SAMARA
Unhazaal Dovahiiz... Le nom n’était pas totalement inconnu aux oreilles de l’Archimage. Terra abritait énormément de cultes et de divinités, ce qui, selon elle, s’expliquait par la magie ambiante. Terra abritait un potentiel magique incroyable. Son sol était riche en mana, et la magie se trouvait partout, irradiant d’un bout à l’autre du monde. Les Dieux se servaient de cette magie pour exister. Le lien divin, ce lien sacré unissant une divinité à ses cultistes, ne pouvait exister que par le biais de la magie, la magie étant alors prise au sens large du terme. Darthestar lui expliqua que Dovahiiz l’avait aidé à maîtriser la Chute des Glaces, mais qu’il était incapable d’utiliser un quelconque autre sort, et le lui prouva, en n’arrivant pas à soulever un simple objet. Un sort classique, qu’on enseignait aux débutants, aux étudiants et aux apprentis de premier cycle.
Darthestar lui expliqua cela par la suite :
«
Comme vous venez de le voir, je suis d'ailleurs toujours incapable de pratiquer des sorts de magie basiques, c'est tout bonnement hors de ma portée. C'est en partie la raison pour laquelle je considérais que la Chute des Glaces était un pouvoir divin que j'avait obtenu de ma vampirisation d'Unahzaal, lors de notre rencontre. Toutefois, en rencontrant Tora et Lorna, je me suis rendu compte que ça allait un peu plus loin que cela, comme vous devez vous en doutez. »
Samara hocha lentement la tête :
«
Je vois... Dovahiiz est une Déesse de Glace, de mémoire... Elle a dû vous aider à révéler votre potentiel, mais ce pouvoir n’est pas divin... La magie divine est l’apanage exclusif des Dieux. »
C’était aussi simple que ça. Chez Samara, les choses étaient souvent très carrées, ce qui, en soi, pouvait être critiqué. La magie, pour certains, était à l’opposé de la science. Elle avait, sur la question, un point de vue académique, voyant la magie comme une discipline scientifique, avec ses règles, ses notions, sa logique, ses exceptions, et son fonctionnement. D’autres personnes, généralement celles qui n’étaient pas issues d’une formation académique, avaient plutôt tendance à voir la magie comme une sorte de pouvoir mystique échappant à toutes les règles, conservant en soi un caractère mystique. Des débats conceptuels sans fin, et qui n’avaient pas spécialement leur place ici.
Darthestar maîtrisait un puissant sort magique, mais, visiblement, il ne comprenait pas du tout comment c’est possible. Il était comme un homme sachant appuyer sur la gâchette d’une arme à feu, mais sans comprendre le mécanisme faisant qu’actionner la gâchette déclenchait le tir. Malheureusement, la magie était un peu plus exigeante qu’un pistolet.
«
La magie a toujours été en vous, Darthestar. Elle est présente en chaque être vivant, mais de façon différente. Dovahiiz n’a fait que révéler son potentiel inconscient, et sa puissance de Déesse a permis de vous aider à contrôler ce sort. Le reste, il vous faut l’apprendre par vous-même, et c’est pour ça que vous êtes là. »
De sa démarche feutrée et élégante, Samara se mit à marcher, traversant le salon. Elle rejoignit un couloir, et fit signe au vampiroïde de la suivre. Sa queue caudale remuait dans son dos, flottant en l’air, et elle ouvrit une porte.
«
Par ici... »
La porte menait sur une salle de méditation magique, sans fenêtre. C’était une pièce ovale, et Samara ferma la porte derrière eux, les plongeant provisoirement dans l’obscurité... Juste le temps que des bougies et des chandelles s’allument dans les coins. Les murs étaient nus, le sol était en parquet luisant, et la décoration se limitait à un guéridon au centre, et à un petit meuble .
«
Déshabillez-vous, ordonna-t-elle simplement.
Nous allons commencer par évaluer votre potentiel magique. Mettez-vous nu, et attendez que le glyphe soit prêt. »
Jaillissant d’un des tiroirs du meuble, plusieurs craies blanchâtres s’envolèrent, de même qu’un livre. L’Archimage avait rejoint le guéridon, et le livre se posa dessus. Elle l’ouvrit calmement, et atteignit une double page. On pouvait voir, sur la page de droite, un schéma représentant un sceau magique, et, sur l’autre page, des explications. Samara ferma les yeux, et les craies filèrent sur le sol, se mettant à tracer le complexe sceau magique, traçant des courbes, des glyphes, des lignes, des formes géométriques. Les craies dansaient sur le sol, continuant à filer, encore et encore, jusqu’à ce que, au bout de plusieurs minutes, le glyphe d’ensemble ne finisse par apparaître.
