*Seule la bise venait troubler ce moment, se mêlant à la chevelure flamboyante de notre jolie demoiselle qui restait statique, la main plongée dans celle du Père Yves. Elle n’arrivait plus à décrire ce qu’elle ressentait en cet instant, sur cette route si singulière. Troublée par tous ce qu’elle découvrait, Adelyn ne savait plus où mettre de la tête, ses pensées tumultueuses la freinant d’avantage dans la compréhension de cette situation.
Ce pouvait-il qu’elle se soit retrouvée dans un autre monde sans s’en rendre compte… ? Sottise ! Cela ne se pouvait pas ! Mais alors, comment expliquer toutes ces différences, comment expliquer qu’il ne connaisse pas Nexus, qu’il ne connaisse rien de ce qu’elle désignait et que cela soit réciproque ? Partout où elle avait pu aller depuis sa fugue, la belle n’avait jamais rencontré des choses aussi surprenantes, aussi différentes. Peut-être qu’elle rêvait ? Oui… Ca ne pouvait être que ça ! Un songe bien étrange qui la transportait dans un monde dénudé de sens. Un Dieu unique, un homme à la bonté irréprochable, ne demandant rien en retour de sa charité, des appareils extrêmement sophistiqués, des routes macadamisées… Tout cela ne pouvait pas être réel.
Mais alors, comment se fait-il que cette paume enlacée dans la sienne semble si chaude, si matérielle… La jeune femme désirait vraiment que tous cela soit vrai mais c’était tellement insolite ! Était-ce bien raisonnable que de désirer rester plus longtemps dans un univers imaginaires ? Et ce bon Père qui l’observait tendrement, l’invitant à se reposer chez lui… N’était-il que le fruit de ses élucubrations ? Pourvu qu’elle ne se réveil pas dans ce cas… Pas maintenant.
Notre protagoniste soupira délicatement, confuse par toutes ces grotesques idées puis, tourna son regard bleuté vers son partenaire, l’observant avec une douceur sans pareil.*
" Merci de me proposer l’hospitalité avec tant de grâce. Il en va de soi que ça ne me dérange guère de priser votre lit mais à la nuit tombée, je vous la rendrais. Je vous le promets mon Père ! J..Je ne me permettrais aucunement de vous créer plus de désagréments ! "*A cet instant, sans trop comprendre pourquoi ni comment, notre délicieuse angélique se mit à rougir, s’imaginant l’espace d’une seconde d’occuper le lit de cet individu, d’humer son parfum, de s’allonger dans les draps qu’il utilise, partager son intimité… Ce n’était pas une chose qu’elle faisait fréquemment, la pudeur l’emportant souvent ! Ce n’était non plus digne d’une comtesse et, bien malgré elle, son éducation restait imprégnée en son être. N’y avait-il que pour elle qu’une telle situation gênait ?
Quoiqu’en fut la suite, les deux personnages se mirent en chemin pour Seikusu, s’effaçant de la route qui semblait tout de même dangereuse après l’arrivée de ce drôle d’engins ! Notre douce enfant ne lâchait pas la main bienveillante du prêtre, le suivant avec une légère anxiété.
Que se passerait-il à Seikusu ? Que lui réservait comme mystère cette ville ? Elle n’arrivait pas à se faire une image de ce lieu, s’attendant au meilleur comme au pire. Mais… Au moins elle était avec une personne qui semblait vraiment vouloir l’aider.
Adelyn voulait y croire. Ce monde devait bien avoir des gens tel que cet homme pour tourner encore correctement ! Elle décidait de le suivre car elle sentait qu’elle pouvait lui faire confiance… Comment ? Son intuition, uniquement.
Ils longèrent la route puis, à un croisement, un petit sentier se dessina, un chemin typique japonais, fleuris et aux pavés qui menait vers la ville.*
" C’est vraiment jolie ! J…Je n’ai jamais vu ce genre d’architecture dans les endroits que j’ai visité. C..C’est vraiment mignon ! "*Elle se mit à sourire, s’approchant des fleurs avec une certaine curiosité… E..Elle n’avait jamais vu de telles fleurs. Elles étaient banales, certes, mais leur fragilité ému quelque peu la jolie demoiselle qui resta un instant devant ces simples plantes.
Mais soudain, une voix aigüe s’éleva, l’interrompant dans sa petite rêverie.
Immédiatement, la jeune femme se tourna vers la source sonore puis, vit avec étonnement une
petite fille blonde qui devait être âgée de 6-7 ans, se précipiter vers eux, plus précisément chez le curé ! Elle avait un visage tout rond, légèrement bouffie même, avec des yeux noisette qui avaient pris une teinte rouge, des larmes longeant ses petites joues pleines.*
" Père-YYyyyyvs ! Akio ne veut pas me rendre mikitaaaa ! Bouhouuuu ! "*Elle se jeta dans les jambes de l’ecclésiaste, montrant du doigt un de ses camarades qui tenait en main une peluche en forme de grenouille. La mignonnette tirait sur sa soutane, gesticulant et pleurnichant inlassablement.
