Vieille connaissance [Samantha Nishimura]

Le bateau mouillait au large de la baie de Seikusu, formant comme une bouée silencieuse de moins en moins visible au fur et à mesure que Lara descendait en profondeur. Elle se trouvait encore dans la Zone Économique Exclusive du Japon, une manière de dire qu’elle n’était donc pas tellement éloignée que ça du rivage. Depuis le pont, on ne voyait Seikusu qu’en utilisant des jumelles, le port apparaissant au loin. Il y avait de multiples îlots flottant ici et là, formant comme autant de récifs meurtriers en pleine tempête. Fort heureusement, la navigation était facilitée la nuit par de multiples bouées balisant un chemin sûr... Mais tous les navires n’avaient pas eu cette chance.

Portant sa combinaison de plongée noire aux bords jaunes, Lara avançait dans les profondeurs de la mer, portant dans son dos une bonbonne à oxygène. Une lampe-torche était fixée à sa poitrine, éclairant les fonds marins, faisant fuir une multitude de poissons. Il y avait du corail rouge sur le sol, et de profondes crevasses qui s’enfonçaient dans les profondeurs abyssales de l’océan. Lara avait plongé près de la délimitation entre deux plaques tectoniques : la plaque des Philippines, et la plaque eurasienne. Il y avait ainsi, parfois, de profonds trous, et elle espérait que le bateau qu’elle recherchait n’était pas tombée dans l’une de ces crevasses quand il avait fait naufrage il y a plusieurs siècles.

*Je vais devoir remonter, ma bonbonne est presque vide...*

Dans la capitainerie, Lara avait obtenu des informations sur un navire qui s’était échoué au large de Seikusu. Le bateau était un galion portugais mené par les Jésuites, et qui étaient venus au Japon au début du 17^ème siècle, dans le but de développer le christianisme au Japon. Cependant, le galion n’était jamais arrivé à destination. À l’époque, Seikusu n’était qu’un petit port secondaire occidental, une sorte de campement fait par les Portugais, avant de devenir officiellement une commune japonaise quand la position du gouvernement japonais s’était durcie à l’égard des étrangers venant importer leur culture chez eux. C’était une période de l’Archipel connue comme l’ère du Nanban, soit une époque commerciale avec les étrangers qui avait duré environ un siècle, avant que le Japon, vers le milieu du 17^ème siècle, ne revienne à une approche isolationniste. Lara avait fait ses devoirs, et elle savait que, à cette époque, il était fréquent que bien des navires disparaissent en pleine mer.

Ce galion avait fait un long voyage, de Lisbonne jusqu’au Japon, en longeant toute la côte africaine pour remonter le long de l’Océan Indien, emportant avec lui, outre les Jésuites, des commerçants. Lara soupçonnait que le galion avait servi à vendre des esclaves, et avait mené une enquête depuis le Portugal. Nathan lui avait servi à quelque chose, car il était retourné en Europe, et elle en avait profité pour lui demander de se renseigner à Lisbonne. En épluchant les registres portuaires, il avait découvert plusieurs actes administratifs concernant ce galion, notamment son personnel. Le chef de l’expédition jésuite était Bartholomew Dellariveo, et les recherches de Lara sur les artefacts, à Seikusu, l’avaient amené à penser que ce Bartholomew en avait eu un en Afrique, et devait l’amener à un contact au Japon. Bartholomew faisait partie de la même organisation que celle à laquelle son père avait fait partie, un ordre archéologique très ancien qui avait voyagé dans le monde pour s’étendre, en ayant pour but la conservation des ressources archéologiques de l’Humanité. Dellariveo était mentionné dans les registres de cette organisation, registres figurant en partie dans le manoir familial. Tous ces éléments avaient donc conduit l’archéologue richissime à mener des recherches sur Dellariveo. Il avait disparu en pleine mer, et Lara avait usé de son argent pour retracer le voyage du galion à travers les colonies portugaises. De cette manière, elle avait appris, il y a quelques semaines, que le dernier endroit où le galion de Dellariveo avait mouillé était dans les Indes orientales, son galion figurant sur un acte du Comptoir portugais en Inde, dans la ville de Diu.

