Pour une personne qui vivait dans la marge normale de la societé, s'aurait été difficile à croire. Même si les habitants de Terra vivaient entourés de différentes races, et voyait régulièrement des phénomènes à la limite de la pensée d'un terrien, ils étaient donc plus ouverts que ces derniers. Mais il n'en restait pas moins que la bizarrerie effraie toujours un peu un humain... Et que donc, l'humain ne peut pas croire à ce qui dépasse ses sens. C'est tout à fait normal, et on ne peut pas vraiment blâmer un humain de se méfier...
Pour Luna, c'était tout autrement... non pas qu'elle soit une créature ou une sorcière, malgré ce que les gens pouvaient en dire... non, c'est juste qu'elle avait reçu une éducation très libérale dés son plus jeune âge. Et surtout, on lui avait beaucoup appris de la magie : noire ou blanche, elle était très calée sur le sujet, et son don d'E.s.p.e.r renforçait ses croyances.
Alors, quand Mist lui annonca de but en blanc l'histoire d'un escalier, du plein air, de son changement de corps et de cette petite Aia... elle ne fit que sourire, heureuse d'avoir rencontré enfin quelqu'un qui osait parler aussi facilement de choses comme ça. Cette terrienne ne devait pas se rendre compte que si elle avait dit ça à une toute autre personne, on lui aurait carrément ri au nez. Ou plutôt non. On l'aurait accusé d'une quelconque faute, du genre la folie, ou la sorcellerie, et l'on l'aurait envoyé croupir en prison, se faire couper la main, se faire brûler, et pleins d'autres choses super amusantes et amicales. Et puis, dans le cas de Luna, comme elle le savait déjà, il n'y avait aucune raison de faire l'étonnée. Dommage que son pouvoir ne puisse pas distinguer la vérité du mensonge... elle était quand même un minimum méfiante.
Luna se contenta de se resservir une tasse de thé noir, d'y ajouter une poudre blanche qui n'était pas du sucre, ni du lait, étant donné le prix de ce genre d'articles sur Terra, ce n'était même pas la peine d'y penser. Ce n'était rien d'autre qu'une plante réduite en poudre, au goût qui imitait cette saveur. La gitane annonça quand même ce qu'elle avait cogité, en remuant l'extrait de plante dans sa tasse, la tête baissée sur le liquide.
« Il vaudrait mieux que vous évitiez de raconter ça à n'importe qui... »
Mist eut ensuite droit à une étrange réaction de la part de la bohème, qui releva soudainement la tête, regardant son joli visage avec ses yeux cramoisis, et rougissant doucement. Elle s'exprima d'une voix un peu plus présente, et moins assurée.
« Enfin, je !.. Je ne dis ça que pour vous, vous savez... non pas que je n'ai pas envie de vous voir avoir des problèmes, alors !.. »
Il arrivait que l'hypersensibilité de la gitane lui joue ce genre de tours, elle se faisait alors des films. Pas agréable, quand même... d'autant plus que, comme cette jeune femme un peu bizarre était belle... Luna ressentait son coeur se réchauffer, chose qui d'habitude n'arrivait que lorsqu'elle regardait des gitans ou des gitanes s'activer autour d'elle... elle ne savait pas différencier l'attirance physique pour l'affection entre proches, et c'était ce qui la troublait autant.
La bohémienne leva à nouveau les yeux vers Mist, un peu embarassé, mais tentant de garder son calme légendaire, qui relevait plus du stoisme qu'autre chose. Elle trouva un autre sujet de conversation, en battant les cartes devant elle.
« C'est quand même ironique que votre deviez céder votre corps à quelqu'un d'aussi... différent. Ca ne vous gêne pas ? Vous vous laissez aller aussi facilement ? »
Les choses étranges attiraient Luna, de prés comme de loin. Elle aimait bien Mist pour ce qu'elle avait exprimé, puisqu'elle ne la connaissait pas encore.
Son thé était presque froid, mais ça n'avait pas l'air de gêner énormément son interlocutrice. Luna répondit à sa question, en posant ses cartes pour en boire une gorgée à son tour :
« C'est du thé noir, récolté à la main de ce matin, Mist. »
En voyant l'air surpris de l'étrangère, Luna comprit tout de suite et sourit malgré elle. Elle connaissait son prénom avant qu'elle ne le lui dise... ça devait lui sembler bizarre, bien sûr, quoi de plus normal...
« Oui, je connais votre nom, avant que vous ne me le disiez. Je suis voyante, aprés tout. »
Elle montra d'un doigt fin et blanc les collections de pièces de velours, de boules de cristal, de bougies, et autres élements pour la pratique divinatoire. Il y avait aussi, au coeur de la tente, des plantes comme le thé noir, mais aussi le jasmin ou même des fleurs des champs, dans de petits pots de terre fissurés. C'était ce qui donnait à son repaire cette odeur si caractéristique, cette odeur que Luna portait sur elle-même en sortant de sa tente. Une odeur douce et orientale, inhabituelle et agréable.
« Ne vous posez pas trop de questions... appelez-moi Luna, pour ma part. »