Cinq mois plus tard ...
Les coups redoublaient de vitesse et d'intensité dans les paos.
"Excellent Nao! Gauche droite! Dernière ligne droite! Accroche toi!"
Sur une dernière série de directs, la séance d'entrainement de boxe se termina et Nao s'effondra à genoux, à bout de souffle, épuisé. Son entraineur vint lui donner une petite tape sur l'épaule.
"Tu t'es bien donné. Tu te surpasses ces derniers temps!"
Le jeune homme ne sourit même pas à cette remarque.
"Y'a que vous qui le remarquez ..."
"Pardon?"
[color=#3eb6]"Non ... rien."[/color]
Comme à chaque fois, Nao resta longtemps sous la douche chaude. Il ressassait, dépassé par sa situation personnelle qui à présent ne regardait plus que lui semblait-il. Dans le vestiaire, il s'habilla lentement sans faire attention à son reflet, renvoyé par le grand miroir du fond. Il avait fondu, beaucoup. Le gros nerd d'avant avait perdu son gras sur le ring, sur le plancher de la salle de boxe et le long des quais où il courait presque tous les jours. Ses muscles s'étaient raffermis et son visage rond se redessinait en arêtes saillantes. En cinq mois, il avait retrouvé la vitalité de son adolescence et son corps, une silhouette acceptable. Il était toujours massif mais différent à présent. il n'avait plus honte d'aller à la piscine et la boxe avait renforcé sa confiance en lui.
Tout allait donc pour le mieux ... physiquement en tout cas. Car sa joie avait été de courte durée. il avait gagné en esthétique mais perdu en affectif. Sa copine, son amie, sa coloc, la chieuse d'à côté avait elle aussi fondue ... évaporée dans la nuit d'où elle ne sortait presque plus. Qu'elle ait trouvé un boulot dans ce ... lounge ... était la meilleure chose qui soit. Nao avait été content pour elle. Les premiers temps, leur rythme de vie n'avait pas changé. Elle bossait le soir, dormait le matin et après, ils faisaient une activité ensemble. Mais cela n'avait duré qu'un temps et petit à petit, elle rentra plus tard, parfois au petit matin, fonçant dans sa chambre comme si elle l'évitait. Elle n'en sortait que pour s'esquiver à la salle d'eau, se doucher longuement, et mettre ses affaires à laver. Après, un coucou rapide, un bonjour fatigué, avec un peu de chance un bisou de circonstance et elle filait au lit. Quand ils se croisaient en journée, elle restait rivée à son smartphone, envoyait et recevait des tonnes de message, répondait à des appels avec des "Oui monsieur" respectueux. Son boulot prenait une majeure partie de son temps à la maison et Nao ne le comprenait pas. Elle était serveuse ... c'était tout. pourquoi l'appelait-on en dehors de ses heures de travail? Alors oui, l'ordinaire s'améliorait et elle laissait souvent sur la table du salon un super truc à manger. Ils avaient changé du mobilier et arrangé l'appartement en grande partie grâce à elle. Elle se surmenait et pour lui faire honneur, Nao s'était imposé une hygiène de vie drastique et continue. Cela faisait longtemps maintenant qu'il courrait seul sur les quais et qu'il n'avait pas entendu Automne lui hurler ses encouragements sur un gros effort. Elle ne souriait plus, ou rarement ... et du coup, lui aussi. Les derniers temps avaient été encore plus horribles et la solitude de Nao lui tapait sur le système. il avait tenté de la retrouver mais ... trop fatiguée ... peux pas aujourd'hui ... dois voir quelqu'un ...
