[Abandonné] Une Reine d'Écailles [Rexia]

Survoler les nuages à dos de Dragon était vraiment un sentiment des plus rares. Seulement, Nahayiel n'était pas un Dragon né sauvage. Mis en sa compagnie alors qu'il étudiait à la Tour Noire, la créature avait comme seul désir de protéger son maître. L'affection que Nahayiel lui portait n'était basé que sur le fait qu'il ne connaissait rien d'autre que lui, et malgré son désir de le voir voler de ses propres ailes, il savait que cela ne mènerait la belle créature qu'à une vie d'incertitude, de trouble et surtout de confusion; pourquoi son maître bien-aimé avait voulu se séparer de lui? Enfin, après tout, il était heureux avec le brave reptile et celui-ci était également heureux avec lui, donc, tout le monde était content. Alors pourquoi est-ce qu'il se creusait la tête ainsi, vous demandez-vous? Eh bien, tout simplement parce que Kah'mui avait eu une intrigante nouvelle provenant d'un village terranide dans les terres sauvages; un authentique Dragon Sauvage née et élevée par d'autres authentique Dragons Sauvages, n'ayant jamais connu les chaînes et les punitions des hommes. Pourquoi un tel intérêt de la part du grand Sorcier? Difficile à dire; c'était peut-être lié à son intérêt pour la nature profonde des êtres? Pour son affection particulière pour la race des dragons? C'était dur à savoir, même pour lui, mais il savait une chose, il voulait voir cette créature, une volonté si forte qu'il en croyait ressentir un besoin viscéral.

Pendant que Nahayiel survolait la forêt où son comparse était, selon les rumeurs, installé, le Roi passa sa jambe droit du côté gauche de son encolure et se mit en position. Il lui dit alors de ne pas l'attendre et de filer en Meisa dès qu'il serait tombé, et il se donna une bonne pousse, s'éjectant du Dragon. La bête grogna de mécontentement; il détestait franchement quand son ami faisait ce genre de cascade, mais il fit tout de même demi-tour et fila droit vers sa demeure, à deux jours de vol à l'ouest. Pendant ce temps, le Roi filait à toute vitesse vers la forêt en contrebas. Si vous avez déjà fait de la chute libre, vous connaissez ce sentiment de liberté totale, cette montrée incroyable d'adrénaline alors que le sol se rapprochait dangereusement de lui. Cependant, il ne comptait pas s'écraser lamentablement. Au moment de l'impact, il relâcha une grande bourrasque de vent qui stoppa net sa chute à un mètre du sol. Il se repositionna pour atterrir sur ses jambes et dissipa la magie. Autour de lui, des animaux forestiers regardaient l'intrus qu'il était avec méfiance puis ils retournèrent à leur occupation sans plus faire attention à lui. C'était l'avantage de n'être ni humain ni monstre; les créatures qui vous entouraient n'en avait absolument rien à faire de votre existence. Un peu plus et ils vous compareraient à un arbre.

Enfin, il n'allait pas en faire un cas. Il s'assura qu'Ehredna était bien dans son fourreau et qu'elle n'était pas tombée pendant la chute, la faisant coulisser dans son fourreau pour s'assurer qu'elle n'y était pas bloquée non plus. Non, elle semblait intacte. C'était le temps de se mettre en route, alors. Pas le temps de trainer. Il se mit alors à courir. La Forêt d'Averis n'était pas reconnue pour son côté hospitalier; elle pullulait de loups et d'ours, qui étaient, pour la plupart, tous très agressifs. Un endroit parfait pour un Dragon, en fait. L'Immortel savait que le Dragon s'était établi dans une caverne proche d'un grand bassin d'eau de pluie, et le seul assez grand pour satisfaire la soif d'une telle créature se trouvait au beau milieu de la forêt, où aucun voyageur ayant un semblant de bon sens n'irait s'aventurer. Je me demande si cela fait de moi un crétin... s'interrogea le Roi, un sourcil haussé par le questionnement. Puis il se rappela pourquoi il se rendait là. Oui... définitivement. Qui, dans un bon état d'esprit, irait à la rencontre d'un dragon?

Bientôt, alors qu'il progressait dans la forêt, il remarqua l'absence graduelle de lumière. Le soleil ne parvenait même plus à se glisser entre les feuilles tant les bois devenaient touffus. La lumière qu'il percevait était celle qui réussissait à passer au travers des feuilles, donnant à son entourage une étrange couleur verdâtre. Étrange?... en fait, je trouve plutôt cela joli... se corrigea mentalement cet homme téméraire. Il continua sa progression, marchant le plus droit possible pour éviter de perdre son chemin; le bassin était supposé être visible depuis le ciel, donc, il devrait pouvoir le trouver sans difficulté; il lui suffisait de suivre la lumière. Il aurait pu survoler la forêt, mais... il ne savait rien du dragon, et peut-être que celui-ci cherchait un casse-croûte. Dans les airs, il ne ferait pas long feu. Dans la forêt... il pourrait toujours fuir si les choses tournaient au vinaigre.

Après quelques heures de marche, il arriva enfin au bassin. La nuit était déjà plutôt avancée lorsqu'il put enfin apercevoir la lune, bien en haut au-dessus du bassin. Il s'approcha de celui-ci et frotta ses mains avec l'eau de pluie, puis se lava le visage avant d'avaler une bonne rasade d'eau. Il examina alors les alentours et fit une triste constatation; le Dragon n'était pas là.

-Je n'ai quand même pas fait tout ce chemin pour rien...!

Cependant, le roi du pays de Meisa se trompait sur une chose, au sujet du dragon qu'il était en-train de rechercher... non, plutôt de la dragonne, car Rexia était une splendide femelle aux écailles rouges : elle avait déjà connues les chaînes, les punitions, la cruauté et la torture des hommes, ou plutôt de l'une de leurs créations. Ce souvenir douloureux du jour où elle s'était faite capturer par des machines qui avaient eu pour but de l'étudier en "profondeur" ne quitterait jamais sa mémoire... encore aujourd'hui, il lui arrivait de se réveiller la nuit en poussant un petit cri de douleur, ayant l'impression que quelque-chose venait de se planter là où ça ne devrait pas... mais cette sensation n'était rien d'autre qu'un mauvais souvenir qui ne cessait de la hanter. Depuis ce jour, la jeune dragonne se méfiait de tout et de tout-le-monde... lorsqu'elle ne cherchait pas un compagnon ou que la nourriture ne venait pas à manquer chez-elle, la forçant à aller chasser ailleurs, elle restait sur son territoire, à l'abri des coins sombres et touffus de ses bois, là où des êtres non-sauvages n'avaient que peu de chance de survivre. Elle prenait maintenant le temps d'explorer les terrains où elle voulait se poser depuis les airs avant d'atterrir, et gardait toujours l'oreille tendue... au moins, cette mésaventure lui avait appris deux règles fondamentale sur la vie sauvage : il fallait toujours être prudent, et surtout ne pas faire confiance aux humains.

Le soir était venu et Rexia avait le ventre plein d'un dîner fait de sanglier rôti qu'elle avait chassé dans la partie nord de son territoire. Repus et ressentant l’apaisement d'un ventre bien plein, elle avait décidé de s'accorder un moment de détente dans le bassin d'eau de pluie... un endroit qu'elle appelait tout-simplement le "lac"... qui se trouvait tout près de sa caverne. Après avoir fait plusieurs fois la tour de celui-ci depuis les airs pour s'assurer qu'il n'y avait pas d'intrus, elle s'était posée, avait mouillée la pointe de ses griffes pour s'habituer à la température de l'eau, puis elle avait plongé. Les baignades du soir étaient toujours un régal, pour elle... l'eau froide, ce n'était pas très agréable, pour un reptile... mais le feu qui ronflait en elle et qui chauffait son sang l'aidait à supporter les basses températures. Elle retint son souffle durant environ une demi-heure, les narines et les yeux couverts par une peau translucide, et profita de se promener au fond de son lac, se tortillant comme une anguille pour nager. Ce qu'elle aimait, dans la nage, c'était que ça finissait toujours par l'endormir, et après elle passait une très bonne nuit. Au bout d'un moment, la tête de la dragonne finit par émerger du lac, tel un serpent-de-mer, les écailles dégoulinantes, buvant au passage les quelques gouttelettes qui lui tombaient le long de la gueule... au-dehors, la nuit était tombée.

Mais son jeu s'arrêta net dès qu'elle entendit le murmure, les échos venus de la forêt et de ses habitants. De jour comme de nuit, les animaux "parlaient" entre-eux, se donnaient des informations et des avertissements à travers leurs cris respectifs, et sans s'en apercevoir, ils la tenaient au courant de tout changement particulier qui venait à arriver sur son territoire. Et en cette soirée, il y avait quelque-chose de particulier : visiblement, un étrange humain parcourait les bois, et il était à la recherche de La Grande Prédatrice Ailée. Un grognement roc échappa de la gorge de Rexia... était-il venu dans le but de la capturer ? Cette fois-ci, dans ce cas, ce serait elle qui prendrait son adversaire pas surprise ! Rexia nagea en direction de la berge, mais elle n'y monta pas : elle se plaqua à plat-ventre au-fond du lac... seul ses naseaux dépassaient de l'eau verdâtre... et elle attendit. Dix minutes... une demi-heure... elle avait du mal à ne pas s'endormir. Une heure... enfin, elle entendit des bruits de pas, des branches craquer... et un humain de grande taille, à la haute stature et au long manteau, portant une épée sur le côté, apparu devant ses yeux. Ses traits avaient un côté sauvage qui ne la laissé par de marbre... mais elle ne vit sur le moment en lui qu'un ennemi potentiel.

Alors que l'homme se plaignait d'être venu ici pour rien... elle émergea du lac à la vitesse d'une furie, aspergeant tout par un torrent d'eau de pluie, et se jeta sur l'homme. Elle le renversa d'un coup de patte et plaqua celui-ci au sol avec cette même-patte, ne laissant paraître que sa tête entre deux griffes... elle lui coupait la respiration en l'appuyant fort contre le sol... cependant, elle ne le tua pas. Pas tout-de-suite. Rexia avait des ressentiments contre la race humaine, mais elle avait toujours une conscience... elle ne savait pas vraiment si cette homme était un ennemi ou pas, elle ne savait pas ce qu'il lui voulait... cependant, il lui suffirait d'une parole de travers, d'un faut-pas, pour la faire changer d'avis.

