Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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L'envol [Pipa]

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L'envol [Pipa]

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Ukiyoe

Créature

L'envol [Pipa]

dimanche 02 juin 2013, 23:01:51

La Forêt avait mauvaise réputation. Cette bordure d'arbres qui entourait la montagne du Village était dense et dangereuse, même pour les combattants qu'étaient les tengu. Il y logeait toutes sortes d'atrocités que la vie avait gracié sans que l'on sache comment, et qui partageaient toute un appétit féroce.

Ces bois avaient au moins une fonction utile : celle de nettoyer la zone. Des marchands d'esclaves ou des aventuriers passaient en effet régulièrement par ici, pensant trouver un agréable raccourci. Ils étaient vite éliminés, ou finissaient par périr sans trouver aucune sortie. La localisation du Village restait ainsi dans le secret, comme le souhaitaient les occupants.
Si la chance souriait à ces égarés, on forçait de toutes façons la main du destin en envoyant une escouade qui aidait en apparence les pauvres bougres. En réalité, ils indiquaient les plus mauvaises directions possibles, et surtout celles qui étaient loin de leur patrie. Et si un tengu excellait dans quelque chose en particulier, c'était la comédie. Ils n'avaient donc pas à insister en général, même si la plupart des bestiaires écrits sur Terra et mentionnant leur race conseillaient aux voyageurs qui en croisaient de ne surtout pas écouter leurs paroles.

La caravane qui traçait la route dans la Forêt depuis plusieurs heures avait amplement eu le loisir de se faire observer par les êtres à plumes, bien dissimulés à travers les branches. La télépathie étant l'un des pouvoirs de ces divines créatures, le silence était de mise, tandis qu'ils communiquaient et décidaient ensemble de l'heure de l'attaque.
Ukiyoe les compta une dernière fois, et laissa un des rares rayons de soleil courir sur son visage masqué par le bois de son masque. Après un dernier appel, les muscles de ses compagnons se tendirent, froissant plusieurs feuilles et faisant bouger quelques branches d'arbres.
La caravane, déjà méfiante, s'arrêta à ce son. Maintenant qu'ils se savaient observés, ce n'était plus le moment de reculer.

Des plus hautes cimes des arbres surgirent alors les tengus, qui atterrirent avec rudesse sur le sol dans une pluie de plumes de toutes les couleurs. Ils étaient une dizaine, à encercler la caravane et les deux marchands d'esclaves qui conduisaient le cortège.
Ukiyoe n'était là que parce que comme à chaque fois, ce serait elle, en tant que Princesse, qui déciderait du sort de ces deux imbéciles et du reste de leur marchandise.
Cela dit, cette fois-ci, quelque chose permit de faciliter amplement sa décision.

Des glapissements de surprise attirèrent son attention, alors qu'elle observait deux de ses sujets maîtriser les marchands. A l'arrière de la caravane maintenant ouverte, quelque chose semblait désorienter les tengu. La divine vint les rejoindre, ouvrit en grand les portes arrière du véhicule qui s'étaient refermées une fois lâchées par ses congénères sous la stupeur. Puis ce fut à son tour d'ouvrir grand les yeux.

Dans la caravane, quelques terranides. Quelques humains, dont deux enfants. Tous semblaient lessivés, épuisés et hagards. Mais ce n'était pas eux qui avaient choqués la communauté de tengu. La raison se tenait tout au fond, prés de la minuscule fenêtre, et elle arborait une paire d'ailes couvertes de plumes d'un rose doux, ainsi qu'une longue queue aussi blanche que la neige. Ses serres dorées se recroquevillaient, suivant le mouvement de ses jambes.
Ukiyoe n'avait pas mis longtemps à constater l'horreur de ce spectacle. Car elle s'était vite fait son scénario, comme tous les tengu présent par ailleurs. Dans la cage, elle voyait une congénère, une villageoise qui avait dû se faire embarquer sur le chemin et qui devait être trop faible pour ne pas s'être débattu en les retrouvant. L'idée que d'autres races de terranides oiseaux existent en Terra ne lui avait même pas effleuré l'esprit.
Après le choc, la colère vint, et elle rejoignit ses camarades qui lançaient des regards plus que noirs aux deux esclavagistes. La haine se lisait clairement dans leurs yeux. Eux qui d'habitude n'accordaient que peau d'importance aux lois et aux tracas du monde extérieur, avait fait ici de cette histoire d'esclavagisme une affaire personnelle.

Ukiyoe se rapprocha en tremblant des deux mécréants, avant de leur asséner sans aucune explication un violent coup de serre dans les côtes à tous les deux. Une fois à terre, elle prit le temps de les assommer à coups de griffes et de serres jusqu'à ce qu'ils perdent conscience. Dés qu'elle fut épuisée, elle se releva, ne prenant même pas compte de la terre incrustée dans ses genoux et de la sueur sur sa peau. Elle poussa ensuite les esclaves pour aller récupérer celle qui l'intéressait, la hisser sur son épaule pour la faire sortir, et la poser enfin au milieu du cercle de tengu, laissant à chacun le soin de l'observer à tout loisir.

La jeune blonde ne parlait pas, ne regardait personne. Ukiyoe ne se rappelait pas l'avoir déjà vu dans les rues du Village. Cependant, si elle se vantait de beaucoup de choses, celle de connaître toute sa population n'était pas dans le lot. Aussi, tout en continuant à observer cette inconnue, interpella-elle ses semblables aux alentours :


"Est-ce que quelqu'un, parmi vous, la connait ?"

De nombreux regards dubitatifs furent échangés, mais personne ne répondit. Chacun semblait attendre que l'intéressée ne clame sa position au sein du Village... mais le silence régnait.
« Modifié: vendredi 28 juin 2013, 23:12:48 par Ukiyoe »

てんぐ の 姫

Fiche et Coin du Chalant

Pipa

Terranide

Re : L'envol [Pipa]

Réponse 1 lundi 03 juin 2013, 20:15:17

Cela faisait des jours que la caravane aurait dû arriver à destination... ils se dirigeaient vers le marcher de la ville d'Ashnard, où les deux frères Marcus et Flint voulaient vendre leurs dernières marchandises, des esclaves venant juste de terminer leur éducation et prêt à entrer au service d'un riche praupriétaire. Mais selon ce que les prisonniers avaient pus comprendres, les vendeurs s'étaient perdus. Les réserves de nourritures commençaient à s'amenuiser, et les maîtres avaient commencés à affamer leurs esclaves pour que eux ne meurent pas de faim... cela faisait trois jours que Pipa et ses camarades n'avaient rien mangés. Affamés, affaiblis, et surtout souffrant de la soif dans leur prison de bois, tous étaient silencieux, attendant, espérant qu'ils retrouveraient leur chemin... même si leur vie n'était pas très rutilante, ils ne voulaient pas mourir... après-tout, ils n'avaient jamais connus que ça. Lorsque l'attaque commença, cependant, la peur commença à monter chez-eux, ils ne voyaient rien, mais ils entendaient tout. Et lorsque les brigands qui avaient attaqués leur caravane entrèrent pour emporter l'esclave-oiseau, tous l'observèrent avec inquiétude... qu'allaient-ils faire d'elle, et surtout, qu'allaient-ils faire d'eux ?

Pipa, terrorrisée, se tenait à genoux, recroquevillée au-milieu de toutes ces personnes, qui l'observaient avec d'étranges regards. Comme on le lui avait enseigné, elle faisait de son mieux pour rester immobile devant les personnes libres... mais depuis qu'elle avait vu, du coin de l'oeil, les corps des deux marchands couverts de sang qui gisaient près du cortège, et qu'elle les avait cru morts, elle n'arrivait pas à contrôler ses tremblements. Ces gents pensaient qu'elle ne regardait personne... mais en réalité, ses yeux, vide de toute expression, n'arrêtaient pas de tourner dans ses orbites. Elle observait cette foule sans relever la tête, qu'elle gardait obstinément inclinée, soumise envers ces personnes qui, désormais, seraient surement ses nouveaux maîtres... à moins qu'ils ne lui fassent subir le même sort qu'aux deux vendeurs. Elle n'avait pas envie de mourir... mais en bonne esclave, elle n’osait pas parler, ni pour demander ce qu'ils allaient faire d'elle, ni pour supplier.

Elle fut surprise, cependant, en mouvant ainsi ses yeux, de voir que toutes ces personnes étaient... comme elle. C'était des harpies, eux-aussi, ils avaient des ailes au-niveau des coudes, pour la plupart aux plumes brunes, et une queue en-bas du dos. Et pourtant, eux, ils étaient des êtres libres... surement d'autres terranides que les humains n'avaient pas réussis à capturer. Cela lui faisait un peu bizarre... elle n'avait jamais vu d'autre hommes-oiseaux comme elle. Enfin, peut-être que si... trois ans plus tôt, elle n'avait alors que quatorze ans, les frères Flint et Marcus avaient utilisés de l'alchimie pour lui effacer la mémoire, lui volant entièrement la vie qu'elle avait avant qu'ils ne la capturent. Depuis ce jour, elle n'avait connu que le dressage dans le but de faire d'elle la meilleure des esclaves sexuels. Elle avait déjà essayée, avant... mais elle n'avait réussi à se remémorer aucun souvenir de sa vie antérieur, ni de son vrai nom, ni de son pays d'origine, ni même de ses parents. Le plus vieux souvenir qu'elle avait, c'était celui d'un réveil, ligotée au milieu d'une salle obscure, et de son premier enseignement pour faire une fellation. Tout au fond de son esprit, une question naquit : était-elle originaire de cet endroit ? Oh... les maîtres diraient que c'était une question inutile qu'elle était en-train de se poser et qu'elle devait plutôt se concentrer sur sa condition d'esclave.

Pipa sentait que, autour d'elle, les gents la regardaient, et ils chuchotaient. L'attente et l’incertitude étaient la pire des choses qu'elle étaient en-train de ressentir... mais enfin qu'attendaient-ils d'elle ? Elle était là, agenouillée, soumise... ils avaient capturés une esclave, alors qu'attendaient-ils pour faire avec elle ce à quoi elle servait ? Qu'attendaient-ils pour la prendre, ou pour tout-simplement lui faire subir le même sort qu'à ses anciens maîtres ? Elle releva les yeux, et vit que la femme-oiseau au visage masqué qui l'avait sortie de la cage où elle avait été enfermée avec les autres marchandises avait les griffes couvertes de sang... oh, c'était-elle qui avait due tuer les maîtres. Donc, en toute logique, Pipa supposa qu'elle devait lui appartenir à elle, maintenant. Elle n'était certaine de rien, mais visiblement, tout ce rassemblement attendaient que ce soit elle qui intervienne la première... elle avait déjà connu, au harem, certains maîtres qui aimaient qu'elle prenne des initiatives... alors elle se mit à quatre-pattes, le derrière légèrement relevé, le nez presque posé sur le sol poussiéreux, et elle s'avança vers elle en demandant :


-Est-ce vous, ma nouvelle maîtresse ?

... avant de commencer, avec des gestes lents et calculés, à lui lécher les serres qui remplaçaient ses pieds. pipa agissait sans qu'on le lui ait demandé dans le but de se faire bien-voir. Improviser, se montrer soumise, elle pensait que c'était sa seule chance de rester en vie...

