Néon Musique. - pv

Marmelade était en voyage à Nexus, elle devait y rester une petite semaine pour aller chercher des ressources dans les marchés. La forêt où elle vivait donnait énormément de ressources, mais quand elle commença à voyager à l’extérieur elle prit connaissance de nouvelles herbes, des poudres, des bois qui venaient de contrées lointaines. Elle n’en savait pas forcément les bienfaits, elle essayait de les mélanger avec les produits de chez elle. La Crazilles faisaient quand même très attention avec ça, elle ne replantait rien pour que sa forêt ne se fasse pas envahir d’herbes qui pourraient se montrer envahissantes, c’était la même chose pour les animaux, elle ne ramenait rien de vivant.

Pour le coup, Marmelade traînait dans les marchés de Nexus pour y chercher des pierres ainsi que des herbes qui pouvaient servir pour des médicaments. Grâce à son pouvoir, elle avait changé de forme prenant l’apparence d’une vieille dame. Ainsi, elle pouvait se promener en toute sécurité, les traits de son visage étaient tirés vers le bas, elle avait rajouté une verrue sur son nez, des vieilles fripes couvraient son corps tordu. Voûtée sur l'avant, Marmelade se servait d’une canne pour avancer, il fallait aimer passer sa vie au ralenti. Pour Marmelade ce n’était pas un problème, qui préférait ça, que se faire remarquer.

- Bonjour, avez-vous encore de la poudre de Miranga ?

La poudre de Miranga était de la corne broyée, à Nexus certaines personnes en faisaient des élevages. Marmelade en avait déjà acheté chez cette personne il y a quelques mois, sous la même forme. L’homme qui était derrière le stand cherchait dans des caisses à l’arrière, avant de sortir un papier chiffonné.

- Mamie, je n'en ai plus, mais j’ai une commande, la livraison devrait arriver ce soir. Vous êtes encore là ? Quand le soleil arrive au-dessus du clocher ça devrait être bon.

Marmelade était bien embêtée d’apprendre cette nouvelle, elle se frottait le menton pendant la réflexion. Elle n’avait pas vraiment le choix, demain elle allait reprendre la route pour continuer son périple dans une autre vie. Et elle avait vraiment besoin de cette poudre.

- Je reviendrai ce soir. Finit-elle par dire, le saluant d’un signe de la tête.

Marmelade fit le tour du grand marché de Nexus, remplissant son sac de tout ce dont elle avait besoin. Elle s’arrêta à une échoppe pour manger du poulet cuit à la broche avec du bon jus ainsi que des pommes de terre. Ce n’est pas parce qu’elle vivait dans la forêt, qu’elle mangeait que des plantes, bien au contraire Marmelade aimait beaucoup la viande, surtout quand elle était juteuse comme ça, elle prit la peine de demander les épices qu’il y avait dessus pour aller en acheter juste après. Elle passa la journée à se promener ainsi, jusqu’à ce que le soleil commence à se coucher, se rappelant qu’elle devait retourner voir le commerçant pour lui prendre de la poudre de Miranga.

- Mamie, vous ne m’avez pas oubliée, venez avec moi à l’arrière, mes hommes sont en train de décharger la charrette pour ranger les stocks, ça ira plus vite que d’attendre ici.

Sous son masque Marmelade, était bien loin d’imaginer ce qui allait se passer dans les quelques minutes qu'il allait suivre. Suivant l’homme pour se rendre à l’arrière du stand, bien loin des regards, ce n’étaient pas des hommes qui déchargeaient une charrette qui se tenait là. Plutôt une grande cage capable de contenir un être humain de taille adulte, des hommes étaient bien présents, mais ils tenaient des cordages, ainsi que des bâtons dans les mains. Il n’en faut pas plus à Marmelade pour comprendre qu’elle se trouvait dans un énorme bourbier. Ce n’était pas l’heure des négociations, d’essayer de prouver qu’ils se trompaient, ils étaient tous bien sûr d’eux. Ni une ni deux, elle reprit sa forme normale de Crazilles pour avoir une chance de fuir, elle se tourna pour s’accrocher à un poteau du stand pour se secouer dans tous les sens. Dans un marché, les structures n’étaient jamais bien solides, souvent des tentes montées comme ça. Et avait eu l’oeil, le stand s’effondrait sur les hommes et sur elle, se mettant à quatre pattes avec sa cape, elle passait sous la toile se retrouvant rapidement de l’autre côté où un attroupement de clients se demandait ce qui se passait ici.

