Premier retour à la civilisation.[pv Milwen]

Cela faisait maintenant des années que Leïla avait entreprit de s'éloigner du monde et de la civilisation.
En effet, le temps devait passer, inévitablement, dans sa vie. Et elle avait vu ainsi des êtres chers partir ou s'éteindre, ou encore disparaître. Le temps avait été très cruelle avec elle: quelques années seulement, et tout c'était éteint.

Elle n'avait alors plus goût à grand chose. Ses filles l'avaient lentement oubliées, faisant leurs propre vie chacune de leur côté, et de cela, même si elle en était profondément triste, elle était quand même rassurée: si elles n'avaient pas besoin d'elle, c'est qu'elles allaient bien. Le jour où l'une d'elle la réclamerait, elle la rejoindrait sans même y réfléchir à deux fois.

C'est pourquoi, arrivée à ce carrefour de sa vie, Leïla avait décidé de se retirer. Elle savait combien elle s'attachait vite aux gens, et comme son coeur souffrait déjà assez à son goût, elle avait estimé que cela suffisait. Munie d'un maigre bagage, elle se retira en ermite  loin des gens et du monde, là où on ne la dérangerait plus, là où elle pourrait se retrouver en paix avec elle-même, à l'abri de toute tentation comme de toute souffrance.

Elle trouva un bel endroit inhabité sur terre, que nul n'avait jamais trouvé auparavant, caché dans le creux des roches, de la flore abondante et de la faune clémente avec l'éternelle jeune femme. Comme si tout était fait pour y habiter, une grotte lui faisait office de toit, une eau claire et pure coulait tout près et offrait du poisson à foison, la température extérieure était toujours idéale et il y avait autant de belles et rares fleurs que d'arbres fruitiers. Isolé de tout, cet endroit était un véritable paradis que personne ne désirerait quitter.

Enfin, en temps normal. Quand on est accompagné. Parce qu'en fait, seule... ben on s'ennuie à en mourir!

Personne avec qui discuter de son paradis, personne avec qui partager les merveilles qu'elle pouvait voir chaque jour dans son trou perdu... Rien, rien, rien! Mais qu'est-ce qu'elle s'ennuyait, maintenant!

Le temps avait tellement passé. Mais combien de temps, exactement? Elle ne vieillissait même pas! Ses longs cheveux sombres étaient encore plus longs, et de part son régime alimentaire, jamais elle n'eût de corps aussi bien formée à la peau si douce, au regard de rubis si étincelant, ni une forme aussi olympique.
A cause de cela (et de son sang qui ne supportait en rien la monotonie d'un corps esseulé) elle finissait par se demander si elle sentirait le contact des gens différemment d'avant. Etait-elle devenue plus sage, plus mûre, durant tout ce temps? Son coeur était-il enfin allégé? Pouvait-elle retourner dans ce dur monde qui l'avait tellement tourmenté dans le passé entre ses malheurs et ses bienfaits?

*Ce n'est pas en restant dans ma grotte que je le saurais, en tout cas...*

Lorsque cette pensée lui vint enfin à l'esprit, elle comprit qu'il était temps de voyager de nouveau. De son maigre bagage, il ne restait plus grand chose, hormis de l'argent pour acheter des vêtements. Le temps avait eu raison des siens, et il fallait bien qu'elle soit correcte pour retourner dans le monde des vivants. Elle s'était à peine rendue compte qu'elle vivait nue depuis qu'elle avait tout usé. Ne lui restait qu'une chemise qu'elle noua de telle manière à ce que ça lui fasse une robe assez correcte pour être présentable, mais sans rien de plus. Même pas une paire de chaussure ou la moindre culotte ne lui restait.

Elle eut cependant un doute: devait-elle revoir directement les gens de la Terre? Elle craignait quelques peu leur réaction. Après un long moment, elle se décida pour un endroit totalement différent: Terra.

Elle pouvait heureusement y voyager facilement, mais la jeune femme avait omis un léger détail sur elle-même: autant son pouvoir d'imagination réelle lui permettait d'ouvrir une porte n'importe où, autant elle avait autant de sens de l'orientation et de la géographie de Terra qu'une boussole en plein triangle des Bermudes!

Alors qu'un sautait dans le trou d'air qu'elle venait de se créer en tant que passage, elle se mis à hurler quand elle se rappela ce petit "détail".

"Mais quelle idiooooooooooooooooooooooote!!!"