Il avait eu des doutes, et en avait toujours, au sujet de son boulot. Ils n'avaient parlé qu'une fois de la grande blonde et Automne avait ri en faisant un signe de la main comme si c'était de l'histoire ancienne. Il n'en était plus sûr. Et puis ... certaines choses sont difficiles à cacher. Les odeurs notamment ... Et Automne en ramenait parfois sur elle ... quand elle ne prenait pas la douche au boulot. Qu'elle s'envoie en l'air avec d'autres avait rendu le jeune japonais malheureux mais il s'y était fait. Qui était-il à part le coloc ou le pote de console? Elle avait le droit de faire ce qu'elle voulait après tout.
Le pire pour lui était qu'il se sente oublié, que leur épisode d'amitié se soit résorbé et qu'il ai l'impression d'être transparent à la maison. Où était partie son Automne?
De retour cd4hez lui, il trouva l'appartement vide. Sa jolie polonaise était partie tôt aujourd'hui. Il l'appela sans succès, presque par réflexe. Il passerait encore sa soirée seule, comme toutes les précédentes depuis longtemps. il se prépara un plat de poulet vapeur et d'algues et s'installa sur le canapé pour manger en regardant la télé. Son smartphone vibra à mi-repas. Une connaissance de son forum de geek venait de poster "un truc incroyable" disait-il. Pas emballé, Nao ouvrit la vidéo. Du porno ... toujours du porno. Même ça ne l'amusait plus. Il allait éteindre quand il se figea. Sur l'écran, la vue d'un visage lui brisa le cœur. Un club, des dizaines de participants et en guise de jouet ... son Automne. Il ne put rien faire d'autre que de regarder l'horreur, pétrifié, vidé de ses forces, de sa consistance. Il s'agissait d'un clip promotionnel pour un bordel de luxe et ce qu'Automne subit, il trouva ça inhumain. Mais ... elle souriait, demandait plus encore, fut ravagée, souillée, exploitée, utilisée de toutes les manières. le calvaire dura quinze minutes mais un bandeau annonçait que cela avait été interminable. Un commentaire clôtura sur les services exceptionnels du club et ses escorts aussi infatigables que créatives, prêtes à tout pour satisfaire les clients ... comme Automne, qui était félicitée.
Ainsi donc, tout s'expliquait ... il n'y avait même plus à réfléchir tant tout était limpide à présent. le plateau repas vola dans la pièce pour s'écraser contre un mur, le tapissant de jus d'algues. Nao était en rage et chercha un truc à casser. La porte de sa chambre? Il la détruisit à coups de poing avant de sortir de chez lui en trombe, le téléphone à l'oreille. Evidemment qu'elle ne répondait toujours pas, elle devait avoir la bouche pleine ... Sous son air furieux et ses joues empourprées, Nao était le garçon le plus malheureux du monde.
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Deux heures plus tard .....
"Qu'est-ce qui s'est passé?" demanda le policier.
Le patron du bar où Nao et Automne étaient allés ensemble pour leur première sortie lui répondit.
"Le jeune a beaucoup bu mais il ne dérangeait personne. Et puis l'homme que vous avez arrêté est entré et l'a bousculé, je n'ai pas bien vu. Le jeune lui a dit un truc et l'homme l'a cogné. Seulement, il a été surpris parce que le retour a été violent et il a pris une rafale de coups avant de se reprendre. Après ça a été une boucherie et le gamin s'est fait détruire. On pouvait pas intervenir, le type avait un couteau."
Le policier soupira tandis que l'ambulance s'éloignait. Il avait en main les affaires du jeune et ouvrit son smartphone pour accéder au carnet d'appels. Dernier appel : "Mon Automne" ? Marrant comme nom.
Il n'appela que plus tard quand Nao fut passé aux urgences de l'hôpital du district et interné en chambre isolée.
Message vocal: "Bonjour, commissariat du district X, police, votre nom figure comme dernier appel sur le téléphone de M. X. j'ai le regret de vous annoncer qu'il a été victime d'une agression violente et qu'il est actuellement hospitalisé aux urgences de l'hôpital du même district. Vous êtes priée de me rappeler à ce numéro. Je suis l'inspecteur Kasagi."
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