Liliza plissa les yeux vers le nuage de fumée, face à elle. Elle essayait d'y deviner des formes. C'était, à ses yeux, assez beau. La lumière d'une pleine lune charmante inondait la pièce, souveraine des abîmes, et jouait avec la fumée à un jeu peu convenable. Mais attractif. Il y a une heure, Liliza avait allumé, partout sur le sol de la pièce, de l'encens. Une odeur planait donc dans l'atmosphère. Une douce odeur, même, qu'elle adorait. Elle ferma un moment les yeux, s'imprégnant des lieux, et remua sur son lit. Qui grinça. Depuis quelques temps, elle avait élue domicile dans une demeure abandonnée. Une maison familiale, deux étages, quatre chambres, dans un style néoclassique occidental assumé. Il était rare de croiser ce genre de demeure au Japon. Depuis donc plusieurs jours, elle dormait dans un pièce du fond, la tête contre un amas de coussin, sur un lit une place d'enfant. Elle remua à nouveau, pour sentir le grincement résonner dans la pièce. Elle frissonna.
Grouik'
Puis grimaça. Les nuits de printemps étaient chaudes. La faim venait, de plus, de plus en plus souvent s'insinuer entre elle et le repos. Elle se leva, d'un bond, et ouvrit la fenêtre. Un épais nuage d'encens s'échappa de la pièce.
D'un bond, elle sauta hors de la demeure. Elle effectua une atterrissage parfait, sur le sol, et se releva. Elle portait une tenue de collégienne, un uniforme volé dans une armoire, et ressemblait à une innocence pure et intouchable. Elle eut un sourire, remarquant une forme, non loin, qui se mouvait avec légèreté. Une adolescente.
Le bonheur, souffla t'elle.
Elle bondit aussitôt dans sa direction, et tout se passa en un éclair. Un coup, un violent coup, et l'adolescente fut maitrisée. Un second, elle fut tuée. Rageuse, Liliza planta sa main dans sa poitrine, et avala son coeur d'un seul coup. Un sourire naquit sur ses lèvres, tandis qu'elle contemplait le ciel. Là, le bonheur, oui, prenait vie. Elle sentait l'encens, aussi. Et son énergie était retrouvée. Elle voulait chasser, ce soir.
Pire. Elle voulait jouer. Elle ricana, un moment. Elle avait souvent ce genre de réflexe presque primitif, animal, comme un souvenir de sa nature de démon. Elle grogna un moment, intérieurement. Les démons ... Si seulement elle pouvait tous les anéantir. Elle ôta cette idée de son esprit. Son passé ne devait pas venir gâcher un moment si tendre, si savoureux ...
Qui sait, ce soir, elle trouverait de quoi s'amuser ... ? Elle essuya ses mains sanglantes sur un mur, et se frotta les joues. Un peu de sang, encore, sur le visage. Elle soupira. Tant pis. Cela en amuserait peut-être certains. Elle jeta un oeil vers le cadavre, frais, à ses pieds, et lui vola la cigarette qu'elle avait encore entre les lèvres. Une cigarette, certes, mais pas de tabac. Souriante, elle la mit dans sa bouche, et inspira violemment. Sa tête se mit à tourner, et elle rigola plus fort encore. Un peu de cannabis ne pouvait que réveiller sa folie.
Liliza, sereine, se remit alors en route.