Ukiyoe

Créature

Re : L'envol [Pipa]

Réponse 2 vendredi 28 juin 2013, 23:15:25

Elle ne s'attendait pas à ça. Pas du tout, Sôjôbô l'en voit témoin... ils étaient une race tellement fière, tellement imbus de leur personne. Même le salut d'un japonais traditionnel leur semblait à tous empli d'une honte et d'une soumission intense... sans compter que s'agenouiller de la sorte favorisait les chances de coups portés à la nuque : autant parler d'une envie de suicide.
Alors, imaginez un peu ce que ressentit Ukiyoe, en voyant ce qu'elle supposait être l'un de ses sujets, l'une des représentantes de la race la plus fière et vantarde de Terra, ramper par terre comme un misérable ver. Comme si cela ne suffisait pas, elle passa sa langue sur les serres de celle qu'elle pensait être sa nouvelle propriétaire... et qui pour toute réponse recula d'un bond en poussant un cri, lui envoyant presque ses serres dans le visage, et avec une telle puissance que ses ailes s'ébrouèrent et qu'elle tomba par terre. Des plumes volèrent en tout sens, tandis que la Princesse ne parvenait pas à décoller son regard de l'esclave, une expression d'horreur figée sur le visage. Elle n'était d'ailleurs pas la seule à afficher ce faciès : la troupe qui les entouraient observait Pipa de la même façon, tous étaient carrément choqués, muscles tendus au cas où il reprendrait l'idée à la harpie de se rapprocher.

Après une bonne minute de silence à peine troublée par quelques chuchotements, Ukiyoe reprit une certaine contenance. Elle se releva et se rapprocha de Pipa avec d'infinies précautions, comme si elle avait eu la plus terrifiante des bêtes en face d'elle.


"Mais... tu- c'était quoi ça ? Qu'est-ce que tu..."

Pour une fois, la divine n'avait rien à dire, et ne pouvait que bafouiller en cherchant ses mots, la gorge sèche. Ce manque de contenance de la part de leur souveraine semblait inquiéter les volatiles aux alentours, et Ukiyoe le remarqua. Ce fut sans doute un des facteurs de la colère qui s'empara à nouveau d'elle, en plus du fait que Pipa ne disait toujours aucun mot pour justifier sa conduite.
Sans crier gare, la tengu se rapprocha de la blonde et la saisit par l'épaule d'une poigne de fer, avant de la relever sans douceur et de la secouer sans retenue.


"Reprends-toi, bon sang ! Explique-nous ce qu'ils t'ont fait, ces deux enfoirés !! ALLEZ !!!"

La colère de la tengu était si vive que les autres terranides prés des roulottes, allèrent se cacher derrière des arbres et des buissons. Ukiyoe poussa un rugissement et secoua Pipa à lui en arracher le bras, insistant pour la dernière fois. Puis voyant que cela ne faisait aucun effet et n'aidait pas plus à la situation, elle la repoussa, hurla et donna un grand coup de serre dans la caravane de voyage, en rompant les fondations et les planches qui la constituait, faisant voler des morceaux de bois et de fer éclatés partout aux alentours.

Les esclaves oublièrent alors la paralysie qui emmêlaient leurs jambes, et s'enfuirent dans les profondeurs de la forêt. Ce simple geste les destinaient à des morts multiples dans d'atroces souffrances et au rôle de repas ou de jouet pour les bêtes sauvages, mais les tengu n'auraient pas pu moins en faire cure.

Le silence revint bientôt, seulement perturbé par les halètements de la divine tengu. Au moins, fracasser l'objet avait un peu apaisé sa colère. Mais rien qu'en reposant les yeux sur Pipa, elle sentait sa rage revenir. Elle lui tourna donc le dos, en grande partie pour cette raison. Mais aussi par honte. La honte de n'avoir pas su protéger une de ses confrères, l'avoir laissé être réduite à une poupée de chair tout juste bonne à frotter son visage contre les parties de ces immondes deux salopards qui, heureusement pour eux, étaient morts avant que leur meurtrière ne puisse vraiment comprendre la gravité de la situation.


"Ebolia."

La tengu ainsi nommée répondit à l'appel de sa souveraine en se rapprochant doucement, une aile sur le cœur en signe de respect. Sa Princesse s'était couverte les yeux d'un bout d'aile, en proie à une terrible humiliation.

"Hime ?"
"Prends-là avec toi et emmène-la voir la Maire. Débrouillez-vous toute seule. Je ne veux plus la voir."

Ebolia hocha la tête et se tourna vers Pipa. Elle n'était pas de celles qui l'avaient observés d'un air dégoûté durant les dernières minutes : ses yeux à elles, d'habitude d'un bleu froid comme la glace, contenaient une certaine pitié. Elle déplia ses ailes, et stoppa net. Les pensées de Pipa lui étaient révélées grâce à sa capacité de télépathie propre aux tengu. Elle osa à peine lui dire à voix haute :

"Grimpe sur mon dos, je vais te ramener au village."

En entendant cette simple requête, Ukiyoe ne se sentit que plus mal et posa ses deux paumes emplies de plumes sur sur visage.

"Elle ne sait plus voler non plus, c'est bien ça ?.."
"Non ! Enfin... Si, bien sûr que si !" Répondit Ebolia sans réfléchir, alors que Pipa grimpait sur son dos. "Elle a simplement... une aile en mauvais état. Je suis sûre que c'est ça, Hime-sama. J'en suis certaine."

Après l'installation, la tengu décolla alors, un peu humiliée de servir de monture de cette manière. Elle était encore plus mal d'avoir voulu mentir à sa Princesse, surtout que celle-ci pouvait lire en elle de la même façon qu'elle avait lu en Pipa et détecter son mensonge avec facilité. Mais voir sa dirigeante si bouleversée... c'était difficile. Très difficile.
Tout ça à cause de cette chose qu'elle avait sur le dos. Ebolia aurait aimé lui dire à quel point elle devrait avoir honte d'elle, de ses actes. Mais lui cracher toutes ces vérités au visage n'aurait pas d'influence sur son comportement. Si sa Princesse n'avait pu la faire réagir, ce n'était pas elle qui allait réussir.

てんぐ の 姫

Fiche et Coin du Chalant

Pipa

Terranide

Re : L'envol [Pipa]

Réponse 3 samedi 29 juin 2013, 10:17:37

Pipa ne comprenait pas... mais enfin, pourquoi est-ce que tout-le-monde semblait si fâché contre elle ? Elle avait pourtant fait ce qu'on attendait d'elle, ce qu'on avait toujours attendu d'elle... elle s'était soumise, elle s'était offerte, elle avait jouée son rôle... et pourtant, cela ne semblait pas plaire à ces dames-oiseaux qui l'entouraient, parlaient entre elles, lui lançaient des regards dégoûtés. Non, elle ne comprenait vraiment pas ce qu'elle avait pu faire de-travers. Après que la femme qu'elle avait prise pour sa nouvelle maîtresse se soit violemment éloigné d'elle, manquant au passage de lui décocher un coup de pied sur la joue, la jeune esclave aux plumes roses s'était recroquevillée sur elle-même, assise, le visage à-moitié caché derrière ses mains dans un signe de crainte, seul ses yeux restant visibles. Elle reprit également cette position lorsqu'elle la relâcha, après qu'elle l'ait relevée pour lui crier dessus. Elle regardait alternativement le visage de tout-le-monde, passant des dégoûtés aux surpris, jusqu’à ceux qui semblait éprouver de la pitié... étrange. Elle ne voyait aucun regard gourmand ou de convoitise, comme elle avait l'habitude d'en voir...

La peur de Pipa atteignit son paroxysme lorsque celle qui semblait être la chef détruisit le chariot où elle avait été retenue prisonnière avec ses semblables esclaves d'un seul coup de poing. Comme les autres, elle faillit prendre la fuite, mais elle réussit à se retenir... elle ne fit que ramper d'avantage pour s'éloigner un peu d'elle, ce qui arracha de nouveau chuchotements à la foule. Pipa était trop bien dressée pour s'enfuir... elle avait trop craint toute sa vie le sort qu'on réservait aux esclaves désobéissants. En voyant le corps à la peau blanche immaculé de la jeune fille, il était difficile d'imaginer qu'elle avait été battue durant son dressage... pas de cicatrice, pas de marque, elle était plus ou moins "parfaite". Mais les dresseurs savaient comment faire mal sans laisser de trace, justes quelques bleus qui partaient au bout de quelques jours. Privilégiant le coup de cravache au coup de fouet, certains coups de poings bien placés, des coups de pieds au ventre, mais surtout jamais au visage, ou plus simplement de la douleur psychologique en l'humiliant en publique... les dresseurs étaient très imaginatifs dans ce genre de situation. Si ils avaient marqués Pipa, si ils lui avaient fait de moches cicatrices, elle aurait perdue de la valeur, au marcher... tout-cela avait été inutile, puisque visiblement, elle ne serait jamais vendue.

Finalement, quelqu'un lui donna enfin un ordre... ce qu'elle prit en tout-cas pour un ordre, et non pour une requête... qu'elle put comprendre, et de crainte d'être encore mal-vue, elle se dépêcha d'obéir, montant sur le dos de cette autre femme-oiseau. Elle l'avait crainte, car son masque rouge au long nez lui faisait peur, mais elle obéit malgré-tout. Avant de décoller, cependant, une nouvelle chose la surpris... on avait donc pensé qu'elle pouvait voler ? Mais c'était ridicule... Pipa ne savait, ne pouvait pas voler. On ne le lui avait jamais appris, en réalité... toute sa vie, elle avait crue que ses ailes étaient de jolis ornements pour la danse, qu'elles ne servaient à rien d'autre qu'à la rendre jolie ou à nettoyer la poussière. Alors que la guerrière et sa cavalière partait dans le ciel, une autre guerrière s'approcha de la princesse et, posant une aile sur son cœur en signe de respect, lui annonça :


-Vous voulez que je vous dises, Hime-Sama : je crois que nous faisons fausse-route. Ce n'est pas l'une des nôtres capturée par ces humains... je ne suis même-pas certaine que quelqu'un puisse briser notre honneur à ce point, et si c'est le cas, ça ne se ferait certainement pas aussi rapidement. Cette... chose, semble avoir été ainsi toute sa vie.

C'était le cas, tout du moins, aussi loin que remontaient les souvenirs de la vie de Pipa. Trois ans plus tôt, alors qu'elle s'était réveillée dans une salle sombre, après qu'on lui ait effacés chacun de ses souvenirs... mais passons, nous reviendrons sur ce détail plus tard. Dans le ciel, Pipa dut affronter une nouvelle terreur, et sa porteuse put sentir la honte supplémentaire qu'elle avait le vertige... en réalité, elle n'était jamais monté aussi haut de toute sa vie, et le sol semblait si dangereux, à cette distance... elle ferma les yeux durant tout le temps du voyage. Lorsqu'elles se posèrent enfin, elle eut du mal à se tenir sur ses serres et tomba sur les fesses. Elle regarda autour d'elle... elle était arrivé dans un village arboricoles, les maisons étaient construites dans les arbres, cachés au-milieu de la végétation. Toutes les personnes présentes étaient des harpies, comme elle... et tous la regardaient avec la même surprise ou le même dégoût. Pipa baissa la tête et n'osa croiser le regard de personne.

On la releva de force et on l'accompagna jusque-là où elle devait aller, en direction de la mairie. Pipa avançait docilement, la tête baissée... elle avait peur, cependant. Si ils ne voulaient pas faire d'elle leur esclave, alors qu'allaient-ils lui faire ?


-Toi-là !

Tiens, quelqu'un appelait quelqu'un. Ce n'était certainement pas elle, alors elle continua son chemin, silencieuse...

