La petite servante courait si vite que de grosses gouttes de sueur étaient venus orner sa peau noire. Ça durait depuis un peu plus d'une heure, depuis que cet étrange coursier s'était arrêté devant les portes du palais pour donner un paquet qui devait selon lui être remis à la Reine de toute urgence. En insistant bien sur le mot "urgence". C'est ainsi que cette esclave fraîchement arrivé au royaume avait été chargé d'une tâche de la plus haute importance.
En théorie. Parce que vous vous doutez bien qu'en réalité, urgence il n'y avait pas.
Enfin, ça dépendait des points de vue...
On n'était pas forcément très compétente lorsque l'on commençait son service, et la jeune femme s'arrêta un instant pour se rafraîchir à une fenêtre ouverte. La missive fut posé par terre, près de ses pieds, et à peine eut-elle passé sa tête dehors que la boîte commençait à bouger. Mais pas doucement, comme la boîte de Snake le borgne, non non... plutôt comme une boîte dans laquelle on aurait enfermé quelque chose de nerveux, de bruyant et... d'assez inquiétant.
L'esclave savait déjà ce que ce paquet contenait ; lorsque les gardes en avaient vérifié le contenu, ils n'avaient rien trouvé d'autres qu'un assortiment de jouets. Un cadeau pour Sa Majesté, rien de dangereux, en somme. (haha...)
Aussi, en voyant la plus grande des poupées sortir sa main de la boîte en bois pour se redresser et s'étirer d'un air triomphant, accompagné d'autres mouvements au fond du paquet, la maid eut une réaction assez réaliste.
Elle hurla avant de prendre ses jambes à son cou, persuadé qu'il s'agissait de démons ou de vaudous prêts à lui sauter dessus pour la dévorer.
La plupart des jouets dans le paquet n'ayant pas de dents, s'aurait été difficile. Mais soit.
Une dizaine de soldats de plombs regardèrent autour d'eux en se grattant la tête du bout de leurs fusils.
"Générale, je crois que notre cible n'a pas été exactement atteinte..."
"Mais si, mais si ! On y est !" s'exclama la poupée blonde en sortant de la boîte.
Ses ailes de papier se mirent à trembloter avant d'être suffisamment rapides pour lui permettre de s'envoler.
"Bon, vous attendez quoi pour sortir de là, de fondre ?"
"Mais ce Palais a l'air immense, ma Générale... et la chambre de la Reine peut être à des kilomètres d'ici..."
"Mais de quoi tu me parles, là ? On y est, dans sa chambre ! La Reine est super riche, elle doit se balader partout, donc elle a une chambre beaucoup plus grande que celles des enfants normaux ! "
"Mais-"
"Chut !"
Les deux billes vertes qui lui servaient d'yeux montèrent vers le ciel et roulèrent, alors qu'elle mettait ses mains sur ses hanches et lâchait un sonore et culotté "Desfois je me demande ce que vous feriez sans moi, hein..."
"Et vous me sortez le gros patapouf aussi, on a besoin de lui pour la prochaine étape !"
Il fallut plusieurs minutes pour que les petits soldats réussissent à convaincre Jumbo, l'éléphant en peluche, de sortir de sa cachette. Une fois cela fait, la blondinette s'installa dessus, en amazone, l'écrasant un peu de son poids vu que la cire était plus lourde que le coton. Mais Jumbo était super rapide ; il serait parfait pour la suite de son plan.
Quel plan, me direz-vous ? Un truc génial, fantastique, sans points faibles (vu qu'il était sorti de son cerveau à ELLE) ; prendre le contrôle du Palais, de la ville, à la place de Madame la Reine qui allait bien se faire embobiner par une adorable créature telle que la poupée de cire.
Le point culminant de ce plan machiavélique et sans failles (kof kof) était de prendre sa Majesté en otage afin de pouvoir mettre la main sur le Royaume ! Elle avait vu cela à la télévision, du temps des petits-déjeuners sur Terre, où un gros moustachu à lunettes réussissait à conquérir le monde grâce à ses sbires étranges (un singe avec une ampoule scotché sur la tête, ou un poulet hystérique accompagné d'un mixeur avec des sourcils, quand même...) et ses inventions sur fond de rire diabolique.
Malheureusement, la mère de la famille avait éteint la télé avant la fin de l'émission. Ce qui signifiait donc que Shanghai n'avait jamais vu la fin, et donc ne savait pas que le principe d'un dessin animé, c'est que les vilains s'en prennent plein la poire face aux gentils.
Mais bon, elle avait des sbires, elle avait des, heu... ailes, donc tout allait se dérouler pour le mieux !
La poupée claqua une main sur le derrière de l'éléphant, et Jumbo s'élança dans un barrissement qui donnait l'impression d'être étouffé par un coussin.
Les soldats regardèrent leurs commandante s'éloigner dans le couloir au parquet ciré avant de lui crier :
"Et nous ?"
"Vous sécurisez le périmètre !!!"
La générale disparut, et les têtes de plomb observèrent les soixante portes et les cent-quarantes fenêtres autour de leurs dix centimètres de taille.
"... Ha."