse. Les Originels pensaient dur comme fer que Nümba était la réincarnation d’une ancienne et mythique shamane, ayant existé dans un temps reculé. De fait, son âme n’était pas celle d’une simple mortelle, mais celle de cette puissante shamane, dont l’essence et la pureté avaient atteint de tel proportions, que cela pouvait être suffisant … Pour devenir une Idole.
Nümba ne pouvait que peu contester, puisqu’elle-même, quand elle vivait parmi les siens, avait entendu parler de ces légendes et de cette
rumeur sur sa personne. Un jour, sa mère lui avait raconté comment était-elle venue au monde, lui racontant alors le rêve qu’elle avait fait. C’était effroyable à dire, et à concevoir, mais plus l’histoire avançait, plus tout semblait donne raison aux Originels … Mais cela ne justifiait en rien leurs crimes. Les larmes coulèrent sur les joues de la druidesse, qui perdait espoir. Sa vie allait-elle réellement prendre fin maintenant ? Allait-elle réellement ne plus jamais revoir la lumière du jour ? Elena, Adamante ? Allait-elle réellement partir … Sans avoir eu la chance de leur dire adieu ? Elle ne voulait pas y croire, mais sa peur et sa tristesse étaient beaucoup trop grandes et l’emportèrent, la faisant encore plus pleurer à chaude larme.
Le moment fatal arriva, quand les flammes bleues se mirent à réellement s’agiter. Les impies étaient dispersés autour d’elle, mais finirent par s’écarter quand la flamme bleue oscilla. Le meneur du rituel commença alors à prononcer des incantations en druidique, la langue pure et noble des druides. Nümba, dans un dernier sanglot et espoir, se mit à murmurer des pardons.
*Pardon ma Reine … Pardon Adamante … Je vous ai failli … Pardonnez-moi …* Répéta-t-elle inlassablement, comme en transe. Tout était perdu, elle allait perdre la vie comme les innombrables victimes ayant succombées aux folies des Originels, qui croyaient réellement pouvoir un jour faire revenir une Idole. Cependant, le rituel ne laissa guère le temps à la druidesse de finir ses mots. Quand le meneur prononça un mot, bien précis, les flammes commencèrent à trembler et à prendre une ampleur gargantuesque, s’élevant jusqu’au plafond de la salle.
« Non … PITIE !!! » Cria Nümba une dernière fois, voyant ce spectacle cauchemardesque … Qui se rua à vive allure vers elle.
Et dès cet instant, tout commença. Le feu s’éprit complètement du corps de la druidesse, sans la brûler. Du moins physiquement. Car Nümba sentait une douleur indescriptible
en-elle. Une douleur physique, atroce et inimaginable, mais qui n’était pourtant pas en train de la mettre en péril physiquement.
« HAAAAAAAAAAAAAAAAA !!! » Hurla-t-elle alors, se crispant de tout son être, son dos formant un curieux arc de cercle tellement était-elle en train de se tordre. Les chaines la retenaient fermement, bougeant à peine sous la force de ses gesticulations. Le feu finit par s’éteindre, non pas de lui-même. Il sembla pénétrer à l’intérieur du corps de Nümba, par ses yeux et ses lèvres, à une vitesse vertigineuse. Quand le feu n’était plus, Nümba cessa de bouger … Totalement. Son dos tomba lourdement sur la surface de l’autel, sa poitrine n’oscillait plus. Un long et inquiétant silence s’installa, après une telle tourmente. Que se passait-il ? À l’extérieur, rien pour le moment, mais à l’intérieur … Tout était différent.
Nümba était tombée dans une inconscience temporaire. Elle ne savait pas où elle était, ni comment une telle chose était possible, mais elle voyait une femme, entourée de brume. Elle s’en approcha, et quand elle fut assez présente, la silhouette se révéla toute à elle. Une montagne de muscle et de veines, mesurant presque dans les deux voire trois mètres de haut. Une femme, mais … Qui ressemblait plus à un taureau qu’autre chose. Ses yeux étaient rouges comme le feu, brillant d’une aura extrêmement maléfique et puissante. À peine son regard perçu cette silhouette, que celle-ci se mit à parler, mais en répétant uniquement une séquence de mot … Qui donnèrent des sueurs froides à Nümba.
« JE SUIS NÜMBA … JE SUIS NÜMBA … JE SUIS NÜMBA … » » Répétait en boucle la silhouette, de sa voix grondante et terrifiante. Le détail qui changea tout, était que plus elle le répétait, plus Nümba avait mal et se tenait la tête. Elle aurait tant voulu lui sommer d’arrêter, car la douleur devint rapidement intolérable. Craquant complètement, elle hurla alors, dans le but de la faire taire … Mais autre chose sortit de ses lèvres, contre sa volonté.
« JE SUIS ABRO … JE SUIS ABRO … » Cria-t-elle, se surprenant elle-même à dire une pareille chose. Elle hurla, encore et encore, voulant au départ lui sommer d’arrêter de parler.