-Qui es-tu ? Et que me veux-tu ? Demanda-t-elle en plaçant sa tête juste au-dessus de la sienne, les crocs en-avant. Au milieu du froid de ses vêtements maintenant mouillés, l'étranger devait sentir son souffle chaud. Elle le flairait bruyamment et sans la moindre gêne, essayant de déterminer ce qu'il était... es-tu un chasseur de dragon ? As-tu était envoyé pas GLADHYS pour me re-capturer ? Répond, et ne me ment pas ! Sinon je le sentirais, et je te tuerais !

Les Dragons étaient des chasseurs, c'était déjà fort connu, et Rexia ne faisait pas exception à la règle. Cependant, Kah'mui ne se serait jamais douté qu'il aurait vu un jour, au cours de sa longue existence, une dragon cracheur de feu jaillir comme un serpent hors de l'eau pour l'envoyer contre le sol, dans une énorme éclaboussure qui aurait pu faire pâlir de jalousie le plongeur le plus large du monde. Le monarque de Meisa se retrouva complètement trempé par les flots du bassin, avant de se retrouver écrasé sous une énorme patte griffue et couverte d'écaille. Cependant, avant même que la Dragonne ne l'eut complètement coincé entre sa patte et le sol, il avait déjà fait sortir Ehredna de son fourreau et l'avait levée devant son visage, juste sous le museau menacant du Dragon. Oh, pardonnez-moi, la Dragonne. Le regard du Sorcier brillait de milles menaces envers son agresseur, qui semblait être capable de tout, et surtout de le blesser. Cependant, on ne dira jamais du Roi de Meisa qu'il avait accepté d'être dévoré par un dragon sans lui donner au moins une fraction de révolte. Puis, la Dragonne parla. Une voix profonde, qu'il aurait trouvée sexy si elle n'était pas en ce moment en train de lui faire une jolie démonstration de la dentition la plus blanche et tranchante qu'il n'aurait jamais cru voir de toute sa pas si sainte que ça de vie. Elle l'interrogea sur ses intentions, sur une certaine organisation, ou une personne, peu importe, nommé GLADHYS, lui demandant s'il était là pour lui faire du mal ou pour la capturer.

Sous la patte de la créature, le Roi se félicita d'avoir enfilé son armure, sinon, il aurait été privé de souffle; les pattes de la créatures étaient plates à l'avant, ne laissant aucun espace, et ses griffes étaient bien recourbées, propre au déchiquetage de ses proies. S'il n'avait pas déjà été dans des situations plus désagréables encore, le Roi aurait probablement crié de panique. Le Roi planta son regard dans les pupilles fendues de la prédatrice.

-Je ne connais personne qui réponde au nom de Gladhys. Et si j'étais un chasseur de dragons, je ne crois pas que j'aurais été capturé aussi facilement par une créature dont je suis supposé être le prédateur.

Sur ces mots, il agrippa la patte qui le gardait prisonnier de sa main libre et fit appel à toute sa force brute. Au début, aucun changement ne se fit, mais graduellement, sa main se couvrit de symboles guerriers Ashansha. L'effort fit monter le sang au visage du Roi qui parvint à se libérer de l'emprise du Dragon, et roula sur le côté avant de se retrouver à nouveau écrasé sous le membre écailleux. Pas question de se faire écrabouiller comme une noix. Il se redressa sur ses deux pieds, Ehredna dans une main et l'autre placée sur le fourreau de son arme. Il déplora secrètement l'état lamentable de son manteau préféré, qui était maintenant couvert de saletés et gorgé d'eau, encore dégoulinant. Néanmoins, il ne détacha pas son regard de celui de celle qui l'avait attaqué... il ne dirait pas sans raison, car il venait quand même d'envahir son territoire et potentiellement son habitat, donc, elle avait probablement le droit d'être offensée si elle considérait qu'il s'était comporté de manière inconvenante. Enfin, il n'allait pas faire des politesses tout de suite.

-Si tu veux vraiment savoir qui je suis, Dragonne, on me connait sous le nom de Kah'mui, Roi et Maître de Meisa. Ma raison de vouloir faire ta rencontre n'est pas du tout lié à des buts agressifs. J'ai entendu des rumeurs, je suis venu les confirmer, car je croyais que faire la rencontre d'un authentique Dragon Sauvage pouvait être une expérience enrichissante.

Oui. Et la prochaine fois qu'il voudra faire une expérience enrichissante avec la créature qui détient actuellement la première place sur la chaine alimentaire, il se fera un plaisir d'ignorer ce désir et de trouver quelque chose de plus constructif à faire, comme du criquet. Enfin, passons. Il resta un long moment devant la Dragonne, la menaçant de son épée tout au long de sa contemplation, puis il baissa sa garde et rangea sa lame dans son fourreau avant de détacher celui-ci de sa hanche et la jeter plus loin. Ehredna n'appréciera probablement pas ce traitement, mais il valait mieux vexer une épée qu'une créature vivante. L'épée fit quelques rebonds sur le sol avant de s'arrêter dans une touffe d'herbe et de boue. Il retira ensuite son manteau et son armure avant de faire de même. Par ce fait, il lui montrait qu'il n'était pas armé et qu'il ne comptait pas lui faire de mal.

-Je ne suis pas ici pour te blesser, ni t'offenser. Crois-le ou non, je ne suis ici qu'en tant qu'érudit. Il y a beaucoup de mystères dans ce monde, et je me plais à les élucider. J'ai vécu très longtemps et rencontré beaucoup de dragons, mais tu es la première dragonne née et élevée en liberté que j'entends à connaître le langage des hommes. Comment l'as-tu appris?

Enfin, pour Kah'mui, il n'était pas nécessaire de parler une langue spécifique pour être compris; elle aurait inventé un langage mélangeant dix-huit langues qu'il aurait quand même compris ce qu'elle lui disait, puisque son cerveau est naturellement programmé pour comprendre tous ou presque tous les dialectes existants.

La pointe de l'épée sous le nez de la jeune femelle aux écailles rouges ne l'impressionnait pas... elle maintenait son adversaire au sol de sa patte et si elle était proche de lui, elle faisait quand-même en sorte de rester suffisamment éloignée pour ne pas risquer de se recevoir une estafilade sanglante sur le nez, ce qui lui laissait toute l’opportunité de lui griller la cervelle en un souffle si ce que le beau... comment ça, beau ?! Non, elle ne devait pas penser une chose pareil ! Pas d'un ennemi, et encore moins d'un humain... si l'humain venait à dire ou à faire quelque-chose qui ne lui plaisait. Bien-sûr, il lui restait toujours la solution de retourner sa lame et de la lui planter dans la patte... mais si il faisait ça, il se prendrait un coup de revers de son autre patte qui le couperait en deux. D'après-elle, elle ne pouvait pas perdre, elle l'avait coincé et il ne pourrait se sortir de là que si elle le décidait... mais il était vrai qu'elle ne connaissait pas le roi de Meisa et qu'elle ignorait tout de ses pouvoirs...

Quelle ne fut pas la surprise de Rexia lorsque celui qui se présenta par la suite sous le nom de Kah'mui réussit à se libérer de son emprise... c'était impossible ! Les humains n'étaient pas aussi forts, normalement... se pouvait-il donc qu'il ne soit pas humain ? Il était vrai que son odeur n'était pas la même que la leur... elle avait déjà eu à-faire à la puissance des machines... en était-il une ? Enfin bon, passons... lorsque l'homme se sortit de sous sa patte et alla se placer en position défensive un peu plus loin, la dragonne eut le reflex de reculer vers le lac où elle pourrait se réfugier si elle se faisait attaquer par plus fort qu'elle... car dans ce genre de situation, la fuite serait son seul moyen de ne pas perdre la vie, ou sa liberté, ce qui soit dit-en passant était pire que la mort. Le dos rond, la dragonne se plaça sur le côté et observa Kah'mui de ses yeux brillants. Elle était presque à plat-ventre sur la plage de galets... elle lui exposait ses flans, mais protégeait ainsi son ventre qui était moins protégé que le reste de son corps, car les écailles y étaient douces et fines, ayant naturellement évolué dans cette direction pour être doux aux petits dragons. Sans pour autant baisser sa garde, elle accepta d’écouter cet homme, le seul son sortant d'elle était un sifflement...

Rexia n'avait pas menti lorsqu'elle avait dit qu'elle sentirait si il lui, il mentait... les dragons possédaient des sens hyper-développés et les plus entraînés étaient capable de sentir, de voir, ou d'entendre le mensonge. Lorsqu'une personne mentait, il laissait toujours apparaître des signes... il transpirait, l'odeur de la peur ou du stress était présente dans l'air, parfois infime, mais bien présente. Ou alors des signes physique, des mouvement sur son corps, tentait à prouver qu'il était en-train de mentir. Souvent, c'était aussi la voie qui tremblotait. Bien-sûr, ce qui étaient bien entraînés pouvaient cacher ces signe... mais les personnes ayant cette capacité de concentration étaient rares. Elle écouta, malgré sa crainte, les paroles de l'homme... et elle ne sentit aucun mensonge ni dans sa voie, ni dans son comportement. Il marqua également un point en se débarrassant de son arme et de son armure... elle observa chacun de ses mouvements en sifflant tel un serpent, jusqu'à ce que la dernière pièce de ferraille soit lancée au-loin... alors, elle se détendit légèrement, acceptant de croire qu'il n'était pas venu pour la menacer, ses écailles jusque-là hérissées reprirent leur place et elle arrêta de grogner... mais elle ne rangea pas les dents, ni les griffes, elle se tenait toujours prête à se battre, et elle se montrait physiquement menaçante envers son interlocuteur. Ce n'était pas parce qu'il n'était pas une menace qu'elle appréciait sa présence...

Lorsque Kah'mui eut terminé de parler, la queue de la dragonne rouge se mit à fouetter l'air de mauvaise humeur... elle accepta cependant de répondre à sa question :

-Je tiens le savoir de ce langage de mes géniteurs, qui eux-même le tenaient de leurs géniteurs, et qui eux-même le tenaient de leurs géniteurs, et ainsi de-suite depuis des générations. L'espèce des hommes et des dragons ont évolués en même-temps dans ce monde, tout comme leurs moyens de communication... nous aurions dû nous le partager, normalement, mais les hommes ont préférés nous considérer comme des animaux et se croire au-dessus de tout.

