Étant donné le désaccord entre lui et Vlad, Zeus n'était pas étonné qu'une fille sous sa protection ne l'apprécie pas alors qu'elle le rencontrait pour la première fois. Il ne prit d'ailleurs pas la mouche pour si peu. Au contraire, il était content que Vlad trouve quelqu'un pour son service.
- Un peu de révision ne te ferai pas de mal, Vlad. La loi indique que le dieu prend la responsabilité de punir lui-même son serviteur. Mais je suis heureux de te voir enfin accompagné, alors oublions tout cela. Il faudra néanmoins que tu lui expliques que le respect envers toutes les divinités est essentielle, tu sais que beaucoup n'ont pas ma patience. Quand elle sera prête, va voir Hermès, c'est lui qui s'occupe du recensement et du don des aptitudes nécessaires.
Il se détourna du dieu transformé en neko, et s'approcha à une longueur de bras de Celania. Pour prouver ses bonnes intentions, il allait faire un cadeau à la femme si entêtée qui se tenait devant lui.
- En guise de bienvenue, je vais te faire une révélation sur ton peuple.
Les elfes ne sont pas immortels. Vous avez une grande espérance de vie, si longue qu'aucun n'est jamais mort de vieillesse, finissant terrassé par un accident, la guerre ou la maladie, mais vous êtes bel et bien des mortels. J'espère ne pas t'avoir choquée avec ça, et que tu envisageras ton avenir et celui de ton peuple d'un œil nouveau.
Il tourna la tête sur le côté pour regarder le dieu déguisé d'un œil. Il ne voulait pas perdre de temps et visiblement lui non plus. Une bonne chose, mais il se doutait cependant que l'histoire soit vite réglée. Ce que ce jeunot avait en tête avait déjà été essayé, et il avait dû sévir par la suite, donnant un châtiment exemplaire pour s'assurer que personne ne recommence. Mais à son âge, Vlad ne savait pas assez de choses, il n'était pas encore assez sage pour comprendre.
- Connais-tu l'histoire de Prométhée? La véritable histoire.
Cela faisait déjà une éternité que les titans avaient été vaincus et les olympiens s'ennuyaient. D'autre part, je trouvais ce vaste monde trop vide. Pour les distraire, j'ai pensé à créer une race d'êtres mortels qui nous ressembleraient physiquement en tous points. J'ai confié cette tâche à Prométhée, un titanide qui nous avait rejoins lors de la titanomachie.
Il utilisa de l'argile pour les façonner, puis leur donna vie. Sa création était superbe, et j'admire son travail d'orfèvre encore aujourd'hui. Les dieux étaient captivés, les humains vivaient en paix, en harmonie avec le monde. La maladie faisait cependant la majorité des morts, et beaucoup ne vivaient qu'à peine les deux tiers de leur espérance de vie. Mais ils étaient heureux.
Prométhée ne supporta pas de voir son œuvre souffrir, aussi vola-t-il le feu de l'Olympe pour le donner aux hommes, bravant mon interdiction. Certes, cela eu tôt fait de diminuer les affres qui les accablaient, mais le retour de bâton allait bientôt se faire sentir. Les hommes virent leur population augmenter, étalant leur territoire jusqu'à ceux de leurs voisins, commençant déjà à épuiser certaines ressources. C'est alors qu'ils créèrent des armes, des armures, développèrent leur technologie, et se firent la guerre. Les morts étaient bien plus nombreux qu'auparavant, ils remplacèrent leur joie de vivre par l'amour de la guerre, leurs rires par les pleurs des veuves, les prairies verdoyantes en charniers nauséabonds.
A contre-cœur, j'ai châtié Prométhée de façon à ce qu'aucun ne réitère cette erreur. Enchainé à une haute montagne, son foie est chaque jour dévoré par un oiseau, avant de repousser, et ce, pour l'éternité.
Comprends-tu où je veux en venir? Je ne peux que te féliciter de vouloir aider les humains, mais tu t'y prends de la mauvaise façon. Voilà pourquoi je ne te soutiens pas. J'ai moi-même tenté quelque-chose pour eux: j'ai enfermé toutes leurs émotions négatives dans la boite de Pandore. Elles se sont malheureusement échappées, mais à mon grand étonnement, un nouveau sentiment était né et s'est répandu en même temps: l'espoir.
Vois-tu? Vois-tu maintenant à quel point moi aussi je veux le bien de l'humanité?
Il avait fait autre chose pour les humains, mais cela il ne pouvait pas le lui dire.
Bizarrement, cela ne posait aucun problème aux autres dieux d'être dépendant du nombre de ses croyants, et pourtant beaucoup plus vieux que toutes les espèces mortelles. C'était en fait une idée qu'il avait peu à peu réussi à implanter dans l'esprit de ses divins sujets, y comprit sa femme bien-aimée, Héra, afin qu'ils prennent tous soin d'au moins une petite partie de cette espèce devenue si malheureuse.
Il regarda alors sa fille, puis se rappela que si le destin des mortels lui importait, il devait avant tout s'occuper de ses semblables.