-Toi-là !

Elle aurait bien aimé que la personne appelée réponde, elle avait mal à la tête... c'est alors que quelqu'un attrapa Pipa par les épaules et elle fut tournée en direction d'une femme-oiseau qui la dévisagea avec une étrange lueur dans les yeux... des yeux bleus, comme les siens. Elle avait aussi la même longue chevelure blonde qui descendait jusqu'à sa queue blanche... seule différence : ses ailes étaient brune. On aurait dit Pipa, mais en un peu plus vieille. C'est alors qu'elle comprit que cette personne n'avait pas dit "toi-là", mais...

-Touahya ! Oh, ma fille, grâce à Sôjôbô, tu es enfin revenue !

La femme prit Pipa dans ses bras et la serra très fort. La jeune-fille, ne sachant que faire de plus, mit ses mains sur ses épaules et la serra aussi... cependant, elle finit par lui répondre :

-Je... je ne m'appelle pas Touahya, madame, mais Pipa... la femme, la tenant toujours par les épaules, quitta à regret leur étreinte pour la regarder... une lueur de terreur brillait maintenant dans ses yeux. Désolée...
-Enfin, Touahya, tu ne me reconnais pas ? Tu ne te rappelles pas ? Il y a trois ans, au bord du lac... nous avons été attaquées. J'ai été blessée, et tu as disparue... je te croyais morte.
-Non... je... je regrette, ce n'était pas moi. J'ai toujours vécu auprès de mes maîtres.

Ukiyoe

Créature

Re : L'envol [Pipa]

Réponse 4 dimanche 30 juin 2013, 23:48:23

Ukiyoe laissa échapper un long soupir, en enlevant doucement ses mains de devant ses yeux. Les seuls restes de l'attaque résidaient à présent dans les cadavres des deux marchands d'esclaves et les restes de leur moyen de déplacement. La raison de sa honte était partie, envolée... enfin, façon de parler.
Malheureusement...


-Vous voulez que je vous dises, Hime-Sama : je crois que nous faisons fausse-route. Ce n'est pas l'une des nôtres capturée par ces humains... je ne suis même-pas certaine que quelqu'un puisse briser notre honneur à ce point, et si c'est le cas, ça ne se ferait certainement pas aussi rapidement. Cette... chose, semble avoir été ainsi toute sa vie.

La Princesse écouta l'opinion de sa compatriote, les yeux dans le vide. Les pensées du reste de la troupe qui circulaient dans ses neurones et permettaient la communication rapportait une chose : chacun semblait se mettre peu à peu d'accord sur le sujet. Ukiyoe se retourna vers eux. Sa colère ne s'était toujours pas estompé, et ses traits étaient toujours durs.

"Ah, c'est vraiment ce que vous pensez, tous ?" Interrogea-elle en fusillant du regard ses troupes.

La plupart se regardèrent d'un air confus, n'osant pas apporter de confirmation. De plus en plus agacé par cette lâcheté, la souveraine cracha :


"Bien sûr, c'est tellement plus simple de considérer l'une des nôtres comme une Chose, pour reprendre tes mots, Luyna... c'est tellement plus facile de ne pas assumer la honte et de préférer laisser une de nos camarades à l'abandon, hein ?!"


La divine laissait éclater sa rancœur contre ses citoyennes... parce qu'il fallait bien que ce soit contre quelqu'un. Mais c'était moins à eux qu'elle en voulait qu'à sa propre personne, même pas capable de savoir quand une de ses semblables se faisait racler pendant une chasse à l'esclave. Non, il lui fallait vraiment évacuer cet échec, et c'est pourquoi elle s'envola sans plus de conversations, en laissant ses compagnons retourner seuls au Village. Pour sa part, Ukiyoe préférait s'éloigner quelques temps, pour se calmer et réfléchir aux positions qu'elle devrait prendre prochainement pour résoudre cet épineux problème.


De leur côté, Ebolia et Pipa finirent par atterrir à l'entrée du village, devant les gardes qui s'étonnèrent de la prise que ramenait leur confrère. En une simple explication en pensées, les portes leur furent ouvertes sur la rue principale du Village. Des commerces de toutes sortes en bordaient les contours. On était dimanche, jour de marché et de prière, et de nombreux vendeurs - tous tengu, car il n'y avait pas d'autres race dans ce village fortifié - attiraient de non moins nombreux clients. Des enfants voletaient de partout, des femmes se parlaient en gazouillant devant les stands, les hommes volaient plus haut et se jouaient régulièrement des tours.

Au milieu de toute cette agitation, Pipa était encore assise sur ses fesses, et sa tutrice du moment tenta de la relever le plus vite possible - certes de façon un peu violente, mais c'était dans sa nature - pour ne pas attirer les regards. Une manœuvre inutile, puisqu'il fallait savoir que, dans le Village, tout le monde connaissait tout le monde. Une tête inconnue était vite repérée, ce qui arriva ici. le niveau sonore baissa un peu. Les courants d'airs puissants provoqués par le battement des ailes se muèrent en une douce brise quand ceux qui volaient se posèrent sur des branches pour observer la nouvelle venue. Même Ebolia se sentit mal, d'être liée à ce centre d'attention. Les plus proches de ses semblables lui posaient en effet des tonnes de questions par télépathie, qu'elle devait bien sûr ignorer en attendant les directives de sa Princesse ou de la Maire.

Une tengu finit par venir à leur rencontre. Ebolia la reconnut : c'était Edolie, la femme de l'armurier. La guerrière la regarda se répandre en explications. Elle eut mal au cœur, en voyant la mine réjouie de sa semblable. Elle ne s'était jamais remis de la disparition de sa fille, trois ans plus tôt. Chaque fois que l'on rapportait qu'une nouvelle venue avait foulée la terre du Village, Edolie se précipitait pour vérifier si l'on lui ramenait son enfant. Quand elle s'apercevait de son erreur, la tengu partait dans sa maison se terrer pendant plusieurs jours, morte de honte et de chagrin.
Edolie était connue, dans les environs. On ne s'étonnait plus de ses réactions, on ne tentait même plus de la consoler, respectant cette règle propre au caractère fier du tengu : si tu souffres, restes caché.

Et une fois de plus, cette étrangère finit par lui indiquer son erreur, qu'elle n'était pas Touahya, qu'elle avait toujours vécu auprès de ses maîtres. Edolie jeta un regard à Ebolia, qui n'exprimait bien sûr aucun étonnement.


"Ebolia, je t'assure qu'elle lui ressemble trop pour ne pas être elle ! Je te le jure ! Tu n'as pas connu ma fille, mais elle lui ressemble comme deux gouttes de saké ! Regarde, tu ne vois pas comme nous nous ressemblons, aussi ?"

La guerrière se contenta de secouer la tête, saisissant Pipa par le bras pour l'entraîner plus loin. Et comme toujours, Edolie lâcha l'affaire, baissa la tête et s'envola dans l'horizon.

***

Si certaines maisons étaient effectivement construites dans les arbres, on retrouvait des habitations plus traditionnelles, comme le temple qui servait de Mairie. Ebolia et Pipa y gravirent les marches, et entrèrent dans le bureau sans frapper - vu que celle qui y était assise sentirait leur approche, de toutes façons. La Maire était accoudée contre le mur d'en face.

"Je vous attendais" déclama-elle sans plus de cérémonies.

La Maire était quelqu'un d'extrêmement poli et réfléchi, le contraire de la plupart des tengu. Elle avait été sélectionnée par Sôjôbô lui-même pour cette raison : quelqu'un de son acabit inspirait facilement le respect et avait un don pour tenir le bon rôle dans la municipalité.
Elle s’avança vers Pipa et s'excusa, avant de la faire se tourner et se baisser - étant une tengu assez petite - pour l'observer sous toutes les coutures. Son visage était empreint d'une grande réflexion.


"... C'est vrai que cette jeune femme ressemble à Touahya," concéda la Maire. "Mais elle dit ne se souvenir de rien, et je ne vois pas la moindre trace de fabulations dans son cœur."
"Comment on va faire, alors ?" souffla Ebolia, impuissante.
"Inutile de vous attarder plus longtemps ici. Partez en haut de la montagne, et demandez au Shaman ce qu'il en est."
"Le Shaman ?.."

Ebolia frissonna un peu, rien qu'en entendant l'évocation. Le Shaman était l'un des plus vieux tengu non seulement du Village, mais aussi de toute leur communauté présente en Terra. Il avait depuis longtemps quitté son enveloppe corporelle d'origine pour incruster sa conscience dans le sommet de la montagne. Les villageois l'appelaient entre eux "Tête Rouge" ce qui était parfaitement accordé à ses présentes apparitions. Il était habituel de le craindre un peu, car l'ermite qu'il était n'aimait pas forcément être dérangé, et l'on racontait même qu'il engloutissait ceux qui le dérangeaient dans sa gigantesque bouche.
Mais Ebolia comprit bien, en voyant le regard de sa supérieure, qu'elles n'avaient pas le choix.


"Tu lui transmettras mes salutations," conclut la Maire d'un ton impassible.
"... Entendu."
« Modifié: lundi 01 juillet 2013, 00:55:02 par Ukiyoe »

てんぐ の 姫

Fiche et Coin du Chalant

Pipa

Terranide

Re : L'envol [Pipa]

Réponse 5 lundi 01 juillet 2013, 21:15:15

Après l'incident avec la femme dans la rue, Pipa se contenta de suivre la femme qui la guidait à-travers ce village, sans dire un mot et sans regarder personne, la tête basse et les mains croisés au niveau du nombril... on aurait dit une enfant prise en faute, ramenée par les autorités chez ses parents. La jeune esclave avait un peu de peine pour cette pauvre femme qui était partie sans que personne ne semble faire attention à elle... c'était la première-fois qu'elle décevait une "personne libre", comme elle les appelait. Peut-être aurait-elle dû jouer la comédie, dire que oui, elle était Touahya... peut-être que c'était ça, qu'on attendait d'elle, en réalité, sans qu'elle n'ait saisi le sens de l'ordre... mais maintenant, c'était trop tard. Tendis que les deux femmes gravissaient les marches qui courraient le long du village, puis en-direction du temple, Pipa ne dit rien... mais autour d'eux, les gents jasaient, que ce soit mentalement ou à haute-voie... on s'étonnait, on était outré, de sa façon de se tenir, soumise et peureuse... et on était aussi surpris par sa façon de bouger. Un tengu avait une façon de marcher droite et fière... elle, elle était courbée, comme si elle cherchait à paraître plus petite, et elle se mouvait de façon étrange. Ses ailes aux plumes roses bougeaient à chacun de ses mouvement, au-lieu de rester repliée le long de ses coudes. On aurait dit qu'elle dansait à chaque nouveau pas.

Dans le bureau de Madame le Maire, Pipa ne parla pas d'avantage que durant la marche... mais elle obéit sans discuter à tout ce qu'elle lui demanda et se laissa observer sans broncher. Elle écoutait à-peine ce que les deux femmes-oiseaux se disaient entre elles... elle regardaient autour d'elle, ne bougeant que les yeux, avec une timidité empreinte à une certaine curiosité. Elle ne restèrent pas bien longtemps, cependant... et, se demandant toujours ce que ces créatures qui lui ressemblaient temps pouvaient bien compter faire d'elle, c'est ainsi qu'elle se retrouva à nouveau sur le dos d'Ebolia, en direction du sommet de la montagne. Si celle-ci lui dit quelque-chose durant le voyage, elle ne l'entendit pas... elle était tout à sa terreur du vide.