Rexia tourna le dos à Kah'mui, gardant cependant son cou tourné afin de le regarder, toujours méfiante...

-Je n'ai pas confiance en les humains, siffla-t-elle à son adresse, en dardant l'air de sa langue fourchue. Les tiens m'ont fait trop de mal. Puisque ta présence n'était pas menaçante, je ne te ferais pas de mal non-plus, mais va-t-en ! Je ne veux pas de toi sur mon territoire !

Et, sur ceux, Rexia s'en alla, se dirigeant vers l'entrée de sa caverne qui se trouvait seulement quelques mètres devant-eux, cachée au-milieu des arbres. Si elle ne regardait plus l'humain, elle le surveillait cependant toujours... elle avait la tête haute, les oreilles dressées et les naseaux au-vent. Elle se tenait prête à réagir si elle ressentait un geste suspect, ou une attaque dans son dos. Il ne serait pas dit d'elle qu'elle était une créature stupide qui tuait tout ceux qu'elle n'aimait pas... mais il ne serait plus dit d'elle non-plus qu'elle n'avait pas la moindre once de prudence.

Bon sang ce qu'elle est belle... ... NON MAIS CA NE VA PAS LA TÊTE!?. Kah'mui avait un faible pour tout ce qui transpirait naturellement la puissance, la beauté et la majesté, et si en plus il y avait une couche d'intelligence, alors, c'était le pied. Mais là, ce qu'il contemplait était une créature qui ne l'aimait visiblement pas beaucoup.

Il aurait cru que la Dragonne allait profiter de son désarmement pour l'attaquer et en finir d'un coup de crocs, ce qui lui aurait probablement attiré les foudres (au sens littéraire) du puissant Roi-Sorcier. Ce serait ce qu'il aurait fait, pour sa part, dans sa situation. Si un intrus s'infiltrait en Meisa sans au moins montrer ses politesses, il aurait tôt fait de s'étonner de pouvoir voir son corps sans tête de ses propres yeux. Ainsi donc, les Dragons continuaient de se transmettre le savoir ancestral de la parole. C'était bon à savoir, cela voulait dire qu'il y avait des créatures non-humanoïdes qui pouvaient encore apprendre plus que des tours, car la parole est le premier pas vers l'intelligence, et l'intelligence vers la connaissance, et la connaissance vers la sagesse. Enfin, c'était la théorie. Kah'mui savait parler depuis des siècles, et il ne se considérait pas comme sage pour autant. Quoi qu'il se considérait quand même moins stupide que la majorité du genre vivant, qui comptait dans ses rangs les créatures ayant commis les pires erreurs que le monde n'a jamais connu; les humains.

Ce qui le surprit, par contre, c'était que quelqu'un, autre qu'un chasseur de dragons (et Kah'mui n'en avait recensé que huit, et aucun n'avait de prédisposition pour la violence gratuite contre les créatures pacifiques), avait osé s'en prendre à une bête aussi puissante et majestueuse. Au début, il avait cru que Gladhys était une personne. Maintenant, il croyait qu'il s'agissait plutôt d'un nom de code pour quelqu'un ayant des intentions plus que néfastes. Il voulut interroger davantage la dragonne, mais celle-ci ne semblait pas d'humeur à discuter, pas le moins du monde. L'Immortel regarda un long moment la magnifique bête et croisa les bras lorsqu'elle lui demanda de partir. Enfin, demander, c'est un bel euphémisme. Disons que c'était une proposition à laquelle il était très vivement recommandé de se conformer. Malheureusement pour Rexia, elle avait affaire à un homme qui se plaisait à désobéir.

-Tu as un jugement bien fermé sur le monde que tu rencontres. Les miens ne t'ont rien fait, pour la simple raison qu'il n'y a pas d'autre "mien" que moi-même. Et jusqu'à ce que tu acceptes de me parler, je ne partirai pas d'ici.

Sur ces mots, il ramassa ses affaires et se choisit un petit coin bien tranquille où il décida de s'installer. D'un index en balayant l'air, il chassa magiquement l'humidité qui fila droit dans le bassin. Une fois l'herbe sèche, il se dirigea dans les bois et alla se procurer quelques branches d'arbre tombées et du bois mort, qu'il ramena. Avec deux branches en fourche et une longue, il accrocha son manteau pour le faire sécher au vent, puis il alla récupérer son armure, qu'il cloua contre un arbre pour éviter qu'elle ne rouille (car les nains aimaient leurs oeuvres plus que leurs femmes, et si son armure rouillait, il risquait de se prendre une sacrée dérouillée auprès d'Hox le forgeron). Avec ce qui restait de branches mortes et une multitudes de pierres grises, il se fabriqua un petit feu de camp, avant de l'allumer d'une étincelle magique. Si Rexia refusait de lui parler, il suffisait de lui montrer un peu de désobéissance, et elle allait tôt ou tard lui adresser la parole pour le faire partir, ce qui lui permettrait d'en savoir un peu plus à son sujet. C'était une manœuvre plus ou moins méprisable, mais elle n'était en rien déloyale, car il ne la forcait pas directement à lui adresser la parole.

Il lui fallut à peine une petite minute monter son campement... mais en toute honnêteté, et à sa grande honte, il était apparent que Kah'mui n'avait plus ses talents de survivant. Sa vie de chateau l'avait tellement ramolli qu'il ne savait même plus rien faire par lui-même. Juste pour commencer, sa tente, fabriquée même par magie, était fuyante et fragile, son feu allait probablement mourir dans les prochaines minutes et en plus, il n'avait rien à se mettre sur le dos. S'il n'avait pas réussi à capturer ce cerf bien dodu, il se serait peut-être même caché dans les bois pour ne pas admettre son incompétence devant la dragonne. Dire que seuls ses instincts de tueur étaient encore parfaitement intactes, c'était une honte. Il se surprit même à espérer que Rexia n'avait jamais pris la peine de s'informer sur les méthodes de survie humaine, car sinon, il y avait de grandes possibilités qu'elle lui fasse une vanne bien mordante. Et une dragonne qui se paie votre tête, attention à votre orgueil!

Il jeta quelques fois des coups d'oeil à Rexia, juste pour voir comment elle réagissait à son invasion de son espace privé. Mentalement, il prenait note de toutes ses réactions. Après tout; n'était-ce pas pour cela qu'il était là? Pour apprendre à la connaître?

Rexia tourna vivement la tête en direction de l'humain, ne l'observant que d'un seul de ses grands yeux ambrés, poussant un profond rugissement roc venant des tréfonds de sa gorge, lorsqu'elle essuya le refus de celui-ci de quitter son territoire... non-mais comment osait-il, ce misérable humain ?! Avait-il réellement envie que la dragonne l'attaque, qu'elle le force à s'enfuir devant sa puissance rageuse, devant son ressentiment pour ceux de son espèce... peu lui importait que les "siens" ne lui aient pas fait de mal. C'était tous des humains, c'était la même chose. Voir, peut-être même, qu'elle le tuerait ? Rexia n'avait pas envie de tuer quelqu'un qui ne la menaçait pas, mais ce n'était pas pour autant qu'elle ne le ferait pas si elle décidait que cela était pour elle une question de survie, de santé... et elle n'en éprouverait aucun remord, sa propre survie passait avant celle des autres, à ses yeux. Elle fut tentée durant un instant de faire demi-tour et d'aller lui donner un puissant coup-de-patte, en place et lieu d'une gifle, afin de lui apprendre à respecter la dame-dragon qu'elle était, et à ne pas la défier sur SON territoire... mais l'homme était déjà en-train de monter son campement, et elle le vit chasser l'humidité d'un geste de la main... c'était comme si les goûtes d'eau étaient des soldats obéissant à leur chef-de-guerre...

De la magie ? Ainsi donc, cet homme était un magicien ? C'était finalement sans-doute grâce à cela qu'il avait réussi à lui écarter la patte, et non parce qu'il était muni de bras mécanique comme celui qui l'avait souillé dans le laboratoire... sans pour autant perdre sa férocité et sa méfiance, une lueur d'interré traversa l'oeil ambré de la dragonne... mais elle chassa bien vite cet interré : il était un ennemi, un intrus, et elle se devait de le traiter comme tel. Elle ne sut cependant pas ce que c'était, mais quelque-chose lui fit tourner la tête et lui répondre :

-Je suis trop fatiguée pour te chasser d'ici maintenant, mais je te préviens : si demain-matin, lorsque je me lèverais, tu es toujours là, je t'emporterais dans les airs et je t’amènerais aux limites de mon territoire, où je te lâcherais pour que tu t'écrases au sol.

Et sur-ceux, avec des gestes secs et visiblement de mauvaise humeur, elle traversa le peu de terrain qui la séparait de son chez-elle, écrasant sans ménagement des bosquets d'arbres sur son chemin et faisant fuir une famille de mulots au passage, et elle rentra dans sa caverne... au fond de celle-ci se trouvait son trésor. Il pouvait être immense aux yeux d'un bipède, mais il n'était pas très impressionnant aux yeux des dragons. Il était seulement assez grand pour qu'elle puisse s'y installer dessus... mais bon, temps qu'elle n'avait pas de compagnon ou de petits, il lui convenait. Elle avait gagnées toutes ces richesses en creusant dans des cavernes et en visitant d'anciennes civilisation et des châteaux tombés au combat depuis des années, suivant l'odeur de l'or et des diamants. Trop d'histoires de dragons morts parce qu'ils avaient voulu augmenter leur trésor et piller les humains avaient bercée son enfance... elle avait tenu à rassembler un trésor qui ne lui attirerait pas les désirs de vengeance, bien qu'elle ne pouvait rien pour repousser les pilleurs qui ne trouvaient alors que flammes et griffes comme récompense à ceux qui arrivaient à traverser son territoire sans se faire tuer par les bêtes sauvages. L'appel de son matelas doré était puissant... elle voulait se coucher et se laisser emporter dans ses rêves, oublier peur et colère... mais au-lieu de ça, elle baissa la tête et poussa de ses cornes un petit tas de son trésor.

