Une puissante force résidait dans ce manoir. Il était troublant, pour Mélinda, de ne l’avoir jamais senti, alors qu’elle était très proche d’elle. Seikusu était une ville riche, avec de nombreuses personnes, et, pour l’avoir senti, il aurait fallu que Mélinda ait beaucoup de chance, afin qu’elle se concentre sur cette femme. C’était maintenant ce qu’elle était en train de faire, alors qu’elle se tenait devant la porte d’entrée confortable manoir, inhalant la puissance de ce sang noble et ancien. Pour Mélinda, c’était enivrant, mais aussi dangereux. Les vampires n’étaient pas forcément amicaux entre eux, ayant plutôt tendance à s’entretuer et à se faire la guerre. Or, les circonstances ayant amené Mélinda à rencontrer cette femme étaient pour le moins houleuses : elle avait attaqué l’une de ses esclaves, et l’avait kidnappé. C’était, techniquement parlant, un casus belli. Il allait de soi que la petite vampire n’allait pas se jeter toute seule dans la gueule du loup. Bran l’accompagnait, et son grand-frère se posa sur le toit, dissimulant sa présence.
Elle fut accueillie par une créature qui ne dégageait aucun pouls, et comprit qu’il devait s’agir d’un androïde… Un modèle excellent, et qui trahissait la fortune de cette vampire. Mélinda ne laissa rien paraître de son émoi, heureuse de sentir, dans ce manoir, les battements sanguins de Tallulah. Son esclave était en vie, et c’était l’essentiel. Affaiblie, mais en vie. L’heureuse vampire s’en mordilla les lèvres, un petit sourire brûlant sur ces dernières, tandis qu’elle entrait dans le manoir, faisant signe à Bran de les rejoindre. Sans se poser de questions, l’homme descendit au sol, sautant en contrebas, un saut périlleux qui ne lui fit rien. Il portait un pantalon noir en cuir, et une veste du même acabit, ouverte sur un Tee-shirt blanc. Des vêtements simples, conçus pour le sport. Il entra derrière sa grande sœur, silencieux et massif, et Mélinda se retrouva rapidement dans un salon.
C’était une grande pièce, avec une cheminée lâchant un agréable feu de bois. La maîtresse des lieux était là, belle, avec une longue chevelure blonde, flamboyante dans une élégante robe chinoise qui, tout en masquant ses formes, parvenait à les mouler à la perfection. Mélinda était fan de ce genre de tenues, qui mélangeaient à la fois la sensualité et une certaine dose de perversion. Ce n’était pas pour rien, après tout, si elle-même portait des robes et en donnait à ses esclaves Oh, elle ne rechignait évidemment pas du tout sur les courtes tenues moulantes en latex ou en cuir, mais elle partait du principe qu’il fallait savoir varier les plaisirs et les sensations. De fait, Mélinda adorait littéralement sa belle robe dorée, une véritable réussite de son tisserand, une pièce unique. Elle était longue, ample, un ensemble de paradoxes et d’oppositions. On voyait tout, de ses longues jambes fuselées à l’ourlet de ses seins, tout en ne voyant rien, car elle recouvrait tout son corps. Elle semblait impossible à enlever, et elle était pourtant uniquement retenue par un lacet noir à hauteur de ses seins. Quand on le défaisait, la robe s’ouvrait comme les pétales d’une fleur s’écartant pour révéler le spectacle de son corps nu et séduisant.
Mélinda ne parla pas pendant de nombreuses secondes, jaugeant cette femme du regard. Amie ? Ennemie ? Étonnamment, elle qui était d’un naturel si suspicieux, elle ne sentait aucune intention malhonnête dans le regard de cette femme.
« Vous êtes Evangeline, donc… »
Ce n’était pas une question, juste un simple constat. Mélinda s’avança légèrement, ses sandales dorées à lacet serrant ses beaux pieds propres. Elle s’assit sans qu’on le lui invite sur l’un des confortables et énormes fauteuils du salon, posant ses mains sur les accoudoirs, tandis que Bran restait debout, jambes écartées, mains croisées dans le dos. Mélinda, elle, prenait ses aises, et, pour le prouver, ne tarda pas à croiser ses jambes, les redressant légèrement, un léger sourire rieur perlant sur le coin de ses lèvres.
Penchant légèrement la tête sur le côté, ressemblant alors plus à une petite fille joueuse qu’à une véritable vampire, elle se mit à parler, de sa douce voix fluette :
« Je dois bien vous avouer qu’il est assez rare que des vampires kidnappent mes esclaves... Mais je veux bien croire que vous ne le sachiez pas, et que tout ça ne soit qu’un quiproquo... Un heureux quiproquo, je l’espère. Pour une vampire solitaire comme moi, rentrer des congénères est toujours une bonne expérience à tenter. »
Ce faisant, Mélinda annonçait ses intentions pacifiques. Elle ne venait pas pour se venger.
C’était même tout le contraire.