Les braconniers criaient de la retrouver alors que Marmelade avait déjà pris ses jambes à son cou pour fuir le plus loin possible. Sous sa forme initiale, elle allait rapidement attirer l’attention d’autres braconniers.

- Nnnn.

Marmelade serrait les dents pour ne pas s’arrêter malgré les gens qui commençaient à lui faire barrage. Certains ne savaient même pas la raison, pensant qu'elle n'était qu’une simple voleuse, ça ne l’aidait pas dans ses affaires. Marmelade s’enfila dans une ruelle pour quitter la route principale, se retournant tout en courant elle voyait encore ses poursuivants.

- Elle est faite comme un rat, sale voleuse.

Marmelade tournait la tête voyant qu’elle était dans un cul-de-sac, que devant elle se trouvait un mur, elle allait trop vite pour s’arrêter. En plus de se faire capturer la Crazilles allait se taper le mur avec force, elle levait les bras tout en fermant les yeux se préparant au choc.

- Nnn ? Un bruit d'étonnement quand bizarrement elle se sentit tomber en avant alors qu’elle aurait dû se faire projeter en arrière. La sensation était étrange, comme si elle semblait voler, son corps était si léger. Cette sensation ne dura pas longtemps, quand elle sembla tomber de sa hauteur sur le sol en avant. Allongée sous sa cape de vieille dame, elle était de nouveau dans une ruelle, elle se redressait sur ses genoux.

- Elle vient d’où celle-là ? Des hommes dans son dos se mettaient à parler fort dans sa direction.

Sans attendre Marmelade se levait pour se remettre à fuir, pensant que c’était encore ses poursuivants. Elle était bien loin du compte, les hommes derrière étaient des adolescents qui allaient se retrouver dans un club populaire de cette ville, Seikusu. La Crazilles se retrouvait sur Terre, en prenant un portail qui était apparu devant elle pendant sa course. Encore gonflée d’adrénaline et de panique, elle n’avait pas cherché à comprendre qui était les hommes derrière elle qui lui demandait si elle avait besoin d’aide. Elle n’avait même pas fait attention au décor qui avait brutalement changé, à bout de souffle comme une sirène, elle rentrait par une porte laissée ouverte. Marmelade s’enfilait dans l’obscurité de la pièce, bousculant des caisses et des meubles, trouvant un endroit un peu enfoncé, Marmelade se laissa tomber à genoux pour reprendre son souffle essuyant son visage de sueur. La Crazilles avait besoin de se reposer un peu, espérant qu’elle allait être au calme dans cette cachette, ne se doutant pas encore qu’elle avait changé d’univers et qu’elle se trouvait dans la cave d’un club, le Nyoras Club.

La journée se déroulait pour l’instant sans accroc.

Comme beaucoup de matins, je me suis réveillée avec Xia. Ce n’est qu’une petite demi-heure plus tard que nous sommes sorties du lit, prêtes à nous occuper de nos affaires du jour qui concernent majoritairement le club, comme toujours. Aujourd’hui, nous attendons une cargaison de vivres… mais en attendant ça, j’ai beaucoup à faire.

« On se voit plus tard Xia. »

Je lui souris avant de sortir, direction les commerces locaux. Ce ne sont pas les seuls avec qui nous faisons affaire, mais pour les plus osés je laisse les autres s’acheter ce qui leur tape dans l’œil. Ce que je recherche moi, ce sont des épices et les quelques alcools que nous ne pouvons pas acheter en gros car produits dans le coin en petite quantité : certains clients en raffolent, et sont prêts à débourser de belles sommes pour en consommer au club. Ça serait bête de ne pas en profiter !

« Oh, est-ce une nouvelle variante ? »

Je regarde une bouteille que je n’ai jamais vu chez le caviste, une liqueur d’un nouveau type. Il hoche la tête en m’expliquant que le producteur des liqueurs habituelles a souhaité étendre sa gamme, ce qui me ravi : ses alcools sont excellents.

