La question de Nanami sur Mélinda interloqua Alice, qui essaya de réunir ses pensées. Oh, elle savait très bien que son amie était... Très particulière. Mélinda était une esclavagiste d’Ashnard, une femme qu’Alice appréciait beaucoup, mais elle était aussi très perverse...Terriblement perverse, même. À chaque fois qu’Alice venait sur Terre, elle se retrouvait, au manoir, à faire l’amour avec quantité de personnes, et à se retrouver dans des tenues moulantes particulièrement indécentes, subissant les assauts fougueux de la « Maîtresse ». Elle-même se risquait parfois à l’appeler ainsi, à force de rester en compagnie des humaines de Mélinda, des lycéennes de la Terre. Il était très bizarre de voir à quel point elles réussissaient à se comporter différemment, selon qu’elles soient dans le manoir, où elles étaient alors soumises et perverses, ou dans le lycée, où elles étaient beaucoup plus discrètes. Alice se doutait bien, toutefois, que les « amies » de Mélinda devaient avoir la réputation de former un cercle étroit. Quand on se regroupait chaque soir dans un manoir où le sexe était monnaie courante, il fallait naturellement s’attendre à ce que ça tisse un lien, à ce qu’un groupe étroit se forme, un groupe avec, en son centre, juchée sur son piédestal, la plus belle de toutes : Mélinda Warren.
Alice avait pleinement conscience que Mélinda était une femme arrogante, égocentrique, proche du narcissisme, mais, quand on connaissait, comme elle, son passé, on ne pouvait s’empêcher de la pardonner. Elle aurait pu devenir une créature monstrueuse, une esclavagiste sadique qui prendrait un malin plaisir à torturer et à mutiler ses esclaves. Au lieu de ça, elle était devenue une femme, certes violente et brutale, mais aussi douce, aimante, et étrangement compréhensive. Une femme assez insaisissable, une créature avec ses qualités, et ses défauts. Il fallait l’apprécier pour ce qu’elle était.
« Suis moi, avant j'ai un petit détour à faire. Je suis sûr que ça vas t'intéresser. »
Perdue dans ses pensées, Alice n’avait pas vu le temps passer. Elle sursauta, et hocha lentement la tête.
« Hein ? Euh... Oui, oui, d’accord. »
Nanami la guida hors du lycée. Elle marchait rapidement, Alice la suivit en pressant le pas. Tout en marchant, elle reçut un message de Mélinda. Très simplement, la vampire lui souhaitait une bonne soirée. Pour écrire simplement deux mots en si peu de temps, elle avait forcément du passer par l’une de ses filles. Distraitement, Alice esquissa un sourire. Malgré son apparence, Mélinda avait quand même plus de deux siècles d’existence. Si Alice avait pu, progressivement, se faire à ces technologies, pour Mélinda, c’était encore très difficile, très laborieux.
En attendant, Nanami guida Alice dans des endroits assez sinistres. Alice, qui commençait à se faire à la culture terrienne, avait pu voir, avec plusieurs camarades, un film très en vogue chez les adolescents : les slashers. Elle en tremblait à chaque fois comme une feuille, se pressant contre les filles qui la forçaient à regarder ces horreurs... Des films tellement horribles que, à chaque fois, la Princesse se retrouvait encore à les regarder. En un sens, elle se découvrait une nouvelle adolescence, une sorte d’innocence et de tranquillité de la vie, dont elle ne serait un jour plus capable, lorsqu’elle serait couronnée. Elle en profitait autant que possible, et c’était, avant tout, pour cette raison qu’elle se rendait sur Terre. Ici, personne ne la connaissait. Ici, elle n’était pas considérée comme la Princesse de Sylvandell, mais comme une simple fille, une vulgaire lycéenne jolie et qui semblait issue des profondeurs du pays. Nanami aurait-elle osé la conduire dans cet endroit lugubre, si elle avait su qui était vraiment Alice ?
Il était probable que non.
« Euh... Tu m’emmènes où, là ? »
Dire qu’Alice était peu rassurée relevait de l’euphémisme. Elle continua à suivre Nanami, jusqu’à arriver dans une ruelle. Elle avait l’impression que des violeurs la suivaient partout. Des chats errants jaillissaient parfois des poubelles ou des recoins, faisant tomber les couvercles. La pauvre petite Princesse sursautait alors, effrayée, paniquée, continuant à suivre le mouvement. Face au mur, Nanami écarta alors une poubelle... Et Alice put entendre du son.
*Mais qu’est-ce que... ?!*
Indécise, elle vit Nanami lui faire signe de la suivre.
« Viens avec moi, ne t'inquiète pas c'est que des amis à moi.
