Les bas-fonds étaient un territoire que la tueuse maitrisait petit à petit. Au fil du temps, elle avait appris à se dissimuler ici et là, reconnaissant les ruelles et les écorchures des pavés par coeur ... Chaque bruit avait sa signification, qu'elle découvrait petit à petit, et elle finissait par croiser les mêmes personnes, chaque nuit : la prostituée qui s'envoie son rail, le violeur qui coince une jeune fille dans un coin de ruelle, le clan d'hommes qui se battent à s'en pétrir les entrailles, les cris des femmes qui se mêlent aux miaulement stridents d'une bande de chats ... Même les odeurs de sang, de cigarette et de foutre ne la choquait plus comme avant. Les bas-fonds, c'était là qu'elle chassait, qu'elle tuait, qu'elle bossait.
Cette nuit-là, une pluie tomba en fin de journée, éphémère et pourtant imparable : les pavés en étaient glissants, et la pluie faisait ressortir certaines odeurs dissimulées dans un sol stérile depuis bien longtemps. Cramponnée sur ses Dr Martens, la tueuse prêtait une immense attention à ne pas glisser. Vêtue d'une robe noire aussi simple que possible, portant son habituelle paire de lunettes aux verres d'encre, et arborant un long imperméable en cuir ainsi que des collants résilles déchirés par endroits, Liirzyn chassait. Elle ne cherchait qu'une chose : assouvir ses pulsions cruelles. Depuis trois semaines, elle était aux arrêts : sa précédente mission lui avait infligée une douleur au ventre, où une fraiche cicatrice peu douloureuse stagnait. Et elle n'en pouvait plus ... Rester dans le milieu hospitalier lui donnait la gerbe, elle devait sortir. Sortir, et m'enfuir ... Tant pis pour les yeux turquoises de son infirmière tendre , qu'elle avait bourrée de somnifère pour quitter son appartement. D'un pas furtif, elle se baladait entre les ruelles, une cigarette plantée entre les lèvres.
- Mmh ...
Elle savourait le simple contact de l'air sur sa peau ... Au passage, elle tira sur un violeur qui envisageait de s'envoyer une adolescente, sauvant la peau de cette pauvre créature, et se prit une Kriek dans un bar environnant. La petite bouteille à la main, l'autre dans sa poche - prés de son arme - elle vagabonda encore un moment, sans parler.
Elle ressemblait à s'y méprendre à un cadavre ambulant, de par sa maigreur et sa finesse ... J'adore.