De longues années s’étaient écoulées depuis l’arrivée de Miss Donna au Japon. Elle avait survécu à bien des péripéties. Oui, car on peut bien parler de survie à ce niveau, après ces années dans le coma, et rien que ces moments à revivre son viol. Mais la jeune demoiselle avait eu la chance de rencontrer de superbes personnes après son réveil. Tonia et James, les gérants de l’épicerie Pearl Harbor dans le quartier de la Toussaint, en plein Seikusu, étaient devenus la seconde famille de Donna, quand elle ne pouvait retourner aux States pour voir ses proches. Mais ils ne connaissaient rien de la véritable nature de Donna. Peut-être en était-il mieux ainsi ? Qui sait.
C’était d’ailleurs une journée où Donna travaillait en tant que serveuse que sa vie avait changée dans un tout autre sens. Elle y avait rencontré un certain Quincy Archer, écrivain américain venu se perdre au Japon pour être plus proche de son fils. Ils avaient appris à faire connaissance, un peu plus en allant au Pearl Harbor, et s’en étaient suivies mille et unes choses. Donna avait quitté son travail miteux de serveuse pour rejoindre celui de Quincy et devenir sa traductrice officielle au Japon. Il payait bien et finalement, cela ressemblait davantage à ce que la jolie brune voulait faire.
Derrière tout cela, se noua une belle amitié, puis un amour, qui s’effaça malheureusement avec les années et avec la popularité de Quincy qui ne fit que croître avec la sortie de ses livres. C’était beau et fort, le temps que cela dura. Mais il fallait se rendre à l’évidence : Quincy devenait un grand écrivain et cela le faisait voyager, et à côté de cela, Donna devait revêtir son costume de Wonder Girl et sauver le monde quand il avait besoin d’elle. Certes, parfois, cela la menait bien loin de Seikusu, mais la ville rassemblait à elle-même une grande partie des curiosités qui régnait sur la Terre. Et elle se devait d’être présente. La « séparation » fut douloureuse, mais Quincy et Donna restèrent bons amis, et la belle brune, trentenaire aujourd’hui, restait à Seikusu pour travailler pour lui.
Moitié traductrice, moitié super-héroïne. L’Américaine restait néanmoins assez discrète, même quand elle portait son
magnifique costume noir. Les années lui avaient fait découvrir qu’elle pouvait voler, et d’autres pouvoirs encore. La jeune femme possédait force, endurance, rapidité et agilité, un peu comme ces super-héros que l’on pouvait trouver dans les comics ou dans la tête de certains hommes comme le célèbre Stan Lee. Paix à son âme. Pour elle, cela semblait tellement irréel. La brune se rappelait encore la fois où elle avait découvert qu’elle n’était plus qu’une simple humaine. Apeurée, stressée, joyeuse, euphorique, elle était passée par tellement d’émotions qu’elle ne se souvient plus vraiment. Seul un grondement du plus profond de son être lui demandait à sortir, exploser enfin au grand jour. Donna, la jeune femme violée devenue phobique des hommes, se changeait en Wonder Girl qui avait pris confiance en elle et qui ne montrait pas sa faiblesse d’humaine.
Aujourd’hui, la trentenaire américaine avait passé une matinée des plus simples. Certes, la journée n’était pas terminée, mais après avoir travaillé quelque peu pour le compte de Quincy, elle s’en était aller se perdre dans les rues de Seikusu. Ses pas étaient à peine dansants, légers et rythmés au son qui la faisait voyager, dans ses écouteurs. Elle était arrivée assez rapidement chez Tonia et James, qui vinrent l’accueillir avec tendresse. La boutique n’était pas vraiment des plus élégantes, mais elle reflétait leurs personnalités généreuses et amicales.
L’ambiance était des plus festives. La porte menant à l’arrière-boutique se situait non loin de la caisse enregistreuse de Tonia. La grande dame y avait installé un petit coin cuisine pour y confectionner ses merveilleux et succulents burgers pleins de bacon et de fromage. James en avait profité pour y mettre un canapé miteux mais confortable et un vieux téléviseur. Quand la boutique n’était pas bien remplie, il se permettait une pause et laisser ses vieux os devant la télévision à regarder des matchs de football américain.
Aujourd’hui, c’était spécial, et Donna le savait. Elle avait pris soin de se mettre à l’aise, un
bon jean made in USA qui tombait à ses chevilles, un petit top basique rouge avec un très léger décolleté en V, et des petites tennis somme toutes sympathiques. Les lunettes sur le bout de son nez, elle arborait un
chignon qu’elle fit à la va-vite pour être confortablement installée aux côtés de James dans ce piètre mais fameux divan. Encloisonnée avec son père adoptif dans l’arrière-boutique, ils avaient allumé le téléviseur et lancé une rediffusion du match de la finale du Super Bowl de cette année. Ils s’en fichaient de l’avoir déjà vu. Cela prenait tellement les tripes que c’était quelque chose à revivre.
Seule Tonia s’affairait à cuisiner les burgers pour ce midi, et à jeter un œil à la boutique en même temps, grâce à la caméra de sécurité. Un « Ting ! » retentit, pour signaler la présence d’un client. La cuisinière baissa alors le feu sous sa poêle qui était en train de préparer les steaks bien épais. Elle essuya ses mains dans un torchon et sortit de sa cachette, le tablier encore au cou. Voyant l’homme présent devant elle, elle lui offrit un superbe sourire, celui d’une telle chaleur et d’une grande tendresse, qu’il ferait fondre n’importe quelle pierre.
- Bonjour monsieur ! Bienvenue au Pearl Harbor !Sûrement que sa gaieté était contagieuse, car l’homme devant elle, un poil grisonnant, le lui rendit, et d’un ton affamé, lui demanda après des burgers. Elle lui répondit, un brin gênée.
- Et bien, oui, ce sont des burgers maison mais…Ils sont en réalité pour mon mari et une amie de la famille. Ils s’apprêtent à regarder, de nouveau, la finale du Super Bowl. Vous êtes du pays, visiblement ! Peut-être voudriez-vous partager un repas avec nous ?C’était tout Tonia, même si James était de la même trempe. Prête à inviter n’importe quelle bonne bouille qui avait le mal du pays.