La magie n'avait rien ou alors très peu à faire dans la force colossale de Kah'mui. Son corps ne prenait pas de masse musculaire. À la place, ses muscles gagnaient en densité et gagnaient une force de plus en plus grande. La magie avait simplement rendu le processus possible, c'est tout. Après, son corps avait simplement accepté cette programmation comme si elle était naturelle. Et c'était pour cela qu'il soulevait des poids sans effort, c'était pour cela qu'il était capable de sauter plus de dix mètres de hauteur, c'était pour cela qu'il pouvait courir à des vitesses presque divines; son corps avait été formé, transformé et travaillé pour réussir les faits les plus incroyables. Mais allait-il révéler ses secrets à une personne qui venait de lui faire des menaces? Oh que non. La prudence est mère de sûreté, et secret est père de prudence. Son corps renfermait énormément de surprises, et lui-même ne les connaissait pas toutes, malgré ses efforts pour tester toutes les propriétés possibles de son anatomie. Il se sait résistant à la plupart des poisons, ses os se sont brisés si souvent qu'ils en sont devenu aussi durs que du fer, sa vue peut percevoir une mouche à cent mètres (et une armée sur plus de trois kilomètres sans même être surélevé), il peut renifler les odeurs aussi bien qu'un lévrier et il entend encore mieux qu'un chaton paranoïaque (cette petite boule de poil sursaute juste à entendre de vos battements de cœur...)
Dans sa jeunesse, l'Archimage Darimon, son père adoptif, lui avait souvent raconté les histoires des dragons tels qu'ils étaient pendant sa jeunesse. Il lui disait; Crois-le ou non, mon fils, mais la chasse et l'extermination de cette merveilleuse race ne date pas d'il y a trois siècles. Cela ne fait qu'une vingtaine d'année que les armuriers ont découvert les redoutables propriétés d'une armure faite en écaille de dragons. Alors que leurs protections sont aussi résistantes qu'une armure en mythril, leurs os, une fois traités et affûtés, peuvent pénétrer dans la matière la plus résistante avec aisance. Les Dragons de mon jeune temps, mon garçon, étaient des créatures libres et puissantes, heureuses même. On les considérait même comme porteurs de bonne fortune, car ils étaient tout de même rares. Ce n'est que lors de l'avènement d'Orthos, le Roi-Dragon, que les Dragons sont devenus synonymes de destruction. Sous le règne de ce maudit sorcier, ces majestueuses créatures ont appris le goût du sang et de la guerre, et il le leur a plu. Puis, certains mages se sont fait un devoir de soumettre des dragonneaux à leur volonté pour plus tard en faire des armes de guerre. Et maintenant, tu connais l'histoire; la meurtre d'un dragon est salué comme une démonstration de son courage, l'anéantissement d'une famille complète, une tâche honorable et la maîtrise d'un représentant, une démonstration de puissance. Pour cette raison, la chasse aux dragon est interdite en Meisa, et même passable d'une vie entière de travail dans des conditions très pénibles. Pénibles? Non. Monstrueuses. Kah'mui n'était que cela, après tout; un monstre à visage humain, un être distordu par la guerre, par la mort, par un combat dans lequel il ne devrait, en toute normalité, même pas être inclus. Rexia le croyait humain simplement parce qu'il ne la considérait pas comme une menace, mais si elle essayait réellement de le tuer, elle risquait d'y laisser des écailles.