« Très bien, dans ce cas je vais vous prendre deux de ces bouteilles en plus des autres. »

Après s’être mis d’accord sur l’horaire de livraison et payé, je file vers la prochaine boutique…

Quelques heures plus tard, je reviens enfin au club. Je n’ai pas le temps de me poser, car l’heure tourne et la livraison hebdomadaire approche : il est temps pour moi de filer à l’arrière du bâtiment et vérifier que tout est bien en ordre, ce dont je ne doute pas.

« Bonjour messieurs. »

Les livreurs viennent d’arriver, leur camion prêt à décharger les caisses qui nous sont destinées. Quelques jeunes discutent un peu plus loin en se demandant ce que tout ça peut contenir, et regardent les types décharger le camion et amener tout ça dans la cave sous ma supervision. Il leur faut un bon quart d’heure pour en finir, puis repartir à contre cœur : comme toujours, d’autres livraisons les attendent.

Je range rapidement les produits frais dans les frigidaires et autres congélateurs, puis vérifie qu’aucune bouteille n’est cassée. En plein milieu, je me demande si j’ai refermé l’accès à la cave extérieur… peut-être ? Je le ferais après cette caisse, de toute manière je ne vois pas ce qu’il pourrait se passer.

Alors que je m’apprête à vérifier la dernière rangée de bouteilles de cette caisse, j’entends un peu de bruit dehors. Les jeunes s’excitent ? Non, c’est autre chose. Quelqu’un entre dans la cave à toute allure, se prenant visiblement quelques petits meubles au passage. Je fronce les sourcils, me demandant qui tente de s’incruster ici avec aussi peu de discrétion. Si c’est pour un vol, c’est totalement raté !

Je m’avance vers la silhouette, la mine renfrognée, prête à lui passer un savon. Mais lorsque je l’aperçois, je me dis que je fais fausse route. Essoufflée et cachée comme elle est, la jeune femme – une elfe peut-être ? – ne semble absolument pas dans son élément. Comprendre par là qu’il n’y a aucune chance pour qu’elle vive sur Terre, à part si elle peut se transformer bien sûr. Je la fixe un instant, puis lève un doigt.

« Ne bougez pas, je vais fermer l’accès extérieur. Personne d’autre n’entrera ici. »

Peu importe ce qu’elle fuit, je me passerais bien de sa visite. En arrivant à la porte je vois les jeunes qui regardent dans ma direction avec un air interrogatif. Je me contente de leur sourire en fermant la porte, me disant que peu importe ce que je leur raconte ça leur semblera étrange. Puis je reviens à mon inconnue, me demandant bien ce qu’elle fait ici.

« Bonjour ? Je ne sais pas comment ni pourquoi vous êtes arrivée ici, mais sachez que vous êtes en sécurité. Je me nomme Aya, et vous ? »

Une question simple histoire d’engagée la conversation, et la mettre un minimum à l’aise.

Marmelade n'arrivait pas à se calmer, elle avait réussi à s'échapper de peu à ces hommes, son cœur explosait dans sa poitrine, de la sueur maculait son visage qui avait une teinte pivoine suite à cette course folle, ses yeux normalement roses au repos avait prit une tout autre teinte… Blanc, la couleur de la peur chez son peuple. Les Crazilles ont cette particularité, l'intégralité de leurs yeux change de couleur en fonction de leurs émotions, c'est pourquoi ils sont très recherchés, car il est dit qu'à la mort d'une créature après avoir encaissé bons nombres de supplices, ces globes oculaires rares sont d'une beauté à couper le souffle. Bien plus beaux que de nombreuses pierres précieuses. C'est pourquoi Marmelade a l'habitude de se faire chasser, sauf qu'aujourd'hui ce n'est pas passé loin. Elle pensait ne pas se faire prendre avec sa couverture de vieille dame, c'était se tromper et cela avait bien failli lui coûter très cher.

Enroulée dans sa cape, Marmelade tremblait de tout son être, ses mains moites glissaient sur ses jambes pour essayer d'en reprendre le contrôle. Elle savait qu'elle ne devait pas rester terrer dans cette pièce qui sait à qui elle appartenait ? Elle pouvait se retrouver nez à nez avec des esclavagistes encore, des brigands, n'importe qui, qui lui voudrait du mal. La peur ainsi que l'adrénaline lui prenaient au corps, elle devait réussir à se calmer pour préparer un plan d'invasion qui tenait la route. Avoir la tête froide était important avant de prendre une décision elle le savait, sauf qu'elle n'allait pas avoir le temps. Le cliquetis d'une porte la fit sursauter, la tête redresser vers le bruit, les oreilles aux aguets, elle voyait une silhouette apparaître devant elle. Une main sur une caisse pour se relever, sauf que ses jambes ne tenaient pas la route s'effondrant sous son poids en quelques secondes pour se retrouver avec un genou à terre.