Elle se fit un oreiller à l'entrée de sa caverne, sur lequel elle se coucha, et elle posa ses yeux sur l'homme qui était en-train de s'évertuer à monter sa tente. Elle lui cria :

-Je ne vais dormir que d'un oeil... si tu tente quoi que ce soit, je te prendrais dans ma gueule et je t'avalerais sans même te mâcher.

Rexia savait se montrer très imaginative, lorsqu'il s'agissait de menacer. Et, sur ceux, elle posa la tête sur ses pattes et laissa la soirée filer son court...

Elle ne trouva pas le sommeil, trop occupé qu'elle était à garder un oeil pointé sur l'homme et à observer ses fais-et-gestes... elle n'était pas une grande connaisseuse des campements humains... mais à voir comment les choses évoluaient pour lui, elle n'était pas certaine qu'il soit vraiment très doué pour la vie à l'état sauvage. Sa "tanière" ressemblait à la peau mitée d'un vieux loup posée sur une branche, et même un dragonneau était capable de cracher des flammèches plus impressionnante que son feu de camp. Cependant, elle dut bien admettre, en voyant le gros cerf bien gras qu'il rapporta, qu'il était doué pour la chasse... elle se demanda comment une créature aussi rachitique, sans crocs et sans griffes, si lente et si faible, était capable de tuer un tel animal... mais oui, la magie, bien-sûr.

Alors que l'homme dépeçait sa proie, sa tente finit par tomber et emporta au passage une pile d'assiette et une casserole posaient à côté d'elle... le tout tomba avec fracas dans le feu ridicule. Voyant cela, Rexia fut incapable d'étouffer un gloussement amusé que Kah'mui avait surement dû entendre... afin d'essayer de cacher qu'elle n'était plus d'aussi mauvaise humeur que tout-à-l'heure, elle tourna la tête de l'autre-côté. Elle essayait de ne pas lui montrer qu'avec les heures qui passaient, elle avait commencée à "s'habituer" à la présence de l'humain... sa mauvaise humeur du moment où elle avait vu cet homme, plus dû à la peur et au ressentiment de son expérience passé qu'autre-chose, s'était presque entièrement estompé avec la fatigue et le temps passé là, et elle avait même pris goût à l'observer se dépatouiller... mais elle ne voulait pas le montrer. Il ne fallait pas qu'elle oublie : c'était un intrus et un ennemi ! Un intrus... un ennemi... mais aurait-elle pensait la même chose si elle n'avait pas vécue ce qu'elle avait vécue ? La Rexia curieuse commençait à prendre le dessus sur la Rexia prudente.

La magie n'avait rien ou alors très peu à faire dans la force colossale de Kah'mui. Son corps ne prenait pas de masse musculaire. À la place, ses muscles gagnaient en densité et gagnaient une force de plus en plus grande. La magie avait simplement rendu le processus possible, c'est tout. Après, son corps avait simplement accepté cette programmation comme si elle était naturelle. Et c'était pour cela qu'il soulevait des poids sans effort, c'était pour cela qu'il était capable de sauter plus de dix mètres de hauteur, c'était pour cela qu'il pouvait courir à des vitesses presque divines; son corps avait été formé, transformé et travaillé pour réussir les faits les plus incroyables. Mais allait-il révéler ses secrets à une personne qui venait de lui faire des menaces? Oh que non. La prudence est mère de sûreté, et secret est père de prudence. Son corps renfermait énormément de surprises, et lui-même ne les connaissait pas toutes, malgré ses efforts pour tester toutes les propriétés possibles de son anatomie. Il se sait résistant à la plupart des poisons, ses os se sont brisés si souvent qu'ils en sont devenu aussi durs que du fer, sa vue peut percevoir une mouche à cent mètres (et une armée sur plus de trois kilomètres sans même être surélevé), il peut renifler les odeurs aussi bien qu'un lévrier et il entend encore mieux qu'un chaton paranoïaque (cette petite boule de poil sursaute juste à entendre de vos battements de cœur...)

Dans sa jeunesse, l'Archimage Darimon, son père adoptif, lui avait souvent raconté les histoires des dragons tels qu'ils étaient pendant sa jeunesse. Il lui disait; Crois-le ou non, mon fils, mais la chasse et l'extermination de cette merveilleuse race ne date pas d'il y a trois siècles. Cela ne fait qu'une vingtaine d'année que les armuriers ont découvert les redoutables propriétés d'une armure faite en écaille de dragons. Alors que leurs protections sont aussi résistantes qu'une armure en mythril, leurs os, une fois traités et affûtés, peuvent pénétrer dans la matière la plus résistante avec aisance. Les Dragons de mon jeune temps, mon garçon, étaient des créatures libres et puissantes, heureuses même. On les considérait même comme porteurs de bonne fortune, car ils étaient tout de même rares. Ce n'est que lors de l'avènement d'Orthos, le Roi-Dragon, que les Dragons sont devenus synonymes de destruction. Sous le règne de ce maudit sorcier, ces majestueuses créatures ont appris le goût du sang et de la guerre, et il le leur a plu. Puis, certains mages se sont fait un devoir de soumettre des dragonneaux à leur volonté pour plus tard en faire des armes de guerre. Et maintenant, tu connais l'histoire; la meurtre d'un dragon est salué comme une démonstration de son courage, l'anéantissement d'une famille complète, une tâche honorable et la maîtrise d'un représentant, une démonstration de puissance. Pour cette raison, la chasse aux dragon est interdite en Meisa, et même passable d'une vie entière de travail dans des conditions très pénibles. Pénibles? Non. Monstrueuses. Kah'mui n'était que cela, après tout; un monstre à visage humain, un être distordu par la guerre, par la mort, par un combat dans lequel il ne devrait, en toute normalité, même pas être inclus. Rexia le croyait humain simplement parce qu'il ne la considérait pas comme une menace, mais si elle essayait réellement de le tuer, elle risquait d'y laisser des écailles.

Il sentait le regard de la Dragonne sur lui, avec une telle insistance qu'elle devait probablement lui trouver un certain intérêt. Tant mieux; s'il avait réussi à piquer sa curiosité, c'était tant mieux. Enfin. Il était maintenant temps de faire son rapport auprès d'Alessa, au moins pour la rassurer et lui dire qu'il n'avait pas perdu une partie de son corps aux mains d'une créature particulièrement vorace. Il leva un index en l'air et dessina quelques symboles brillant dans les airs, puis il écrivit le nom de sa subordonné. A-L-E-S-S-A. Puis, l'air se distordit un moment, et l'espace se déchira comme un voile. De l'autre côté, le visage de son amie apparut. Elle était nue, visiblement dans sa chambre, occupée à astiquer son armure. Le Roi passa une main agacée sur son visage, ferma les yeux, rougissant, et toussa poliment pour attirer l'attention de sa suivante. Il s'ensuivit d'un bruit de métal qui tombe sur le sol, puis d'un banc et d'un cri de panique; la Meisaenne venait de se prendre les pieds dans son siège. Elle prit un moment pour se redresser puis sa tête apparait dans l'ouverture.

-Mon roi! Enfin! Ca fait des heures que j'essaie de vous contacter!
-Alessa, je t'ai déjà parlé des interférences magiques causées par la magie de la nature, ça ne sert à rien d'essayer de me parler quand je m'aventure dans une forêt.
-Alors, vous avez trouvez le Dragon?
-Une Dragonne, en fait. Quelque chose d'encore plus rare, si tu veux mon avis.
-Une femelle?
-Une très jolie femelle, d'ailleurs. Je crois que la dernière Dragonne que j'ai rencontrée n'avait même pas une fraction de son intelligence.
-Nahayiel voulait repartir à votre recherche, mon Roi, d'ailleurs, il rôde dans l'enceinte du fort et... AAAAH, NON, PAS LA FENÊTRE!

Un bruit de vitre cassée et d'un mur de pierre défoncé accompagna cette exclamation, puis l'énorme tête triangulaire du Dragon Noir apparut dans l'ouverture. La bête poussa de petits grondements presque amoureux et se mit à minauder tristement.

-Je vais bien mon grand.

Le Dragon pousse de nouveau petits sons, visiblement inquiet pour la sécurité du Roi. Kah'mui remarqua alors la différence entre la communication avec un Dragon ayant la capacité de parler et un autre ne l'ayant pas. C'était vachement plus compliqué dans le second cas. Ou pas, puisqu'un dragon ne pouvant pas parler est un dragon ne pouvant pas mentir.

-Mais oui, tout s'est bien passé.

Cette fois, le dragon sembla relater son voyage, puis baissa soudainement d'un ton. Le dernier grondement sembla surprendre le Roi.

-Comment ça?

L'animal rajouta quelques grognements explicatifs.

-NON MAIS TU PLAISANTES!? TU N'AS PAS FAIS-ÇA!

Cette fois, le Dragon sembla s'apitoyer et poussa de petits gémissements.

-Oh non, tu ne m'auras pas aux sentiments! On ne vole pas les vaches des pays voisins, je t'ai déjà interdit ça!

Le Dragon grogna puis se détourna de l'ouverture spatiale, visiblement outré d'avoir à subir d'autres remontrances..

-QUOI!? Tu ne vas pas partir comme ça! REVIENS IMMÉDIATEMENT! REVIENS, TE DIS-JE! Rev...! Oh et puis, va voir ailleurs si j'y suis!... Dragon de maison.

Ce n'était pas nécessairement insultant, mais pour le Roi, cela pouvait quand même l'être un tout petit peu. Agacé, le monarque mit fin à la communication. Et il a défoncé un mur du palais royal, en plus...! se souvint-il alors. Il se promit de lui faire passer un sale quart d'heure. Mécontent, il agrippa son manteau sec, puis il claqua des doigts, générant un chaleur dispersée pour réchauffer le vêtement, puis il s'entoura les épaules. Malgré les menaces de la Dragonne, il s'approcha d'elle et s'installa tout près, à un mètre de son museau, sans la craindre ne serait-ce qu'un seul instant.

-Vous êtes toujours seule, comme ça?

Il ne tenait pas particulièrement à parler de Nahayiel, mais il ne doutait pas un seul instant que les questions n'allaient pas tarder à fuser.