C’est en fouillant les registres de Seikusu datant de cette époque qu’elle avait réussi à obtenir des informations sur une tempête violente qui avait eu lieu au début du 17^ème siècle. Plusieurs navires devant amener du ravitaillement avaient été coulés en pleine mer par cette violente tempête, et elle avait trouvé d’autres actes, datant des années postérieures, confirmant la présence de navires coulés dans les environs de la baie de Seikusu... Des pêcheurs attrapant par hasard une ancienne botte de marins, ou des individus se promenant le long de la plage, et apercevant des morceaux de coque qui flottaient sur le sable.

Depuis plusieurs jours, Lara fouillait les fonds marins pour retrouver ce galion, espérant y trouver des informations, mais c’était comme trouver une aiguille dans une botte de foin.

*Lara, il faut vraiment que tu remontes !*

Elle vit plusieurs méduses, et soupira lentement, devant s’avouer vaincue pour le moment. La jeune femme se retourna, et suivit la corde noire qui la reliait à son bateau, formant une sorte d’ancre lui permettant de rejoindre le bateau. Quelques minutes plus tard, Lara réussit à sortir de l’eau, revenant à la surface, et soupira lentement, avant de grimper sur son bateau. Il y avait une table au centre du petit pont, avec une carte des fonds marins. Elle brancha sa bonbonne à un appareil, et entreprit de recharger la bonbonne, puis observa la région environnante. Il y avait plusieurs bateaux de plaisance qui apparaissaient parfois, ou encore des jetskis.

*Peut-être que je devrais en profiter pour bronzer un peu...*

Il n’y avait aucun nuage dans le ciel, rien d’autre qu’un magnifique ciel bleu.

Lara n’était pas difficile à poster, car son nom figurait sur les registres du port de plaisance, correspondant au quai qu’elle avait loué pour y parquer son navire. La jeune femme ne s’attendait pas spécialement à recevoir une visite.

Cela faisait quelques jours maintenant, que Sam avait posée ses valises à Seikusu. A défaut d'avoir une villa secondaire via son père, elle s'était dénichée un petit studio en centre ville, sans véritable problème. Son bailleur, qui avait en premier lieu essayé de l'arnaquer, en lui louant l'appartement trois fois son pris, sous prétexte qu'elle était une gaijin de part son prénom, avait rapidement déchanté lorsque sa cliente avait bien insistée sur son nom de famille. Nishimura était un homme très important et influant sur l'industrie du média et de la presse au Japon. S'en prendre à sa fille n'était donc probablement pas une bonne idée, pour un homme comme lui. Aussi fini t-il, presque à regret, par revenir au prix de base.

Depuis lors, San avait débutée son enquête sur les mystères de cette ville, ainsi que les phénomènes paranormaux qui s'y déroulaient. Munie de son caméscope, elle avait commencée par deux secteurs clés de la ville : le par cet le lycée Mishima. Depuis sa première expédition, Sam savait en effet que les mythes et légendes, bien que tirés de faits réels, étaient bien souvent exacts. Pourtant, elle eu droit à une multitude de légendes urbaines, comme une jungle souterraine, des mutants aux quatre coins de la ville, des clubs secrets, des esprits errants et même un vieux temple en ruine sous le lycée. C'est ce dernier point dont elle tint compte, couplé aux esprits et aux clubs secrets, qu'elle imaginait comme une secte. Il ne restait donc plus qu'à trouvée l'entrée de ce fameux temple.

Du coté du parc en revanche, ce furent des rumeurs de disparitions inexpliquées dont elle eu droit. Des petites choses anodines – un ballon qui disparait, un oiseau qui devient soudainement invisible – jusqu'aux choses plus graves, notamment des enlèvements. Là encore, Sam imaginait une trappe ou un quelconque autre passage dérobé, menant à une structure plus complexe sous le parc. Se disant qu'il lui faudrait peut être aller consulter les archives de la ville, elle se rendit ensuite au port, après avoir lue quelque part que de nombreux bateaux y avaient mystérieusement disparut au fil des derniers siècles. Lorsqu'elle arriva sur place, elle alluma son caméscope.

