Elle savait son amie aveugle, bien entendu, mais elle savait aussi qu'elle avait ses propres...
moyens de reconnaissances sur les lieux qui l'entouraient. Leurs grandeurs, la richesse qui en découlait ne devaient pas lui échapper, comme le fait qu'elles soient seule dans la grande pièce ou que l'air qui passait doucement entre les portes ouvertes, faisant tranquillement se mouvoir les rideaux de soie leur caressait le visage.
Il ne fallait pas sous-estimer cette femme au combat, et Sela ne l'avait jamais fait.
Elle fut aussi heureuse de voir un sourire franc se dessiner sur le doux visage de son amie et ancienne partenaire de front dans de nombreuses occasions. Fiore avait fait partie intégrante de l'armée Ashnardienne ennemie, auparavant, pourtant ; elle ne tenait pas celle-ci dans son cœur. Maintenant Sela savait qu'elle s'était retirée, vivait seule et par des moyens plus simples. En somme, une vie tranquille.
La jeune esclavagiste eut un rire clair à ses mots. Tout comme elle était particulièrement attachée à la boisson, elle ne refusait jamais un verre d'alcool, pas même à elle-même. Elle prit alors place en face de Fiore, élégante et forte, mais c'est surtout cette force qu'elle irradiait qui pouvait percuter son ancienne amie. Depuis les dernières années, Sela avait prit en plus de cette force, plus d'agilité encore, et une souplesse d'esprit à toutes épreuves, entraînée et dans la fleur de l'âge.
Elle tendit le bras vers une petite table basse posée non loin, servit deux verres d'une bouteille d'alcool disposée à ses soins et tendit un des deux verres à son invitée, l'effleurant légèrement pour lui rendre la tâche plus simple. C'était un bon alcool, fruité, un d'une valeur sûre que Sela pratiquait lorsqu'elle n'était pas dans sa meilleure humeur.
Fiore était elle aussi resplendissante à sa manière. Son visage était éclairé, ses magnifiques cheveux cascadaient fièrement sur la courbure de ses épaules, chatoyants d'une couleur pure que sa propriétaire n'avait pas même l'occasion de voir. Son habit aussi, volatile et féminin, semblait avoir été choisi avec précision, et il épousait parfaitement ses formes.
-Tout ce que je peux dire, c'est que tu es resplendissante.Sela n'était certainement pas du genre à cacher sa réussite, quitte à paraître presque vantarde à certains moments. Mais il fallait la comprendre : cela avait été un des principaux buts de sa vie, sortir de la misère dans laquelle des gens l'avaient fourrée, s'extirper par ses propres moyens des bas-fonds où elle avait été jetée, comme si cela avait suffit pour ruiner sa vie. Et bien, cela n'avait pas marché, et elle le démontrait tout les jours un peu plus, s'enrichissant et faisant marcher un commerce qui allait en grandissant. Mais même si elle portait toujours cette fierté en elle, c'était bien loin d'être de la vanité.
-Ça, je ne saurais dire, dit-elle après avoir avalé un gorgée de son élixir, un sourire doux au lèvres qui pouvait transparaître dans sa voix.
Je me suis enrichie, j'ai trouvé une place parmi ces riches commerçants avec qui je traite tous les jours. C'est ma réussite. Mais je pense que tu as aussi eu la tienne, et que tu l'apprécie encore aujourd'hui.Elle parlait par ceci de sa tranquillité, et des vengeances qu'elle avait eut contre ses ennemis. En cela, Sela était plus malheureuse qu'elle. Elle n'avait pas encore eut sa revanche sur lui.
-Mais que fais-tu de ton temps libre, dis-moi ? Je sais que tu te caches d'eux. Et que sais comment te protéger. Mais avances-tu ?Elle souhaitait aborder avec elle un sujet plus fâcheux, mais qui lui tenait à cœur. Elle voulait savoir si Fiore était complètement heureuse, aujourd'hui. Ou si il lui
manquait quelque chose pour vivre vraiment et pleinement. De l'action, un vrai job, des connaissances avec qui s'entourer ? Sela pouvait peut-être lui procurer tout ceci. Elle n'oubliait pas son amitié.
6 ans plus tôt.L'adrénaline courrait dans ses veines. Couteaux en mains, lame à chaque coin de son corps, Sela esquiva le coup, l'homme fut déséquilibré et emporté dans son élan tandis que la jeune femme se déportait légèrement sur la droite pour le laisser passer. Mais un autre lui fonçait dessus, elle se retourna vivement et projeta son poignard en avant, envoyant son poing à l'autre qui se relevait. La lame s'enfonça dans le corps du premier, le poing percuta une côte du deuxième. Sela retira la lame du corps, se retourna vers son deuxième agresseur lui trancha la gorge, puis envoya son pied au survivant qui tenait son ventre en sang, le talon de la mercenaire percutant là où elle l'avait poignardé. On entendit un bruit inquiétant de côte qui se brise et l'homme ne put retenir un cri de douleur, alors que Sela se retournait vers lui et lui assénait un coup qui lui fut fatal.
La jeune femme se releva doucement. Elle portait
un masque ensanglanté. Elle se tenait droite dans un tunnel suintant, enfouie dans les sous-terrains mal famés des bas-fonds. Elle essuya sa lame sur le tissu de sa tenue pourpre et se dirigea d'un pas sûr vers la sortie du tunnel, tournant froidement le dos à ses agresseurs morts. Un cadeau signé Al-Owal, elle avait reconnu leurs méthodes de combat ; il ne servait à rien de les interroger car ils n'étaient pas du genre à parler beaucoup. Elle avait été entraînée par sa propre fille. Elle prit soin de se changer dans le salon de Stanborn avant de continuer sa route.
Elle avait un rendez-vous aujourd'hui, semblait-il. Quelqu'un avait su où la contacter, et le message lui était parvenu par Stanborn lui-même. Apparemment, le nom de
La Louve avait couru et dépassé sa propriétaire. Elle ne connaissait pas la femme qui demandait à la voir ; elle n'avait pas dit grand chose sur elle, sûrement portait-elle une identité
secrète tout comme elle portait son masque de louve.
Sa jeunesse intrépide, alors qu'elle arborait fièrement ses 19 ans, ne semblait pas avoir peur de l'inconnu. Elle avait hâte de savoir à qui elle avait affaire. Ce n'était pas rare qu'on lui quémande des services, elle était connue pour faire le sale boulot et transmettre des messages pour le moins... douteux. Mais elle n'en était pas moins intriguée.
C'est d'un pas engagé qu'elle se rendit donc au lieu convenu du rendez-vous : une lieu qu'elle n'avait pas elle-même choisi. Lorsqu'elle se présenta, cachée sous son masque, la femme était déjà là.