Rexia aussi avait entendu ces tristes histoires... pas celles parlant du règne d'un roi dragon ayant perverti les anciens membres de sa race qui étaient à une époque pacifique, mais celle de ces guerriers et de ces mages qui pourchassaient les dragons jusque dans leurs entres, qui les tuaient dans leur sommeil avec lâcheté, qui brisaient leurs oeufs, et qui volaient leurs bébés déjà nés dans le but de les dresser à coups de fouets et de bâtons, voir brisant leurs esprits à travers la magie. Les dragons tués par ces chasseurs recevaient un bien triste sort... leur corps était dépecé, leurs griffes, leurs os, leurs dents, et même le système qui leur permettait de cracher du feu devenaient des armes pour les bipèdes. Leurs yeux étaient souvent vendus comme boules de cristal, après avoir reçu un certain traitement. Leurs écailles étaient arrachés une à une, elles devenaient des armures, des boucliers, ou des ornements brillants pour les habits des dames capables de se les payer. Parfois, pour les individus assez grands, leurs pattes devenaient des sièges, et leur tête était accrochée à un mur. Finir découper en milles morceaux et éparpillée à travers le monde... rien que d'y penser, la dragonne avait des frissons... elle préférait encore faire une erreur en vol, s'écraser dans un marécage et finir dévorer dans la fange par les rats... au moins, là, elle serait morte en vol, et son corps retournerait à la terre.

Les ancêtres de Rexia avait leurs origines à Meisa, mais c'était à une époque si loin que sa famille avaient oubliés ce détail... ils avaient fuis les massacres de dragons pour trouver refuge dans des terres plus sauvage. C'était sans-doute ce qui l'avait sauvé d'une naissance en esclave, voir de ne pas avoir de naissance du-tout. Dès qu'ils avaient eu l'âge de comprendre ce genre d'histoire, Xyria, sa mère, avait enseigné cela à ses petits, malgré les lueurs effrayées dans les yeux de ceux-ci... elle avait fait cela pour leur bien, dans le but de leur enseigner qu'il fallait qu'ils soient prudents, et qu'ils évitent à tout-prix les humains... ça n'avait marché qu'à moitié, pour la dragonne rouge. Elle avait su se trouver une caverne loin de tout, difficile d'accès à-pied, où elle était plus ou moins à l'abri des chasseurs de dragon. Mais hélas, malgré cela, elle ne s'était pas montré assez prudente, et elle n'avait pu échapper à un programme scientifique fou plus déterminé que n'importe quel humain. Depuis ce jour, elle était réellement devenu prudente, et même amère envers ceux qu'elle prenait pour des humains.

*Qu'est-ce-qu'il fait, encore, celui-là ?* se demanda la dragonne lorsqu'elle vit Kah'mui lever la main en-l'air et faire d'étranges signes. Etant de l'autre-côté du "portail de visualisation magique" qui lui permettait de discuter avec sa servante, Rexia ne pouvait pas voir ce qu'il se passait à-travers la fenêtre... cependant, elle fit que l'espace se distordait devant-lui pour former une sorte d'ovale en-l'air. Quand il commença à parler, elle se demanda si il discutait tout-seul... mais une voie lui répondit, elle comprit donc que c'était un moyen de communiquer à distance. Elle écouta ce qu'il se disait d'une oreille distraite, au-cas où il la croirait endormi et qu'il appel du renfort dans le but de l'attaquer durant la nuit... on ne savait jamais, il pouvait très bien lui avoir menti depuis le début de la soirée et appeler des hommes embusqués dans les bois... elle surprit le terme "une très jolie dragonne". Malgré-elle, elle se sentit rougir sous ses écailles, une sensation qu'elle essaya de faire partir en se frottant les joues entre ses pattes-avants.

Parmi les voies qui sortaient de cette espèce de miroir-fait-d'air, elle reconnut les paroles faites de grognement et de petits mugissements de l'ancien langage des dragons... elle le connaissait aussi bien que le langage des hommes, et elle fut surprise qu'un humain puisse aussi-bien le comprendre. Mais ce qui la surprit d'avantage, c'était les paroles, et le ton du dragon mâle de l'autre-côté... il semblait plus qu'apprécier ce bipède : il semblait se soumettre à lui... il parlait comme un cheval hennissant à son maître, un jeune cheval ayant encore du mal à obéir, cela-dit. Il y eut une dispute entre-eux... ou plutôt, le dragon râlait et l'humain grondait... et les soupçons de la femelle furent confirmés lorsqu'il l'appela "dragon de maison". Elle ne savait pas ce qui l'agaçait le plus : que l'humain traite des dragons de cette façon, ou qu'un dragon se laisse traiter de cette façon... sans-doute la première proposition, car les dragons dressés l'étaient souvent dès la naissance, ce n'était pas de leur faute si ils avaient perdus leurs instincts sauvages.

La communication ayant pris fin, l'homme vint s'installer auprès d'elle... non-mais quel imprudent ! Rexia était peut-être de meilleure humeur, mais elle n'était toujours pas contente de sa présence... et puis, d'ailleurs, son humeur s'était encore alourdit en apprenant cet histoire de dragon dressé. De la fumée sortit de ses naseaux pour lui montrait qu'elle n'aimait pas du tout son comportement... elle aurait attaqué, si il était venu avec son arme. Mais finalement, elle se contenta de tourner la tête dans l'autre-sens, de lui exposer sa nuque pleine de piques et de faire mine de l'ignorer. Visiblement pas décidé à la laisser tranquille, il lui posa une question... la dragonne grogna de mauvaise grâce. Quelques heures plus tôt, elle n'aurait pas répondu... quelques heures plus tôt, elle ne l'aurait pas non-plus laissé approcher d'aussi près. Elle se demanda si il avait senti qu'elle était plus calme, et si il s'était approché d'elle à ce moment-là exprès. Finalement, elle soupira... et accepta de répondre :

-Oui. Les dragons sont rares, peu nombreux dans cette région. Je n'ai jusque-là connu que mes frères et ma soeur, qui vivent je ne sais où, maintenant... quand à mes parents, ils m'ont chassés de la caverne quand j'ai atteint l'âge adulte pour faire la place à une nouvelle couvée, je ne les reverrais sans-doute jamais. Et pour ce qui est de tes semblables... elle redressa la tête, le corps toujours allongé sur l'or, et observa les eaux qui s'étendaient face à eux... les seuls autres à m'avoir rendus visite étaient des pilleurs voulant prendre mon trésor... leurs cadavres carbonisés reposent au fond de ce lac.

Cela-dit, Rexia garda la tête haute et se tourna vers Kah'mui... c'était à son tour de lui poser une question :

-Y-a-t'il beaucoup de dragons dressés, dans ton royaume ? La lueur dans son regard semblait dire "es-tu là parce que tu veux me dresser, moi-aussi ?". Une chose de sûr : Rexia préférait encore être tuée que se soumettre volontairement à un humain... la dernière-fois qu'elle l'avait fait, elle y avait été contrainte par des liens d'acier.

Il avait effectivement remarqué l'odeur désagréable des cadavres calcinés qui sillonnaient les alentours du trésor. Dans quelques mois, quand la chair aura fini de tomber en centre et/ou en asticots, cela fera quand même une chouette décoration autour du trésor, qui lui donnerait le titre de trésor maudit ou un truc du genre. Il y en avait un, de truc comme ça, en Meisa. L'artéfact Ashansha se trouvant sous le Palais des Anciens avait lui-même sa charmante collection de squelettes, tous ces ignorants qui avaient tenté de doubler le Roi et se servir de la puissance phénoménale que recelait cette relique, seulement pour être consumés par elle. Ces morts ne lui plaisaient pas, et pourtant, chacun se devait de faire face à sa punition pour ses crimes, qu'ils soient ou non motivés par le mal. Kah'mui n'avait rien d'une personne cruelle, il avait appris à dompter sa folie, à contrôler ses accès de rage et à ne pas s'abandonner à l'euphorie provoquée par le carnage, mais il ne pouvait s'empêcher de ne ressentir aucune émotion particulière devant ces morts.

La Dragonne l'observait. Pas avec ses yeux, puisqu'elle ne le regardait pas, mais elle l'écoutait, et probablement qu'elle rassemblait toutes les informations possibles sur lui en prévision d'une trahison. C'était ainsi, mais Kah'mui le lui pardonnait. Les créatures qui ne vivaient en majorité que de leur instinct étaient méfiants, et l'intelligence ne faisait que doubler cette méfiance, ils n'étaient pas du genre à pardonner tout simplement; à leur douleur, ils voulaient réparation. Un droit que toute créature intelligente pouvait réclamer sans honte. Enfin. Elle l'interrogea sur Nahayiel, ou plus exactement sur le nombre de dragons dressés en Meisa. Le Roi se couvrit l'entièreté du corps avec sa cape avant de parler.

-Non. Il n'y a pas de dragons dressés en Meisa, parce que j'y ai interdit la domestication des êtres pensants, et les dragons, même si la plupart sont davantage gérés par leur instinct que leur raison, entrent dans cette catégorie. Il y a des Dragons qui acceptent de collaborer avec nous, mais c'est de leur plein gré. Nahayiel est... une exception à cette règle. Ce n'était encore qu'un oeuf quand mon père me l'a ramené. Nous n'avons jamais su ce qui était advenu des parents. Ce qu'on sait, c'est que l’œuf était mourant et que si personne ne le prenait en charge, le futur dragonneau n'en ressortirait pas vivant. Il a prit l'oeuf ainsi qu'une part de trésor pour lui permettre d'être confortable et l'a ramené dans ma chambre. Nahayiel signifie "Survivant", dans la langue des mages, et je l'ai nommé parce que je ne voulais pas qu'il s'abandonne à la mort. J'ai dormi avec ce dragon, mon lit couvert de pièces d'or qui se collaient à ma peau, qui me salissaient et parfois même qui me blessait quand je bougeai, mais j'ai accepté cet inconfort pour qu'il puisse être à l'aise.

Il repris son souffle après cette partie de son discours achevé. Il n'aimait pas ressusciter des souvenirs trop anciens, cela lui rappelait inconfortablement qu'il n'avait pas le don des hommes, et qu'il était encore condamné à vivre quelques siècles de plus, et accessoirement voir ses amis périr. Il chassa ces sombres pensées de son esprit et recommença à parler.