- Je suis à présent dans le port de Seikusu, que l'on dit dangereux pendant les tempêtes. Selon les rumeurs de la ville et quelques œuvres littéraires, beaucoup de bateaux marchands se seraient échoués dans les récifs aux larges, lors de tempêtes, durant le 17ème siècle. Cette même période, durant laquelle le Japon s'est de nouveau isolée du monde. Simples coïncidences ou volonté d'une force mystique, on sait juste que ses tempêtes n’apparaissaient soudainement qu'à l'approche de ces transports marchands, sans jamais toucher les pêcheurs. Selon mon hypothèse, seul une relique permettant de contrôler le climat pourrait en être l'œuvre. Cette hypothèse est appuyée sur la présence d'écrits anciens, dans un vieux temple dans les montagnes, décrivant l'objet. Malheureusement, la relique aurait disparue depuis une vingtaine d'années, sans laisser de traces.

Elle coupa là sa vidéo et se mit en quête d'un pêcheur ou d'un commerçant sur le port, afin de l'interroger sur les rumeurs des environs, afin d'agrémenter son enregistrement d'un témoignage. Elle ne fit pas de suite attention au bateau entrant dans le port, imaginant un simple plaisancier revenant d'une petite excursion.

Chou blanc, encore.

L’après-midi touchait à sa fin, et Lara revenait vers le port, sans avoir pu retrouver le galion de Dellariveo. Sa carte continuait à se remplir, ayant pour but de délimiter le périmètre de recherche. Elle rentrait assez tôt, cette fois, car les réserves de carburant de son bateau approchaient du point zéro. Elle ne voulait pas non plus rester bloquée en pleine mer. Étant toujours trempée, Lara avait conservé sa combinaison de plongée en rejoignant le port de plaisance de Seikusu. Il y avait beaucoup de voiliers qui mouillaient à quai, et on entendait le bruit incessant des mouettes, le sifflement du vent faisant par ailleurs claquer les barres des bateaux, provoquant de multiples sons de cloches. Il fallait qu’elle rejoigne la capitainerie afin de demander du carburant pour son bateau, et qu’elle donne l’argent correspondant à ce service.

Elle s’arrêta à hauteur de son quai, puis l’attacha à la bitte d’amarrage, puis descendit à hauteur du ponton, et remonta vers le bureau de la capitainerie. Elle avait une serviette autour de son cou, et les quelques personnes ici louchèrent volontiers sur ses formes, sans rien lui dire. La femme avait enfilé ses lunettes de soleil, sa peau toujours aussi bronzée. Des gouttes d’eau glissaient le long de ses épaules, et, alors qu’elle se rapprochait, son regard fut attiré par une curieuse Japonaise parlant devant une caméra... Ce fut sa voix qui l’attira, et qui amena Lara à s’arrêter sur place.

*Ne me dites pas que...*

Cette silhouette... Malgré les années qui avaient passé, Lara était capable de la reconnaître entre mille. Cette petite Japonaise fragile avec sa caméra, qui adorait filmer tout ce qui se passe...

« Sam’ ?! » s’exclama-t-elle.

Elle se tenait dans le dos de la femme, et, quand cette dernière se retourna, Lara fut désormais totalement sûre de son coup. C’était bien elle, avec sa frange, ses courts cheveux bruns, ses beaux yeux noirs... Samantha avait toujours été très mignonne, et, comme Lara, elle était une exploratrice, passionnée dans le fait de réaliser des reportages. La voir ici était aussi inattendue qu’agréable. Lara avait relevé ses lunettes de soleil, et sa serviette glissa derrière elle quand elle s’avança vers Samantha.

« C’est moi, Lara ! »

La femme la prit dans ses bras.

« Sam’ ! s’exclama-t-elle à nouveau, un sourire sur les lèvres. C’est dingue de te retrouver ici ! »

Dingue, et totalement inattendue. Si Samantha était avec sa caméra, c’est probablement qu’elle était sur un gros coup.

« Et bien, t’as pas vieilli ! C’est dingue... Je rêve pas, hein ?! »

Lara en rigola même, sous l’effet de la surprise, et serra à nouveau Samantha contre elle.

- Sam’ ?!

La japonaise, qui s'apprêtait à se rendre sur les doks, pour continuer son investigation, fut surprise de se faire interpeller par son surnom. A vrai dire, il y avait longtemps qu'on ne l'avait plus surnommé ainsi. Elle ne reconnue pas la voix, mais en se retournant, elle reconnus le visage qui lui fit face, comme si elle l'avait vue pour la dernière fois la veille. Sa souhaite avait beaucoup changée, mais sa coiffure elle, pas le moins du monde.

