À sa dernière phrase, le mécha sembla se mettre en colère. Elle savait très bien qu’il n’apprécierait pas, et faisait juste une petite plaisanterie, mais lui ne semblait pas le prendre comme cela, au contraire. Kira sourit légèrement. Elle n’avait pas peur de son compagnon, au contraire, et il l’amusait, à être aussi sérieux. Cependant, il parvint à se contenir et ne l’attaqua pas, se contentant de tourner la tête sur le côté et de fermer rageusement ses poings. C’était déjà ça. S’il désirait rester en bons termes avec elle, il lui faudrait beaucoup plus de patience que ce qu’il avait montré jusqu’ici, car ce n’était pas parce qu’elle comprenait pourquoi il haïssait autant le vice qu’elle allait le laisser se montrer grognon toute sa vie. Il fallait qu’il évolue, qu’il se tourne vers le futur. Il avait un avenir, et il n’avait pas à le gâcher en ne pensant qu’au passé. La vampiresse avait la ferme intention de s’occuper de son nouvel ami. Elle descendit de ses genoux, et il en profita pour se tourner vers le mur, visiblement pour éviter que la jeune femme ne s’aperçoive que les diodes qui lui servaient de yeux étaient en train d’osciller entre le violet et le rouge, signe qu’il était en colère. Malheureusement pour lui, il ne se rendait pas compte qu’elle avait une très bonne vue, qu’il faisait nuit, et que la lumière colorée émise par ses diodes se reflétait dans la cascade devant lui. Étouffant un petit rire amusé, elle se calma bien vite, ayant la capacité de maîtriser assez facilement ses émotions, ou du moins ce qu’elle en montrait. Après tout, elle avait des années d’entraînement derrière elle : Quand on passe sa vie à avoir un visage inexpressif voire triste, on commence à ne plus trouver comment sourire. Et pourtant, l’endroit dans lequel ils étaient lui permettait d’ordinaire de retrouver sa nature enjouée…
Le robot regarda sa main, et la vampiresse esquissa un mouvement vers l’avant, comme soucieuse. Ressentait-il à nouveau de la douleur, ou était-il simplement en train de réfléchir ? Il eut tôt fait de répondre à sa question muette, d’une voix froide et détachée. La jeune femme recula légèrement. Non pas qu’elle fut effrayée, seulement elle considérait cela comme une tentative pour mettre une certaine distance entre eux, suite au rapprochement magique, et elle n’appréciait pas du tout. L’écoutant silencieusement, elle finit par répondre, de sa voix ordinaire, quoique un peu plus froidement, elle aussi.
- Si tu souffres à cause de cette marque, c’est de ma faute, et je prends toujours les responsabilités de mes actes. Et, tu dis que tu me considères comme une égale, mais je n’ai jamais précisé le contraire. J’ai tout simplement fait en sorte que tu puisses m’entendre quand tu le désires, et me faire venir si besoin est. En aucun cas je ne t’ai rendu supérieur à moi. D’ailleurs, je pense qu’étant donné que tu pourrais te retrouver handicapé par la douleur que te cause occasionnellement cette chose, c’est plus moi qui serait à même de nous protéger tous deux en cas de danger. Et… Je sais que tu as du mal à imaginer qu’une femme puisse te protéger, mais je te prie d’éviter de me prendre pour une de ces faibles créatures que sont les humaines. Mes pouvoirs et ma force sont bien plus élevés que ce que l’on pourrait croire.