Dans la pénombre de la pièce, c'est une femme qui lui apparaît, Marmelade se fige se tenant toujours aux caisses. Des femmes esclavagistes, il y en a, elles sont parfois même pires que les hommes dans la brutalité et le sadisme. Les doigts de la Crazilles serraient de plus en plus le bois, prête à surgir au besoin, mais ça allait attendre pour le moment. La femme lui signala qu'elle allait fermer la porte pour ne laisser rentrer personne. L'enfermer pour la garder ? La séquestrer pour appeler des renforts ? Marmelade n'était pas dans l'option qu'on lui tende la main pour lui offrir de l'aide. Encore dans sa course-poursuite pour assurer sa survie, elle voyait le mal partout, il fallait la comprendre, c'était difficile de réussir à se détacher. Ses yeux toujours aussi blancs ne lâchaient pas la personne qui partait vers la porte, pour Marmelade il fallait réagir vite, deux options s'offraient à elle dans sa caboche. La première se ruer dans les escaliers pour fuir, les problèmes sont est-ce qu'elle allait y arriver ? Et qu'est-ce qu'elle allait trouver en haut ? La deuxième option défier la personne pour éventuellement lui faire peur malgré son état de fatigue.

Il fallait vite choisir, elle revenait, Marmelade comme sourde à cause de la pression malsaine fit abstraction des paroles à son égard. L'accueil, la sécurité, son prénom tout venait de lui passer au-dessus des oreilles (elles sont plus grandes que sa tête), à côté d'elle se trouvait une étagère avec des boîtes et quelques bouteilles avec un élan de courage elle se jeta dessus attrapant un des récipients en verre. - Reculez ! Un grognement digne d'une bête sauvage blessée.

Marmelade d'un geste brisa la bouteille contre le bord de l'étagère pour en faire un tesson pour se défendre. Le liquide qui sentait très fort devait être de l'alcool, les pieds nus de la Crazilles baignaient dedans en plus des nombreux morceaux de verre. Elle écarta sa cape pour pouvoir avoir une meilleure mobilité avec son bras alors que l'autre tenait l'étagère pour ne pas tomber à la renverse. Ses genoux étaient pliés vers l'intérieur preuve qu'elle avait bien du mal à rire stable.

- Vous ne m'aurez pas. Je ne suis ni une esclave, ni un jouet.

Marmelade était toujours bien aveugle sur son interlocutrice et sur l'endroit dont elle se trouvait, un lieu sûr. Elle lui faisait face à moitié nue si cette cape ne couvrait pas son corps, d'ailleurs, Aya avait peut-être dû le remarquer à force de gigoter pour assurer un périmètre de sécurité, une peau blanche, de nombreux tatouages multicolores, une poitrine ronde qui suivait les mouvements de son corps, un petit abricot entre ses cuisses.

- Nnnnn. Les dents serrées, Marmelade poussa un sifflement pour impressionner Aya.

Il était tout à fait possible de calmer la Crazilles ou même de la maîtriser le temps de lui faire comprendre qu'elle ne risquait rien, fatiguée comme elle était, une mamie avec une canne pourrait la désarmer. Marmelade n'était pas une tête dure, à éviter les gens, elle aimait même beaucoup rencontrer des gens, sauf que l'événement traumatisant qu'elle a vécu il y a quelques minutes venait de la mettre en alerte. Dans d'autres circonstances, elle se serait montrée bien plus avenante. Sûrement, qu'elle allait se confondre en excuses quand elle comprendra son erreur et tous les dégâts qu'elle venait de faire dans la pièce.