- C’est moi, Lara !

- J't'avais reconnue tu sais !

Elle lui sourie tandis que Lara la pris dans ses bras, pour un gros câlin, comme ça, au beau milieu du quais.

- Sam’ ! C’est dingue de te retrouver ici ! Et bien, t’as pas vieilli ! C’est dingue... Je rêve pas, hein ?!

- Pas tant qu'ça, je suis à moitié Japonaise je te rappelle. Toi par contre, je te croyais à Londres, aux dernières nouvelles.

Même si elle ne l'avait plus vue, Sam continuait de se tenir informée de ce que faisait sa meilleure amie, via les journaux. C'était notamment grâce à ceux-ci qu'elle avait appris la destruction de son manoir. Tandis que pour son âge, Sam n'avait elle-même aucune explication à donner.

- T'as vue ça ? Depuis ma rencontre avec Himiko, j'ai pas pris une seule ride... J'crois qu'elle m'a laissée un souvenir, avant de partir.

Sam cessa de la serrer dans ses bras, pour la regarder de face, bras tendus accrochés à ses épaules. Il y a un peu moins de dix ans de cela, les deux femmes avaient couchées ensembles sur une île presque déserte, si on exclus les fanatiques qui vivaient dessus. Cela n'était pas dû à une envie soudaine de sexe ou pour se réconforter mutuellement. Sam aimait Lara, il n'y avait aucun doute la dessus, et cela allait au-delà de la simple amitié. Seulement sur cette île où elles risquaient de mourir à tout instant, elles avaient franchie le pas. Lara avait gagnée en taille et en maturité, ces dernières années, et elle ressemblait d'avantage à une adulte qu'à une jeune adulte, contrairement à Sam, qui était restée aussi jeune qu'à l'époque, mais son amour pour elle restait inchangé. Amour qui se lisait toujours dans son regard.

Sam avisa sa tenue de plongée, avant de faire un sourire en coin.

- Je parie que tu explorais les navires coulés au large.

Londres... Les informations de Sam’ devaient dater, mais, en même temps, Lara était connue pour avoir la bougeotte, et elle n’avait pas une armée de journalistes aux fesses. Elle avait probablement du entendre parler de la destruction de son manoir, qu’on avait attribué à un incendie accidentel. Le manoir était en cours de reconstruction, Winston s’occupant de tous les détails pratiques. Il valait mieux éviter de dire à la presse que le manoir avait en réalité été assiégé par des mercenaires que Lara avait combattu sur plusieurs continents en recherchant des reliques asgardiennes, notamment le marteau de Thor.

Samantha n’avait pas du tout changé, et c’est ce que Lara nota après leur câlin, ce qui amena la Japonaise à lui en parler... Elle attribuait le fait d’être restée physiquement la même à Himiko. Lara acquiesça silencieusement, sa bonne humeur ne saurant être restreinte par les évènements traumatisants qu’elle avait vécu au royaume perdu de Yamatai. Elle s’en souvenait encore, oui... Yamatai avait été le lieu de transition, le passage définitif entre son ancienne vie d’étudiante en archéologie à celle d’archéologue-aventurière confirmée, parcourant le monde pour en trouver les trésors archéologiques passés, en affrontant parfois des trafiquants, des contrebandiers... Ou, dans le cas de Yamatai, une secte d’insulaires fanatiques qui avaient voulu sacrifier son amie pour qu’Himiko se réincarne en elle. Lara avait pu les stopper et avait stoppé Samantha, mais, par la suite, leurs chemins s’étaient progressivement séparés... Mais elles avaient eu le temps, à Yamatai, de faire l’amour ensemble, une manière de consoler Samantha, et de lui dire qu’elle n’était pas un monstre. Lara ne regrettait absolument pas ce moment, en fait.

Plongée dans ses souvenirs, elle esquissa un sourire quand Samantha commenta sa tenue de plongée :

« Je parie que tu explorais les navires coulés au large. »

Elle avait même pour le coup légèrement trempé ses vêtements.