Leïla pouvait pourtant bénir sa bonne étoile: elle ne tombait pas de trop haut, ni dans un endroit totalement paumé: lorsque ses fesses touchèrent terre (tout le monde ne peut pas être doué en atterrissage), elle releva la tête pour voir ce qu'elle n'avait pas vu de tel sur Terre: plein de bâtiments immenses, une ville fourmillant de vie de partout et qui paraissait parfaitement structurée, mais de là où elle était, elle n'aurait su dire comment.

Une drôle d'impression se dégageait de cet endroit.

*Mais où suis-je donc?* se dit-elle en soupirant.

Elle entreprit alors de se relever, constatant qu'elle avait atterri dans un parc, et qu'apparemment, personne ne l'avait vu arriver. Ce qui était une bonne chose. Les bruits de la ville lui semblaient maintenant inconnus, et elle décida de rester alors sur un banc, voyant qu'il n'y avait personne par ici, pour essayer de s'habituer à tout ça, et ensuite, elle chercherait à savoir où elle était.

L’Elyseum Plaza

« ...Aujourd’hui, la température ambiante est de 32.7° Celsius en moyenne. Il fera beau toute la journée. Novaquiennes, Novaquiens, n’hésitez pas à vous rendre aux différentes plages de l’Archipel ! »

L’Elyseum Park était l’un des plus grands parcs de Novac City. C’était le plus pur de la ville, planté au milieu des buildings, des tours de verre et d’acier. C’était un paradis vert qui avait, en son centre, une grande place, l’Elyseum Plaza. Elle avait sa station de métro, l’Elyseum Station, et était considérée comme l’une des plus belles places de la ville. L’Elyseum Plaza comprenait l’un des restaurants les plus luxueux de la ville, et donnait droit à des vues spectaculaires sur le centre-ville. C’était un endroit où toutes les Novaquiennes aimaient se rendre pour se ressourcer, faire des pauses avant d’aller au boulot, ou tout simplement manger. Cet imposant parc était à proximité du Siège du Gouvernement, l’imposante tour de MERCATEL. Il était de l’autre côté d’un des fleuves serpentant à travers la ville, mais on pouvait clairement voir le Bâtiment.

En somme, l’Elyseum Park était un endroit riche et sécurisé, où la propreté était fondamentale. Il y avait de nombreux agents municipaux qui assuraient le nettoyage quotidien du parc. Tout ce parc était une construction humanoïde, une magnifique construction faite à l’aide d’engrais, de nanomachines, et de nombreux produits plantés dans ce qui, jadis, était un marécage humide et glauque. Près de la station de métro, il y avait ainsi un bâtiment administratif de contrôle, qui se chargeait de s’assurer que toutes les bornes bioenvironnementales, qui assuraient le maintien de l’écosystème, en diffusant des spores, fonctionnaient convenablement. C’était l’une des nombreuses fertés de la nation novaquienne.

L’endroit était protégé par des patrouilles de gardes civiles, dans des combinaisons aussi sexys qu’efficaces. Il s’agissait presque exclusivement de femmes, Novac étant fidèle aux critères sexistes en vigueur dans l’État tekhan.

Aujourd’hui, Milwën était en compagnie de deux gardes civiles, afin d’assurer sa protection, se déplaçant dans l’Elyseum Park. Elle se promenait, tout simplement, sans aucune autre raison que la simple envie de profiter du bon temps, de l’air frais. La Novaquienne marchait le long d’un sentier, longeant des bancs, jusqu’à voir une femme... Qui attira son attention. Elle était plutôt belle, avec une belle chevelure noire, de belles formes, un corps langoureux.

« Qui est cette femme ? » demanda Milwën

L’une des femmes de la garde civile porta son attention vers elle, et son casque se mit à analyser la femme, cherchant les nanomachines qui permettaient de l’identifier. Elle finit par secouer la tête. Le résultat était négatif.

« Elle n’est pas recensée dans nos fichiers, ce n’est pas une Novaquienne, Madame. »

Une touriste ? Quelque chose en elle attirait la curiosité de Milwën. La Baronne n’aurait pas su dire quoi, mais elle avait l’impression que cette jeune femme semblait... Comme déboussolée, égarée. Elle se rapprocha d’elle. Milwën était une femme reconnaissable, dans son armure, qui découvrait de grandes parties de son corps. La Baronne se rapprocha donc, se plantant face à la femme.