Elles ne voyagèrent pas aussi longtemps que durant l'allée jusqu'au village, cependant, et se posèrent sur ce qui ressemblait à une sorte de plateau rocheux. Derrière-elles, une forêt faite uniquement d'arbres morts, sinistres et sombres, où seul les vols de corbeaux semblaient trouver leur place, leur coupait la route... et devant-elles, encore plus étrange que cette forêt morte, se trouvait un épais mur de brouillard blanc, tel un rideau voulant leur couper la route. Pipa s'était laissée tomber à genoux, le temps de reprendre ses esprits... et avant que elle ou Ebolia ne purent prononcer une parole, la voie le plus étrange qu'elle n'ait jamais entendu se mit à retentir... elle avait l'air d'être faite de plusieurs voies différentes qui disaient toutes la même chose, des voies venant du vent lui-même qui vint ébouriffer leurs plumes, une voie puissante, mais qui n'était pas assourdissante... une voie qui leur dit :


-Inutile de vous expliquer : je sais pourquoi vous êtes là. Je vous attendez. La forêt entière ne parle plus que de cette nouvelle oiselle qui a léché les pieds de notre princesse... je me doutais que la maire ne tarderait pas à me l'envoyer, pour que je lise un peu son âme.

Deux points jaunes lumineux s'allumèrent alors au milieu du mur de brouillard, et ces points se muèrent petit-à-petit en deux gros yeux alors que, sortant de ce brouillard, une tête immense, rouge, au long nez pointu, leur apparaissait. Ses cheveux semblaient être fait du brouillard qui l'entourait, et son rictus laissait montrer des dents qui ressemblaient à des briques blanches-craie. Il dévisagea les deux nouvelles arrivantes de ses yeux qui brillaient comme des phares dans la nuit. Pipa fut terrorisée par cette apparition. Tremblante, elle ferma les yeux, poussa une sorte de glapissement plaintif et se couvrit le visage de ses mains griffues. L'apparition observa longuement les deux nouvelles arrivantes, et s'attarda un instant sur la guerrière qui accompagnait Pipa :

-Ebolia, quelle joie de te voir. La dernière fois que j'ai posé les yeux sur toi, tu avais du jaune d'oeuf dans les plumes et tu réclamais des vers... bah, j'avais encore un corps, en ce temps là. Chose inutile qu'est le corps, si tu veux mon avis... trop d'entretiens. Mais bon, c'est vrai que maintenant, je ne peux plus me gratter le nez...

Puis le visage se tourna vers la petite esclave, l'observant de ses grands yeux jaunes, lisant en elle... Pipa tremblait et faisait bruisser ses plumes, regardant la scène au-travers de ses doigts écartés. La brume se mit à se mouvoir et plusieurs longues choses qui ressemblait à des tentacules en sortirent. Deux entourèrent les poignées des Pipa... elle craignait la constriction, mais en réalité, ce fut avec une grande douceur que le shaman opéra... et la forcèrent à se relever et à écarter les bras de son visage.

-Je ne voudrais pas me montrer impoli, ma petite, dit la tête géante, agacée, mais je suis un esprit occupé. Alors s'il-te-plais, ne résiste pas.

Et Pipa obéit, laissant les tentacules de brumes faire ce qu'elles désiraient d'elle... elle en firent bien moins que ce qu'elle avait imaginée. Elles se contentèrent de la soulever doucement, et le visage l'observa de près... il regarda bien des choses auxquelles on ne s'attendait pas forcément : il regarda dans ses yeux, à l'intérieur de sa bouche, le creux de chacune de ses serres, mains ou pieds, dans ses oreilles et même dans ses narines, et fureta un moment entre ses plumes... et, pour finir, le vent se leva, et un cheveux de Pipa fut arraché. Sentant comme une piqûre, elle se gratta la tête, et le shaman la posa sur le sol où elle tomba assise une fois qu'il la lâcha, ayant du mal à se remettre de ses émotions. Le cheveux blond fureta un instant dans l'air... puis l'esprit-tengu ouvrit grand la bouche... Pipa frissonna en voyant qu'il était capable de l'avaler d'un coup... et la referma sur le cheveux. Il se mit à mâcher de façon exagéré, passant le cheveux d'un côté à l'autre de sa bouche en roulant des yeux. Au fil des secondes qui passèrent, il commença à réprimer une grimace révulsé... puis finalement, il cracha, et le cheveux partit se perdre dans la nature.

-Pouah ! Répugnant ! S'exclama-t-il de sa voie de grenouille.

Pipa ne savait pas qu'elle avait aussi mauvais goût... mais ce n'était pas elle, qu'il trouvait répugnant, c'était ce qu'il avait trouvé en elle. Car le simple fait de la goûter lui avait raconté bien des histoires, et lui avait fait comprendre bien des choses. Le shaman se tourna alors vers Ebolia et lui annonça :


-N'ayant pas été présent, je ne peux pas savoir tout ce qu'elle a pue endurer, mais je peux au moins deviner certaines choses... et je peux déjà t'affirmer ceci : Edolie a raison, c'est bien Touahya... afin, tout du moins elle l'a été, un jour. Mais si son corps est toujours là, son esprit à disparu depuis longtemps. J'ai décelé les traces de l'alchimie, en elle, une pratique alliant magie et science... je ne l'ai jamais pratiqué moi-même, elle est sacrilège, si tu veux mon avis, mais je sais la reconnaître. Ces traces sont vieilles, mais la magie ne disparait jamais totalement une fois qu'elle a été employée. L'alchimie consiste à transformer une chose en une autre... l'eau en solide, le plomb en or, la pierre en sel... et dans son cas, on a transformer sa mémoire... non, en-fait, je dirais qu'on la lui a complétement détruite. Je pense que juste après l'avoir capturée, les esclavagistes lui fait boire un breuvage qui lui a effacé tous ses souvenirs... et quand je dis tous, je veux dire qu'elle n'avait pas plus d'esprit qu'un oisillon lorsqu'elle s'est réveillée. Oubliés sa famille, son village, ses amis... oubliés son caractère, son honneur, et même sa race. Il a donc était simple pour eux lui faire croire ce qu'ils voulaient, de faire d'elle ce qu'ils désiraient, de faire d'elle la pitoyable créature que nous avons ici aujourd'hui.

Il baissa à-nouveau les yeux vers Pipa, qui effectivement était... comment dire... plutôt pathétique. Assise à-même le sol, tremblante, le visage baissé, soumise, elle ne semblait n'être capable que d'attendre... attendre qu'on lui donne un ordre, ou attendre de voir enfin ce que ces hommes-oiseaux chez-qui elle était tombée lui réservaient.

-Deux choix s'offre à vous, maintenant : bien-sûr, elle déshonore les tengus par ses actions, et par tout ce qu'elle a due faire durant ses trois années de captivité. Elle a plongé la princesse dans la honte par sa réaction, et je sens bien qu'elle dégoûte tout-le-monde, en-bas... mais si on suit mon jugement, rien de tout-cela n'est de sa faute, ils ont réussir à lui faire croire qu'elle n'était qu'un objet. Regarde ses yeux... ils son éteints, elle n'a aucun espoir, et ignore ce qu'est la liberté. Cependant, vous pourriez décider, pour tout-cela, de l'abandonner à son sort. Ou alors, je pouvais tenter de la ramener. Je pense qu'il n'est pas trop tard, elle peut encore être sauvée. En lui apprenant qu'elle n'est pas obligée de se soumettre, qu'elle est une créature libre, les merveilles et les devoirs de notre espèce, peut-être... je dis-bien peut-être... pourrait-elle réussir à échapper à l'existence dans laquelle elle a passée ces trois dernières années. Elle ne retrouvera pas ses souvenirs, mais elle pourra redevenir l'une des nôtres. Ce ne sera pas facile, cependant, il faudra faire preuve de patience et de douceur, envers elle... lui demander de ne pas se montrer soumise, ce serait comme te demander à toi de marcher à quatre-pattes devant l'armée de la princesse, si tu vois où je veux en venir. Mais si vous vous montrez patientes, alors, peut-être, pourra-t-elle devenir une honorable tengu. Elle aura cependant besoin de ses parents... et également de Ukiyoe. Elles étaient amis, durant leur enfance, après-tout. Touahya l'a oublié, mais j'espère que elle, non. Bien, maintenant, laissez-moi. J'ai d'autre questions existentielles auxquelles je dois trouver réponse.

Et le visage disparu dans la brume aussi vite qu'il était apparu, coupant brutalement la conversation, laissant seule la gerrière-tengu et la petite esclave effrayée...

Ukiyoe

Créature

Re : L'envol [Pipa]

Réponse 6 lundi 08 juillet 2013, 02:53:51

Ebolia ne fut pas loquace, durant le trajet. Elle redoutait un peu ce passage dans le sommet, en compagnie de l'étrange entité du Shaman et de sans doutes d'autres créatures peu fréquentables, même pour les êtres qu'ils étaient. Mais cela ne l'empêcha pas de saluer respectueusement le fantôme et de lui adresser ses plus sincères salutations. La suite des évènements se passa dans la plus grande concentration, ce qui ne permit pas plus de conversations. Finalement, la tengu hocha une dernière fois la tête pour indiquer qu'elle avait compris et serait capable de retransmettre les informations à ses congénères, et le Shaman disparut aussi mystérieusement que lors de sa venue.

Ebolia releva ensuite sa congénère, la traitant peut-être avec un peu plus de respect et de douceur, maintenant qu'elle était sûre de ses origines et au courant du terrible poids qui allait peser sur ses frêles épaules. Ce ne serait jamais une mince affaire de la faire accepter de tout le village. Pour être franche, le négativisme de la guerrière lui laissait penser que c'était tout simplement impossible : on ne trouvait pas plus borné et raciste que ses camarades... c'était un bien long chemin qu'allait devoir parcourir Pipa, ou plutôt Touahya.

Elles descendirent la montagne ensemble, mais sur leur chemin, une bourrasque indicative de l'arrivée d'un autre tengu les déstabilisèrent. Ebolia colla Pipa contre la paroi rocheuse de la montagne en attendant que le vent ne retombe. Quand ce fut le cas, n'apparut personne d'autre que Ukiyoe, les plumes un peu ébouriffées par son voyage.

La Princesse avait en effet parcouru plusieurs kilomètres avant de se décider à revenir et affronter le souci qui se posait. L'appel télépathique de la Maire l'avait incité à redescendre sur terre, pour ainsi dire.


« Où étiez-vous passé ? demanda Ebolia d'un ton abrupt. Sa voix était chargée de reproches, et ses pensées aussi, probablement.
- Peu importe. Vous avez vu le Vieux ? Qu'est-ce qu'il vous a dit ? »

Il n'y avait vraiment que la Princesse pour donner au vénérable Shaman l’appellation de "vieux"... Ebolia en aurait presque couvert les oreilles de Pipa. Elle haussa les épaules en voyant passer quelques tengu au-dessus d'eux, mais indiqua mentalement à sa supérieure qu'elles pourraient discuter de tout cela dans le bureau de la Maire.

***

Attablées dans le bureau, un plateau de thé pour quatre entre elles, Ebolia expliqua en détail le monologue du Shaman tandis que Ukiyoe et la Maire buvaient ses paroles.