« Je vois que tu me connais bien, Sam’... Je suis assez rarement à Londres, en fait... Et je recherche en effet un navire échoué au large depuis plusieurs jours, et quelque chose me dit que tu n’as pas simplement amené ta caméra pour filmer les mouettes du port de Seikusu. »

Samantha avait toujours été une caméraman talentueuse. Elle avait rejoint l’équipage de l’Endurance après Lara, en ayant permis de financer, grâce à son oncle, le voyage vers Yamatai. Lara n’avait jamais vraiment trop su qui était cet oncle, mais elle soupçonnait une personne appartenant au milieu des Yakuzas, vu la manière dont Samantha lui en avait parlé... Elle avait toujours adoré regarder les films de Samantha.

« Tu sais que je regarde encore certains de tes documentaires ? » demanda-t-elle alors, une question rhétorique n’appelant pas vraiment à une réponse.

Il s’agissait surtout des films qu’elle avait tourné avant Yamatai. Après le royaume, plus rien n’avait vraiment été pareil pour elles. Lara avait accepté de devenir une exploratrice, mais Samantha, elle, avait été paniquée par tout ça, et avait choisi de faire machine arrière. À plusieurs reprises, Lara avait été tentée de reprendre vraiment contact, mais elle avait peur que la revoir ne rappelle à Sam’ ce qu’elle avait vécu à Yamatai... Par conséquent, pendant toutes ces années, elles avaient surtout échangé par mail... Les fois où Lara n’était pas dans la jungle.

« Alors, qu’est-ce que tu viens faire ici ? »

- Alors, qu’est-ce que tu viens faire ici ?

C'était le moment de lui en dire plus. Mains dans le dos, elle se pencha légèrement, sourire aux lèvre, avant de lui faire sa petite révélation.

- Et si je te disais que ces navires n'ont pas été coulés par une tempête... naturelle. Intéressée ? Je pense qu'on devrait en parler dans un endroit plus tranquille... Et après que tu te sois changée. Non pas que ça me dérange de te voir en combinaison, mais ce serait dommage que tu mette de l'eau partout.

Elle lui tira la langue, un peu comme une gamine, avant de grimper sur son bateau. Un café serait certes pas mal, mais avec les bruits ambiants, il serait presque impossible à Sam de se faire entendre de Lara. Et elle avait besoin de place pour lui montrer ses recherches. Pendant que Lara remonta à bord, la Japonaise étala une carte de la ville, avec plusieurs crois dessus, des cercles, des tracés et des annotations, signe qu'elle était sur un coup depuis un bon moment. Ce n'est que lorsque son amie revint dans une tenue plus appropriées, que sam lui exposa ses recherches, en commençant par le début.

- A l'origine, je suis venue à Seikusu, après avoir lue quelques articles sur le net, à propos d'un tas d’événements surnaturels. N'importe qui aurait prit ça pour de simples histoires, mais tu sais comme moi que le surnaturel est bien réel. C'est en faisant des recherches que j'ai appris l'existence de deux éléments importants, qui sont sans doute liés.

Elle fit une pause et montra plusieurs emplacements sur la carte. La série de navires coulés, dont les points de naufrages formaient un arc parfait, des ruines dans les montagnes ou dans la forêt, qui, après inspections, correspondait à d'anciennes entreprises datant du 18e et 19e siècle, et plus récemment, deux ou trois avions américains, qui s'étaient écrasés pendant la seconde guerre mondiale. Tout ces points étaient alignés sur un cercle parfait, dont le centre se situait au niveau du parc de Seikusu.

- Naufrages, incendies, crashs... Tout ces incidents ont été causés par de forts orages, et ont pour point communs d'être étrangers au Japon. Des orages aussi peu naturels que celui de Yamatai. Selon les anciens textes d'un temple dans les montagnes, il existait autrefois un artefact, le Kīsutōn ou clé de voûte, qui permettait de "chasser les étranger et ainsi, sauvegarder la culture japonaise, selon les souhaits de l'empereur". Les tempêtes ont toujours eu lieu durant les période isolationnistes. L'artefact devait être utilisé au centre de la ville, dans un ancien temple, soit l'emplacement actuel du parc. Il doit donc y avoir en dessous d'anciennes salles, encore inexplorées.