Me voilà bien embêtée. Non contente de s’être introduite dans la cave du club, qui plus est du côté de la Terre alors qu’elle semble clairement venir de Terra, la jeune femme est bien plus secouée que ce que je pense au premier abord. Mes mots ne semblent pas l’atteindre, comme si elle n’en comprenait pas un seul. C’est d’ailleurs tout à fait possible, et ça serait assez gênant même s’il existe d’autres moyens de communiquer… puis elle me dit de reculer. Donc elle parle notre langue… et elle vient de briser une bouteille hors de prix. Je soupire en reculant d’un pas pour ne pas l’effrayer plus qu’elle ne semble l’être, et me pose sur une caisse en la regardant. Ni une esclave ni un jouet… ? Je pense comprendre ce qu’il se passe, et qui lui courait après.

« Personne n’est l’esclave de qui que ce soit ici. Et pour ce qui est d’être un jouet… c’est à votre discrétion. »

Je croise les jambes et me penche légèrement en avant, la dévisageant durant un bref instant. Je ne sais pas si elle m’écoute ou non, mais elle semble chercher une échappatoire ou essayer de me montrer qu’elle est parfaitement capable de se défendre. Ça serait peut-être plus convaincant si elle n’était pas si peu vêtue, ou à pied nu… d’ailleurs en voyant ses pieds dangereusement se rapprocher des éclats de verre, je fronce les sourcils.

« Faites attention, vous allez vous blesser ! »

La voilà en train de siffler comme… comme un serpent ? Je commence à douter qu’il s’agisse d’une elfe, mais peu importe. Je me lève et fait quelques pas vers une étagère sur le côté, restant à peu près à la même distance d’elle, et me baisse pour tirer une caisse. Non, pas celle-là… ah ! La seconde est la bonne. Je me retourne pour regarder ses pieds, puis fouille quelques secondes à la recherche d’une paire de chaussures. Rien de bien transcendant, mais tant qu’à avoir d’anciennes tenues qui trainent autant les utiliser. Et ces chaussures là viennent de trouver une nouvelle propriétaire.

« Mettez donc au moins ça avant qu’il n’arrive un drame. »

Je tends le bras dans sa direction et pose les chaussures à mi-chemin avant de reculer à nouveau. Il lui faudrait peut-être des vêtements aussi… mais pas tout de suite. Le premier objectif, c’est de faire en sorte qu’elle se calme et qu’elle évite de se blesser. Le reste peut bien attendre, et je sais me montrer patiente lorsqu’il le faut. Il va juste falloir que je fasse attention à ce qu’elle ne s’énerve pas plus, non pas qu’elle semble réellement dangereuse… après tout, elle a visiblement du mal à tenir debout.

- À ma discrétion ? Grogna la Crazilles à cette réflexion qu'elle avait bien du mal à comprendre.

Marmelade avait parfois du mal à comprendre les subtilités du langage humain, alors quand elle était en moment de stress elle passait totalement à côté. Cette expression qui se voulait pour détendre l'atmosphère, venait de faire froncer les sourcils de la Crazilles lâchant encore un sifflement laissant vibrer sa langue tout en serrant les dents.

Marmelade ne quittait pas la femme des yeux, chacun des mouvements qu'elle faisait pour chercher quelque chose dans les cartons. Une paire de chaussures ? Marmelade n'avait pas l'habitude d'en porter, ses pieds, c'étaient accommodés à être nus même dans la forêt, mais à force de côtoyer des humains quand elle sortait, elle avait compris qu'ils avaient beaucoup plus le besoin de se couvrir. Ils avaient développé le sentiment de pudeur, ne pouvant se promener nus. Ce qui n'était pas le cas de Marmelade qui dans sa forêt était seulement couverte d'un pagne seulement pour être pratique, elle pouvait y accrocher des bourses, des armes, des hameçons et autres outils dont elle pouvait avoir besoin. Mais revenons à nos moutons, la femme dont elle n'avait pas mémorisé le nom déposait une paire de chaussures à ses pieds. Est-ce que c'était une technique pour la capturer quand elle allait s'approcher ? Marmelade, était sur ses gardes qu'en elle s'approchait ses deux grands yeux presque noir ne la quittant toujours pas.

Elle ne regardait pas où elle marchait, les morceaux de verre s'enfonçant sous ses pieds laissant des traces de sang… Si Aya voulait l'aider, Marmelade ne mettait pas de la bonne volonté et ça n'allait pas s'arranger… Arrivée aux chaussures tout allait s'accélérer pour prendre une tournure farfelue. Marmelade se pencha en avant pour les ramasser les deux en même temps, elle n'avait aucune intention de les enfiler préférant les jeter en avant sur la femme, faisant de même avec sa cape pour créer un voile le temps de disparaître. La fuite avait été choisie dans sa tête perturbée, toujours armée de sa bouteille cassée, la Crazilles courait vers les marches d'escalier nue comme un ver. Enjambant les marches trois par trois, elle trébucha sur les dernières s’égratignant le genou avant de se relever pour ouvrir la porte qui était devant elle.

