Un mois. C'est le temps qu'a mit le nouveau corps de Daclusia pour supporter le poids de l'âme de celui-ci. Au début, c'est toujours pareil: des difficultés à bouger, les articulations raides, et l'esprit embrumé. Mais maintenant, il avait réussit à récupérer pratiquement à 100%.
La raison de ce changement? S'amuser. La vue d'un enfant s'apprêtant à vous charcuter... ça a toujours son petit effet.
Et puis... Daclusia avait négligé ses aptitudes de changeforme ces temps-ci. Il n'avait pas pu se créer autre corps que le sien en plus jeune. Maintenant, il devrait voler l'information génétique d'un être avant de pouvoir se transformer. Et ce n'est pas sûr qu'il puisse voler l'apparence d'un adulte... Pour le moment.
Mais ce qui l'intéressait aujourd'hui, c'était de retrouver une proie du passé, qui lui avait particulièrement plut... Une jeune fouine...
En fourrant son nez à droite à gauche, et en usant de force quand nécessaire, il avait fini par retrouver la trace de la jeune fille.
Arrêtée par les services sociaux, et maintenant inscrite au pensionnat du lycée de Seikusu, où, parait-il, suivant certains élèves, elle serait la dernière de classe, ainsi que celle qui se prendrait toutes les punitions. Avait-elle des amis? En tout cas, aucun de ceux à qui il avait posé -plus ou moins gentillement- la question ne l'était.
Plusieurs jours, il attendit, observant sa proie évoluer. Elle faisait peine à voir, même pour lui. Et maintenant, il avait presque un élan de compassion pour elle... Ou pas. De la compassion? Et puis quoi encore?
Vint le jour de la sortie scolaire à la piscine, comme toute les semaines. La différence, c'est que cette semaine on avait forcé la Fouine à y aller. Marie-Catherine de son prénom. Touchant, vraiment.
Quoi qu'il en soit, Daclusia avait préparé son plan d'approche. Et l'élément qui allait enclencher le processus venait d'arriver... Un élève, retardataire, était en train d'enfiler maladroitement son maillot. Des yeux typés occidentaux, un corps svelte et élancé, le teint bronzé, et des cheveux courts et noisette, allant de pair avec sa paire d'yeux vert menthe. Ce serait une parfaite couverture.
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Extinction des lumières. Soupirant, le jeune homme, encore en train de se changer, demanda qui jouait avec les lumières. Pas de réponse. Il s'avança vers l'interrupteur, quand il remarqua quelque chose. Il sentait un souffle. Il n'était pas seul dans ces vestiaires. Ce qui le dérangeait, c'était que ce quelqu'un voulait resté caché, et que sa respiration avait quelque chose de malsaine.
Se plaquant à un mur, il scrutait l'obscurité à la recherche du moindre mouvement. Soudain, une forte douleur dans le dos de la tête. Il avait été frappé par l'arrière, mais dos au mur, comment cela se pouvait-il? Il frappa dans le vide, tentant, tant bien que mal, de toucher son agresseur, sans succès. Plusieurs autres coups, de plus en plus violents. Ce n'est qu'à ce moment que le jeune homme pensa à fuir, courant tant bien que mal vers la sortie.
Trop tard. Il sentit comme une lame lui transpercer le dos, et alors que ses yeux se levaient pour voir le bourreau, sa bouche s'ouvrait lentement, transfigurée, dans un hurlement de douleur muet. Il se sentait absorbé. Tout devenait noir. Tout devenait froid. Et soudain... Plus rien.
Un être humain était mort sur cette Terre.
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Ordres et instructions presque hurlées dans un mégaphone, élèves exécutant, en rythme, ces mêmes consignes, sans broncher. D'un côté, les vestiaires. De l'autre, les vitres. Au milieu, le bassin. D'un côté, une noisette qui sort des vestiaires, souriant. De l'autre, une fouine, regard dans le vague, qui envie l'en dehors de la cage. Au milieu, des moutons qui se noient.
Avançant tranquillement, en sifflotant, vers la piscine, et se faisant réprimander pour son retard, la noisette exécuta quelques longueurs, quelques exercices. Après un moment, la noisette s'extirpa de la marée de moutons, et observait la Fouine. Elle avait l'air si seule... Si seule...
" Hé bien, tu ne viens pas nager avec nous? Tu n'aimes pas ça? "
La noisette se gratta l'oreille. La plupart du temps, on ne venait pas s'enquérir de la santé de notre prédateur naturel. Une noisette ne fait pas ami ami avec un rongeur. Et puis pourquoi pas après tout?
" Je m'appelle Chami, mais tu peux m'appeler Noisette. Et toi, comment t'appelles-tu? "