Dans la vie, il n'y avait pas que les moutons, bien malheureusement. Il y avait aussi les loups : de toutes formes, de toutes tailles, et de toutes manières possibles... il y avait, par exemple, les loups tels que les succubes, affamés de désir et de sexe, et puis, les plus proches de la définition, carnivores, affamés. Du sang, de la chair, des os. Des termes très jouasses, si on prenait ça dans le bon sens. Chacun son truc après tout.
Curry se définissait personnellement entre le loup et la brebis : elle n'était pas méchante quand c'était gratuit, mais si il y avait de l'or à la clé, il le fallait. Et là, en l'occurrence, quand on lui avait demandé de passer un de ces étranges portails pour arriver sur cet autre monde dont on parlait tellement dans la pègre de Nexus, la terranide n'avait pas hésité une seule seconde.
L'encapuchonnée termina de poser le dernier beignet qui était tombé par terre, dans le sac à papier. Sac qui contenait un étage de beignets, et un étage occupé par une forme étrange, qui avait vite poissé le fond du sac de sang collant et épais, qui se répandait sur la route ou la neko marchait... il y avait une tête, là-dedans, la tête de la dernière cible qu'on avait demandé à Curry de tuer. Il fallait bien une preuve pour clore le contrat...
sauf que là, l'odeur du sang avait, sans que la terranide le sache, attiré un être de la pire espèce... pour les moutons, en tout cas.
Curry repéra la présence de cet être, mais n'en fit pas cas très longtemps, pressé de revenir dans sa civilisation à elle, celle ou l'on ne vendait pas de choses qui sentent si bon, mais aussi celle ou elle avait du travail.
Seulement, un beignet encore en plan d'invasion retomba sur la chaussée, pour commencer à rouler, rouler, et s'arrêter à quelques centimètres des pieds de la jeune fille affamée. Si celle-ci avait aimé ce genre de nourriture, sans doute l'aurait-elle enfourné sur le champ. Mais elle n'y touchait que du regard. Ce qui incita Curry à reprendre un peu de méfiance.
La chatte s'était arrêté sur le bord du trottoir, observant avec les deux points rouges et luisants qui sortaient de sa capuche la petite inconnue. Son sourire aux dents pointues avait disparu, ne laissant à Liliza que le loisir de voir ses yeux. Le reste n'était qu'ombre, comme toujours.