-Il est né un matin d'été. Il n'était pas plus grand que ma main, et son oeuf était trois fois plus grand que lui. Au début, il était fragile, et incapable de se nourrir par lui-même. Nous l'avons nourri avec du lait et des herbes à feu pour renforcer ses muscles et ses organes, et pour la plus grande partie de sa petite enfance, nous l'avons laissé vivre dans le confort. Nous avons commencé à le nourrir de viande quand il eut enfin toutes ses dents de lait pour mastiquer, et ce fut une tâche de moins sur nos épaules quand il s'intéressa enfin à la chasse.

Il marqua une petite pause et se recroquevilla un peu, le regard brillant d'une nouvelle tendresse.

-Il n'a jamais rien connu d'autre que la vie d'un dragon domestique. Mais pour moi, ce n'est pas mon familier. C'est un de mes amis les plus loyaux, mais la pire tête bornée que je n'ai jamais rencontré. Pourtant... je l'aime profondément, et je suis très fier de ce qu'il sait faire malgré son incapacité de communiquer dans la langue des hommes. C'est une créature noble, qui ne se comporte jamais mal, et toujours avec dignité... sauf avec moi, parce qu'il m'aime bien, et il se permet de montrer ses côtés plus... agaçants.

Il regarda Rexia dans les yeux, maintenant qu'il avait son attention. Ses pupilles fendues se braquèrent dans les siennes, similaires. Il hésita un moment, mais il finit par laisser tomber son manteau et dévoilà son flanc droit en relevant sa tunique, révélant une étrange brûlure en forme de A encerclé par un motif de chaine, avec la phrase; Asteum est vahaim ou "L'Homme est Objet", une phrase Ashnardienne qui distinguait les gens normaux des esclaves, entourant la blessure. Kah'mui avait été un esclave avant d'être Roi.

-Je sais ce qu'est qu'une vie de servitude. Lorsque j'ai été capturé par les Ashnardiens, il y a deux cent ans, ils m'ont dépouillé de mes pouvoirs, puis ils m'ont marqué. Traité encore pire qu'un animal galeux, j'ai été humilié, maltraité, j'ai été entrainé à conserver un sourire peu importe à quel point j'étais en souffrance. Je ne laisserai jamais personne vivre ce que j'ai vécu. Pas sous ma surveillance. Jamais.

Il rabaissa la tunique pour masquer cette marque, visiblement contrarié juste à se rappeler de la présence de celle-ci. Mais s'il voulait gagner la confiance de Rexia, il lui fallait être honnête, non? Enfin, c'était ainsi qu'il basait les relations saines; sans cachotterie et sans mensonge, juste de la franchise.

Ainsi donc, elle avait faite fausse-route... il n'y avait pas de dragon dressé dans le pays d'où cet homme était roi, et celui qu'elle avait entendu parlant de la langue des dragons sauvages, semblant se soumettre à cet homme, n'était qu'une exception à cette règle née avant qu'il ne mette en place sa loi, alors qu'il n'était qu'un enfant ? Rexia était sceptique, et gardait tous ses sens en éveil, continuant à guetter le moindre signe de mensonge... une odeur, un mouvement, une parole ou une intonation placée au mauvais endroit, au mauvais moment... elle n'en sentit aucune. A moins que cet humain soit le plus grand acteur que ce monde n'est jamais connu, il lui disait la vérité depuis le début de son histoire... alors elle décida de l'écouter jusqu'au bout, parce que, il fallait bien qu'elle l'avoue : l'histoire de ce petit dragon, perdu alors qu'il n'était qu'un oeuf, et retrouvé et élevé par des humains, l'intéressait... Rexia était encore une enfant une année plus tôt, et elle aimait toujours les histoires.

Elle ne put s'empêcher d'être impressionnée, et en même-temps touchée, par ce qu'elle apprenait, par ce petit-homme qui avait abandonné son confort de prince pour accorder du confort à un oeuf. Elle avait pensée, depuis sa mésaventure, que tous les hommes étaient des monstres qui prenaient les dragons pour de stupides animaux, qui prenaient tout ce qui n'était pas humain pour de stupides animaux, et même certains, parfois, allaient jusqu'à penser cela de leurs propres semblables... elle s'était grandement trompée : certains humains étaient bons, finalement. Petit-à-petit qu'il avançait dans son récit, l'homme pu voir des changement sur la dragonne rouge... elle se détendait, prenait une position plus confortable que défensive, et maintenant, elle avait les yeux braqués sur lui, et elle l'écoutait... elle l'écouta jusqu'au bout. Elle ne se permit qu'un commentaire lorsqu'il parla du côté borné de son ami, levant légèrement la tête, visiblement fière de cette vérité :

-Peu importe leur naissance ou leur vie, les dragons restent sauvages de nature. C'est comme pour l'histoire de cette vache qu'il a volé : tu pourras lui interdire ce que tu veux, lorsqu'un dragon à faim, il prend ce qui lui tombe sous la patte... c'est dans notre nature. Mais si il se contente de se montrer agaçant et non de te faire du mal, je pense que ça veut dire qu'il t'aime bien aussi... il se comporte un peu comme mes frères, à l'âge bête, où ils passaient leur temps à désobéir aux interdictions de père par esprit de contradiction, juste parce qu'ils voulaient défier un grand dragon, et qu'à part lui, il n'y en avait personne. Elle rit un peu : mais père savait les remettre à leur place.

En effet, recevoir un coup de la pointe de la queue sur le bout du museau faisait monter les larmes aux yeux plus surement que la gifle d'une mère humaine.

Par la suite, l'homme releva sa tunique, dans le but de lui montrer son corps... la dragonne pencha la tête sur le côté, surprise : pourquoi faisait-il cela ? Elle eut la réponse en voyant la marque faite au fer rouge sur son flan... elle en avait déjà vu chez les troupeaux de chevaux qui appartenaient à des hommes... et lorsque celui-ci lui expliqua qu'il avait également été esclave. Rexia fut surprise qu'il se confit ainsi à elle... mais elle comprit pourquoi : il cherchait encore par tout les moyens de gagner sa confiance... et bien, en réalité, cela marchait. Elle sentait qu'il disait la vérité... il avait presque l'air d'un dragonneau... en rapport à sa taille... triste après des maltraitances, et elle avait envie de le consoler. Il avait été honnête avec elle... finalement, elle décida de faire de-même avec lui, au-moins dans le but qu'il comprenne pourquoi elle l'avait traité ainsi. Non-pas qu'elle se cherchait des excuses, elle n'en sentait pas le besoin, elle pensait avoir eue raison de se méfier ainsi... mais elle voulait qu'il comprenne.

-J'ai aussi connu cela, lui répondit-elle finalement, tendis que sa queue frottait doucement sur le sol de pierre de sa caverne... c'était un signe qu'elle était calme, pour le moment. Il y a quelques mois, je ne me serais pas montré aussi méfiantes... prudente, peut-être, au cas-où tu aurais été un autre pilleur, mais j'aurais plus facilement accepté de te parler. J'ai changé à cause d'une mauvaise expérience, j'ai appris à me méfier des hommes... je me suis faite capturer par des humains et enfermer dans un laboratoire dont le but été de... hum... étudier en profondeur l'anatomie de ses sujets, dont j'ai fais partie durant plusieurs heures. Ils m'ont torturés dans le but de leurs expériences, dans le but de connaître mes limites. Je n'avais jamais été aussi humiliée, aussi terrifiée... je n'avais jamais eu aussi mal.

Instinctivement, elle entoura ses membres arrières de sa queue, comme si elle cherchait à se protéger... elle n'avait pas était très explicite, mais elle imagina que Kah'mui avait compris ce qu'elle voulait dire par "étudier en profondeur l'anatomie de ses sujets". Elle resta un moment silencieuse, les yeux dans le vide, à frissonner... avant de continuer :

-Ils voulaient me garder durant tous les siècles qui composaient mon existence et me faire subir cela chaque-jour... les choses ont empirés quand j'ai refusée de me soumettre à-eux. Par chance, j'ai réussie à m'échapper, et depuis, je reste cloîtrer sur mon territoire, afin de ne plus croiser d'humain.

Elle tourna vers lui ses grands et brillants yeux ambrés... elle l'observa longuement, et termina en disant :

-Je m'excuse de m'être montré aussi méfiante... j'avoue que tu m'as simplement fait peur. Mais puisque tu as toi-même vécu ce genre de chose, j'imagine qu'on peut se comprendre... et... attend une seconde... elle venait de se rendre compte que quelque-chose n'allait pas, dans le récit du roi. Une lueur suspicieuse passa dans ses yeux : tu dis que tout-cela t'est arrivé il y a deux-cent ans ? Mais selon mes connaissances, les humains ne vivent pas plus de quatre-vingt-dix ans. Et j'ai beau ne pas savoir faire la différence entre deux de tes semblables, je suis certaine que tu n'es pas aussi vieux. Essaierais-tu de te jouer de moi... ou es-tu plus que ce que montre ton apparence ?

[Désolé pour cette réponse courte, je ferai mieux la prochaine fois]

Il se souviendrait toujours du jour où il a été fait esclave. Son maître, Kehelon, avait un œil pour tout ce qui sortait de l’ordinaire. Mais à un moment, alors qu’il se séparait de cet homme, il lui avait à jamais gravé la peur des sorciers au plus profond de l’âme; avec une flamme de sorcier sur le côté gauche de son visage. Son nouveau maître, par contre, n’était pas intéressé le moins du monde par son corps; en fait, avec le temps, ils sont devenus les meilleurs amis du monde, lui étant intéressé par l’immortalité et ses effets et le Roi étant intéressé par la vie d’un serviteur; après tout, pourquoi pas? Après des années, alors que son ami mourrait, lui restait jeune et frais. Après seulement dix années, le Duc Ehlon décéda dans son lit, malgré les efforts d’un puissant sorcier pour repousser les ultimes instants de son camarade. Les derniers mots d’Ehlon furent « Sais-tu, mon ami, de nous deux, je suis le plus chanceux » en hommage à ses critères désagréables sur l’immortalité et la vie de solitude que cela représentait. Ce fut un départ douloureux pour Kah’mui, mais en un sens, cela lui avait redonné espoir en l’humanité et les êtres vivants en général; malgré leurs défauts, leur arrogance et leur manque de logique, même de bonté, il y avait encore des représentants qui pouvaient potentiellement ouvrir la marche vers la Transcendance; des gens qui pouvaient devenir de vrais modèles et, possiblement, rendre la justice dans ce monde décadent, et ces gens, même s’ils sont peu nombreux, méritaient d’être préservés. Il pouvait comprendre pourquoi Rexia détestait les êtres humains, qu’elle pouvait détester tous ceux qui n’étaient pas de sa propre race ou lignée, mais tout comme lui, elle devait se rendre compte qu’il n’y a pas que des mauvaises personnes dans le monde, qu’il fallait simplement qu’elle s’entoure de ceux qui l’aideraient.