« Bonjour, citoyenne, lâcha Milwën. Je suis la Baronne de Novac, Milwën Novac. »

Il arrivait fréquemment que Milwën aille voir de simples citoyennes. Depuis qu’elle avait retrouvé la beauté de son corps d’antan, et même plus, elle avait décidé de laisser libre cours à l’expression de ses penchants sexuels, de ses fantasmes, de faire plaisir à son corps retrouvé.

« Qui es-tu ? » demanda-t-elle alors, la tutoyant sans la moindre hésitation.

Autant aller tout droit à l’essentiel, après tout.

S'étant laisser aller dans ses rêvasseries, Leïla prit le temps de se réadapter à chaque son de la ville. Celle-ci était étonnamment claire: n'y avait-il donc aucun désordre par ici? Elle n'entendait ni dispute dans son entourage, ni rien qui soit de nature perturbatrice au point de la déconcentrer ou, au contraire, de renforcer son inattention.

C'était ainsi qu'elle avait laisser filer son esprit en entendant avec plaisir le chant de quelques  oiseaux nichant dans les arbres proches d'elle.

*Comme c'est agréable, par ici...* se dit-elle. *On dirait que les gens sont très respectueux de leur environnement.*

Totalement ailleurs, elle n'entendit donc par le bruit d'une personne qui s'approchait d'elle, négligeant les pas sur le sentier qui avançaient vers elle ni l'ombre de celle-ci lorsqu'elle s'arrêta pour poser des questions.

Cependant, c'est bien la voix de l'inconnue qui la fit ouvrir les yeux de stupéfaction, la faisant sursauter sur son banc de surprise.

"Oh! Excusez-moi..." bredouilla-t-elle, confuse, avant de prendre le temps d'observer son interlocutrice surprise.

Il s'agissait d'une femme incroyablement belle dans une armure qui la mettait tout en beauté, donnant cette impression particulière qu'ont les brunes pulpeuses, qui empêche les gens de savoir sur quel pied danser...

Leïla ne pensait pas rencontrer une telle personne si tôt en revenant à la civilisation, si bien qu'elle douta un instant que la femme devant telle fût réelle. Elle cligna alors des yeux plusieurs fois, comme pour s'en assurer, et constata qu'elle n'imaginait rien du tout: une femme incroyable se tenait devant elle.

*Que faire ? Si je réagis aussi fort devant la première personne que je rencontre, c'est que je ne peux vraiment pas encore me mêler aux gens sans me tenir tranquille!*

Encore une fois, la nature de Leïla la taraudait, craignant que ses origines maternelles ne puissent reprendre le dessus sur elle, ses pensées et ses envies. Pourtant, elle voulait arriver à se modérer. C'était très important pour elle, et c'est pourquoi elle prit quelques grandes respirations, quitte à paraître quelque peu étrange à la personne en face d'elle.

Une fois calmée, et certaine de ne dire aucune bêtise malgré elle, Leïla sourit, relevant la tête et dégageant ses épaules avant de répondre poliment.

"Bonjour, Madame la Baronne. Je me nomme Leïla. Veuillez me pardonner, je suis un peu étourdie, et je ne vous avais pas entendue arriver."

Milwën était une observatrice, une scientifique, une femme qui voyait, qui observait, et qui déduisait. Toute la démarche scientifique reposait sur ce schéma en deux étapes : la phase d’observation de l’environnement, puis l’interprétation des phénomènes observés, leur analyse. Les deux étapes étaient fondamentales, aussi importantes l’une que l’autre. C’était notamment pour ça que, au sein de l’académie novaquienne, il existait des cours pratiques consistant, pour les étudiants, à se rendre dans un environnement donné, et à faire toutes les observations qu’ils voyaient. C’était un cours important, souvent plus difficile qu’on ne le pensait, et qui donnait lieu à une note importante dans l’évaluation de fin d’année. Ainsi, la Baronne savait observer... C’était une déformation professionnelle, elle observait tout, et elle observa. Elle vit une femme surprise, rêveuse, qui regardait autour d’elle, et qui sursauta en réalisant qu’on s’adressait à elle, n’étant probablement pas habituée à ce qu’on lui parle... Et, pour Milwën, la déduction scientifique était tellement ancrée dans son esprit qu’elle faisait les deux phases en même temps. Elle était belle. Une femme belle, qu’elle le veuille ou non, avait toujours des gens avec qui parler. Pourquoi cette surprise ? La Baronne ne voyait pas beaucoup d’explications. Elle n’avait pas du être en contact avec beaucoup de gens depuis longtemps. Un sujet d’expérience ? Elle ne le croyait pas. Il y aurait eu des signes, des marques, et les bases de données novaquiennes auraient déjà fourni des informations.

