Les caresses d'Ernest ne laissaient pas la jeune fille indifférente : engagée dans une ivresse qui s’affirmait, elle gémissait doucement en profitant du contact de la fourrure chaude contre sa peau nue. Elle se sentait plus à l'aise, dès à présent, pour se réfugier entre les bras de son compagnon. Depuis que ce dernier prenait progressivement les devants, elle était en confiance totale, et elle n'avait jamais eu l'air aussi sereine.
Elle parut à peine comprendre ce qu'impliquait la réserve qu'il lui énonça bientôt. Son cerveau n'était probablement plus en état de considérer les choses concrètement, et elle accepta la restriction comme un élément sans importance, qui n'allait certainement pas couper court à la transe sensuelle dans laquelle elle était plongée. Elle était loin encore d'avoir peur.
« D'accord… T'en vas pas, c'est tout… » murmura-t-elle, en entremêlant ses jambes avec celles du mutant, comme pour l'empêcher de s'éloigner.
Il était clair qu'elle ne prendrait aucune autre initiative pour le moment et que si le rapport devait aller plus loin dans l'immédiat, ça ne serait sans doute pas de son fait.
Ce ne fut toutefois pas dans la tête de la prisonnière que s'opéra un changement. Le cerveau de l'hybride, s'il était encore bien en état de réfléchir, devait réaliser peu à peu quelque-chose d'anormal dans son propre corps. Sa bouche se remplissait de salive dans des proportions inhabituelles, ce qui devait finalement l'obliger à en déglutir de grosses quantités. Sa sudation, de même, se faisait excessive, alors que la température n'avait pas beaucoup augmenté, il sentait la sueur par grosses gouttes ruisseler dans sa fourrure. De ce qu'il pouvait constater, Eve était d'ailleurs dans un état proche. Enfin, alors qu'il s'était soulagé il y avait peu de temps, une envie d'uriner menaçait de tirailler de nouveau dans sa vessie.
Ces symptômes ne pouvaient lui rappeler qu'une chose, enfouie dans les méandres d'une mémoire qui n'était pas la sienne : l'augmentation de la production de fluide corporel était l'effet majeur du Tantale.
Peut-être serait-il en mesure néanmoins de constater que des éléments s'ajoutaient aux sévices physiques de la substance. En effet, il devait constater que sa pensée était elle-même peu à peu altérée. En réalité, mais ce n'était au départ que très insidieux, il devait avoir l'impression qu'elle se dissociait…
Quelque-chose de différent naissait peu à peu. Quelque-chose qui était lui ; mais une partie de lui seulement. Les modes de fonctionnement les plus primitifs de son cerveau. Ils menaçaient de prendre le dessus, et déchargeaient avec une force toujours croissante les pulsions les plus animales : manger, boire, et surtout se reproduire. Son être conscient et raisonnable, lui, devait perdre les commandes. Au fur et à mesure que la substance agissait, il deviendrait de moins en moins capable de contrôler ce corps animé d'une sous-intelligence bestiale, réduite à un spectateur impuissant, mais toujours parfaitement éveillé.
Même s'il elle avait probablement déjà commencé, la transformation était comme une ivresse, progressive et, lorsqu'on se s'y attendait pas, sournoise. Il lui faudrait plusieurs minutes pour changer un être maître de lui-même en une presque-bête schizophrène.