- Euh... D’accord... »
De l’autre côté, elle débarqua dans une sorte d’endroit secret, de réunion secrète. Il y avait quantité de personnes, dans ce qui semblait être un grand hall abandonné. Des lumières fluorescentes éclairaient les murs, permettant ainsi d’avoir un éclairage, et de mettre en surbrillance de nombreux tags. Une musique assez forte résonnait. Est-ce que c’était ça, une rave party ? Alice vit Nanami s’éloigner, et paniqua.
« Nanami ! Nanami ! »
Que c’était fort ! Alice se sentait complètement abrutie, au fur et à mesure que la musique continuait à résonner dans ses oreilles. Elle se boucha les oreilles, mais réalisa, en regardant tous ces gens, qu’ils ne semblaient guère importunés. Certains étaient habillés n’importe comment. Il y avait des filles habillées en gyaru, ces filles extrêmement maquillées, une mode nippone de plus en plus prononcée. Elles parlaient, rigolaient ensemble, tortillant leurs cheveux, tout en se faisant draguer par les hommes. D’autres ressemblaient à de curieux croisements entre des métalleux trash et des vampires, portant des chaînes, des croix gammées, de longues bottes.
*Rien à voir avec l’uniforme scolaire classique...*
Alice devait faire très old school, avec son jean et sa chemise. Il y avait une légère odeur parfumée. Nanami revint alors, et lui expliqua qu’il s’agissait de ses « potes », tout en la guidant vers uen piste de danse.
« La vache, t’en as beaucoup ! »
Quand elle passa à côté de certains des « potes » de Nanami, elle secoua rapidement la main, pour les saluer.
« Bonjour ! Bonjour ! » répétait-elle.
Alice se retrouva ensuite à observer une sorte de danse au sol assez spéciale. Elle observa cette danse, médusée, clignant des yeux, surprise, fascinée. Ses oreilles, peu à peu, s’habituaient à cette musique forte. La danse se termina par une longue toupie. Clignant des yeux, Alice applaudit des deux mains, avant que Nanami ne la conduise alors au centre du cercle, au milieu de tous. Alice cligna des yeux, troublée, les joues rouges, avant que Nanami ne se mette à parler :
« Salut tout le monde, je vous présente Alice. Elle est venue avec moi aujourd'hui, car je l'emmène passer sa première soirée de liberté. Je vous préviens le premier qui a des vues sur elle, je lui écraserais la nouille avec mon sabre en bois c'est clair ? »
Devant cette expression, Alice rougit confusément. Certains sourirent, et Alice leva la main, les saluant timidement.
« Euh... Bonjour à vous tous, je m’appelle Alice, et je suis au lycée Mishima... »
Gênée d’être le centre de l’attention, de manière si soudaine, elle en avait les joues écrevisses, ressemblant alors à une adorable tomate. Au bout de quelque sinstants, cependant, les autres reprirent leur activité normale, et Alice et Nanami discutèrent ensemble du programme de la soirée :
« J'ai récupéré l'argent, on sera tranquille pour ce soir. Tu en penses quoi de nos danses ? Bref, on va aller manger pour attendre que la nuit tombe. Tu aimes manger quoi ? C'est moi qui t'invites. »
Alice hocha lentement la tête, regardant autour d’elle.
« Ben... Woaw, c’est... C’est super, Nana’ ! J’ignorais qu’il existait des soirées comme ça, surtout dans des endroits comme ça…Je croyais presque que tu voulais m’emmener dans un coin sombre pour me violer, hihi. »
Alice lui sourit, faisant signe qu’elle plaisantait... Presque. Elle regarda autour d’elle.
« Sérieusement, c’est... Euh... C’est vraiment cool ! »
Ce petit mot lui avait toujours semblé bizarre. Personne ne l’avait jamais prononcé au Château, mais, maintenant qu’elle était ici, elle le comprenait vraiment. Pas d’adultes ! Pas de gardes pour la surveiller, elle pouvait faire tout ce qu’elle voulait ! Un joyeux sourire naquit sur les lèvres d’Alice, qui se mit alors à sautiller sur place, et à prendre Nanami dans ses bras, l’enlaçant fortement.
« Merci !! »
Avec Mélinda, c’était différent, car la vampire savait qu’Alice était une Princesse, et, ce faisant, les autres aussi. Certes, ça n’empêchait pas qu’elle soit considérée comme une fille normale, mais, quand on était face à une Princesse, on ne se comportait jamais totalement comme avec une autre personne.
« Et, euh... J’sais pas où on peut aller manger. »
Elle haussa tout simplement les épaules.
Subitement, elle avait envie de courir, sans pouvoir se l’expliquer.