« Je suis désemparée, finit par déclarer la Maire, c'est la première fois que nous affrontons ce genre de situation. »

Ukiyoe ne quittait pas Pipa des yeux, sonnée par ce qu'elle venait d'entendre. Elle comprenait maintenant ce que devait ressentir Edolie, à chaque fois qu'elle repartait vers chez elle... mais cette fille et Touahya... c'était deux personnes différentes. Qui partageaient le même corps, certes, mais totalement opposées l'une à l'autre. Elle n'en démordrait pas.

« Et si le Shaman s'était trompée ? finit-elle par demander avec espoir.
- Ukiyoe, ne te sens pas coupable pour ce terrible évènement, répondit la Maire d'une voix douce. Tu n'as aucune responsabilité dans ce qui s'est passée. Touahya a disparu pendant ton apprentissage, tu n'aurais pas pu être là pour empêcher tout ça. »

L'apprentissage qu'avait subi Ukiyoe en compagnie de son père et qui l'avait endurcie à vie avait en effet eu lieu à des milles du Village. Ce souvenir, étrangement, n'aidait pourtant pas la Princesse à se sentir mieux. A chaque regard posé sur Pipa, son estomac se contractait comme si une bête s'était tapie à l'intérieur.

« Mais elle devait venir avec moi, à la base, insista la divine. Si je l'avais forcée à venir... si je ne l'avais pas laissé derrière moi...
- Tu aurais eu des remords tout de même. Ton entraînement était beaucoup trop éprouvant pour un tengu ne possédant pas de sang royal. Surtout pour quelqu'un à la constitution aussi délicate... Elle aurait finie par se casser en deux. »

Les arguments de la Maire n'étaient pas contestables. Mais pour la tengu, ils n'en étaient pas pour autant plus vrais. Et à cause de cela, Ukiyoe sentait la colère si patiemment masquée revenir à la surface.

« Il faut que je répare mes erreurs, affirma-elle finalement. Je dois la faire revenir. Même un tout petit peu... je dois essayer, ajouta la tengu, voyant le regard désapprobateur de la directrice du Village.
- Je ne sais pas si c'est une bonne...
- Pour être honnête et avec tout mon respect, je me fous de savoir ce que vous pensez, là. »

Le regard de la Maire oscillait entre sa Princesse et la jeune amnésique, assise entre Ebolia et elle. Elle finit par fermer les yeux.

« ...Tu peux toujours essayer de lui réapprendre la voltige. Je te donne un mois. Si passé ce délai, elle ne parvient pas encore à atteindre le sommet par mauvais temps, je serais forcée de la renvoyer.
- Un mois ? S'étrangla Ebolia, parlant pour la première fois depuis un moment. Mais nos oisillons mettent douze semaines à tenir en suspension dans l'air !..
- Je ne vois pas le moindre oisillon ici. Juste une tengu qui a déjà appris et qui a intérêt à donner tout son possible pour revenir à ce stade. »

***

« ... Et là, c'est la place du Village. On avait l'habitude de ramasser des têtards et de les manger... enfin, tu les mangeais et je les jetais sur les gens, en fait... si ça te revient un jour, ça te fera bien rire, tu verras !.. »

Ukiyoe se força à rire, bien qu'elle n'en eut pas trop le cœur puisqu'elle était la seule. Depuis qu'elles étaient sorties de la Mairie, elle ne cessait de parler à Pipa qui l'écoutait silencieusement déblatérer les coutumes et traditions du village, lui demander de se tenir droite, de ne pas regarder les gens trop dans les yeux mais sans baisser le regard tout de même... d'ailleurs, les gens en question ne cessaient de lancer des coups d’œil appuyés à Pipa, mais sans oser lancer une seule critique. Il était clair que la Princesse avait pris l'oiselle sous son aile et tolèrerait moyennement que l'on insulte sa vieille amie.

« Bon, par contre, Touahya, tu sais- enfin, je te le rappelle... j'ai pas de maison, ici. Si ce n'est celle qu'on m'offre,  ou que je décide. Mais tes parents seront sûrement ravie de te revoir, de toutes façons. Ta mère te cherche depuis un bout de temps, tu sais... »

Sur cette déclaration, elles arrivèrent dans le jardin de l'habitation en question. La royale tengu frappa à la porte de la maison où Edolie avait l'habitude d'aller se terrer, et où son mari travaillait le fer dans l'arrière-cour. La porte s'ouvrit bien vite...
« Modifié: lundi 08 juillet 2013, 03:01:48 par Ukiyoe »

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Pipa

Terranide

t

Réponse 7 mardi 09 juillet 2013, 20:20:32

L'une des choses notable pour les autres tengus chez la petite Pipa... qui avait, visiblement, désormais retrouvée son nom de naissance qui n'était autre que Touahya... était son silence totale et le manque visible de réaction à tout ce qu'il se passait autour d'elle. Même lorsque sa guide l'avait plaquée contre un mur de pierre afin de la protéger des bourrasques créées par les ailes de la princesse, lorsque celle-ci les retrouva, elle réagit uniquement en crispant les muscles par peur et en poussant un gémissement douloureux... mais elle ne râla pas, ne se plaignit pas, et ne parla toujours pas. Et même lorsqu'elle se retrouva assise sur le fauteuil avec Ebolia, la princesse et madame le maire, une tasse de thé entre les mains qu'elle sirotait doucement sans vraiment savoir ce que c'était, mais en trouvant ça bon, elle resta entièrement silencieuse et garda la tête obstinément baissée, fuyant les regards, surtout qu'elle y sentait à chaque fois de la colère, dedans. Pas forcément de la colère contre-elle, mais elle sentait qu'elle en était responsable, et ça lui faisait peur. Ses défunts maîtres lui avaient bien appris les choses... "Tu ne parles que si on s'adresse à toi", et c'était ce qu'elle faisait. Elle écoutait ce qu'il se disait... mais elle ne comprenait pas vraiment tout et ne réagissait jamais.

Elle crut comprendre qu'on parlait d'elle, et d'une autre elle, cette Touahya que tout-le-monde semblait croire qu'elle était, depuis que cette grosse tête dans la brume avait goûté son cheveux... mais pourtant, elle n'avait jamais entendu le nom de Touahya dans sa vie, elle n'avait toujours été que Pipa... les marchands ne s'étaient pas très souvent venté de sa mémoire qu'ils avaient effacés devant-elle, et même lorsque c'était la cas, elle ne comprenait jamais vraiment où ils voulaient en venir. Elle avait pris la liberté de dire à cette première femme aux ailes brunes qu'elle s'était trompée de personne... mais maintenant que tout-le-monde semblait persuadé qu'elle était cette personne, elle n'osait plus le nier, et cela semblait l'attirer à de gros ennuis. Ils voulaient la faire voler, sinon ils l'abandonneraient... mais comment voulaient-ils qu'elle vole ? Elle ne le savait pas, et elle ne le pouvait pas... pour elle, ses ailes ne servaient que pour la danse. Elle sentait que de dures épreuves l'attendaient, et elle ne savait pas quoi faire... elle aurait préférée rester l'esclave des deux marchands. Au moins, là, la vie était simple, elle savait ce qu'elle avait à faire et ce qui l'attendait... maintenant, elle n'était plus certaine de rien, et sa vie n'était qu'un gouffre d'incertitude sans fond. Elle avait cru entendre dire que ces créatures pouvaient lire dans leurs pensées... elle se demanda si elles savaient ce qu'elle pouvait ressentir.

Finalement, la princesse et l'esclave libérée se retrouvèrent seule dans les rues du village tengu... bien qu'ils étaient entourés par des centaines de passants. Obéissant aux ordres machinalement et par reflex, Touahya faisait tout ce que lui demandait Ukiyoe... ou presque, car elle n'arrivait pas à garder le regard droit. Elle avait mal au dos, car elle avait passée les trois dernières années de sa vie courbée, et elle n'osait pas regarder les passants en-face, détournant la tête sans baisser les yeux à chaque-fois qu'elle sentait un regard de reproche se poser sur elle... oh, mais pourquoi tout-le-monde lui en voulait autant ? Qu'avait-elle fait de plus ou de moins que ce qu'elle avait toujours fait ? La pauvre petite oiselle était de nouveau entrée dans le monde qu'était le sien, mais elle n'en avait plus aucun souvenir, et il était si différent que tout ce qu'elle connaissait, désormais... il était difficile d'imaginer tout ce qu'elle pouvait ressentir à ce moment-là, même en entrant dans sa tête. Elle était comme une petite fille que ses parents auraient abandonnés dans la forêt... plus d'univers, plus de vie, et seule face au froid du monde dans lequel elle venait de pénétrer. La princesse essayait de l'aider... mais dans son ressentie et son esprit, la tengu aux ailes roses était seule.

Elle écouta encore avec politesse tout ce que Ukiyoe avait à lui raconter, mais une fois de plus, elle ne réagissait pas, ayant l'impression qu'elle lui racontait la vie de quelqu'un d'imaginaire... même les anecdotes drôles ne la faisaient pas rire, tout-simplement parce que personne ne lui avait appris à rire. Les gents riaient d'elle, mais elle ne riait jamais des gents, et elle ne savait pas comment on faisait pour rire. Pourtant, la royale tengu finit par réussir à déclencher une réaction chez son ancienne amie d'enfance... ce fut une réaction minime, mais qui fut quand-même là, comme un éclat au milieu de cet océan de soumission, lorsqu'elle lui parla de sa mère qui la cherchait, et de ses parents l'accueilleraient surement. Là, elle serra les mains au niveau de sa poitrine...


-Mes... parents... ? Demanda-t-elle...

Quelle était cette nouvelle sensation de chaleur qu'elle avait dans l'estomac, et qui lui faisait monter les larmes aux yeux ? Elle n'avait jamais ressentit cela... personne ne lui avait cependant jamais dit qu'elle avait des personnes qui tenaient plus à elle que si c'était à un objet précieux. Touahya savait ce qu'était des parents... mais elle n'avait jamais imaginé en avoir. Et la porte s'ouvrit...

Un grand homme-oiseau au torse nu, au visage pointu et aux ailes rousses apparu sur le seuil, observant les visiteuses avec une lueur d'acier dans les yeux... il ne semblait pas méchant, mais ses yeux était vif comme ceux d'un aigle et perçant comme les épées qu'il forgeait. Il observa longuement la princesse et celle qui l'accompagnait. Une ombre de crainte passa sur ses yeux, tendis qu'il se demandait si sa femme ne s'était pas attiré des ennuis, en attirant l'attention de cette façon.


-Hime-sama, dit-il d'une voie qui courrait comme un écureuil dans les arbres aux oreilles des deux femmes, j'espère que vous pardonnerez ma compagne pour son emportement. Et vous aussi, jeune oiselle. Depuis la mort de notre fille, la pauvre est...

Il interrompit alors en entendant la princesse lui expliquer que Edolie avait eue raison depuis le début... alors, ses yeux, grand ouvert, se posèrent sur le visage tendu de sa fille. Il l'observa longuement, silencieux, tout à ses émotions... puis finalement, il s'écarta du passage, invitant les deux tengu femelles à entrer :

-Je vous en pris, aller vous installer dans le salon. Je vais chercher Edolie...