C’était une enfant d’origine européenne dont les parents chrétiens allaient souvent à la messe, elle connaissait donc bien le curé qui était en quelque sorte un modèle de vertu pour sa petite personne ainsi que celle de ses prédécesseurs. Elle était véritablement adorable et ne semblait même pas avoir remarqué la présence de notre jolie Adelyn, tant elle voulait reprendre sa poupée.*
" C’est un méchaaant ! NAH ! Je le déteste, je le déteste, je le détesteeeeeuh ! Vous allez le punir, hein mon Père !? "*C’était une vraie pile électrique, ses émotions balançant entre le chagrin et la colère ! Notre jeune comtesse trouvait ce spectacle adorable et ne put s’empêcher de penser qu’il était étrange que cette gamine plonge ainsi dans les bras de son compagnon. E. Etait-il si connu ? Elle ne comprenait pas trop…
Mais alors qu’elle se lançait dans une réflexion hasardeuse, la voix enfantine de la petite la ramena à la réalité, voyant ses deux perles brunes l’observer, intrigués par sa présence. Elle était scotchée aux jambes du prêtre, un rien trop attachante peut-être.*
" C’est qui elle ? P…Pourquoi vous lui donnez la main…. ? En tout cas, elle a une drôle de robe ! Elle est toute déchirée ! "*Avant même de laisser le temps à ce très cher curé de répondre, telle une fusée, la blondinette se mit sur la pointe des pieds et fixa notre jolie rouquine qui ne savait pas trop quoi répondre ! Adelyn n’avait guère l’habitude de parler aux enfants et cette petite était surexcitée ! Mais celle-ci ne semblait pas avoir fini avec son flot de paroles et d’une voix enthousiaste, elle s’exclama…*
" JE SAIS ! C’EST VOTRE NAMOUREUUuuuuse ! M…Mais je pensais que vous ne pouviez pas z’en avoir ! C..C’est Mikan qui me l’a dit d’abord! Même qu’elle semblait triste… Vous savez, ma sœur parle beaucoup beaucouuup de vous ! Même qu’elle voulait vous parlez ce soir, à la sacristie ! Pourquoi ce soir en fait mon Père ? Vous l’aidez à faire ses devoirs ? C’est ce qu’elle dit mais c’est bizarre, nah ? "*Elle venait de faire un vrai monologue, laissant Adelyn et surement notre bon prêtre un peu dépourvus…
Un peu mise à mal par cette enfant exubérante, notre protagoniste tenta d’en savoir un peu plus sur elle. S’accroupissant pour se retrouver à sa hauteur, la candide demoiselle s’adressa directement à cette boule d’énergie.*
" N..Non, je… Je ne suis pas son amoureuse ! Père-Yves doit rester célibataire pour sa profession… T..Tu comprends ? N..Nous venons juste de nous rencontrer. Mais dis-moi ma jolie, comment te nommes-tu ? "*La blondinette se mit à rougir en entendant le compliment ! Mais cela ne l’empêcha pas de répondre à la question de notre comtesse.*
" Moi c’est Emiko ! Et vous, vous vous appelez comment mademoiselle ? "" Adelyn… Enchantée."" C’est bizarre… "*La petite fille fit une étrange grimace puis, en voyant l’expression décomposée de notre pauvre vagabonde, se mit à rire joyeusement !*
" Mais c’est pas grave ! C’est zoli tout de même ! Vous devriez vous changer mademoiselle Adelyn, on dirait une sauvage ! En plus, je n’ai jamais vu de robe comme ça sauf à la télévision ! Vous l’avez trouvé où ?!"" À la quoi… ? Ah euuh… Oui oui, la télévision ! Ben c'est là-bas que je l’ai trouvé ! Voilà ! "" Hein ? "*Après l’air interloquée de la dénommée Emiko, notre candide rousse compris qu’apparemment, la télévision n’était pas un endroit. En s’apercevant de sa gaucherie, elle se mit à rougir nerveusement, ne voulant pas se retrouver plus bête qu’elle ne l’était déjà !*
" Vous êtes vraiment bizarre… Je ne comprends pas pourquoi Père-Yves vous prend comme namoureuse ! En plus, ma sœur est plus belle NAH ! "" M..Mais je ne suis pas sa… "" MON PÈREUUUUUuuuh ! Je veuuux mikitaaaa ! "*Sans écouter d’avantage Adelyn, la blondinette reprit ses esprits et redemanda sa peluche. La belle enfant n’espérait qu’une chose, c’est que toutes les personnes vivantes à Seikusu ne soient pas aussi… Dynamiques. Mais sa robe gênait-elle tellement ? P…Peut-être faudrait-il en acheter une autre… ?*