Tandis qu’elle parlait, son nouvel ami s’était tourné vers elle, et la vampiresse pouvait à présent constater que ses diodes s’étaient figées sur le violet, signe qu’il s’était calmé. Elle soupira quelque peu, n’appréciant pas la menace à peine voilée que représentait ce changement dans son regard. Si il était au bleu, tout allait bien. Si il virait vers le violet, attention, danger. Et si par malheur le rouge venait à dominer, surtout courir vite et sans se retourner. Au moins, chez les vampires, il n’y avait pas à se soucier de cela. Mais quoi qu’il en soit, quelque chose semblait trotter dans la tête de son compagnon, qui paraissait absorbé dans ses pensées. La jeune femme comprit, d’après l’impression qui s’en dégageait, qu’il se souciait de sa « mission » de purger le monde de ses vices. Elle sourit légèrement, un peu peinée pour lui. Il ne se rendait pas compte que le monde était comme cela, que quoi qu’il fasse il y aurait toujours des mauvais éléments qui perturberaient le cours de la vie des autres, que le vice, le mal étaient nécessaires pour que le bien existe. Si tout était beau et bon, comment différencierait-t’on le bien du mal, le juste de l’injuste ? Il fallait, pour qu’il y ait un équilibre, qu’il y ait des proies et des prédateurs. Mais cela, elle n’allait pas tenter de l’expliquer au robot, qui serait capable de se fâcher. De plus, puisque c’était apparemment le seul but de sa vie, pourquoi tenter de le lui retirer ? Il avait choisi, et elle aussi. Finalement, il se décida et lui proposa d’attendre la nuit du lendemain pour partir. Elle sourit d’un air moqueur. Il pensait vraiment que comme dans les histoires, elle allait brûler sur place si la lumière du soleil la frappait ? Quoique… D’un côté, c’était assez vrai. Mais elle avait trouvé une parade, grâce à sa nature hors du commun, même chez un buveur de sang. Dans son discours, son ami se soucia de son fils, Tarma, et lui demanda de trouver une solution. Tout à coup, les yeux de la jeune femme s’écarquillèrent sous l’effet de la surprise, ses pupilles se dilatant jusqu’à devenir presque aussi rondes que celles des humains. Presque aussitôt, elle cacha sa réaction en baissant la tête, fixant le sol et réfléchissant à toute allure. Bien sûr, elle n’avait pas pensé à ce qu’elle ferait de lui. Se ressaisissant, elle releva les yeux, et ils redevinrent comme avant, les pupilles aussi effilées que celles d’un chat, et les iris semblants à une flamme se reflétant dans du sang et entamant une danse enivrante au milieu des ténèbres. Cela contrastait radicalement avec le regard qu’affichait son compagnon, semblable à deux accents circonflexes, qu’elle avait appris à identifier comme son sourire. Elle sourit doucement, à son tour.
- Je pensais pouvoir emmener Tarma avec nous. Il n’est pas choqué par les scènes sanglantes, je l’y ait habitué depuis petit. Après tout, dans ce monde il n’y a rien de plus ordinaire, comme spectacle… Il a l’habitude de voyager contre ma poitrine ou mon dos et s’accroche à mon cou. Je suis tout à fait capable d’assumer sa sécurité tout comme la mienne et la tienne. En même temps. Et ce n’est pas pour me vanter, crois-moi.
La jeune femme fit alors mine de réfléchir, dardant son regard inhumain au loin, comme perdu dans le vague. On ne voyait plus la petite peluche vivante au poil flamboyant qui se baladait dans les prés. Mais Kira ne se souciait pas de cela, s’il avait un souci, il saurait comment l’appeler. Le lien entre une mère et sa progéniture, que voulez-vous… Se retournant à nouveau vers son compagnon, elle lui fit un sourire heureux et apaisant.
- De plus, étant donné que le sang ne choque ni moi ni mon enfant, et que j’aurai de toute façon besoin de me nourrir… Je suppose que tu pourras continuer ta mission tranquillement, et que je pourrai même t’aider. Si nous croisons ce que tu juges comme des impurs, alors nous pourrons nous en occuper. Et ils me serviront de repas. Comme ça, tout le monde est content.
Elle avait à peine fini sa phrase, qu’un bruit sourd se fit entendre. Alors, ses pupilles se rétractèrent au maximum, et elle montra les crocs, une haine presque palpable l’entourant soudain comme une aura. Peu après, un filet lui tomba sur le dos, et s’encastra dans le sol au niveau des extrémités, comme magiquement. Lorsqu’elle se tourna vers Crony, il lui était arrivé la même chose. Feulant comme un animal sauvage, la vampiresse tourna son regard assassin vers le haut, d’où était arrivé le piège. Sur le toit, cinq hommes bâtis comme des bodybuilders les contemplaient. Au bout de quelques secondes, ils sautèrent et atterrirent près d’eux en riant. Des esclavagistes. Kira se maudit de ne pas les avoir senti arriver, mais avec tout ce qu’il s’était passé, elle ne pensait pas qu’un éventuel danger se présenterait avant même qu’ils ne soient sortis. Ils avaient sûrement été embauchés par les gens du village voisin. S’approchant vers les deux créatures prises au piège, ils s’exclamèrent :
- On est bien tombés, cette fois ! La chance nous sourit, on va pouvoir les vendre cher !
L’un d’eux s’approcha de la jeune femme, qui lui montra les crocs. Il sembla d’abord surpris par ce qu’il voyait, puis éclata de rire.
- Regardez, c’est une femme ! On ne nous l’avait pas dit, ça ! On va pouvoir s’amuser un peu avant de partir. Tester la marchandise, quoi.