***

Et c'est ainsi que tout les quatre se retrouvèrent dans le salon de la simple petite maison de la famille... le couple n'avait pas eu d'autre enfant depuis la disparition de leur fille. Non-pas qu'ils n'avaient pas voulus, mais la mère avait été si choquée par l'attaque et l’enlèvement qu'elle faisait un blocage psychologique. Edolie et son mari, Ortan, étaient assis sur un canapé taillé dans le bois, Touahya installée entre-eux, et faisait place à la princesse à qui ils avaient offert un fauteuil... la mère, dont le visage était encore humide des larmes qu'elle avait versée, l'avait poussée à poser sa tête contre elle et caressait doucement sa longue chevelure blonde. Elle se laissait faire... mais pas par joie de l'avoir retrouvée, encore une fois simplement parce qu'elle obéissait à ce qu'elle prenait pour un ordre afin de mieux la tripoter. Edolie ressentait cela, et ça la rendait malheureuse, alors elle chuchotait des paroles apaisantes pour rassurer son enfant retrouvée, sans pour autant ne pas écouter ce que Ukiyoe avait à leur raconter. Cette fois-ci, il n'y eut pas de thé... il avait été proposé, mais l'offre décliné vu qu'elles en avaient bu un une demi-heure plus tôt.

Les émotions des deux parents se lisaient sur leurs visages au fur et à mesure que le récit avancé... de la colère, du dégoût, de la tristesse... une expression farouchement guerrière qu'on pouvait lire chez ceux qui rêvaient d’assassinats. La petite amnésique ressentait toutes ces émotions, et ça ne la rassuré pas. Et finalement, vint le désespoir... le désespoir lorsqu'ils entendirent la décision de madame le maire.


-Un mois ? Demanda Edolie. Mais... si ce qu'a dit le Shaman est vrai, et je ne mets pas ses pouvoirs en doute, c'est comme si elle n'avait jamais appris à voler... comment pourrait-elle apprendre ce que nos petits mettent tant de temps à faire ?
-C'est possible, affirma alors son mari, semblant cependant chercher à se convaincre lui-même. Les oisillons ont des difficultés à voler parce qu'ils ne sont pas encore formés comme des adultes. Mais elle...

Il saisit le bras de Touahya pour lui faire déployer l'une de ses ailes... c'était ses plumes rousses mélangés au brun de celles de sa femme qui avaient dus les rendre roses de cette façon. L'ancienne esclave se crispa, mais il lui dit d'une voie calme :

-N'ai pas peur, laisse-toi faire...

Et ce fut ce qu'elle fit. Il déploya alors l'une de ses ailes et passa ses griffes entre ses plumes. Elles n'étaient pas marqués par le travail du vol... elles étaient au-contraire lisses et douces comme un duvet de nouveau-né. Mais sinon...

-Vous voyez, elles sont parfaites ! Avec un peu de travail, elle peut encore apprendre à voler. Par chance, ces misérables humains n'ont pas coupés ses ailes pour éviter qu'elle ne s'enfuit... oh, par les esprits !

Il saisit d'un coup la délicate petite main de sa fille et la frotta dans les siennes... son doute fut alors confirmait :

-En revanche, ils lui ont taillées les griffes, elles sont rondes, et aussi inoffensives qu'inutiles, maintenant.
-Quel dommage que vous ayez déjà tué ces hommes, Hime-sama, ajouta Edolie avec une lueur rapace dans le regard. J'aurais aimée passer un instant avec eux...

Son mari confirma d'un signe de la tête, puis tout-deux se regardèrent un instant... ils avaient une conversation mentale. Finalement, la mère se leva, prit sa fille par la main, et l'entraîna dans la couloir sans qu'elle n'offre la moindre résistance, en ayant seulement une expression curieuse sur le visage.

-Viens, ma chérie, lui dit-elle, je vais te montrer où tu vas dormir...

Ortan attendit qu'ils se retrouvent seuls, car ce genre de choses ne se faisaient généralement pas, pour un tengu... et si on le faisait quand-même, alors c'était en privé... puis il regarda la princesse, joignit les deux mains comme dans une prière, et demanda :

-Je vous en pris, Hime-sama, aidez-nous à faire réussir cette épreuve à notre fille. Ce serait un déchirement si elle devait se faire bannir après tout ce qu'elle a vécu... et Edolie ne s'en remettrait jamais.

Ukiyoe

Créature

Re : L'envol [Pipa]

Réponse 8 dimanche 14 juillet 2013, 22:19:49

Ukiyoe le précisa bien : c'était une chance qu'ils aient retrouvé Touahya avant que le pire n'arrive... bien que pas mal d'horreurs semblaient lui être déjà arrivés. La crispation de la jeune esclave, sa soumission horrible à voir... si rien n'avait changé, ces deux infâmes marchands auraient sûrement trouvé un moyen de ne pas s'en encombrer une fois qu'elle aurait été vieille. Pour ce que la princesse en savait, les terranides en fin de vie étaient engraissés pour ensuite être donnés à manger aux chiens...

Edolie emmena sa fille vers sa chambre à coucher, ne la lâchant pas d'une seconde, comme si elle avait peur qu'elle s'envole... sans mauvais jeu de mots. Et Ortan fit une chose qui se révélait rare dans leur civilisation : il s'imposa la soumission et bafouilla des supplications. Ukiyoe détourna la tête par pudeur, gênée.


« Tiens-toi droit. Tu n'as pas besoin de te confondre en supplications. Ta fille a déjà jeté plus de honte sur notre race que je ne le tolère en temps normal.

Elle prit conscience de la rigueur de sa réponse, et reprit donc d'une voix plus douce, en s'agenouillant :

- Je te promets de rendre la vie à ses ailes. Peut-être que ça lui permettra d'avoir un déclic, je ne sais pas... je l'espère.

Puis elle se releva, voyant Edolie diriger Touahya vers leur salle d'eau. Ukiyoe la salua, et ouvrit la porte. Le soleil était en train de se coucher.

- Je passerais la chercher à l'aube. Nous commencerons sans plus tarder. »

Puis elle s'envola, sa silhouette se dessinant au milieu de l'astre rouge.

***

L'aube arriva vite, la princesse également. Pendant qu'elles marchaient jusqu'à leur destination, elle prenait soin d'enlever les feuilles et les branchages coincés dans ses plumes et ses cheveux. Elle avait dormi dans un arbre, pour pouvoir assister les gardes à n'importe quel moment, au cas où des renforts pour retrouver les deux humains seraient envoyés... mais personne ne vint, et elle restait toujours aussi fatiguée. Cela dit, ce n'était bien sûr pas le moment de lambiner : la journée promettait d'être intense.

Les deux jeunes femmes montèrent sur un des coins de la montagne. C'était un plateau de roches assez haut, où le vent soufflait fort. Cet endroit était utilisé pour apprendre aux petits tengu l'art de l'envol, justement. Ukiyoe ne connaissait pas de meilleur endroit, mais elle avait voulu y venir assez tôt, tout simplement car les enfants – et les tengu en général, d'ailleurs – n'étaient pas très matinaux. Ses intentions étaient claires : l'anciennement nommée Pipa et elle œuvreraient dans la discrétion.


« Bien, commença la divine en remuant un peu ses ailes. Il faut que je t'explique quelque chose. Tu as entendu comme moi que la Maire veut que tu sois capable de t'envoler d'ici un mois. Ton père m'a dit ce matin que le Festival du Soleil aurait lieu dans un mois, justement. J'avais complètement oublié ce détail, mais... je pense que Kana nous a imposé cet ultimatum parce qu'elle veut que tu fasses tes preuves pendant la fête. Il se peut que, heu... pas mal de personnes veulent te voir à l'œuvre. »

L'idée mettait la pression à la Princesse : si Touahya ne parvenait pas à s'envoler le jour du festival, tout le monde la verrait, ce qui réduirait à néant les chances que cette pauvre fille puisse se réintégrer dans la micro-société du village. Kana avait bien calculé son coup, comme toujours.

- C'est pour ça qu'on va commencer ta rééducation dés aujourd'hui, continua la femme ailée. Tu vois ce petit pic de roche, là-bas ? Il est peu élevé, parfait pour que tu me montres déjà de quoi tu peux être capable. Je voudrais voir ce qu'il reste de tes capacités de vol en situation réelle...

Elles se dirigèrent donc vers le pic en question. Ukiyoe aida sa camarade à monter sur le bout de roche, qui possédait un plateau en son bout, assez grand pour contenir les deux serres de l'ancienne esclave.

- … Au pire, tu atterriras par terre. Montre-toi ce dont tu es capable. N'ait pas peur de tomber ou de te faire mal... tu es plus forte que ce que tu imagines ! »

La Princesse conclut donc sur cette phrase, et s'installa en tailleur un peu plus loin pour observer la scène.

てんぐ の 姫

Fiche et Coin du Chalant

Pipa

Terranide

O

Réponse 9 lundi 15 juillet 2013, 20:21:48

Ortan n'était pas Tengu à se soumettre aux autres, généralement... c'était au contraire un membre honorable de leur société, respecté pour son respect des traditions et de la noblesse, et pour la finesse et la légèreté des armes qu'il fabriquait. Les autres membres de son espèce pouvaient voler en tenant l'une de ses épées entre les mains, et la légèreté de l'arme ne rendait pas moins celle-ci d'une exceptionnelle qualité, difficile à briser. Seul point noir au milieu de l'univers de ce tengu connu parmi tout son village : c'était son épouse, la pauvre Edolie, qui jetait régulièrement la honte sur sa maison en se mettant dans tous ses états car elle croyait reconnaître en telle ou telle jeune-fille son enfant disparu. L'homme-oiseau s'était fait plus rapidement à l'idée de la supposée "mort" de sa fille, et il était passé à autre-chose en continuant à honorer sa mémoire... mais Edolie en avait été incapable, criant à tout ceux qui voulaient bien l'écouter qu'elle était vivante, qu'elle le sentait jusqu'au bout de ses plumes... et visiblement, elle avait eue raison depuis le début. Mais malgré les fois où on avait détourné les regards d'eux pour ne pas regarder la tengu honteuse et où il avait dû rester avec elle à la maison parce qu'elle n'avait pas le droit de sortir, Ortan avait toujours aimé sa femme, et il ne l'avait jamais repoussé. Comme-quoi, parfois, l'amour était plus fort que l'honneur, et il ne lui en avait jamais voulu de se laisser emporter après avoir perdu son enfant.

Et, de mémoire de tengu, jamais Ortan ne s'était rabaissait au point de supplier quelqu'un comme il le fit avec la princesse... mais si il était surpris, il n'en était pas moins ravi de revoir sa fille, et pour que sa famille ne soit pas détruite une seconde fois, il était prêt à abandonner son honneur et à se rabaisser à faire cela pour être certain d'obtenir l'aide d'Ukiyoe. Aussi, lorsqu'elle lui dit de se tenir droit, et qu'elle lui promis qu'elle les aiderait, il releva le visage vers elle, avec une lueur pleine de reconnaissance dans les yeux. Et pendant ce temps, Edolie menait sa fille à travers un court couloir. Les deux premières portes menaient à la chambre à couché de ses parents et à une simple chambre d'amis. La porte au-fond, à droite, était celle d'une salle-de-bain fantaisiste, aux murs couvert de coquillages et au sol imitant la texture du sable sur une plage... c'était très agréable d'y marcher pieds nus. Et enfin, il y avait la dernière porte, celle que Edolie ouvrit...

Elle menait sur une troisième chambre, un peu plus petite que les deux autres, mais extrêmement bien éclairée et accueillante. Elle épousait la forme de l'arbre sur lequel la maison était construit et le toit formait comme un croissant de lune au-dessus d'elles. Il y avait un tapis rond et rouge sur le sol, un lit de taille moyenne ne pouvant accueillir qu'une personne, ainsi qu'une grande armoire, une table de chevet avec un livre et une chandelle posé dessus, et des étagères. Elles étaient toutes couvertes de livres, de cailloux et de morceaux de bois de talles et de formes divers, et de bibelots taillés dans le bois. Seul bémol de cette jolie petite chambre : elle était poussiéreuse et sentait un peu le renfermé. Edolie remédia à ça et alla ouvrir le hublot qui formait la seule fenêtre.