Il sentait le regard de la Dragonne sur lui, avec une telle insistance qu'elle devait probablement lui trouver un certain intérêt. Tant mieux; s'il avait réussi à piquer sa curiosité, c'était tant mieux. Enfin. Il était maintenant temps de faire son rapport auprès d'Alessa, au moins pour la rassurer et lui dire qu'il n'avait pas perdu une partie de son corps aux mains d'une créature particulièrement vorace. Il leva un index en l'air et dessina quelques symboles brillant dans les airs, puis il écrivit le nom de sa subordonné. A-L-E-S-S-A. Puis, l'air se distordit un moment, et l'espace se déchira comme un voile. De l'autre côté, le visage de son amie apparut. Elle était nue, visiblement dans sa chambre, occupée à astiquer son armure. Le Roi passa une main agacée sur son visage, ferma les yeux, rougissant, et toussa poliment pour attirer l'attention de sa suivante. Il s'ensuivit d'un bruit de métal qui tombe sur le sol, puis d'un banc et d'un cri de panique; la Meisaenne venait de se prendre les pieds dans son siège. Elle prit un moment pour se redresser puis sa tête apparait dans l'ouverture.
-Mon roi! Enfin! Ca fait des heures que j'essaie de vous contacter!
-Alessa, je t'ai déjà parlé des interférences magiques causées par la magie de la nature, ça ne sert à rien d'essayer de me parler quand je m'aventure dans une forêt.
-Alors, vous avez trouvez le Dragon?
-Une Dragonne, en fait. Quelque chose d'encore plus rare, si tu veux mon avis.
-Une femelle?
-Une très jolie femelle, d'ailleurs. Je crois que la dernière Dragonne que j'ai rencontrée n'avait même pas une fraction de son intelligence.
-Nahayiel voulait repartir à votre recherche, mon Roi, d'ailleurs, il rôde dans l'enceinte du fort et... AAAAH, NON, PAS LA FENÊTRE!
Un bruit de vitre cassée et d'un mur de pierre défoncé accompagna cette exclamation, puis l'énorme tête triangulaire du Dragon Noir apparut dans l'ouverture. La bête poussa de petits grondements presque amoureux et se mit à minauder tristement.
-Je vais bien mon grand.
Le Dragon pousse de nouveau petits sons, visiblement inquiet pour la sécurité du Roi. Kah'mui remarqua alors la différence entre la communication avec un Dragon ayant la capacité de parler et un autre ne l'ayant pas. C'était vachement plus compliqué dans le second cas. Ou pas, puisqu'un dragon ne pouvant pas parler est un dragon ne pouvant pas mentir.
-Mais oui, tout s'est bien passé.
Cette fois, le dragon sembla relater son voyage, puis baissa soudainement d'un ton. Le dernier grondement sembla surprendre le Roi.
-Comment ça?
L'animal rajouta quelques grognements explicatifs.
-NON MAIS TU PLAISANTES!? TU N'AS PAS FAIS-ÇA!
Cette fois, le Dragon sembla s'apitoyer et poussa de petits gémissements.
-Oh non, tu ne m'auras pas aux sentiments! On ne vole pas les vaches des pays voisins, je t'ai déjà interdit ça!
Le Dragon grogna puis se détourna de l'ouverture spatiale, visiblement outré d'avoir à subir d'autres remontrances..
-QUOI!? Tu ne vas pas partir comme ça! REVIENS IMMÉDIATEMENT! REVIENS, TE DIS-JE! Rev...! Oh et puis, va voir ailleurs si j'y suis!... Dragon de maison.
Ce n'était pas nécessairement insultant, mais pour le Roi, cela pouvait quand même l'être un tout petit peu. Agacé, le monarque mit fin à la communication. Et il a défoncé un mur du palais royal, en plus...! se souvint-il alors. Il se promit de lui faire passer un sale quart d'heure. Mécontent, il agrippa son manteau sec, puis il claqua des doigts, générant un chaleur dispersée pour réchauffer le vêtement, puis il s'entoura les épaules. Malgré les menaces de la Dragonne, il s'approcha d'elle et s'installa tout près, à un mètre de son museau, sans la craindre ne serait-ce qu'un seul instant.
-Vous êtes toujours seule, comme ça?
Il ne tenait pas particulièrement à parler de Nahayiel, mais il ne doutait pas un seul instant que les questions n'allaient pas tarder à fuser.