Sam fit une nouvelle pause, en s'enfonçant dans son siège, bras croisés, soucieuse. Un tel artefact était dangereux, et ne devait surtout pas tomber entre de mauvaises mains. Si Sam le cherchait, ce n'était pas pour l'envoyer dans un musée, mais pour le détruire, avant que d'autres ne le trouvent pour d'obscurs projets. L'ennuis, c'était qu'elle faisait une piètre combattante et avait peu de chance de pouvoir se défendre, en cas de conflits.

- Dis, si ça ne gêne pas tes propres recherches, tu pense que tu pourrais m'aider sur cette affaire ?

Lara s’en doutait : Samantha n’était pas venue à Seikusu pour bronzer à la plage, et ne tarda pas à le lui expliquer en lui demandant d’aller sur leur bateau. Suivant sa demande, Lara entreprit de se changer. Revoir Samantha lui rappelait son adolescence... De manière générale, il ne s’agissait que de bons souvenirs, même si penser à Yamatai était presque obligatoire. Cette fois-là, elle avait sauvé Samantha, et elle avait bien failli mourir à de nombreuses reprises là-bas. Dans sa cabine, elle se déshabillait machinalement, sentant l’euphorie première se mélanger avec l’appréhension... Est-ce que Samantha lui en voudrait d’avoir rompu les liens ? Lara ne les avait pas totalement rompu, certes, mai selles ne s’étaient pas vues depuis longtemps, et elle avait passé ces dernières années à voyager d’un bout à l’autre du monde, hésitant à plusieurs reprises à revoir Samantha. Et puis, voilà qu’elle débarquait sans prévenir, comme un cheveu sur la soupe.

Remettant sa tenue normale, à savoir un débardeur bleu et un minishort beige, elle retourna sur le pont du bateau, dehors. Samantha avait étalé une carte, et se mit alors à parler à toute allure, en lui expliquant que les bateaux échoués dans la baie n’étaient pas liés à de simples tempêtes, et qu’elle avait listé, sur la carte, une série de croix correspondant à des accidents, que ce soit des avions militaires ou des bateaux. Samantha avait toujours été très douée dans la recherche d’informations, et Lara comprit que la jeune Japonaise n’avait clairement pas changé... Et qu’elle n’avait pas oublié Yamatai. C’est ce que Lara comprit, en sus, quand elle lui indiqua que Seikusu disposait d’un artefact magique similaire à celui de Yamatai, et qu’il avait été conçu pour préserver l’esprit isolationniste japonais, les déclenchements de l’artefact correspondant à des périodes historiques où l’Archipel japonais s’était replié sur lui-même.

Lara ne disait rien, se contentant de l’écouter, tout en devinant, avec ces multiples croix, l’épicentre de ces évènements : le parc municipal principal de Seikusu, au cœur de la ville. Est-ce qu’il y avait un lien entre ses recherches et ce Kīsutōn ? Lara cherchait un artefact capable de contrôler la météo, ou, plutôt, une pièce de cet artefact. Le lien entre les deux était criant de vérité, et elle soupçonnait déjà la présence d’une espèce de confrérie secrète dans la ville, qui veillait sur le Kīsutōn, et avait récupéré la relique amenée par Bartholomew.

« Dis, si ça ne gêne pas tes propres recherches, tu penses que tu pourrais m'aider sur cette affaire ? »

L’archéologue s’humecta les lèvres, bras croisés, puis sourit face à Samantha.

« Je vois que tu n’as pas changé... »

Samantha avait toujours été la tête du duo, car elle adorait passer des heures à la bibliothèque, dans de vieux bouquins, à se renseigner. Lara, elle, était plus active, plus nerveuse. En pratique, ça se traduisait généralement par l’intello qui se faisait embêter par les zonards du coin, et Lara qui venait pour les repousser.

« Il y a un petit temple dans le parc, oui... Si ton artefact y est, alors il doit se trouver dessous. Il y a probablement un passage secret qui y conduit. »

Lara était pensive, et cessa d’observer la carte, pour regarder Samantha.