-C'est ta chambre, ma chérie, lui dit-elle, avec une certaine émotion dans la voie. Je sais que tu ne t'en souviens pas, mais c'était ta chambre, avant que... enfin. Je l'ai laissée dans le même état que la dernière que tu y es entrée, personne n'a rien touché, personne n'a rien dérangé. Elle est et elle sera toujours ta chambre... mais entre, viens la découvrir, ne reste pas dans l'entrée.

C'était plus ou moins ce qu'avait attendu Touahya : l'autorisation. Alors elle entra et, timidement, elle fit le tour de cette chambre... SA chambre. Elle s'attarda, elle observa un peu tout. Elle n'avait rien de bien exceptionnelle, mais... elle était chaleureuse et confortable. Elle arriva devant l'étagère qui présentait les figurines en bois. C'était toutes des animaux, grossièrement taillés, mais on les reconnaissait. Il y avait un aigle, un renard, un loup... trois ours dans des postures différentes, un debout sur ses pattes arrière, un à quatre patte et un ourson assis... et toutes sortes d'autres animaux de la forêt. Elle tendit doucement la main et pris délicatement un cerf aux cornes peut-être un peu trop droites et pointus, et elle le fit tourner dans sa paume. Edolie arriva derrière elle et lui posa la main sur l'épaule.

-C'est toi qui les a fait. Tu étais si douée avec tes griffes. Oh, attend...

Tendis que sa mère se dirigeait vers la table de nuit et en ouvrait le tiroir, Touahya se dit que maintenant, elle était douée pour d'autres choses... des choses qui ne se disaient pas, et qui la firent trembler. Elle reposa délicatement le cerf, de peur de le casser. Edolie revint et lui présenta un médaillon en bois. Il était rond, et un dessin en son centre représentait un croissant de lune et trois étoiles. Sa corde était faite en simple crin de cheval. Elle le lui passa autour du cou en lui expliquant :

-C'est également toi qui a fabriqué ceci... c'était ton collier préféré, tu ne le quittais jamais... tu disais que c'était ton porte-bonheur. C'est tout ce que nous avons retrouvé le jour où tu as été enlevé, ils te l'avaient arraché et jeté au sol. Je crois qu'en fait, il t'a vraiment porté bonheur, car il est resté ici tout ce temps, et finalement, tu es enfin revenue pour le porter. Bien, maintenant viens, nous allons faire un brin de toilette, et après, je m'occuperais de faire le repas... nous devons fêter ton retour.

Ce soir-là, elle découvrit le bonheur d'un repas en famille... enfin, plus ou moins, car il se fit presque entièrement dans un silence gêné. Ses parents cherchèrent à évoquer des souvenirs, ou à faire des plaisanteries... mais elle n'était qu'à-moitié avec eux. Elle ne se souvenait d'aucun de ces moments qu'ils racontèrent, et elle ne comprenait pas l'humour... c'était une sensation de liberté qu'on ne lui avait pas enseigné. Elle passa la nuit la plus confortable de toute sa vie, dans son petit lit aux draps propres... mais pourtant, elle ne dormit pas très bien. Il lui était arrivé trop de choses, trop de pensées se bousculés dans sa tête, et les rares fois où elle se mettait à somnoler, elle faisait des cauchemars où elle voyait les deux marchands d'esclaves. Ses parents ne dormirent pas mieux, et l'entendirent gémir... au matin, ils furent au petit soin avec elle, jusqu'à ce que la princesse ne vienne la chercher...

Maintenant, Touahya se trouvait sur le plateau rocheux, pas très haut au-dessus du sol... mais assez pour qu'elle ait peur. Elle avait attentivement écouté tout ce que lui avait dit Ukiyoe, et elle comprenait que leur situation était critique... mais l'ennui, c'était qu'avant hier, la jeune fille ne savait même-pas qu'elle avait la capacité de voler. La princesse voulait voir ce qu'il lui restait de ses capacités de vol... l'ennui, c'était qu'il n'en restait que du néant. Elle lui jeta un discret regard paniqué... au fond, c'était peut-être plus simple qu'il n'y paraissant... peut-être que son instinct allait reprendre le dessus. Alors elle prit sur elle, et sauta, écartant les bras et les ailes... et elle retomba comme une pierre sur les fesses avec un petit cri de douleur. Au moins, elle savait encaisser quand elle avait mal...

Mais elle n'avait même pas essayé de battre des ailes, elle les avait laissé pendre sans rien en faire, croyant que les choses se feraient toutes-seules. Les marchands d'esclaves avaient oeuvrés ces trois dernières années à effacer en elle toute trace de sauvagerie, de liberté, et d'instinct... il n'avait fait d'elle qu'une sorte de machine à qui il fallait expliquer les choses, elle ne pourrait jamais apprendre à voler si on ne lui disait pas d'abord comment on faisait... elle avait perdu son instinct d'oiseau et son esprit de tengu. Alors finalement, elle releva les yeux vers la princesse et le lui avoua :


-Mais je ne sais même pas comment je dois me servir de... de mes ailes...

Ukiyoe

Créature

Re : L'envol [Pipa]

Réponse 10 jeudi 25 juillet 2013, 23:22:03

C'était prévisible, juste de quoi confirmer les pensées de la Princesse. Pensées que n'arrivait plus à lire la jeune tengu blonde, d'ailleurs : Ukiyoe avait en effet tenté plusieurs fois de lui envoyer mentalement des recommandations, sans que la demoiselle n'en tienne compte. Il s'en déduisait rapidement qu'elle ne les entendait tout simplement pas... la divine n'aurait même pas cru possible d'effacer à ce point une capacité aussi ordinaire et ancestrale que l'était celle de la télépathie pour un tengu. Elle espérait vivement que ce soit réversible - vu le rôle que tenait ce pouvoir dans leur société. Mais ce n'était pas la priorité pour le moment.

Ukiyoe vint relever doucement Touahya, et lui remettre ses habits en place - d'authentiques habits de tengu, par ailleurs, probablement l’œuvre d'Edolie. La souveraine reconnut le collier que portait son ancienne amie, qui lui évoqua des souvenirs bien lointains, des souvenirs où une Touahya rayonnante arborait fièrement cette œuvre taillé de ses mains. Elle voulait être sculpteuse, repensa la brune en contemplant le bijou. Quand on pensait à quel point Touahya tenait à ses griffes - puisque c'était elles qui lui permettait de fabriquer dans le moindre détail ses petites reproductions.
Mais au moins, des griffes, ça repoussait.
C'était une phrase qui emplit Ukiyoe d'un certain optimisme. Entendant des gazouillis au-dessus de sa tête, elle montra à sa confrère d'un index plein de plumes une branche où était posé un couple de moineaux. Ils picoraient leurs ailes et s'ébattaient entre deux gouttes de rosée.


« Regarde bien, demanda Ukiyoe avec patience.

D'un petit sifflement, elle attira l'attention des deux volatiles qui stoppèrent leurs jeux pour les regarder. On pouvait penser qu'en tant que représentante d'une race ailée, la jeune femme était l'amie des animaux. Mais pas plus que ne pouvait l'être quelqu'un d'autre, en vérité. Le rôle de Blanche-Neige ne lui convenait de toutes façons pas du tout. C'est pourquoi en quelques secondes, elle prit un petit caillou par terre pour le lancer (pas trop fort, tout de même) sur les deux petites bêtes, qui évitèrent l'assaut de quelques plumes. Ils s'envolèrent en lançant des pépiements plein de reproches, tandis que la Princesse éclatait de rire. L'humour tengu, dirons-nous. Ici, n'importe qui vous aurait dit que c'était un humour fantastique.

- Tu as vu comment ils se sont élancés ? Comment ils ont bougé leurs ailes, ouvert leurs corps ? Bon, ils se sont enfuis, ce que je ne te recommande pas... c'est la pire option que nous autres pouvons choisir, sauf si tu te carapates après avoir joué un bon tour à quelqu'un... là, c'est acceptable, on va dire, haha !

L'explication étant plus métaphorique qu'autre chose, Ukiyoe se posa en vitesse sur la pierre que Touahya venait de quitter. Elle était très motivée pour jouer les préceptrices... ce qu'elle avait de toutes façons déjà fait avec la blonde, dans leurs jeunes années. Et si sa méthode avait marché une fois, elle marcherait une deuxième... du moins, en théorie.

- Ce que je voulais te dire, c'est qu'ils se sont certes enfuis, mais avec la rage au cœur. Toi aussi, tu dois utiliser cette rage de quitter le sol, cette terre où tu es encrée depuis trop longtemps... il faut que tu ais ENVIE de t'envoler, pour commencer, sinon, ça ne marchera jamais ! Il ne faut pas que tu attendes que quelqu'un t'en... t'en donnes l'ordre !

Elle prononça ces derniers mots avec une répugnance certaine.
Quoiqu'il en soit, il lui fallait attaquer le côté technique.


- Utilise ta force pour faire voler tes ailes et prendre de l'élan... tu vois, comme ça, expliqua la Princesse en s'activant, envoyant quelques plumes dans toutes les directions. Tu te secoues un peu pour t'échauffer, et une fois que tu le sens bien, tu recules un peu... et tu t'élances !

La tengu décortiqua ses actions, trouvant un peu compliqué le fait de décrire l'apprentissage du décollage. C'était tellement naturel pour elle... un humain devait ressentir la même chose, quand il apprenait à marcher à un semblable.

- Est-ce que... tu as compris ? » Finit-elle par demander, hésitante.

てんぐ の 姫

Fiche et Coin du Chalant

Pipa

Terranide

Re : L'envol [Pipa]

Réponse 11 dimanche 28 juillet 2013, 16:54:30

La princesse, celle qu'on disait qu'elle était une amie d'enfance de Touahya, même si la pauvre petite amnésique ne se souvenait absolument pas de l'avoir connue avant la veille, avant qu'elle ne la libére des mains des esclavagistes, vint relever sa jeune élève... celle-ci avait fermés les yeux et avait pris un air craintif, plus par habitude que par véritable peur, comme si elle craignait de se faire battre parce qu'elle avait échouée... c'était ce qui lui arrivait souvent, durant l'époque de son dressage, parce qu'elle n'arrivait pas à faire quelque-chose que ses maîtres souhaitaient qu'elle réussisse, ou alors que la jouissance ne venait pas assez vite à leur goût. Lorsqu'elle réussissait, lorsqu'elle se montrait gentille et soumise, elle avait droit à une récompense... mais si elle échouait, alors elle était sévèrement puni, car les vendeurs disaient qu'ils ne voulaient pas perdre de temps dans le dressage pour pouvoir la vendre le plus rapidement possible et ramasser un max d'oseilles. Mais la princesse tengu, malgré ses airs parfois sévère et la honte que lui avait faite ressentir l'ancienne Pipa, se montra plus douce et plus patiente envers elle... visiblement, elle commençait à comprendre le calvaire qu'elle avait due traverser.