Les autres semblèrent très enthousiastes à l’idée, et la jeune femme lança un regard à son ami, lui intimant de ne rien faire. « Ils sont à moi, je m’en charge. ». Soudain, l’un d’eux souleva le filet et lui passa des menottes. D’argent, vu l’odeur. Bien, ils avaient pu se payer le luxe de tels joujoux. Se laissant faire, comme immobilisée par le pouvoir du métal précieux, elle se laissa aussi passer des chaînes aux pieds. Ils semblaient avoir totalement oublié la présence du mécha. Un des hommes, celui qui avait proposé de s’amuser, passa aussitôt la main sous le kimono court de la jeune femme, caressant ses cuisses de marbre. Elle allait réagir, quand deux autres esclavagistes firent leur apparition, tenant en laisse son enfant, comme un chien. Ils s’amusaient à le traîner derrière eux. La vampiresse éclata de rage, et ses iris virèrent au noir d’encre. Peu impressionnés, ils avaient dû voir pire, ils laissèrent faire, et elle put sentir une main vicieuse s’engouffrer entre ses cuisses.
- Vous inquiétez pas, elle ne peut même pas bouger, ses liens sont en argent. Et vous savez ce qui arrive aux vampires, quand ils sont prisonniers d’argent…
Presque aussitôt après, d’autres mains commencèrent leur visite du corps de la créature attachée, qui attendit quelques secondes, avant de sourire sauvagement. L’un d’eux, plus intelligent, jugea bon de reculer. Les autres n’eurent pas le temps, leur tête volant déjà dans les airs. D’un mouvement vif des mains, elle avait cassé net les menottes, retrouvant l’usage de ses mains, et avait profité de la proximité des imbéciles afin de sortir ses griffes et de les décapiter tous en un seul coup. Celui qui restait tenta de s’enfuir, mais elle lui sauta dessus, ayant brisé ses chaînes en un éclair, et planta profondément ses crocs dans sa gorge, le tuant sur le coup. Dès lors, elle se retourna vers ceux qui retenaient son fils en otage. Ils avaient passé un couteau aiguisé devant sa gorge poilue, et menaçaient de l’égorger. Se figeant, elle paru hésiter. Puis, elle sourit, et tendit innocemment les mains, comme si elle se rendait. Les deux imbéciles s’avancèrent maladroitement, assurés de leur succès. Ils étaient contents qu’elle ait supprimé le plus gros du groupe, cela ferait plus d’argent pour eux. Alors, sans y penser, ils la regardèrent dans les yeux, et elle sourit, utilisant son pouvoir hypnotique. Celui qui tenait le couteau se tourna vers son confrère, lâchant le petit terranide, qui alla se lover dans les bras de sa mère en couinant de peur. Tandis qu’elle le rassurait en le serrant contre sa poitrine pour le câliner, elle ne quittait pas les autres du regard. L’homme avait poignardé son camarade en plein cœur, et il venait d’expirer. Peu après, il se trancha lui-même la gorge. Alors, la jeune femme prit son enfant dans ses bras, et il s’accrocha à son cou, lui permettant d’utiliser ses deux bras. Elle s’approcha du robot, et saisit le filet profondément planté dans le sol, avant de tirer dessus d’un geste brusque, ce qui eut pour effet de le déloger. Puis, elle libéra son ami, et le regarda dans les yeux.
- Je suis navrée que tu aies eu à subir ceci, si j’avais fait plus attention au lieu de penser à autre chose et de me laisser distraire, j’aurais pu les abattre bien avant. C’est ma faute. Hm… Je te présente Tarma, mon fils. Tarma, voici Crony. C’est avec lui que nous voyagerons dès demain. Je suis désolée, je sais que tu aimais bien cet endroit…
Le petit enfant sortit sa tête de la poitrine de sa mère et dévisagea le géant, avant de sourire. Elle l’empêcha de dire une bêtise en plaçant sa main sur sa nuque, le connaissant. À la place, il inclina poliment la tête, puis la replongea dans le décolleté de sa mère, se collant un peu plus à elle, et elle le soutint dans ses bras. Tournant la tête vers le carnage, elle se concentra, et le brouillard avala littéralement les corps. Lorsqu’il se retira, rien n’avait changé, c’était comme si rien ne s’était passé. Souriante, elle se retourna vers le robot, lui lançant un air doux pour le calmer.
[Navrée pour le temps mis =p J'espère que tu pourras faire en sorte que la journée passe dans ton prochain post, il me tarde de partir =p]