« C’est une curieuse coïncidence, car je recherche justement depuis plusieurs jours un artefact qui aurait le pouvoir d’influer sur la météo. En fait, c’est pour ça que je suis venue à Seikusu. Avant ça, j’étais à Jyong-Sei-Kwûn, une petite île du Pacifique dont le régime en place avait été renversé par un général. Ce dernier menait des excavations archéologiques, afin d’y trouver un artefact qui, encore une fois, aurait le pouvoir d’influer sur le temps, un artefact qui devrait être assemblé avec d’autres artefacts... Peut-être comme celui se trouvant à Seikusu. Mon père les traquait aussi. »

C’était l’heure des explications. Lara hocha donc la tête.

« On va le faire, mais il faudra y aller de nuit. Le parc est fermé, ça évitera qu’il y ait des curieux. »

Elle reporta ensuite son attention sur Sam’, et s’assit sur un transat, à côté d’elle, puis lui sourit un peu, en tendant une main ver selle.

« Je suis heureuse de te revoir, Sam’... Sincèrement. Je suis désolée de ne pas t’avoir parlé plus souvent... Surtout après ce qu’on a vécu ensemble... »

En disant ça, Lara ne pensait pas qu’à leurs combats contre les insulaires de l’île... Mais aussi à ce qu’elles avaient fait sur la plage.

Surtout à ça, en fait.

- Je vois que tu n’as pas changée... Il y a un petit temple dans le parc, oui... Si ton artefact y est, alors il doit se trouver dessous. Il y a probablement un passage secret qui y conduit.

Pour toute réponse, elle lui tira la langue. Sam n'avait jamais vraiment aimée le frisson du danger, et n'aimait se rendre sur le terrain que pour pouvoir filmer ses découverte. Le reste du temps, elle préférait le passer bien au chaud dans une bibliothèque ou au coin du feu, à lire des pavés entiers de bouquin, ou encore étudier des reliques à la loupe. Les coups de feu et les balles perdues, elle les laissait volontiers aux plus téméraires. Elle observa Lara réfléchir silencieusement, avant de poursuivre.

- C’est une curieuse coïncidence, car je recherche justement depuis plusieurs jours un artefact qui aurait le pouvoir d’influer sur la météo. En fait, c’est pour ça que je suis venue à Seikusu. Avant ça, j’étais à Jyong-Sei-Kwûn, une petite île du Pacifique dont le régime en place avait été renversé par un général. Ce dernier menait des excavations archéologiques, afin d’y trouver un artefact qui, encore une fois, aurait le pouvoir d’influer sur le temps, un artefact qui devrait être assemblé avec d’autres artefacts... Peut-être comme celui se trouvant à Seikusu. Mon père les traquait aussi.

Elle hocha la tête, comprenant que, si chaque partie de l'artefact était aussi puissant, la puissance dégagée une fois les différentes parties assemblées devait, elle, être incommensurable. Les êtres qui avaient conçu l'artefact d'origine devaient donc, par sécurité, l'avoir désassemblé et éparpillé à travers le monde. Partant de là, était-ce réellement une bonne idée de chercher à les retrouver ? Selon Sam, il fallait au moins en faire des reconstitutions et les envoyer dans les musés, avant de détruire les originaux, bien trop dangereux.

- J'ai entendue parler de cette histoire. Je suppose que c'est à toi que ce peuple doit sa récente libération ?

Cette question n'amenait pas spécialement de réponse. En règle général, quand Lara recherchait un artefact, elle faisait aussi le ménage dans les organisations criminelles et les dictatures.

- On va le faire, mais il faudra y aller de nuit. Le parc est fermé, ça évitera qu’il y ait des curieux.

- Pas faux.

D'un autre coté, Sam ne se sentait pas spécialement rassurée de faire ça de nuit, même dans un parc municipal. Lara se rapprocha d'elle et posa sa main sur son bras, ce qui la rassura un peu. C'est vrai qu'elles seront ensemble sur ce coup, comme la première fois. Et en même temps, il y'avait bien longtemps qu'elles n'avait plus été en contact comme ça, si on excluait le câlin quelques minutes plus tôt.

- Je suis heureuse de te revoir, Sam’... Sincèrement. Je suis désolée de ne pas t’avoir parlé plus souvent... Surtout après ce qu’on a vécu ensemble...