Touahya se laissa relever sans en dire d'avantage sur son incompétence en temps que femme-harpie, et laissa Ukiyoe remettre ses habits en place, ses habits que ça mère lui avait confectionné et lui avait offert ce matin... en réalité, Edolie, étant incapable de dormir, attristée d'entendre les gémissements de sa fille durant son sommeil et ayant de trop de pensées qui lui traversaient la tête, avait passé la nuit à les confectionnés pour elle. Avant que sa fille ne soit enlevé et qu'elle devienne la tengu désespérée que tout-le-monde connaissait, elle était une couturière reconnue, dans leur village... son retour semblait lui avoir redonné le cœur au travail. Leur famille étaient tous des créateurs, lui d'armes, elle de vêtement, et leur fille avait autrefois taillé le bois... il ne restait plus qu'à espérait que cela lui reviendrait, un jour. Une fois remise sur ses serres, la jeune fille aux cheveux blonds et aux plumes roses assista à la démonstration et aux explications de la princesse.

L'ancienne-elle se serait outragée de voir la princesse traiter de pauvres petites bêtes comme elle venait de le faire... il fallait dire que si Touahya avait été loin d'être une Blanche-Neige, elle-aussi, en revanche elle avait toujours aimée les animaux, et avait même toujours été douée pour obtenir la confiance de ceux-ci, afin qu'ils posent pour l'une de ces créations. Aujourd'hui, cependant, elle ne fit que regarder avec curiosité ce que faisait Ukiyoe, sans rien dire, et sans montrer la moindre émotion... une preuve de plus qui montrait à quel point elle avait changée. Elle ne fit que faire un très léger sourire lorsqu'elle se mit à rire... et ce ne fut que par politesse, car elle ne comprenait pas ce qu'il y avait de drôle, dans tout-ça. Et encore une fois, les explications que lui donnèrent la princesse furent... déroutantes, pour l'ancienne esclave.

Il fallait qu'elle ait l'envie de voler, mais elle n'en avait encore jamais ressentit le besoin, elle venait seulement d'apprendre qu'elle en était capable... il fallait encore qu'elle trouve ce qu'il y avait de merveilleux dans le fait de voler. Et elle ne devait pas attendre d'ordre... pourtant, les ordres étaient ce qui avaient guidée sa vie durant ces trois dernières années. Elle avait un corps de tengu, mais l'esprit d'un animal, et un animal bien dressé se faisant abandonner, n'ayant plus personne pour le guider, était un animal perdu... c'était aussi peut-être la raison pour laquelle elle ne pouvait pas entendre les pensées de la princesse : parce qu'elle n'avait pas un esprit de tengu. Touahya eut du mal à ne pas baisser timidement la tête lorsque Ukiyoe eut terminée sa démonstration et qu'elle lui eut demandé si elle avait compris...


-Oui, je... je pense. Dit-elle timidement. Mais c'est si compliqué... tout-cela est si... différent de tout ce que je connais.

Touahya craignait tant de choses... elle craignait d'échouer, d'être abandonnée, et de mourir. Elle craignait de plonger la princesse, qui comptait sur elle, dans la honte. Elle craignait de décevoir ses parents... ses parents. Elle éprouvait pour eux un étrange sentiment, pour sa mère, pour son père... elle ne les connaissait seulement depuis hier, mais pourtant, leurs gestes envers elle, leurs paroles, l'avaient touchées... était-cela que l'on appelait "l'amour" ? Ressentait-elle un réel amour pour ces personnes, un amour bien différent que celui que l'esclave qu'elle était avait été obligé de porter à ses maîtres ? Elle craignait de les décevoir... et elle craignait de devoir les quitter. Elle leva alors le visage vers la princesse... son expression de visage n'avait pas changé, elle était toujours craintive, voir soumise... mais quelque-chose avait changé dans ses yeux. Vides et gris au début, ils étaient maintenant illuminés par une sorte de lueur... c'était un début de détermination.

-Je... je veux réessayer, et je veux y arriver... pour mes parents, et pour vous.

Alors, avec des gestes encore lents et craintifs, elle remonta, et reprit sa position initiale. Elle resta un instant perché là, les plumes contre le corps, se remémorant ce que lui avait montrée Ukiyoe... puis elle se rendit compte d'une chose :

-C'est comme une danse, marmonna-t-elle. Je dois bouger au bon moment, tout n'est qu'une question de coordination... je sais danser. Si je coordonne mes mouvements comme à travers mes danses, alors, je devrais y arriver, n'est-ce pas ?

Oui, maintenant qu'elle y réfléchissait, les danses qu'on lui avait appris ressemblaient parfois aux mouvements des ailes des oiseaux qu'elle avait vu... ses maîtres avaient voulus mettre en-avant ce côté exotique, chez-elle, sans pour autant lui apprendre à voler. Elle mit sa théorie en pratique, sauta... et encore une fois, échoua lamentablement, tombant le nez dans la poussière. Mais il y avait du mieux que la dernière fois dans le sens où cette fois-ci, elle avait bougée, elle avait essayée de voler, elle avait battu des ailes... il ne lui manquait plus qu'à réessayer et à affiner sa technique. Alors elle réessaya, encore et encore, sous les conseils et les encouragements de son amie. Petits à petits, son vol se confirma... elle tombait toujours, mais réussissait à aller plus loin. Au bout d'un moment, des tengus se rassemblèrent autour d'eux pour assister à ses tentatives... beaucoup se moquaient d'elle à chaque échec, mais elle arrivait à les ignorer. Et enfin, elle arriva à quelque-chose...

En battant des ailes, elle arriva à monter... un mètre... deux mètres au-dessus du rocher... mais elle ne put pas aller plus haut et retomba... cependant, elle ne s'écrasa pas : gardant les ailes tendus, elle plana vers le sol et se posa sur ses serres, de façon un peu maladroite, mais elle réussit à tenir debout. Et elle resta un instant immobile, les épaules tremblantes, le temps de reprendre son souffle... l'entraînement l'avait épuisée, et elle n'avait jamais eue autant mal aux ailes. Les heures étaient passées, et le soleil comme la chaleur était monté... il n'était pas loin de midi.

Ukiyoe

Créature

Re : L'envol [Pipa]

Réponse 12 vendredi 16 août 2013, 00:15:13

La Princesse avait prit ça pour le reflet du soleil. Mais ce fut une théorie bien vite écartée : cette lueur sans précédent, du moins depuis sa disparition... Touahya revenait, peu à peu, reprenait le contrôle.

-Je... je veux réessayer, et je veux y arriver...
pour mes parents, et pour vous.

Cette simple phrase toucha la brune, qui couva sa compagne d'un regard affectueux. Cette loyauté soudaine, plus sincère que n'importe laquelle qu'aurait pu manifester n'importe qui dans ce village... était touchante, c'était le mot.

« Mais avant tout pour toi, Touahya. Pour te refaire une place, dans ce village. »

Une tâche certes peu aisée, bien que pour la Princesse et pour les parents de l'ancienne Pipa, cette place soit déjà acquise. Mais il fallait changer l'avis d'une population à la tête dure, et c'était malheureusement le plus important, pour l'instant. Ukiyoe regarda son amie remonter sur le rocher, secouer ses plumes, se faire sa propre visualisation :

-C'est comme une danse, marmonna-t-elle. Je dois bouger au bon moment, tout n'est qu'une question de coordination... je sais danser. Si je coordonne mes mouvements comme à travers mes danses, alors, je devrais y arriver, n'est-ce pas ?
« Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle, répondit la tengu en croisant les bras, mais c'est à peu prés ça, oui. Les pirouettes que nous faisons dans le ciel sont des danses, dans un sens... »

Bien sûr, elle n'allait pas lui demander d'en faire autant, pour l'instant. Mais l'idée était là, Touahya saisissait le concept à sa manière, et vu les progrès qu'elle fit ensuite, c'était une bonne façon de voir les choses. Ukiyoe ne s'offusqua pas en la voyant piquer vers la terre. Elle s'approcha pour la relever, et répéta le geste autant de fois que nécessaire.

A force, les tremblements que provoquait Touahya en tombant attiraient quelques-uns de leur semblables, qui se regroupaient et chuchotaient entre leurs ailes. Ukiyoe les remarqua, et s'empressa de conseiller son élève :


« Surtout, ne fais pas attention à eux. Ils sont assez lunatiques, mais tant que je serais là, ils ne te feront rien. »

En s'éloignant pour laisser de la place à Touahya pour le décollage, Ukiyoe se souvint d'une chose.
Cette phrase, elle l'avait déjà dite à la blonde, il y a bien des années de cela...


***

« J'vais l'dire à mon père ! »

Il suffisait que la petite Princesse lance cette phrase, pour que s'enfuissent les enfants qui embêtaient son amie : sous la menace de la colère de Sôjôbô, ils se dispersaient tous comme une volée de moineaux. Mais ils finissaient par revenir. Toujours. Ils aimaient trop s'en prendre à Touahya, pour des raisons qu'Ukiyoe comprenait très bien, malgré son jeune âge.
Touahya, c'était celle qui ne savait manier bien ses ailes que depuis très peu. Qui préférait garder les serres sur terre plutôt que de les laisser pendre dans l'air. Qui se complaisait à marcher pour aller chercher les bouts de bois qu'elle aimait tant sculpter, et pour cause : son vrai talent, c'était celui-là. C'était une véritable artiste.

Ukiyoe ne se souvint jamais dans quelles circonstances elles étaient devenues amies. Tant d'oppositions face à face provoquait pourtant une complémentarité, une sorte de symbiose. La Princesse donnait cette énergie et cette confiance à la tengu blonde qui lui manquait tant pour s'envoler vraiment, et celle-ci en échange avait un effet tempérant sur le caractère flamboyant de sa compagne brune.

Elle se fit un devoir de protéger Touahya, jusqu'à ce que celle-ci soit assez forte pour se débrouiller toute seule. Cela dura des mois, puis des années, avant de finir un jour par s'estomper. L'adolescente que devenait Ukiyoe subissait les pires entraînements, les plus troublantes méditations. Elle s'éloignait peu à peu du village, laissant son amie seule face à des vautours que l'âge n'avait pas adouci.

Et puis, il y avait eu ce parcours du combattant que la Princesse avait dû parcourir d'un seul trait...



***

Une pierre surgit sur le plateau, manquant de toucher Touahya à l'épaule. Heureusement que celle-ci s'était déjà un peu élevée du sol. Elle ne l'avait pas vu, mais sa compagne qui l'observait voyait tout, elle.

La brune se releva de son rocher pour se retourner, suivant la trajectoire du caillou. Il provenait d'un buisson d'où deux tengu mâles sortirent en ricanant. En l'apercevant, ils arrêtèrent de sourire, et lancèrent un regard glacial à leur supérieure à la place, qui le leur rendit bien.
...Dans un sens, il était si facile de les comprendre : regarder une tengu se débattre ainsi avec ses ailes... c'était douloureux, rien qu'à regarder. Ça lui faisait mal au cœur. Mais ça lui avait déjà fait mal au cœur il y a des années, quand elle apprenait des pirouettes à une petite tête blonde qui était encore sûre de s'appeler Touahya. Et si elle l'avait supporté une fois, elle les supporterait deux. Elle et Touahya étaient plus forte que ces deux imbéciles couverts de feuilles.

Détournant le regard d'eux, Ukiyoe ouvrit grand les yeux, en voyant son amie retomber, mais réussir à se tenir debout. Oubliant complètement ses compagnons face à ce progrès, elle cria à Touahya en brandissant les poings :


« Oui, tu tiens le fil ! Vas-y... plus haut, plus haut ! Tu vas y arriver ! »

てんぐ の 姫

Fiche et Coin du Chalant


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