Elle nota aussi les yeux observateurs de la femme, qui se présenta comme s’appelant Leïla. Elle observa les formes de la Baronne. Elle savait quand on la détaillait ainsi, car, quand elle était en fauteuil roulant, avec son cancer qui la ravagea   it, et sa thérapie classique, la chimio, qui la faisait ressembler à un légume, personne ne la regardait ainsi... Quand elle avait amélioré son corps, libéré ce dernier des séquelles, elle avait noté le changement de regards... Et Leïla avait ce regard. Milwën ne pouvait prétendre en être choquée.  Elle avait beau être une scientifique, une Baronne influente, elle restait aussi une femme... Et une femme aimait bien se sentir désirée, qu’on l’observe en ayant des pensées impures. Elle ne l’aurait, bien sûr, jamais avoué en public.

Dans le dos de Milwën, les deux gardes civils observaient silencieusement Leïla. Les clandestins n’étaient pas admis à Novac, et faisaient systématiquement l’objet de reconduites à Tekhos, où ils étaient alors gérés par les autorités tekhanes. Les autorités novaquiennes se contentaient de les envoyer dans un centre de rétention administratif se trouvant dans la mer, sur une sorte de plateforme. Ils pouvaient alors déposer une demande d’asile politique, le centre administratif répondant d’ici trente jours maximum, l’absence de réponse équivalant à un refus. Le refus pouvait ensuite être contesté devant une cour, mais le clandestin était alors transféré dans une prison novaquienne, en détention provisoire, le temps que le juge rende sa décision.

Leïla était-elle une clandestine ? Milwën le pensait, mis quelque chose lui disait qu’elle n’était pas venue par la mer, comme la plupart des clandestins. Autrement, elle ne serait pas aussi détendue à la vue de la Baronne de Novac, et de gardes civils. La Novaquienne se mit à sourire, et s’approcha de Leïla.

« En tout cas, vous m’avez vu arriver... Leïla. »

Était-ce son nom ? Son prénom ? A moins qu’elle n’ait pas de nom, ni de prénom ? Milwën l’ignorait. Sa curiosité était éveillée, et elle s’était également permise de mater un peu Leïla. La femme avait de belles formes, un joli corps. C’était une belle poupée, même si elle avait l’air complètement paumée.

« Que faites-vous à Novac, Leïla ? Les gardes vous ont inspecté, et n’ont vu aucune trace de nanomachines dans votre corps... Avez-vous un titre de séjour régulier ? »

Leïla avait réussi à reprendre ses esprits, mais elle comprit doucement qu'elle n'avait pas à faire à n'importe qui. Sans être particulièrement observatrice, elle comprenait que non seulement elle était une Baronne, mais elle possédait sans doute une grande influence en ville.

Sa simple présence avait même empêché à Leïla de distinguer les deux gardes du corps derrière elle.

Avait-elle fait quelque chose de mal? La jeune femme n'avait fait qu'arriver... oui, mais où, exactement ? Cette ville, elle ne la connaissait pas. Elle ignorait tout de ses habitants. Il devait sans doute il y avoir des règles, sinon, tout ne serait pas aussi paisible, par ici. Peut-être était-elle... hors-la-loi ?

*Il faut que je me montre polie et sincère. Si quelque chose ne va pas, il suffira que je me mette en règle, non ? Et puis, je n'ai tué personne, commis aucun crime, alors, tout va bien.*

- Je suis désolée, je ne sais pas ce que sont des nano-machines... Je viens de tomber ici, complètement par hasard.

Pouvait-elle seulement avouer que c'était son pouvoir qui l'avait emmené là ? Comment la ville pouvait bien réagir face aux gens comme elle ?

- Suis-je en faute, Madame la Baronne ?

« Suis-je en faute, Madame la Baronne ? » demanda-t-elle.