La lumière plus forte de la pièce l'éblouissait, ne voyant pas où elle se trouvait dans l'immédiat, elle levait un bras pour se protéger tout en titubant sur le côté.

- Approchez… Laissa-t-elle entendre tout en agitant sa main armée dans le vide, prête à en découdre si elle le devait. Maintenant qui était vraiment prêt à avoir peur d'une créature qui ne marchait pas droit, avec comme seule arme une bouteille cassée et totalement nue ? Personne certainement. Elle donnait plutôt l'impression d'être une pochetronne qui n'arrivait plus à discerner la réalité, ce qui était un peu vrai pour le coup, sauf qu'elle n'avait rien bu.

- Sales esclavagistes, je vais vous faire passer l'envie de me capturer pour me torturer et me tuer. Peut-être que les paroles que Marmelade venaient de prononcer allaient éclaircir un peu plus la situation.

Se faire poursuivre est une chose, croire qu'on va y passer est une autre. Encore ébloui, Marmelade n'avait toujours pas vu où elle était, et même si c'était le cas, allait-elle vraiment comprendre. La Crazilles n'avait jamais mis les pieds dans un endroit comme celui-ci.

Chaque seconde qui passe semble voir la situation empirer. Déjà sur la défensive, l’invitée surprise se montre de plus en plus méfiante malgré mes tentatives d’approches douces. Et, encore pire, elle commence à se blesser alors que je lui sors des chaussures pour éviter ça.

« Vos pieds ! »

Je regarde les traces de sang sur le sol, médusée de la voir faire preuve d’aussi peu d’attention à ce qu’elle fait. Ou peut-être ne ressent-t-elle pas la douleur ? J’en doute un peu, mais dans l’immédiat j’ai d’autres préoccupations… comme… le fait qu’elle semble finalement intéressée par les chaussures ? Un peu trop tard, mais c’est déjà un pas en avant non ? C’est ce que je crois jusqu’au moment où elle me lance maladroitement les chaussures mais également sa cape, se retrouvant donc nue. J’attrape la cape en vol en me demandant ce qu’elle essaie de faire, avant de la voir filer droit vers l’escalier.

« Hey ! »

Je presse le pas, mais je l’entends déjà menacer et s’énerver en haut des escaliers. Elle nous prend pour des esclavagistes ? Alors ça c’est la meilleure… ! Nous avons peut-être nos vices, mais ça n’en fait clairement pas partie ! J’entends quelques voix, puis la jeune inconnue… disparaître ? Non, on dirait plutôt qu’elle a été happée par quelqu’un. Qui était en train de se préparer quand je suis descendue déjà… ?

Quelques secondes plus tôt, dans les loges privées du club…
Ada et Yor discutent tranquillement tout en essayant quelques tenues. Les deux échafaudent des théories sur ce qu’il se passe en bas, entendant des voix sans discerner quelques paroles ou intonations que ce soit.

« Un problème avec un fournisseur tu crois ? »
« Ou une amante secrète ? »
« Pourquoi secrète ? Elle pourrait partager… »

En petite culotte, les deux rient et approchent de la porte pour essayer d’entendre quelque chose quand celle-ci s’ouvre en grand, leur dévoilant… ce qui semble être une elfe, nue, avec un tesson de bouteille. Elle s’agite dans tous les sens sans vraiment poser son regard sur quelque chose ou quelqu’un, clairement énervée. C’est donc sans surprise que Yor vient attraper son bras pour la déséquilibrer et lui arracher l’arme improvisée des mains, tandis qu’Ada attrape la jeune femme au vol et la serre dans ses bras, une main se glissant tendrement dans ses cheveux pour la rassurer.

« Il n’y a pas d’esclavagistes ici, calmez-vous voyons… »

Elle tente de la dorloter, la tête de l’elfe bien calée contre sa généreuse poitrine tandis que Yor balance les restes de la bouteille dans une poubelle. J’arrive à ce moment-là, regardant la scène improbable.

