Un deuxième coup de feu retentit, et la jeune femme sursauta violemment, sans pouvoir s'en empêcher. Elle parvint à retenir le cri que certains autres otages poussèrent. Elle était trop choquée maintenant pour ne serait-ce que remarquer Masaru qui regardait frénétiquement dans tous les sens, analysant toutes sortes de choses dont la jeune femme n'avait pas même conscience. Elle sentit son étreinte se serrer plus encore. Les yeux perdus dans leur contemplation des fusils levés, des meurtriers en noir. Le regard jonglant éperdument entre la jeune femme allongée dans son propre sang, morte, et l'homme encagoulé qui lui avait tiré dessus.
Soudain, Masaru se détacha d'elle. Sa présence se retira, et se fut comme un choc de plus pour elle, comme si c'était son seul pilier qui disparaissait, la laissant sans repère, malgré la douce main qu'elle sentit sur sa joue, le temps d'une seconde. Le calme s'empara peu à peu d'elle, acceptant, et elle hocha lentement la tête en entendant ce qu'il disait. Un plan ? Mais quel plan pouvait-il bien avoir dans une pareille situation ? Elle aurait voulu le retenir mais n'osa pas, après tout, mieux valait agir plutôt que de se laisser tuer sans raison. Elle fronça les sourcils, terriblement inquiète et, malgré le calme qu'elle réussissait petit à petit à maintenir, une frayeur profonde. Elle aurait détesté qu'il meurt, à cet instant. Profondément détesté.
-Fais gaffe, lui souffla-t-elle, comme si ça pouvait bien changer quelque chose. Elle était passée du vouvoiement au tutoiement, sans même s'en rendre compte, dans un ton bouffé par l'inquiétude et la peur.
Elle se força à détacher son regard de celui de Masaru, une froide terreur lui grignotant le ventre. Elle ramena ses jambes contre son ventre, les entourant de ses bras nus, dans un position purement protectrice. Comme pour se cacher de leurs regards accusateurs.
Les hommes commencèrent à vociférer, rudement, s'approchant inexorablement de leur table. Heureusement, elle était située dans un coin du restaurant, mais se fut un détail quand Jo posa à nouveau son regard sur le cadavre de la femme. Un des hommes encagoulés s'approcha d'une jeune femme, lui hurlant au visage alors qu'elle sanglotait pas à coup. Jo avait peur, Jo se souvenait des mauvaises choses qui lui étaient arrivées qu'elle aurait préféré oublié, et Jo aurait voulu se lever, pour que tout s'arrête.
Et d'un coup, les plombs sautèrent. Tout s'éteignit, et on entendit un bruit mat, sourd, comme si quelqu'un avait chuté. Durant une seconde, se fut le silence complet. Jusqu'à ce qu'un bébé pousse un gémissement, et Jo se reprit.
Que c'était-il passé ? Était-ce Masaru ? Les terroristes s'en étaient-ils allé ?
Dans la confusion, personne ne sembla régir. Joana se tourna vers le professeur, paniquée de nouveau, sans le trouver. De rage, par son impuissance, elle songea alors à troquer ses yeux pour ceux du chat. Ainsi, pour elle, la vision lui revint peu à peu, étrange.
Elle se leva précipitamment, évaluant la situation. Elle était dans un état de transe. Elle devait agir. Lorsqu'elle remarqua les trois hommes en noir affalés, à terre, elle s'exprima, criant pour que tout le monde l'entende :
-PARTEZ D'ICI !!
Étaient-ils morts ? Peu importe se dit Jo. Si ils se relevaient, elle les tuerait, comme elle en avait tué d'autres, de la même manière perfide et incongrue. Mais pour l'instant, tout le monde s'enfuyait, renversant chaises et plats froids, dans un brouhaha terrifiant. Personne ne faisait attention aux autres, cherchant à fuir au plus vite. Personne ne prit le temps de voir si leurs assassins étaient bien morts, ni des clients morts qui gisaient au sol. Et Joana non plus. Tout ce qui l'intéressait à présent, c'était fuir.
Mais pas sans le professeur. Où était-il ?
Puis elle le vit, affalé entre les chaises. Pourquoi c'était-il évanouit ? Qu'avait-il fait ? Pas le temps de réfléchir. Elle ne pouvait pas le transporter sous forme humaine, mais elle se jura qu'elle ne partirait pas sans lui. Partir où ?
Elle laissa sa question en suspend, et se pencha vers l'homme qui respirait par à coup. Il était à peine conscient.
-ебать, merde !
Elle renversa la table et s'accroupit. Sans chercher à le ménager, elle glissa ses bras sous son dos et ses genoux, le soulevant sans difficulté apparente. Elle avait emprunté sa force au gorille, et ses bras avaient étrangement grossit, presque singe. Pas vraiment sexy, mais elle le transporta facilement vers la cuisine, cherchant une sortie plus discrète. Merde, dans quoi s'était-elle fourrée ? Elle qui voulait de l'action, elle était servie. Le cœur au bord des lèvres, elle trouva rapidement la sortie arrière, priant pour ne pas faire de mauvaise rencontre.
Elle déboucha sur une ruelle vide, donnant sur l'entrée des immeubles du dessus. Jo avait souvenir qu'il habitait là-dessus, mais comment savoir quelle maison était-ce ?
Elle le déposa doucement sur un banc, réfléchissant activement à un moyen de le réveiller. Elle se pencha sur lui, reprit son pouls, le secoua. Il broncha un peu. Elle eut un sourire, ne voyant même pas les larmes qui brouillaient sa vue.
-Réveilles-toi, bon sang ! Réveilles-toi ! Puis elle se souvint brutalement, et commença à sangloter doucement. Ils sont morts, on les a laissé... Là-bas. On les a laissé là-bas ! Morts !
Il fallait qu'il se réveille. Elle ne pouvait pas le ramener chez elle dans cet état, et il ne pouvait pas la laisser toute seule sans explication. Elle lui prit le bras, les genoux nus contre le sol poisseux, toute son attention sur son visage. Un filet de sang coulait du coin de ses lèvres.