Milwën ne répondit pas sur le coup. Oui, elle était en faute, c’était indéniable. Aux yeux de la loi, une personne se trouvant sur Novac sans aucun titre de séjour, aucune autorisation, était une clandestine, qui, comme n’importe quelle clandestine, devait être expulsée. La loi, sur ce point, était formelle. Cependant, la Baronne ne pensait pas que Leïla était une clandestine « classique ». Son jugement, bien sûr, n’était nullement faussé par la beauté de cette femme. Elle regarda les deux gardes civils. Si elle les laissait faire, Leïla se retrouverait rapidement en prison, puis dans le premier navire pour Tekhos Metropolis.

« Je vais m’occuper d’elle. Rompez, soldates.
 -  Bien, Madame. »

Disciplinées, elles s’écartèrent, s’éloignant des deux femmes. Milwën regarda à nouveau Leïla. Elle avait le sentiment que la jeune fille était perdue, et terrorisée. L’emmener au poste ne serait sans doute pas la meilleure des manières de l’aider. La Baronne l’observait. D’où venait-elle ? Elle venait de « tomber », comme elle l’avait dit. Milwën ne voyait pas cinquante mille explications. Elle savait qu’il existait des failles dimensionnelles, qui permettaient à ce monde de communiquer avec un autre monde. Ces failles étaient classées secret-défense par le gouvernement, afin de ne pas inquiéter la population, et, au sein des recherches scientifiques de Novac, il y avait tout un département se consacrant à l’étude de ces failles, qui étaient disséminées un peu partout sur Terra : leur origine, la manière dont elles fonctionnaient, se déplaçaient, etc... La finalité de ces études était, non seulement scientifique, mais aussi militaire. Contrôler ces failles permettrait à l’armée tekhane d’avoir une sérieuse avancée sur les autres puissances mondiales, notamment les Formiens.

Milwën s’assit à côté de Leïla, et lui sourit.

« Ne t’en fais pas, Leïla, je ne vais pas te faire de mal... Tu viens de... De la Terre, n’est-ce pas ? »

Une Terrienne... Ce qui avait permis aux scientifiques tekhans d’établir que cet autre monde était un monde parallèle était la forte ressemblance physiologique et culturelle. Les Terriens étaient tous des humains, en tout point similaire aux humains terrans, et, d’un point de vue culturel, il y avait énormément de similitudes : les Olympiens, les Dieux, les croyances populaires, le langage... La théorie communément admise était donc de considérer la Terre comme un monde parallèle, même si la planète était différente de celle de Terra.

« Tu es à Novac, ici. Et j’en suis la dirigeante... Détends-toi, et ne t’inquiète pas... »

Milwën attrapa alors la main de Leïla, la serrant tendrement.

« Je veillerais sur toi. »

En voyant les soldates partir, Leïla se sentit déjà beaucoup plus rassurée. Le stress d'être en faute la terrorisait assez pour l'empêcher de disparaître comme elle était venue, et maintenant qu'elle se retrouvait seule avec la Baronne, qui s'était révélée être la dirigeante de cette ville, elle se disait que c'était largement préférable que les choses se passent ainsi.

Une fois complètement seule avec la superbe femme, Leïla prit la parole.

"Je suis profondément désolée de vous avoir causé du souci, Madame. Croyez-moi, ce n'était pas voulu. Je voulais juste acheter quelques vêtements avant de repartir, et je me suis retrouvée là."

Leïla ne se rendait pas très bien compte que sa tenue était vraiment légère et n'allait pas du tout avec la ville. Chemise nouée en robe et rien d'autre, vraiment ? Sans doute devait-elle elle-même paraître pour une extra-terrestre aux yeux de la Baronne, qui lui demandait d'où elle venait. Décalée, sans doute. Mais naïve, assurément. La jeune femme ne savait sans doute pas à quel point elle devait être naïve depuis autant de temps restée seule en exil, mais elle ne voulait juste pas causer de problèmes. Elle ne voulait que passer, et espérait que tout se passerait bien.

"Je viens de la Terre, c'est ça. Cependant, j'ai aussi des origines Terrans, mais je ne connais pas du tout ce côté là de ma famille. Comment avez-vous pu deviner ?"