-Crois-le ou non, que tu sois méfiante est une preuve que tu es maligne. Mais la méfiance ne doit jamais t’aveugler du bon qu’il existe dans le cœur des gens. C’est une leçon de vie que je souhaite que tu apprennes à la manière douce. La manière forte… est particulièrement désagréable. Et pour ta question… non, je ne suis pas un être humain. Enfin… j’aurais dû l’être, mais je ne le suis pas. Quelque chose s’est passé avant, pendant ou après ma naissance qui a fait de moi ce que je suis. Je pourrais essayer de t’expliquer, mais même moi je ne comprends pas totalement ma propre situation. Je sais juste que je ne meurs pas; je vis tous les jours qui passent, je meurs par moment, mais je me relève dans la même semaine, et même si je suis mort sur un bûché, je me retrouve avec une peau aussi belle, rose et saine que des fesses de bébé.

Il regarda la dragonne et se rendit compte à quel point cela devait lui sembler totalement absurde; être incapable de mourir, elle devait lui trouver une sacrée imagination. Mais il n’y avait pas un seul mensonge dans les mots qu’il venait de prononcer. Il avait vécu plus que la plupart des gens et créatures qui n’avaient jamais frôlé cette terre. Mais il ne s’attendait tout de même pas à ce qu’elle le croit sur parole, ce serait beaucoup trop demander de sa compréhension. Il prit un long moment pour la contempler puis il lui tendit une de ses mains.

-Dis-moi. Si tu n’as rien à faire dans les prochains jours, que dirais-tu de venir avec moi dans mon Royaume? Il y a une jeune dragonne qui aurait bien besoin d’être instruite et guidée. Son nom est Clarissa. Elle est d’une vieille lignée, et elle peut apprendre le langage des hommes si une Dragonne peut lui enseigner. Les autres Dragons, sauf le Maître des Dragons qui est parti depuis un peu plus de trois décennies, ne savent même pas prononcer leur propre nom… Je peux te fournir le gîte et le couvert, et…

Il fit magiquement tomber de sa main un petit tas de pièces d’or et de diamants.

-un généreux trésor. Ma propre réserve personnelle. Qu’en-dis-tu?

[Oh, ne t'en fais pas, tant qu'on joue, la taille de la réponse m'importe peu En plus, c'était très bien.]

Après avoir vécu ce qu'elle avait été contrainte d'endurée par la main des hommes, ou tout-du-moins par leurs souvenirs, par la programmation qu'ils avaient donnés à leur machine, il n'était cependant pas simple pour elle de penser que l'homme en générale n'était pas un être mauvais. Maintenant qu'elle y repensait, GLADHYSS lui avait faite subir tout-cela, mais elle savait également qu'elle l'avait fait à d'autre qu'elle, des espèces moins grosses, des terranides, ou même des humains... elle lui avait annoncée qu'elle avait été obligée de créer les pièces de sa prison et des machines de torture exprès pour elle, elle savait donc qu'avant-elle, de "petites créatures" étaient tombée entre ses mains de métal... étaient passés sur la table d'observation. Comment réussir à imaginer qu'une espèce pouvait encore être bonne, quand on pensait à ce que celle-ci faisait subir à leurs propres semblables ? Avant que GLADHYSS commence à torturer des humains, il avait fallu qu'un humain lui apprenne à le faire, après-tout. Elle baissa les yeux vers Kah'mui...

Mh, en fait, c'était lui la réponse à sa question : pour qu'elle ait la preuve que tous les humains n'étaient pas mauvais, il lui suffisait d'en rencontrer un qui n'était pas mauvais. Et parmi tout les humains qu'elle avait rencontrée... maintenant qu'elle y pensait, en fait, il était le premier véritable humain qu'elle côtoyait, GLADHYSS n'ayant été qu'un hologramme, la représentation en image de synthèse d'une machine qui cherchait à imiter la vie... ce roi était le plus gentil qu'elle n'ai jamais rencontrée. A moins que son apparente gentillesse ne soit là que dans le but de la calmer le temps qu'il l'observait... oh, si elle commençait à penser cela, elle allait finir comme ces dragons craintifs et brutaux qui, par peur des humains, brûlaient et pillaient des villages, et se faisaient tuer par des chasseurs avant de pouvoir se reproduire parce qu'ils seraient devenu trop stupide pour se méfier. Kah'mui avait raison : elle était une dragonne intelligente, elle ne voulait pas finir comme-ça.

Ainsi donc, cet homme était immortel... une lueur d'interré s'alluma dans les yeux de Rexia tendis qu'elle l'observait et écoutait son explication... enfin, ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à une explication, car il lui avouait que lui-même ignorait tout de l'origine de sa condition. Ainsi donc, il ne pouvait pas mourir. En réalité, Kah'mui se trompait sur l'ouverture d'esprit qu'avait Rexia : après-tout, elle-même était presque immortelle temps qu'un coup d'épée ne venait pas lui pourfendre le cœur, et elle savait que la magie pouvait faire des choses fantastiques, dans ce monde. Elle n'était pas comme les humains qui ne croyaient que ce qu'ils voyaient et qui avaient besoin de preuves pour croire en l'existence de quelque-chose : elle, temps qu'elle n'avait pas la preuve qu'une chose n'existait pas, elle voulait bien croire en tout. Les dragons pouvant vivre très longtemps, elle n'avait aucun moyen de ne pas croire que d'autres créatures, selon certaines conditions, pouvaient faire de-même... elle croyait don Kah'mui, et se demanda tout-simplement combien d'années il avait vécu jusqu'à aujourd'hui. Sans-doute beaucoup, pour avoir compris qu'il était immortel, et surement allait-il voir les millénaires passer sans jamais quitter ce monde, un peu comme...

-Tu es un peu comme un dragon, commenta-t-elle après qu'il ait terminé de lui expliquer : nous aussi, nous sommes presque immortel ; nous pouvons vivre des milliers d'années sans que le temps ne fatigue notre corps, du-moment que personne ne nous tue, bien-sûr. Maintenant que j'y pense... elle ne parlait plus vraiment à Kah'mui, elle réfléchissait simplement à voie-haute... c'est pour cela que la nature nous a rendue si peu fécondes, à nous, les femelles. Nous pouvons pondre, bien-sûr, mais compte-tenu de notre longévité, nous n'avons pas souvent des portées après la première. Si nous pondions une fois par ans comme les oiseaux, nous nous étoufferions nous-même dans notre masse écailleuse.

Mais quand elle y pensait, elle se disait que ce ne serait quand-même pas si mal si les femelles pouvaient pondre un peu plus souvent... les dragons seraient plus nombreux, et les chasseurs auraient plus de mal à tous les tuer. Et en-plus, elle aurait moins de mal à trouver un compagnon... gênée, la jeune dragonne entoura ses cuisses de sa queue. Elle était en chaleur depuis la veille, comme elle l'était régulièrement depuis qu'elle avait atteint l'âge adulte... mais elle supposa que son interlocuteur n'avait pas les sens assez fins pour le sentir.

La proposition que lui fit le roi prit Rexia au dépourvu... mais une lueur intéressée s'alluma cependant dans son regard tendis que le trésor tombait de ses mains. Elle baissa le museau et sentit les nouvelles pièces et les diamants... elle semblaient pures ! Ce serait le moyen parfait, elle qui voulait augmenter son nid avant de rencontrer un compagnon, pour qu'il puisse accueillir une grosse couvée d’œufs. Et puis, jusqu'à maintenant, tout ce que lui avait dit Kah'mui sur son royaume avait éveillé l'interré de la dragonne : elle qui cherchait justement d'autres dragons à rencontrer, ce désirs étant encore plus puissant à-cause de son état actuel, dans ce monde où ceux-ci étaient désormais si rare, elle avait l'opportunité d'aller dans un royaume où ceux-ci étaient nombreux... qui sais, peut-être trouverait-elle même son compagnon là-bas. Et puis, le fait qu'elle sache que des dragons puisse avoir été domestiqué par le passé par des hommes au-point de ne plus être capable de parler normalement, de n'agir que comme étant des animaux... tout-cela ne lui plaisait pas. Elle ne s'était jamais attendu, au court de sa vie, à devoir enseigner des choses à autre-chose qu'à ses dragonneaux... mais si Kah'mui pensait qu'elle pouvait aider les siens, alors...

-D'accord, dit-elle en relevant le museau. Au-delà du trésor que tu me promets, mes semblables sont trop peu nombreux pour se laisser emporter dans la spirale de l'ignorance. Je veux aider les dragons de ton royaume à redevenir civilisés, et si tu penses que j'en suis capable, alors je t'accompagnerais.

Sur ceux, elle posa la tête sur ses pattes-avants croisées, et elle ferma les yeux... tout en se laissant détendre par la perte de conscience du sommeil, elle continua à dire :

-Il se fait tard, cependant, et je suis une dragonne diurne. Dormons ici, et demain, je t'accompagnerais jusqu'à ton royaume... est-ce loin à vol de dragon ?

-À vol de dragon? Je dirais que si nous volons à tire d’ailes, nous devrions y être en moins de trois jours. Enfin, si nous faisons une ligne droite, mais je n’ai pas confiance en la température maritime. Entre le continent et mon archipel, il y a très régulièrement des tempêtes, qui nous forceraient probablement à faire des détours ou à voler au-dessus des nuages… ce qui te fatiguerait beaucoup plus rapidement. Si on tient compte des facteurs de fatigue, de rythme plus ménagé et de la température… on devrait y être en un peu plus d’une semaine.