Ce qu'elles avaient vécues ensembles... Sam se souvenait de ce moment intime, sur cette plage, comme si cela c'était déroulé la veille. Cette nuit, pendant laquelle elle avait perdue sa virginité, avec sa meilleure amie. Cette même nuit, pendant laquelle Sam avait réalisée que Lara était pour elle bien plus qu'une amie. Malgré les échanges de mails par la suite, tout ce temps éloignée de Lara, avait été pour elle comme un supplice, qu'elle avait tentée de comblée de différentes manières, en vain.

- Tu sais... Ce qui c'est passé sur cette île... J'y pense sans cesse. Pas seulement ce qui tourne autour d'Himiko, mais aussi ce qu'on a fait ensembles, sur cette plage... J'ai réalisée ce soir là que tu étais pour moi bien plus qu'une amie. Et, malgré tout ce temps passé, je le pense toujours...

Sam prit finalement la main de Lara dans la sienne, et planta son regard dans le sien.

- Tu as dis qu'on ira pas sur le terrain avant ce soir. Ce qui nous laisse du temps pour rattraper le temps perdu, tu ne crois pas ?

Les deux femmes repensaient à leur passé mutuel, et à leur séance au Yamatai. Tout avait été différent après cette île. Lara avait mis du mal à s’en remettre, à oublier tous les meurtres qu’elle avait dû faire, toute cette horreur et tout ce cauchemar. Elle avait vraiment des regrets de s’être à ce point séparée de Sam’. À plusieurs reprises, elle avait voulu tenter de la revoir, et c’était finalement par pur hasard qu’elles se croisaient... Presque comme s’il existait une force sur Seikusu qui y attirait tous les chasseurs de reliques. Lara restait à côté de Samantha, et cette dernière se mit à lui parler, en lui disant qu’elle aussi, elle n’avait pas oublié Yamatai, et, surtout, ce qu’elles avaient fait lors d’une certaine soirée, sur la plage, devant la mer... La main de Samantha attrapa alors celle de Lara.

« Tu as dis qu'on ira pas sur le terrain avant ce soir. Ce qui nous laisse du temps pour rattraper le temps perdu, tu ne crois pas ? »

Ohhh... Lara lui sourit, et tendit sa main, venant caresser sa joue, la relevant pour la poser sur sa tête. Elle se blottit un peu plus contre elle, et se pencha alors, pour l’embrasser. Sa main s’avança pour se saisir de sa nuque, caressant ses cheveux, et elle se pressa contre elle. Ce fut un tendre baiser, calme et agréable, mais qui était plein de promesses. Lara le rompit au bout de quelques secondes, et conserva ensuite sur ses lèvres un léger sourire. Sa langue partit même à l’assaut de la bouche de Samantha, caressant ces dernières pendant quelques poignées de secondes.

« Du temps, en effet... »

Lara savait parfaitement où se rendre, en plus. Seikusu était près d’une baie, et le Japon était un archipel comprenant des centaines d’îles. Le long de Seikusu, sur la baie, il existait plusieurs îles assez petites, et relativement tranquilles. Lara sourit donc à Sam’, et l’emmena sur son bateau.

« Je sais parfaitement où il faut aller, Sam’... »

Elle pouvait l’amener chez elle, mais, pour le coup, Lara préférait plutôt opter pour un peu de romantisme. Elle retourna donc sur son bateau, puis se mit en marche, quittant à nouveau la capitainerie. Elle s’élança le long de la baie, et s’arrêta près d’une île assez petite, avec quelques palmiers, une colline, et des plages. Ce qu’elles allaient faire ne serait pas très catholique ici, mais il n’y avait personne, car elle s’était bien éloignée des endroits usités par les bateaux de plaisance. La femme arrêta son bateau près de l’île

« On va rejoindre cette île, ma belle... Et je te rappellerai le bon vieux temps sur le sable. Mais, comme je ne veux pas que tu salisses tes vêtements, tu devrais prendre l’une de mes combinaisons... »

Lara, elle, comptait reprendre celle qu’elle avait utilisée pour explorer les fonds marins.

Ensuite, elles iraient sur l’île, et Lara savait ce qui allait se passer : elles allaient faire l’amour. Et, pour être honnête, ça ne la dérangeait pas du tout. Au contraire, elle sentait sa culotte s’émoustiller sous le plaisir qui allait venir.

*Sam’…, songeait-elle en enfilant sa combinaison. C’est vrai... Tu m’as manqué.*