Mais plus elle hurlait, plus la douleur s’estompait. Nümba ne se rendit pas compte que finalement la douleur disparue complètement, et qu’elle se mettait à hurler encore et encore, non pas pour clamer le silence, mais … Car elle
devait dire ces mots. Elle commença à se sentir toute chose, et alors qu’elle répétait ses mots en même temps que la silhouette, la brume disparut et révéla alors l’ultime vision qui scella le destin de la druidesse … C’était comme si une surface d’eau était figée dans l’espace et le temps. Une marre liquide et transparente, qui était l’origine de cette silhouette … Qui ne révéla alors ni plus ni moins le reflet de Nümba.
« JE SUIS ABRO … JE SUIS NÜMBA … JE … SUIS … NÜMBA !!! » Hurla-t-elle d’une dernière fois, admirant alors qui était réellement cette silhouette ; elle. Ou plutôt, ce qu’elle était devenue ;
Abro, l’Idole mythique de la Force et de la Nature. La femme n’était qu’un reflet depuis le début, et quand Nümba le vint, elle constata qu’elle n’était devenue autre que cette femme immense et bodybuildée à outrance. Un sourire carnassier s’affichait sur ses lèvres alors que ses yeux rayonnaient encore plus de ce rouge sang.
La réalité arriva à nouveau. Et ce fut alors la concrétisation de ce qui venait de se produire. Nümba rouvrit subitement les yeux, qui avaient virés à ce fameux rouge. Son corps se mit à trembler violemment, et une aura de la même couleur que la précédente flamme entoura son être. Poussant un grand hurlement, d’une voix qui n’était pas la sienne, ses dents se serrèrent, tout comme ses mains et ses muscles. Un vrombissement retentit, alors que la peau de la druidesse se mit à onduler. Les Originels s’écartèrent, et le meneur continua ses incantations, d’une voix inébranlable. Et plus il les récitait, plus Nümba s’agitait comme une possédée. Bientôt, des macabres bruits d’os craquant se firent entendre, alors qu’au même moment, ses veines se mirent à gonfler. Muscles crispés au maximum, on aurait dit qu’elle allait imploser tellement ses veines étaient surchargées. Et pourtant, ce fut autre chose qui se produit. Au bout d’un moment, l’aura s’intensifia, et la pauvre druidesse entama la phase final de sa transformation.
La peau de Nümba trembla, puis sembla s’agrandirent, encore et encore. Et le plus frappant, était que ses muscles prirent rapidement en mesure. En vérité, tout le corps de Nümba commença à augmenter en volume, sous des bruits atroces et ses cris. Ses muscles grossirent à outrances, elle tremblait toujours, et elle grandissant d’une manière disproportionnée. Bientôt, les chaines apparaissaient bien trop courtes et petites comparées aux poignets de Nümba.
« GRAAAAAAAAAAAAA !!! » Cria-t-elle, alors qu’elle continuait de se métamorphoser rapidement en une montagne de muscles et de veines. Sa taille augmenta, et plusieurs changements s’opéraient. Ses cheveux frisèrent d’avantages, formant alors une impressionnante masse sur sa tête. Son nez s’élargit un peu plus, tandis que ses formes et rondeurs féminines laissèrent places à une musculature démentielle, qui tendait toutefois à respecter une morphologie vraisemblablement féminine. Des tablettes, des gros biceps, tout était en train d’apparaitre …
Un énième hurlement, et Nümba prit tellement en masse que sa robe explosa, se faisant totalement réduire en lambeaux, laissant alors apparaitre son corps et les sillages profond de sa peau noire et épaisse, témoignant d’une musculature extrême et ahurissante. Ses sous-vêtements ne tardèrent guère à céder aussi, achevant de la mettre totalement à nue.
« RHAAAAAA OUIIII ! ENFIN LIBRE !!! LIBRE !!! GRRRRRRRR !!! » Hurla-t-elle, alors qu’elle arracha violemment ses chaines. La transformation se termina au moment où elle se redressa, puis qu’elle sauta de l’autel. Quand elle atterrit sur ses pieds, la pièce entière trembla. Prenant une grande inspiration, elle courba le dos vers l’avant, bombant sa poitrine musclée en avant, penchant la tête en arrière.
« JE, SUIS, NÜMBA ! » Cria-t-elle, alors que toute l’assemblée constata le retour de l’Idole. Complètement nue comme un ver, l’Idole haletait, et présentait une hargne sans pareille, à un tel point qu’elle respirait comme un taureau. Sa taille et sa corpulence était monstrueuse, avoisinant dans les deux voire trois mètres de haut, et devant faire deux ou trois fois son poids en muscle. Ses yeux rouges étaient intenses, alors qu’elle surplombait chaque personne de par sa taille inhumaine. Elle était devenue une vraie montagne de muscle. Sa main pouvait contenir à elle seule trois voire quatre tête humaine, et pas des petites.
Le rituel avait fonctionné, et désormais … Plus rien n’allait être comme avant. Nümba n’était plus la druidesse d’autrefois … Elle était devenue, mot pour mot, l’Idole qui se faisait autrefois appelée
Abro.
« RAAAAAAAAAAAAH ! » Hurla-t-elle de sa voix grondante et caverneuse, visiblement enjouée d’être enfin
libre …