Pour Kah’mui et Nahayeil, cela n’avait pris que deux jours, mais en même temps, le Dragon Noir était facilement deux fois plus gros que la dragonne et possède des ailes deux fois plus puissantes et rapides. Les tempêtes n’étaient rien pour un tel monstre. Mais il était quand même âgé d’un trois quart de millénaire, ce qui en faisait quand même six cent de plus que la jeune dragonne. De plus, les Dragons Noirs ne cessaient jamais de grandir, tant que leur habitat leur permettait. Quand ils devenaient trop gros pour leur environnement, ils muaient et récupéraient une taille beaucoup plus petite. Et le Dragon en était à sa troisième mue, ce qui signifie que le Royaume de Meisa était propice à l’opulence et le confort pour un Dragon de bonne taille. Il continua de veiller sur la jeune dragonne en attendant qu’elle s’endorme. Lorsqu’elle fut bien endormie, il se redressa et leva une main en direction de son épée, qui s’envola entre ses doigts. Il agrippa la lame puis regarda aux alentours. Il fit apparaître une petite pierre à aiguiser et se mit au travail. Dans son esprit, il entendait Ehredna pousser de petits gémissements de plaisir et un sourire pervers naquit sur ses lèvres alors qu’il se mettait à la frotter encore plus vivement. La lame se met à briller légèrement alors que l’esprit de la lame continuait de gémir, encore et encore, jusqu’à ce qu’au sommet de son plaisir, elle pousse un cri qui représentait très bien l’orgasme. Il gloussa malgré lui et regarda la lame maintenant parfaitement aiguisée et miroitante. Il la rangea à nouveau dans le fourreau; un vieux dicton corvennien disait qu’un bon guerrier se lève en inspectant son épée, dîne en nettoyant son épée et ne se couche qu’une fois son épée parfaitement astiquée et prête au combat.

La nuit se passa sans accroc. Le Roi s’était mis en transe de repos à l’endroit exact où il se trouvait pendant sa discussion avec la dragonne, les jambes croisées, ses mains posées sur ses genoux avec une apparente sérénité. Lorsqu’il ouvrit les yeux, il ressentit ce même sentiment de reprendre sa vie après l’avoir mise sur pause. C’était un sentiment étrange, pour le moins, mais avec le temps, il devenait de plus en plus normal. Trop normal, même, et certainement pas le bienvenue. Jusqu’à quel point est-ce que je vais perdre ce qui fait de moi un être vivant? se demanda-t-il avec une certaine irritation. Il regarda la Dragonne avec ses yeux bleus et il se leva avant de se diriger vers ses effets personnels et commencer à lever le camp, faisant disparaitre les objets qu’il avait fait venir magiquement et nettoyant bien sûr son riche manteau. Alors qu’il l’enfilait, il se remémora le moment où il l’avait confectionné; après un combat contre le Grand Loup Blanc, celui-ci lui avait offert sa fourrure en échange de la promesse de protéger sa descendance et son clan. En revêtant la fourrure de la noble bête, il avait gagné une certaine autorité sur toutes les créatures animales. Il éprouvait parfois un regret à son geste, mais pour une bête comme le Loup Blanc, accepter l’autorité d’un bipède était pire qu’une insulte s’il n’avait pas fait ses preuves, et donc, cela en faisait un geste nécessaire. Une fois prêt, il s’approcha de la Dragonne et la réveilla gentiment d’une caresse sur le museau, ne craignant pas un seul instant de la faire sursauter et de risquer de finir entre ses crocs; elle le raterait de toute façon.

-Le soleil est déjà haut. J’aimerais te faire part de mon plan avant de partir.

Il lui expliqua alors qu’il comptait jeter un sort sur la caverne de la dragonne pour protéger son trésor, puis il comptait y laisser une relique de transport magique. Il lui expliqua également comment il comptait se servir de cette relique pour transférer ses biens dans sa nouvelle résidence dans le Palais des Anciens, si elle acceptait d’y vivre avec lui. Cependant, pour éviter toute arnaque, elle serait celle qui poserait les reliques et les mots de passe autorisant le transfert; après tout, c’était à elle. Une fois cela dit, il fit apparaitre une petite pièce d’or qu’il déposa devant la dragonne, lui disant qu’il s’agissait de la relique de transport. Pour la protection, il n’avait pas besoin de son aide, et ce n’était qu’un sortilège temporaire; il durait à peine une semaine, donc le temps pour la dragonne de partir et de revenir si Meisa ne lui plaisait pas. Il regarda la Dragonne et attendit qu’elle lui donne le feu vert. Il lui demandait de quitter son foyer, après tout, ce n’était pas une mince affaire.

Rexia, en revanche, ne passa pas le meilleure des nuits, elle... elle était habituée à son petit confort, et la jeune dragonne ne dormit que sur un coussin de pièces d'or et de diamants, cette nuit, et non-pas comme-d'habitude sur son grand matelas de richesses si doux sous les écailles. Sa tête, son cou, ils reposaient sur de l'or... le reste de son corps sur de la pierre. Elle était une dragonne sauvage, élevée à la rude... mais pour qu'elle passe une bonne nuit, un peu de douceur lui avait manquée. Certains sons, comme par-exemple celui du moment où Kah'mui avait aiguisé sa lame et où celle-ci avait ressenti le plaisir de la pierre frottant contre-elle, l'avaient dérangée... ça ne l'avait pas réveillé, mais ça avait pénétré son esprit, affecté les images confuses de ses rêves, et ça l'avait fait bouger plus que d'habitude durant son sommeil. Heureusement, le réveil se fit en douceur... ressentant la caresse du roi humain, elle ouvrit les yeux, releva la tête en clignant, se frotta le bout du nez... et bailla un grand coup, dévoilant sa large collection de crocs blancs et aiguisés, ce qui la réveilla un peu plus lorsqu'elle referma la gueule et baissa les yeux vers le petit deux-pattes... oh, il commençait déjà à beaucoup parler, dès le matin. C'était là une habitude humaine : ils parlaient beaucoup.

Mais au moins, Kah'mui semblait être du genre à ajouter des gestes à ses paroles, contrairement à ceux qui parlaient plus qu'ils n'agissaient, ce qui ne le rendait pas si ennuyeux que ça. Elle écouta donc attentivement ce qu'il lui disait, se surprenant à être passionnée par ses histoires de magie... puis fit un signe affirmatif du museau, avant de lui répondre :

-Si les dragons sont aussi nombreux que tu le prétends, là d'où tu viens, je vais surement prendre plusieurs lunes pour leur enseigner ce que je sais à chacun d'entre-eux. Je pense que je reviendrais ici, une fois terminé... c'est mon territoire et je m'y sens bien... mais ne pas quitter mon trésor me rend heureuse, j'ai eue du mal à le rassembler... et puis, ton idée est bien mieux que la mienne...

En effet, elle, elle n'avait eue pour projet, avant de partir, que de pousser une pierre devant l'entrée pour la cacher et en boucher l'accès. Rexia se baissa, saisit la pièce entre ses dents en faisant bien attention à ne pas l'avaler, et fit demi-tour pour entrer dans sa caverne, ses pas résonnant, comme-d'habitude, sur les parois rocheuses de celle-ci. Elle monta sur son trésor et alla poser la petite pièce magique au-sommet de celui-ci. Elle observa un peu sa petite montagne... elle regrettait quand-même de devoir la laisser sans surveillance pendant... et bien, Kah'mui avait dit qu'il leur faudrait une semaine de vol avant d'arriver chez lui. Elle espérait ne pas avoir une mauvaise surprise une fois qu'elle invoquerait les mots de passe pour appeler le sort de téléportation... oh oui, les mots de passe ! Elle avait presque faillit oublier ! Elle approcha la gueule de la pièce en question et lui murmura les noms des seules cinq personnes en qui elle avait tenue depuis le jour de sa naissance :

-Xyria, Ronno, Alywa, Cerip, Garius.

Puis elle passa une patte sur le trésor afin de cacher la pièce au milieu des autres, fit demi-tour et ressortit de la caverne. Une fois dehors, elle observa un peu l'entrée de la caverne... puis décida, finalement, d'agir comme elle l'avait décidée : à côté de l'entrer de sa caverne se trouvait une énorme pierre bien ronde. Elle l'avait amené ici environ une semaine après avoir aménagée, et ne l'utilisait que lors de ses grands voyages. Elle se dressa sur ses pattes de derrière, la poussa avec celle de devant, et la fit rouler devant l'entrée de la grotte dans laquelle elle s'incrusta parfaitement. Rexia se laissa retomber en soufflant un peu sous l'effort, puis se tourna vers Kah'mui, haussa les épaules et lui expliqua :

-Simple question de sécurité supplémentaire, ça me rassure... au-delà des pilleurs, cette pierre empêchera un autre dragon d'investir ma caverne pendant mon absence, même une fois que mon trésor sera téléporté chez-toi.

Et, cela dit, elle descendit dans le champ de terre nue où l'homme avait, la veille, monté son camp maintenant disparu, se tourna vers lui... et déploya ses magnifiques ailes, à la membrane légèrement rosée qui rappelait le teinte du vin lorsque les rayons de soleil matinal la traversaient. Lorsqu'elle gardait ses ailes repliées, il était difficile de s’apercevoir de cela... mais maintenant, Kah'mui pouvait voir que pour son âge, Rexia avait déjà une envergure des plus impressionnante... c'était un signe de bonne-santé et de beauté, chez les dragons. C'était d'ailleurs cela que les mâles regardaient chez les femelles, un peu comme les humains avec la poitrine des femmes : la longueur et la flexibilité de la queue, ainsi que l'envergure des ailes. La dragonne rouge leur fit décrire différentes figures complexes tendis qu'elle se faisait une petite séance d'étirements musculaires matinale, afin de les échauffer avant de s'envoler, ce qui lui arracha des gémissements de plaisir, puis...

-Bien, commença-t-elle à dire en se couchant dans l'herbe, les ailes étendus de chaque côté de son corps pour aider Kah'mui à monter sur son dos. J'espère que tu sais monter un dragon à-cru, roi-humain, car je te préviens : il est hors-de-question que je porte une selle... je ne suis pas une mule.