« Elle s’est blessée aux pieds… et peut-être ailleurs, je ne sais pas. Elle ne semble pas très en forme. »

Dans le flou de la lumière, de ses idées qui fusaient à toute vitesse, Marmelade n’avait pas vu les deux silhouettes sombres devant elle. Avec son corps qui ne réagissait pas à la perfection à cause de la fatigue, du stress, de cette boule au ventre due à la terreur de mourir elle avait l’impression de tout voire au ralenti. Sans grande difficulté, qu’une des ombres lui attrape le bras pour la déséquilibrer, pendant que la deuxième l’attrape pour la maintenir contre elle.

- Nnnn Lafez-mouah. La tête dans quelque chose de mou, il était difficile pour elle de parler convenablement. Sans arme improvisée, Marmelade continuait à s’agiter comme elle le pouvait. Ses mains c’étaient posées sur les hanches de la femme pour tenter de se pousser en arrière sans y arriver à cause du manque de force dont elle faisait preuve actuellement.

La Crazilles tente pendant quelques secondes de reculer son visage, elle n’imagine pas un instant qu’elle se trouve contre la poitrine d’une femme qui fait tout son possible pour la calmer. Après cet épisode, stressant et il faut le noter, ridicule pour Marmelade qui n’en avait pas loupé une pour se mettre en scène dramatiquement. Elle sentait petit à petit ses forces totalement la quitter, elle avait beaucoup trop donné et le contrecoup venait de se faire sentir. Contre cette peau douce, fraîche et d’un délicieux parfum, ses yeux commençaient à se fermer. Marmelade luttait, essayant de rester lucide, encore dans son délire de mourir, mais sa fatigue était beaucoup trop importante. Pour clore cette situation loufoque en beauté, La Crazilles perdait connaissance entre les seins d’une jeune femme, se laissant se reposer de tout son poids entre ses deux énormes coussins.

C’était sûrement un bien pour un mal, cela allait permettre à son cerveau de se poser, d’arrêter de croire que tout le monde souhaite lui faire la peau. Les femmes qui se trouvaient dans cet établissement lui voulaient du bien, à son réveil, Marmelade allait rapidement le remarquer. Pas de chaînes, pas d’hommes qui lui veulent du mal, juste du réconfort et des soins. Son délire allait rapidement s’arrêter après ça, pour le moment, elle restait sans bouger totalement inconsciente, nue et la tête entre deux doux seins à se faire dorloter.

« Je crois qu’elle s’est évanouie. »

Ada constate sans plus de détour l’état de l’étrange créature dont la tête repose sur sa poitrine. Certains paieraient cher pour être à sa place, mais aucune de nous n’a le cœur de faire cette blague. Maintenant qu’elle est calmée, nous arrivons un peu mieux à voir à quoi elle ressemble. On pourrait croire que c’est une sorte d’elfe, mais pourtant certains attributs physiques ont l’air d’être bien trop différents de ceux-ci. La maintenant toujours contre elle pour qu’elle ne tombe pas, Ada échange un regard avec moi et Yor. Cette dernière finit d’ailleurs par briser le silence :

« Encore une belle nana qui finit exténuée dans tes bras Ada… »

Nous nous mettons à rire toutes les trois, avant de nous décider à nous occuper d’elle. C’est qu’en plus d’être évanouie, ses pieds sont toujours dans un sale état ! Avec l’aide de Yor, Ada se pose sur le canapé et pose la tête de la jeune femme sur ses jambes toujours dénudées, ne s’embarrassant pas d’une tenue pour le moment. De mon côté je viens me placer au niveau des pieds tailladés, constatant que malgré la panique les blessures ne sont pas trop profondes.

« Bon voyons voir ça… »

Je commence à nettoyer les plaies avec un désinfectant, aussi délicatement que possible. Pendant qu’Ada continue de gentiment caresser les cheveux de la belle aux bois dormants, Yor file du côté du club dans une robe légère histoire de ne pas laisser les clients sur leur faim.

« Et maintenant, des bandages… »

Ça risque d’être compliqué pour elle de marcher, mais je fais au mieux pour panser ses blessures. Maintenant, il ne reste qu’à la laisser se réveiller… avec une belle vue, la poitrine d’Ada se trouvant juste au-dessus de son visage.