L'uniforme était une nouveauté pour Tom. Capable du meilleur comme du pire, l'uniforme japonais moulait les formes des filles, laissant peu de place à l'imagination, mais Tom avait depuis la rentrée craint le pullover bleu marine qu'il s'inventait, dans son imaginaire stéréotypé, depuis qu'il regardait les séries américaines, qui ne manquaient pas de l'abreuver de clichés. Fort heureusement pour lui, il avait vite remarqué que bon nombre de jeunes de son âge snobaient royalement cette contrainte sans se voir réprimander. Il se tenait donc, dans la salle de classe, le soir, pour son dernier cour de la journée. Il arborait une tenue qui détonait volontairement avec les vêtements qu'arboraient généralement les adolescents : un polo lacoste rayé gris et blanc, un fin bermuda en lin couleur anthracite et une paire de Vans de la même teinte. Son emploi du temps l'avait informé qu'il se trouvait en cour de philosophie. Mais, même sans cela, il aurait très bien reconnu la matière au ton monocorde de la professeur. Une voix qui s'anima quant elle prononça la phrase fatidique :
« Bien. Maintenant, je vais vous rendre les copies de votre dernière rédaction. Un chef d'oeuvre de nullité. »
Enfin... fatidique, mais seulement pour une minorité de la classe dont Tom ne faisait pas partie. Il avait obtenu son brevet avec mention, et le bac ne semblait pas vraiment plus difficile, a fortiori à Mishima, on l'on aurait facilement pu obtenir les sujets six mois à l'avance, et sans débourser un seul sou.
Il n'était pas seul à peu se préoccuper de ses notes.
« Et maintenant, le grand final, avec Mademoiselle Ata qui nous gratifie d'une magnifique copie en C++. Vous savez, juste pour rire, j'ai tapé les lignes de code dans mon ordinateur. Même ainsi, votre note aurait été pitoyable. Même si j'ai bien aimée l'animation de chaton en haut de la page. Il serait donc de bon ton que vous restiez, ce soir, pour me refaire entièrement cette merveille. »
La phrase avait déclenché bon nombre de fou rires, et tous les regards étaient à présent tournés vers la lycéenne aux cheveux argentés. Qui sourit elle même d'un air narquois.
À peine la cloche avait elle sonnée que la plupart des élèves se ruaient dans le couloir pour aller se lobotomiser le cerveau, anéantir le peu de neurones qu'ils leurs restaient devant un écran. Ata sortit sagement une copie double de son sac. Apparemment, elle savait au moins dissocier courage et témérité.
La professeure ne fit pas exception à la règle, sommant vaguement à Ata de rendre la copie, dans son casier, avant le lendemain matin.
Tom fit semblant de suivre le troupeau, mais dès que la vieille femme aigrie qui était censée leur enseigner la philosophie fut sortie, il rentra à nouveau dans la classe. Il s'assit négligemment sur une table avant de lancer à la jeune fille :
« C'est ton truc, de faire chier les profs, ou c'est juste avec elle ? »
Ata leva le nez de sa copie.