La jeune femme déglutit lorsqu’elle vit son convive indiquer du bout de son doigt la soupe populaire. Pourtant, d’après notre clochard à la barbe mal rasée, il n’y avait pas endroit plus glamour. Bon nombre de fois, ce modeste baraquement avait été le théâtre de ses débâcles amoureuses, en effet, à défaut de ne pas pouvoir se taper des nanas convenables, Yasumasa avait tenté de communiquer son attirance sexuelle à quelques clochardes qui le renvoyèrent vite fait bien fait d’où il venait et en dépit de tout ceci, il en gardait un bon souvenir. D’ailleurs, notre héros ria intérieurement en repensant à tous ces souvenirs qui lui rappelaient au fond, qu’à trente-neuf ans et des poussières, il était toujours puceau. Plongé dans ses pensées, il ne se rendit pas compte tout de suite que la jeune Zoé l’avait saisit par la main pour l’entrainer dans un modeste restaurant quelques mètres plus loin. Sortit de sa torpeur, l’homme ne pu manifester sa fascination pour le lieu qu’en sifflant comme on siffle une jolie fille qui vous passe sous le nez sans même prendre la peine de vous remarquer. Si ses manières pouvaient le faire passer en général pour quelqu’un de rustre, notre gaillard savait tout de même apprécier la beauté lorsqu’elle celle-ci faisait acte de présence.
Tout en ce lieu était admirablement propre. Ce qui n’était pas pour déplaire à Yasumasa qui contemplait avec détachement tout de même pour ne pas passer pour un ignare les tables, les verres, les employés. Là où dans la soupe populaire les tables étaient entachées par les restes du repas de la veille, à cet endroit même tout était minutieusement nettoyé et agréablement rangé. Les bénévoles et leurs mines de déterrés avaient été remplacés par des serveuses en Kimono pour le plus grand plaisir de notre clochard qui en prenait plein la vue alors que sa comparse s’attelait à commander une table. L’onctueuse odeur fulminant des cuisines finit par l’achever en même temps que ses narines s’ouvrèrent conjointement pour en inhaler les bienfaits.
Pas le temps de rêvasser et de s’imaginer le goût des succulents mets préparés en cuisine puisque bien vite, les deux individus se mirent à table. Près d’une fenêtre c’était l’idéal. Donnant un aspect dîné aux chandelles à la scène, le vrai but de la manœuvre étant qu’il serait plus aisé de partir sans payer en passant par la fenêtre. Comme il était de coutume dans ce genre d’endroit, les deux convives étaient assis sur des coussins d’un moelleux sans pareil pour les fesses de notre héros qui se mirent sournoisement à en rugir de plaisir (J’ai dis sournoisement, hein). Une fois bien installé, Yasumasa dégota deux baguettes qu’il mit de côté pour le repas qui ne devrait plus tarder si toutefois la commande avait déjà été réalisée et regarda du côté de Zoé pour voir à quel genre d’activité elle s’adonnait. La scrutant ainsi durant quelques secondes, le clochard se décida à engager la conversation :
« Euh... Tu t’appelle Zoé c’est ça ? J’veux pas passer pour un ingrat mais, pourquoi tu m’as invité au resto au fait ? »
L’air suspicieux il n’attendit pas qu’elle veuille bien se donner la peine de répondre et enchaîna :
« Hé t’as quel âge au fait ? T’es majeur ? »
*P’tain je’sais pas quoi dire*
Au même moment, une serveuse pointait le bout de son nez à la table de nos deux jeunes gens.