« Je suis profondément désolée de vous avoir causé du souci, Madame. Croyez-moi, ce n'était pas voulu. Je voulais juste acheter quelques vêtements avant de repartir, et je me suis retrouvée là. »

Elle avait effectivement l’air sincère. La Baronne esquissa un sourire en se penchant vers elle. Oui, elle était naturellement au courant de l’existence des Portails, même si c’était un secret d’État. En parler en public ne ferait que déclencher un mouvement de panique, et l’État tekhan devait perpétuellement lutter contre les fuites : un individu en parlant sur un blog, ou un journaliste qui espérait en faire un article. Milwën avait également consacré une partie de l’administration novaquienne à ce genre de choses. Tekhos disposait d’un important réseau qui, grâce à des satellites, permettait de détecter l’écrasante partie des Portails, une technologie dont Tekhos, pour des impératifs de sécurité, avait fait bénéficier les principaux États mondiaux. L’idée était de réguler l’activité des Portails en les recensant, ce qui marchait avec plus ou moins de succès, pour l’heure.

Milwën y songeait silencieusement, assise sur le banc, profitant de l’air frais. Elle aimait bien le parc, il était bon de s’y relaxer. Leïla lui parla alors, surprenant Milwën, en lui avouant connaître Terra :

« Je viens de la Terre, c'est ça. Cependant, j'ai aussi des origines Terrans, mais je ne connais pas du tout ce côté là de ma famille. Comment avez-vous pu deviner ? »

C’était original, comme descendance... Mi-Terrienne, mi-Terrane... Après tout, rien ne l’interdisait. Un Terran qui se rendait sur Terre, et qui tombait amoureux. Si Leïla venait de la Terre, sa mère devait forcément être une Terrienne, ou alors une Terrane qui avait décidé de rester là-bas. Milwën ne voyait pas trop ce qu’on pouvait trouver de si bon sur Terre, un monde diminué et pollué, mais ce n’était pas impossible. Elle lui sourit.

« Je suis une scientifique, Leïla. C’est mon rôle de faire des déductions. Tu n’as pas de nanoamchines, ni de badges, donc tu n’es pas Novaquienne, ni touriste. Que pourrais-tu être d’autre alors, hum ? Une clandestine ? Tu n’as pas cet air affamé et apeuré que les clandestins ont quand une patrouille leur tombe dessus... La seule explication logique est que tu es tombée ici par hasard... »

C’était aussi simple que ça. Milwën n’était pas la Baronne pour rien. Avant d’être une politicienne, elle était avant tout une scientifique, particulièrement douée. Elle était plus ou moins responsable de la création de Novac, grâce à ses recherches sur les nanomachines. Elle était talentueuse, et, quand on voyait comment son corps s’était amélioré, il était normal que MERCATEL ait décidé d’investir en elle. Milwën était la superstar de l’organisation, car elle avait guéri le cancer. Elle était en phase terminale, le corps ravagé par la chimiothérapie, quand les nanomachines avaient fait effet. Il y avait eu un énorme retentissement médiatique à l’époque, et la belle Baronne avait participé à de nombreux débats télévisés, et avait été invitée à autant de plateaux télévisés, de colloques universitaires. Le Sénat lui avait même remis la Légion d’Honneur pour services rendus à la Nation. Elle était la coqueluche de MERCATEL.

Milwën huma l’air frais.

« Détends-toi, Leïla, tu n’as rien fait de mal... Les gardes sont un peu nerveux, ne leur en veux pas. »

La Baronne faisait preuve d’un attachement assez difficile à comprendre avec cette jeune femme. Elle ne la connaissait pas, et on pouvait donc se demander pourquoi elle agissait ainsi... Mais y avait-il une raison d’être à la bonté ?

« Je peux te ramener chez toi... Mais tu aurais tort de te priver d’un séjour à Novac. C’est le plus beau pays de tout Terra... Et... Tu voulais acheter des vêtements, dis-tu ? »

Milwën aurait normalement du retourner au bâtiment, pour travailler, mais l’idée de flâner dans les centres commerciaux avec cette petite Terrienne lui plaisait. La Baronne se releva. Elle entendit les déclics de quelques appareils photos, émanant de touristes passant par là. Quand on voyait la Baronne de Novac, aussi belle qu’intelligente, il était normal de vouloir la photographier. Milwën aurait menti en disant qu’elle n’était pas légèrement orgueilleuse. Elle avait vaincu le cancer, après tout, et, si elle n’avait pas pu sauver Garance, elle savait que, du haut des Cieux, son ancien amour la regardait avec joie, heureuse de voir que son aimée avait réussi à faire ce que la science devait faire : répandre le bien autour d’elle, guérir par la connaissance et le talent.

« Il y a une grande galerie commerciale à côté... À moins que tu ne préfères te reposer un peu ? Tu es mon invitée, Leïla. »

Milwën lui laissait le choix, tout simplement.