Aujourd’hui, Alice, comme à son habitude, se réveilla assez tardivement, emmêlée dans les couvertures de son lit, les cheveux coiffés avec un pétard, et ses petits yeux bleus clignant difficilement, alors qu’elle baillait comme un gros bébé. Elle s’étira langoureusement, et resta encore contre ses gros oreilles, ayant envie de dormir encore un peu, se sentant tellement bien à l’intérieur, au milieu de ses couvertures. Elle bâilla encore, secoua la tête. Sa femme n’était pas là. Sûrement en train de s’entraîner. Alice entreprit alors de se redresser, observant les flammes qui crépitaient, et se frotta lentement les yeux, dans sa fine nuisette blanche. Le réveil, une étape toujours très difficile pour la Princesse de Sylvandell, qui continua encore à bailler, et remua la tête, se massant le cou, en regardant les flammes du feu devant elle. Comme d’habitude, afin que la chambre ne soit pas glaciale, une servante venait en début de matinée, afin d’alimenter le feu qui crépitait toujours pendant la nuit. Entendre les morceaux de bois craquer dans l’âtre était quelque chose qu’elle avait toujours aimé. Pendant plusieurs minutes, Alice resta donc béatement à observer le feu, et se redressa, finissant progressivement par sortir de sa chambre.
Cette dernière se situait dans une partie du Château royal consacrée à ses appartements. Il y avait d’autres pièces, dont sa salle de bains privée, un petit salon de lecture, et quelques autres chambres. Ayano, sa belle-sœur, dormait notamment dans l’une de ses chambres. Sakura avait tenu, compte tenu de leur passé d’esclaves, à ce qu’Ayano ne soit jamais très éloignée d’elle. La petite n’était pas là, devant sûrement être à l’école, et Sakura était, soit en train de s’entraîner dans les montagnes, soit en train de faire un voyage. Alice prit donc un bain, seule, sans déranger ses servantes, puis sortit de ses quartiers, en étant proprement habillée. De longs gants blancs et fins, ainsi qu’une courte robe blanche.
On entrait dans le Château par le biais d’un grand pont, où de nombreuses personnes approchaient, afin de soumettre leurs requêtes au Roi. C’était la séance matinale des doléances. Alice descendit tranquillement, rejoignant la salle centrale du château : la salle de banquet. Quand on entrait dans le Château par la porte principale, on arrivait devant plusieurs petits perrons qui menaient directement à la salle en pierre. Elle était grande, avec une longue table en U, le bout de la table abritant l’imposant siège du Roi de Sylvandell, l’actuel Tywill Korvander, la «
Montagne ». Tout autour de la salle de banquet, il y avait d’imposantes cheminées, et plusieurs portes sur la gauche menaient dans les entrailles du château. Il y avait une mezzanine en hauteur, sorte de couloir de passage, qui avait historiquement servi de point défensif, quand Sylvandell avait été envahie par les tribus barbares vivant dans les montagnes.
«
Voilà pourquoi, Monseigneur, je pense que l’adoubement de mon fils devrait être envisagé. »
Alice s’approchait de la salle de banquet. Le Roi, son père, une masse imposante de muscles, se tenait sur l’énorme fauteuil. A côté de lui, il y avait plusieurs gardes, mais aussi des conseillers, dont l’
Omniprêtre, cet elfe borgne qui faisait office de conseiller personnel de longue date au sein de Sylvandell. L’Omniprêtre assurait aussi la direction de la Cathédrale, étant ainsi le chef du clergé sylvandin. Il existait à Sylvandell depuis un millénaire, et était un ancien militaire très endurci... Un individu qui, accessoirement, terrorisait Alice depuis sa plus petite enfance, avec son œil de verre. L’Omniprêtre s’approcha, et se mit à parler, de sa voix calme et vibrante, à l’homme, tandis qu’Alice mangeait dans un coin.
Les individus se succédaient ainsi. Il n’y avait pas énormément de monde, car l’administration sylvandine avait tenté de réduire les doléances, afin que les requêtes et les demandes soient centralisées autour de la mairie, dans la ville basse. Ceci représentait un considérable gain de temps, et les doléances royales étaient réservées à quelques domaines précis. C’était d’autant mieux que le Roi de Sylvandell n’était guère connu pour sa patience.
Dehors, les gardes surveillaient l’entrée. Comme dans tout château médiéval, l’accès était ouvert aux invités et aux voyageurs, et Izanami ne rencontrerait donc aucun garde. Ce fut ainsi qu’elle entra dans la salle de banquet, alors que les doléances se terminaient.
«
Vous êtes la femme qui a réussi à poser problème au Commandeur Mathias », commença l’Omniprêtre en guise de salutations.
En train de boire un chocolat chaud, la Princesse releva la tête, surprise. Le Commandeur Mathias ? Les nouvelles semblaient circuler vite pour qu’ils soient déjà au courant.
«
Vous voici donc, lâcha Tywill de sa voix rauque.
Mathias est un putain de bon guerrier. Le mettre en difficulté n’est pas réservée aux pédales douces. Je suis le Roi de Sylvandell, Tywill Korvander. »
Alice pencha la tête, se rapprochant lentement, et vit ainsi Izanami... Une femme avec une grosse poitrine. La Princesse connaissait Mathias, un redoutable fauconnier, qui avait un style de combat consistant à utiliser son faucon. Il venait d’une caste guerrière ashnardienne reposant sur l’utilisation des faucons. Le mettre en difficulté n’était pas donné à n’importe qui. Le regard de Tywill se porta alors sur celui de sa fille, qui se sentait toujours petite devant ce géant. Tywill faisait bien dans les deux mètres, et ne portait pas son armure.
«
Bienvenue à Sylvandell, ma jolie ! » lâcha-t-il, avec ce tact si particulier qui le caractérisait si bien.