Le
bateau mouillait au large de la baie de Seikusu, formant comme une bouée silencieuse de moins en moins visible au fur et à mesure que Lara descendait en profondeur. Elle se trouvait encore dans la Zone Économique Exclusive du Japon, une manière de dire qu’elle n’était donc pas tellement éloignée que ça du rivage. Depuis le pont, on ne voyait Seikusu qu’en utilisant des jumelles, le port apparaissant au loin. Il y avait de multiples îlots flottant ici et là, formant comme autant de récifs meurtriers en pleine tempête. Fort heureusement, la navigation était facilitée la nuit par de multiples bouées balisant un chemin sûr... Mais tous les navires n’avaient pas eu cette chance.
Portant sa
combinaison de plongée noire aux bords jaunes, Lara avançait dans les profondeurs de la mer, portant dans son dos une bonbonne à oxygène. Une lampe-torche était fixée à sa poitrine, éclairant les fonds marins, faisant fuir une multitude de poissons. Il y avait du corail rouge sur le sol, et de profondes crevasses qui s’enfonçaient dans les profondeurs abyssales de l’océan. Lara avait plongé près de la délimitation entre deux plaques tectoniques : la plaque des Philippines, et la plaque eurasienne. Il y avait ainsi, parfois, de profonds trous, et elle espérait que le bateau qu’elle recherchait n’était pas tombée dans l’une de ces crevasses quand il avait fait naufrage il y a plusieurs siècles.
*
Je vais devoir remonter, ma bonbonne est presque vide...*
Dans la capitainerie, Lara avait obtenu des informations sur un navire qui s’était échoué au large de Seikusu. Le bateau était un galion portugais mené par les Jésuites, et qui étaient venus au Japon au début du 17
ème siècle, dans le but de développer le christianisme au Japon. Cependant, le galion n’était jamais arrivé à destination. À l’époque, Seikusu n’était qu’un petit port secondaire occidental, une sorte de campement fait par les Portugais, avant de devenir officiellement une commune japonaise quand la position du gouvernement japonais s’était durcie à l’égard des étrangers venant importer leur culture chez eux. C’était une période de l’Archipel connue comme l’ère du
Nanban, soit une époque commerciale avec les étrangers qui avait duré environ un siècle, avant que le Japon, vers le milieu du 17
ème siècle, ne revienne à une approche isolationniste. Lara avait fait ses devoirs, et elle savait que, à cette époque, il était fréquent que bien des navires disparaissent en pleine mer.
Ce galion avait fait un long voyage, de Lisbonne jusqu’au Japon, en longeant toute la côte africaine pour remonter le long de l’Océan Indien, emportant avec lui, outre les Jésuites, des commerçants. Lara soupçonnait que le galion avait servi à vendre des esclaves, et avait mené une enquête depuis le Portugal. Nathan lui avait servi à quelque chose, car il était retourné en Europe, et elle en avait profité pour lui demander de se renseigner à Lisbonne. En épluchant les registres portuaires, il avait découvert plusieurs actes administratifs concernant ce galion, notamment son personnel. Le chef de l’expédition jésuite était Bartholomew Dellariveo, et les recherches de Lara sur les artefacts, à Seikusu, l’avaient amené à penser que ce Bartholomew en avait eu un en Afrique, et devait l’amener à un contact au Japon. Bartholomew faisait partie de la même organisation que celle à laquelle son père avait fait partie, un ordre archéologique très ancien qui avait voyagé dans le monde pour s’étendre, en ayant pour but la conservation des ressources archéologiques de l’Humanité. Dellariveo était mentionné dans les registres de cette organisation, registres figurant en partie dans le manoir familial. Tous ces éléments avaient donc conduit l’archéologue richissime à mener des recherches sur Dellariveo. Il avait disparu en pleine mer, et Lara avait usé de son argent pour retracer le voyage du galion à travers les colonies portugaises. De cette manière, elle avait appris, il y a quelques semaines, que le dernier endroit où le galion de Dellariveo avait mouillé était dans les Indes orientales, son galion figurant sur un acte du Comptoir portugais en Inde, dans la ville de Diu.
C’est en fouillant les registres de Seikusu datant de cette époque qu’elle avait réussi à obtenir des informations sur une tempête violente qui avait eu lieu au début du 17
ème siècle. Plusieurs navires devant amener du ravitaillement avaient été coulés en pleine mer par cette violente tempête, et elle avait trouvé d’autres actes, datant des années postérieures, confirmant la présence de navires coulés dans les environs de la baie de Seikusu... Des pêcheurs attrapant par hasard une ancienne botte de marins, ou des individus se promenant le long de la plage, et apercevant des morceaux de coque qui flottaient sur le sable.
Depuis plusieurs jours, Lara fouillait les fonds marins pour retrouver ce galion, espérant y trouver des informations, mais c’était comme trouver une aiguille dans une botte de foin.
*
Lara, il faut vraiment que tu remontes !*
Elle vit plusieurs méduses, et soupira lentement, devant s’avouer vaincue pour le moment. La jeune femme se retourna, et suivit la corde noire qui la reliait à son bateau, formant une sorte d’ancre lui permettant de rejoindre le bateau. Quelques minutes plus tard, Lara réussit à sortir de l’eau, revenant à la surface, et soupira lentement, avant de grimper sur son bateau. Il y avait une table au centre du petit pont, avec une carte des fonds marins. Elle brancha sa bonbonne à un appareil, et entreprit de recharger la bonbonne, puis observa la région environnante. Il y avait plusieurs bateaux de plaisance qui apparaissaient parfois, ou encore des jetskis.
*
Peut-être que je devrais en profiter pour bronzer un peu...*
Il n’y avait aucun nuage dans le ciel, rien d’autre qu’un magnifique ciel bleu.
Lara n’était pas difficile à poster, car son nom figurait sur les registres du port de plaisance, correspondant au quai qu’elle avait loué pour y parquer son navire. La jeune femme ne s’attendait pas spécialement à recevoir une visite.