C'était un peu déstabilisant. Très déstabilisant. La pauvre petite n'osait pas se mettre en colère, bien qu'elle eut été sûre que cette bestiole verte se payait sa tête de manière totalement inconvenante. Après tout, elle était devant la porte de la forteresse d'un démon réputé cruel, elle n'allait donc pas chercher les noises avec ses serviteurs, qui auraient bien été capables de... elle ne savait trop quoi. Surement des choses pas jolies jolies. Deuxième problème ; elle n'avait pas envisagé qu'on lui refuse l'entrée. Après tout, elle avait un pouvoir précieux et elle était on ne peut plus courtoise, MERDE !
Elle resta quelques secondes sans rien dire, se balançant d'un pied à l'autre, alors que la chose venait de disparaitre, attendant... elle ne savait trop quoi. Que quelqu'un prenne son parti, peut être.
- C'est vrai ce qu'il a dit. Donc soit tu te téléportes là bas, soit tu repasses dans dix jour. Aller, file !
Le garde avait l'air de vouloir se débarrasser d'elle au plus vite, et si le ton n'étais pas agressif, elle ne doutait pas que la courte patience de l'homme d'arme atteignait ses limites. Quant à elle, elle se voyait mal attendre 10 jours. Elle tourna les talons et s'éloigna d'un pas vif. Elle allait se téléporter là bas, et tant pis pour les convenances. Au mieux elle serait embauchée, au pire elle repartirait comme elle serait venue. Elle se mit hors de vue de la forteresse derrière le premier rocher assez gros pour la cacher entièrement, se téléportant... à un pas de sa position initiale, tendant la main pour rattraper avec adresse ses vêtements qui s'affaissaient à l'endroit où elle se trouvait une seconde auparavant - oui, elle faisait toujours ça pour se déshabiller, et alors ? Soyez pas jaloux. Elle plia sa robe, contenant toujours ses sous-vêtement ( elle savait bien qu'elle n'aurait pas dû en mettre aujourd'hui, vu le prix que ça coûte, elle risquait encore de les perdre... ) à la va-vite, et la déposa à côté de ses bottes encore côtes à cotes.
Elle frissonna ; être nue dans la nature, c'était vraiment pas sa tasse de thé. D'où elle était elle pouvait voir le volcan en question ; aller, hop ! TAC ! Elle était sur le flan du volcan ; désert. Elle n'avait plus qu'à en faire le tour pour trouver le plateau. Par sauts successifs, ça n'était pas une tâche bien compliquée ; TAC TAC TAC [...] TAC TAC (1). Le plateau était juste en face d'elle, à quelques centaines de mètres ; elle pouvait distinguer la palissade d'un camp fait de rangées de tentes bien alignées, ainsi que quelques étendards, indiquant sans doute possible qu'elle était au bon endroit.
Il s'agissait maintenant de ne pas se faire voir par les guetteurs ( pas nue, en tout cas ). Elle se téléporta d'une cachette à l'autre, tentant de se rapprocher du camp sans se mettre à découvert. Peine perdue. Bon. Quand faut y aller... elle fit un bond jusqu'entre deux tentes, où il n'y avait, comme elle l'avait observé, personne. Elle tenta de maitriser sa nervosité et, collant sa joue au sol, elle souleva légèrement la toile la plus proche pour jeter un œil ; personne. TAC, la voilà à l’intérieur.
La tente semblait faite pour six soldats, chacun dormant à même le sol dans une couverture. Confirmation peur ceux qui en doutaient donc : être troupier ça craint. Des bruits de voix et de diverses activités venaient de l’extérieur, aussi la jeune nudiste se hâta de se couvrir de la première chose qui lui tombait sous la main ; un manteau posé en vrac sur une couverture. C'était un peu cavalier mais elle n'avait pas vraiment le choix ; elle irait le reposer en s'excusant plus tard. Restait la partie la plus délicate de son plan, celle qui lui faisait se parler à elle même ; "Bon sang, mais qu'est ce que tu fous, t'es complètement folle ?". Elle passa la tête par l'ouverture de la tente. A l'extérieur, quatre hommes discutaient d'un air blasé. Elle aurait préférer tomber sur un homme seul. Quatre c'était beaucoup. Beaucoup trop intimidant.
Elle se décida tout de même à sortir de sa cachette. L'un des soldat l'aperçut et ouvrit de grands yeux en la désignant du doigt, tandis qu'elle s'apprêtait à s'expliquer d'une voix tremblante ;
- Bordel ! Comment ...
- Je viens en paix !... enfin je voudrais parler au seigneur Sangh-Len... désolée pour le manteau j'étais... obligée...
Elle déglutit et reprit d'une voix plus assurée :
-Je m'appelle Anastasia Lughinine, et je voudrais travailler pour votre seigneur.
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1 : En réalité sa téléportation de fait aucun bruit. Mais une onomatopée est toujours bien pratique.