Samara leva alors sa main, et la tendit vers le sol, doigts écartés. Elle murmura quelques mots, et les multiples lignes blanches se mirent à s’illuminer, formant des lueurs violettes et aveuglantes. La magie palpitait dans la pièce, vibrant sur place.
«
Ce sceau fait partie des différents types de sceaux que nous donnons à faire aux étudiants de fin de premier cycle, expliqua-t-elle.
Il n’a rien de difficile en soi. »
Les craies se redressèrent, et filèrent toutes se ranger dans une boîte, qui alla ensuite léviter sur le meuble de rangement.
«
Quand vous serez prêt, installez-vous au centre du sceau, fit-elle, en désignant un cercle se trouvant au centre de la curieuse forme géométrique.
C’est d’ici que nous pourrons exploiter tout votre potentiel... »
Du regard, Samara en profitait pour inspecter son sceau. Il y avait bien des barrières de protection. Un sceau magique était extrêmement difficile à faire. On les utilisait généralement pour invoquer des démons, et il suffisait d’une petite erreur, d’un manquement dans le tracé de seulement quelques millimètres, pour menacer l’intégralité du sceau. C’est là-dedans que tout le caractère rigide et strict de la magie s’exprimait. Aucune erreur n’était permise, ce qui, pour l’anecdote, faisait que, dans cette matière, les notes oscillaient réellement entre 0/2 et 18/20.
ALICE KORVANDER
En voyant la Princesse en robe de bain, avec les cheveux trempés et sa peau blanche légèrement rougie, Zyra écarquilla légèrement les yeux. Il fallait bien admettre que ce n’était pas un spectacle qu’on voyait tous les jours ! Elle resta cependant discrète, ne disant rien, tandis que, face à Alice, Minerve continuait à s’expliquer. Balthazar était pour elle un homme proche, aussi proche que pourrait l’être un parent... Un ami d’enfance. Alice hocha lentement la tête, restant toujours allongée, dans une position que Zyra trouvait affreusement sensuelle. La robe faisait pointer ses seins, et le pire, c’est qu’elle savait que la femme n’en faisait pas exprès. Alice était «
le Joyau de Sylvandell », et, en toute circonstance, elle restait fidèle à sa réputation. Elle avait hérité de la magnifique et redoutable beauté de sa mère.
Finalement, Minerve lui demanda ce dont Balthazar était accusé. La Princesse se mordilla les lèvres. Avait-elle le droit de le dire ou pas ? Elle qui avait étudié un peu le droit estima qu’il n’y avait aucun principe juridique s’opposant à ce qu’une personne sache ce pour quoi une autre personne était poursuivie, et elle répliqua donc, après quelques secondes de silence :
«
Darthestar est accusé d’avoir commis de multiples agressions dans les quartiers de la capitale, se limitant parfois à de simples agressions physiques pour se nourrir à des accusations de viol. Il est poursuivi notamment par un Maréchal, et j’ai, par le biais de mon avocat, réussi à obtenir qu’il soit déplacé de sa cellule à ici. Je trouve l’endroit un petit peu plus confortable... »
La définition que Minerve avait donné de l’homme ne l’aidait en rien. Un individu droit, «
d’une certaine gentillesse »... Des banalités susceptibles de s’appliquer à n’importe qui ! De même que le fait d’être un peu maladroit avec d’autres personnes.
«
Par ailleurs, reprit-elle,
votre description pourrait tout à fait s’appliquer à moi... Et même à Zyra. J’ignore si Balthazar est Darthestar, mais je sais que Darthestar est un homme courageux et téméraire, qui n’a pas hésité à m’aider, moi et mon royaume, quand l’urgence s’en faisait ressentir. Pour cela, j’ai choisi de l’aider, mais vous devez bien comprendre que sa situation est dangereuse. Il s’est fait de puissants ennemis, qui souhaitent ardemment le voir mourir. »
Autrement dit, la partie était loin d’être gagnée pour lui.